Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Le tout publié dans l'Indépendant du Midi sous la signature de Michel Litout.
Quand Barack Obama ne sera plus président des États-Unis, se posera la question de sa reconversion. Il pourrait, comme Blair ou Sarkozy, courir les conférences privées rémunératrices. Franchement, ce serait dommage car il a un talent incontestable pour la comédie. La preuve le week-end dernier quand il donne un véritable show au traditionnel dîner de l'association des correspondants de la Maison Blanche. La coutume veut que le président y prenne la parole dans un discours plein d'autodérision. Il a placé la barre très haut cette année en s'adjoignant la complicité du comédien Keegan-Michael Key, en "traducteur colérique" d'Obama.
Calme et imperturbable, le président débite de jolies phrases politiquement correctes. Derrière lui, son traducteur, yeux exorbités, grimaçant, exprime en hurlements son réel ressenti. "C'est quoi ce dîner ? Et pourquoi je suis obligé d'y aller ?" Tout y passe, de la presse aux Républicains sans oublier Hillary Clinton, future candidate démocrate saluée par un tonitruant ""Khaleesi is coming to Westeros !" ("La Khaleesi arrive à Westeros !") en référence à la série très sexe et violence "Game of Thrones". Obama reste d'un calme imperturbable, mais petit à petit hausse le ton, pour lui aussi se mettre dans une colère homérique. Affolé, Keegan-Michael Key lui rappelle alors son rang et le remet sur les rails. Écrit au millimètre, joué à la perfection, ce sketch devrait rester dans les annales. Et être montré à tous les élus de la planète : faire rire volontairement n'est pas rédhibitoire ni incompatible avec l'exercice du pouvoir.
La Californie à la fin des années 50. Paul, fermier, ancien soldat en Corée, se réveille avec une puissante gueule de bois. Incapable de se souvenir de ce qu'il a fait la veille. Le téléphone sonne. Son ami et ancien supérieur militaire, Bill, devenu procureur, lui annonce que sa femme Diane vient d'être retrouvée assassinée dans une chambre d'hôtel. Il lui demande de venir sur place pour identifier le corps. Cet album des Espagnols Koldo (scénario) et Unzueta (dessin) débute comme un polar. Puis il bascule dans le vaudeville car la belle Diane a quitté Paul pour vivre avec Bill. Un peu de social quand apparaît Callie, la fille de Paul et Diane, élevée par Bill. Finalement le tout bascule dans le fantastique avec l'intervention du fantôme de Diane qui tente de dire quelque chose à sa fille qui vient d'être confiée à son père biologique. Un récit rempli d'ellipses, où les apparences sont souvent trompeuses. On en oublierait presque le fil conducteur de l'histoire (prévue en deux tomes) : découvrir ce que faisait Diane dans cette chambre d'hôtel et surtout qui l'a assassinée ?
Simplement beau, « Le conte de la princesse Kaguya » est un dessin animé à l'ancienne
Un coupeur de bambou découvre dans le tronc d’un arbre lumineux une minuscule princesse qui tient dans ses mains. Il la ramène à la maison pour la montrer à sa femme. Instantanément la princesse se transforme en bébé rieur. Le couple décide d’élever cette fillette qui semble venue tout droit du soleil. Ce célèbre conte japonais est adapté pour la première fois sous forme d’un long-métrage. Isao Takahata est à la réalisation. Un retour plus de dix ans après « Mes voisins les Yamada ». D’une étonnante longueur (plus de deux heures), ce film bénéficie d’une technique particulière. Des couleurs chaudes, beaucoup d’aquarelle, des mouvements fluides : c’est du grand art. L’œil est sans cesse ébloui par la beauté des scènes.
La première partie se déroule à la campagne. Kaguya, qui n’a pas encore de nom, n’est qu’une fillette surnommée par ses camarades de jeu « Pousse de bambou ». Elle s’émerveille en découvrant les animaux (insectes compris), profite du soleil et de l’insouciant temps de l’enfance. Son problème : elle grandit beaucoup plus vite que tout le monde. En moins d’une année elle est devenue une charmante jeune fille. Ses parents adoptifs lui offrent une grande maison dans la capitale, de beaux habits et des cours de maintien. Elle sera princesse et promise à un beau mariage.
Cette opposition entre la liberté des gens simples et les contraintes des riches donne une bonne idée des rigidités de la civilisation japonaise. Mais il n’est pas facile de devenir une princesse quand on a connu les joies de l’insouciance.
