Adapté d'une bande dessinée de Camille Jourdy, "Rosalie Blum" conserve son architecture en trois parties distinctes, les trois points de vue des personnages principaux. Honneur à Vincent Machot (Kyan Khojandi), coiffeur de son état dans une petite ville de province (le film a été tourné à Nevers). Il se partage entre son travail, son chat, sa fiancée partie en stage à Paris et sa mère, installée dans l'appartement au-dessus du sien. À plus de 30 ans, il s'ennuie horriblement.
Un dimanche, obligé d'assouvir un nouveau caprice de sa mère (Anémone), il part acheter du crabe en boîte. Il en trouve dans une épicerie excentrée, tenue par une femme (Noémie Lvovsky) dont le visage dit quelque chose à Vincent. Tant et si bien qu'il décide de l'espionner, pour découvrir d'où il la connaît. Maladroit, il se transforme en suiveur-voyeur, l'accompagnant à la chorale, trouvant sa maison, fouillant ses poubelles et la regardant boire plus que de raison dans un club. Jusqu'à une nuit au cours de laquelle il abandonne, terrorisé par cette Rosalie Blum très mystérieuse.
Aude, suiveuse du suiveur
Second acte, Aude (Alice Isaaz), jeune chômeuse, se présente en championne du "moins j'en fais mieux je me porte". Elle vie en colocation avec un artiste de rue (Philippe Rebbot) et traîne avec ses deux amies de toujours (Sara Giraudeau et Camille Rutherford). Le trio sera le moteur comique du film, avec une mention spéciale à Sara Giraudeau, extraordinaire de drôlerie dans le rôle de cette ado attardée qui aime se faire peur, au point de se faire pipi dessus... Aude est la nièce de Rosalie Blum, cette dernière l'embauche pour espionner à son tour cet étrange coiffeur peu discret dans ses filatures.Le suiveur suivi, la suiveuse séduite par le suivi-suiveur : un triangle amoureux se met doucement en place, au grand bonheur de Rosalie, triste et solitaire mais qui voit d'un bon œil cet embryon de romance entre ces deux jeunes paumés. Le film bascule alors dans une grande loufoquerie, où les quiproquos se succèdent, les routes se croisent, se télescopent.
Une belle histoire, à la fin certes prévisible mais qui fait tant de bien en ces temps difficiles et trop moroses.
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Noémie Lvovsky : femme étonnante et mère émouvante
Dans le rôle de Rosalie Blum, Noémie Lvovsky signe une performance toute en nuances. Cette femme solitaire, que l'on devine blessée par la vie, n'est qu'une silhouette dans la ville. Elle ne demande rien à personne, semble vouloir se faire oublier. Dans la première partie du film, Noémie Lvovsky n'a quasiment pas de texte. Elle déambule comme absente dans cette ville de province terne. Mais il faut aussi qu'elle apporte cette lueur de mystère qui accroche le regard de Vincent et du spectateur. Sobre et exemplaire, l'actrice, plus habituée aux rôles comiques, s'impose avec brio dans un exercice délicat.
Par la suite, tout en conservant cette gravité de mère courage au parcours heurté, elle redevient petite fille en manipulant Vincent et Aude. Son sourire, son regard espiègle sont un régal. Excellente actrice, Noémie Lvovsky a pourtant débuté dans le milieu par l'écriture de scénarios, puis la réalisation de films ("Camille redouble", notamment). Elle est passée de l'autre côté de la caméra dans des petits rôles, crevant l'écran dans le rôle de Vincent Lacoste dans "Les beaux gosses" de Riad Sattouf.
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