Lâchez trois petits dieux sur une planète déserte, mettez-les au travail et vous obtenez un roman de science-fiction foisonnant signé Serge Brussolo, un maître du genre.
Sans limite. Les romans de Serge Brussolo, notamment de science-fiction semblent totalement sans limite. Son imagination féconde ne cesse d'élaborer mondes, peuples, planètes, sociétés et même religions. Il s'était fait un peu rare dans son domaine de prédilection pour explorer d'autres genres comme le roman historique ou le fantastique pour adolescentes (Peggy Sue). Il marque son retour dans une collection de référence : Folio SF. En plus de la réédition de ses œuvres majeures parues en « Présence du futur », il propose des romans inédits. « Frontière barbare » en 2013 et la suite cette année, « Anges de fer, Paradis d'acier ». La religion est au centre de ce roman un peu déroutant au début, mais très cohérent dès que les personnages principaux arrivent sur la planète Almoha.
David Sarella, exovétérinaire, est toujours au service du pape Nothanos III. La religion dominante a du plomb dans l'aile. Les révolutionnaires et dissidents mènent une guerre sans merci. Replié dans une forteresse craquelante, David est chargé d'alimenter les défenses aériennes en munitions. Cela donne une ouverture digne de meilleures attaques aériennes.
Le héros, vieillard dans un corps jeune, ne se console pas de la perte de sa femme. Il a tout fait pour la faire revenir à la vie. En vain. Sa situation change quand le pape (un clone du précédent) l'envoie dans un pénitencier délivrer trois détenus. Pas n'importe qui. Ce sont trois Dieux, neutralisés depuis des siècles, mais qui pourraient de nouveau être utile en cette période trouble de guerre de religion. Le roman prend alors toute son ampleur.
Un monde à créer
Une fois sa mission évasion terminée, David, accompagné de sa fille, une redoutable guerrière, vogue vers la planète Almoha. Une boule sans la moindre vie. Mais c'est là que les dieux pourront être utiles. Ils auront une semaine pour rendre Almoha fertile et vivable. Sept jours pour fabriquer un paradis destiné à accueillir les religieux persécutés sur terre. Dans le trio, David apprécie particulièrement Anatalia : « une adolescente aux cheveux roux, à la peau très blanche. Sa beauté surannée évoquait les portraits féminins de l'époque victorienne. » Ces jeunes Dieux, aux pouvoirs immenses, semblent étonnés de leur mission. Mais ils acceptent de se mettre au service du pape (un paradoxe complet).
Comme ils ont carte blanche, les trois mondes qu'ils créent chacun de leur côté est assez déroutante. Anatalia a une vision très enfantine du paradis habité par des moutons, « grosses pelotes d'une laine dont les couleurs changeaient toutes les deux minutes. Ils ne bêlaient pas produisaient à intervalles réguliers, une sonnerie téléphonique des plus incongrues. » Et tout le reste est à l'avenant, entre loufoquerie et délire cauchemardesque. Car il y a aussi quelques animaux nuisibles dans cette jeune planète comme des lions méduses ou des moustiques dont la piqûre provoque l'explosion du corps. Rapidement hors de contrôle, les dieux n'en font qu'à leur tête et réclament des sacrifices humains. Comme si le sang frais servait d'engrais à la terre depuis peu féconde de la planète.
Sous couvert d'aventures spatiales, Serge Brussolo signe une réflexion sur les dérives des religions. Entre dieux virtuels et réels, les exigences sont parfois contradictoires. Mais le clergé restera toujours le grand gagnant de l'abrutissement des masses. Même quand le grand subterfuge (la véritable grande originalité du roman) est découvert par David. Une histoire sans temps mort, avec quantité de rebondissements comme cet extraordinaire conteur sait si bien truffer ses textes jamais insipides.
« Anges de fer, paradis d'acier » de Serge Brussolo, Folio SF, 8 €
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