S’il intéressera les jeunes, ce dessin animé est beaucoup plus une réflexion philosophique pour les adultes et leur volonté de « façonner » leur descendance. Mais au-delà du discours, il y a la forme. Takahata réalise sans doute son chef-d’œuvre. Le DVD offre quelques bonus comme les différentes bandes-annonces et les spots TV, mais rien sur la réalisation elle-même. Dommage, on aurait aimé savoir comment les animateurs sont parvenus à obtenir cette fluidité d’image tout en conservant un trait classique et lumineux.
« Le conte de la princesse Kaguya », Disney et Studio Ghibli, 17,99 euros le DVD, 22,99 euros le blu-ray
Une nouvelle saison de Koh-Lanta a débuté vendredi sur TF1. Vingt candidats français lâchés sur une île sauvage. Enfin sauvage... les conditions sont rudes, mais il ne faut pas exagérer. Koh-Lanta redeviendra peut-être intéressant quand les producteurs oseront parachuter les concurrents sur North Sentinel. Cet îlot de 72 km², à la végétation luxuriante, perdu au milieu du golfe du Bengale, dépend de l'Inde. Une tribu d'irréductibles y vit depuis des siècles. Leur nom : les Sentinelles. Ils interdisent à quiconque de s'approcher des côtes. En 2004, après le tsunami, un hélicoptère des secours survole North Sentinel. Rentre la carlingue criblée de flèches. 2006 : deux pêcheurs trouvent la mort, tués par ces farouches guerriers. Alors j'imagine parfaitement une édition de Koh-Lanta dans ce milieu véritablement hostile. Premier avantage, l'aventure a peu de chance de durer plus de dix jours. Avant de trouver l'eau, le feu ou le sac de riz, les aventuriers devront se confectionner un camp fortifié imprenable. Lorsqu'il sera question de stratégie, les combines à deux balles ne feront pas le poids. Trouver une parade à l'attaque massive de sauvages sans pitié deviendra la priorité. Pour filmer, mieux vaudra miser sur la solution go-pro et drones, au risque de voir l'équipe technique périr sous les assauts. Le téléspectateur avide d'action en aura pour son argent. Et la téléréalité pourra enfin supporter la comparaison avec son ancêtre : les jeux du cirque. Panem et circences, les Sentinelles ont tout compris.
Rarement une bande dessinée m'aura autant fait rire. Pourtant les dessins de « Drink a LOL » (Marabout) de Thom J. Tailor et Ookah sont basiques et les gags répétitifs. Mais le personnage principal, un psychologue de cocktail, se montre tellement odieux, méchant, misogyne et imbuvable qu'il en devient irrésistible. Chaque strip de trois cases se déroule au cours d'une réception. Le psy, un verre à la main, s'adresse souvent à une femme, robe verte, queue de cheval. Elle tente peut-être de le séduire. Ou de simplement partager un moment. Lui, fait tout pour casser l'ambiance. Cela donne des dialogues extrêmes. Elle : « J'apprécie ces moments où on peut rester sans rien se dire ». Lui : « Eh bien qu'est-ce que tu attends pour la fermer ? » Elle : « Personnellement, le 11 septembre 2001 j'ai été traumatisée ». Lui : « Pourquoi ? C'est le jour où tu t'es vue dans une glace ? ». Le penseur alcoolique est également l'auteur de quelques aphorismes à méditer longuement comme « Les gens sont cons quand ils boivent... et encore plus quand j'ai bu. » ou le définitif mais très réaliste « Partir de rien pour arriver nulle part ».
J'ai toujours été tenté par les concours de nourriture. Gros mangeur devant l'éternel, engloutir le maximum de mets semble le sport extrême par excellence inventé pour ma grassouillette personne. Un reste de bon sens m'a cependant empêché de franchir le pas. L'animation proposée actuellement dans un fast-food de Tahiti est taillée à la mesure de mon estomac. Au menu un cheeseburger de 1 kilo (cinq tranches de viande, trois de fromage...) accompagné de 400 grammes de frites. Si le client parvient à finir l'assiette en moins de 20 minutes, c'est la maison qui régale. Gros succès pour l'enseigne avec plusieurs centaines de réservations. Pas étonnant que ce défi se déroule en Polynésie française. Là-bas, manger gras et en grosse quantité est devenu la norme. Il y a 20 ans, quand j'ai débarqué dans ce territoire d'Outre-mer pour y travailler quelques années, j'avais la tête remplie de clichés : le lagon, les cocotiers et les vahine. Surtout les vahine, déesses gracieuses aux longs cheveux ornés de fleurs de tiare. La réalité était tout autre. Surtout les vahine. L'abus de hamburgers, de chips et de soda dans le biberon dès l'âge de six mois a légèrement distordu le tableau. De la grâce il en restait un peu, mais difficile de la distinguer derrière les couches de graisse. D'ailleurs la campagne de promotion du fast-food est vivement dénoncée par l'association locale des diététiciens "dans un contexte d'explosion de l'obésité et du diabète." Rassurons-nous, cela ne durera pas : le restaurant va vite mettre la clé sous la porte à force de nourrir à l'œil des centaines de Tahitiens.
Daniel Pennac ouvre sa boîte aux souvenirs. Gamin, il passait ses vacances d'été chez ses grands-parents dans l'arrière-pays niçois. C'est là qu'il a vécu sa première histoire d'amour. Il décide donc de la raconter à sa copine Florence Cestac pour qu'elle la dessine. L'album mélange véritables souvenirs et élaboration de l'album dans une brasserie parisienne. Un récit double qui amène encore plus de fantaisie à l'ensemble. Car Pennac n'est pas tombé amoureux d'une petite Provençale typique. Non, il a succombé au charme de Germaine et Jean Bozignac, couple improbable (il est grand et laid, elle est petite et rigolote) vivant dans un petit cabanon. Le garçonnet adore écouter ces vieilles personnes raconter comment elles se sont rencontrées, ont quitté leurs familles respectives pour se marier en cachette et ont survécu en revendant l'immense collection de livres de Jean, des éditions rares et originales. Une belle histoire, loufoque et étrange, qui devient encore plus fantaisiste sous la plume de Cestac. Elle aussi est séduite par Germaine et Jean. Au point qu'elle accepte, pour la première fois de sa carrière, d'abandonner son traditionnel nez rond en forme de pomme au four pour un tarin « en quart de brie », plus ressemblant à celui du véritable Jean. Bourré de poésie (et de grande littérature), cet album regonfle le moral du lecteur sensible aux vies bien remplies.
La BD (avec la littérature), peut tout se permettre en matière de scènes grandioses. Là où le cinéma doit dépenser des millions de dollars, un dessinateur inspiré se contente de quelques nuits d'insomnies. L'album « Le reste du monde » de Jean-Christophe Chauzy en est le parfait exemple. Cela commence comme un téléfilm de France 3. Une prof en vacances, abandonnée par son mari au début des vacances, conduit ses deux enfants de 10 et 8 ans, chez des voisins. Ils vont y passer la nuit en compagnie d'un ami un peu plus âgé. Elle va profiter de cette soirée pour remettre en ordre et nettoyer le chalet où ils viennent de séjourner un mois au grand air. Dans deux jours ils seront tous de retour à Paris pour la rentrée scolaire. Une fin d'été très chaude dans cette vallée des Pyrénées. Un orage éclate. Violent, effroyable. Des trombes d'eau, des éclairs et tout à coup un tremblement de terre. Un peu comme le « big one » attendu en Californie. En quelques pages, l'histoire change de registre. Terminé le cadre verdoyant et paisible, place au chaos et à la mort. Pour passer d'un univers à l'autre, le dessinateur va utiliser de grandes images, secouées dans tous les sens, de plus en plus sombres. La suite des 100 pages décrit la lente désagrégation de la société. La mère, après avoir difficilement récupéré ses gamins, constate que la vallée est coupée du monde. Les gendarmes et pompiers tentent de maintenir un semblant d'ordre, mais au bout d'une semaine, sans nouvelles de l'extérieur, la faim pousse les rescapés à s'entretuer. Telle une femelle cherchant à protéger sa portée, la prof va se transformer en redoutable guerrière qui doit choisir entre le rôle de chasseuse ou de proie. Un scénario implacable, une mise en images impeccable : le seul bémol consiste aux deux mots placés après la dernière page, (à suivre)...
Vanessa Blue est une vedette. De ces actrices au succès insolent, phénomène de mode irrationnel. La jeune femme a débuté dans une telé réalité. Son naturel a séduit le public. Un producteur a décidé de lui donner sa chance dans un feuilleton quotidien. Vanessa est adulée, mais bizarrement insatisfaite. Très inconstante dans ses amours, elle vient de flasher sur un écrivain à la mode. Une sorte de Houellebecq, moins destroy, plus intéressé. Il la persuade d'interpréter le rôle principal de sa future pièce de théâtre « intello ». Elle décide donc de se mettre en congé pour quelques mois de la série et part travailler son rôle dans une retraite paisible sur l'île de Belle-île en Mer. Ce roman graphique de Patrick Weber rend hommage à une île, mais aussi à la quête d'identité de Vanessa. Son choix de villégiature n'est pas innocent. C'est sur cette île qu'elle a vécu ses premières années. Mais sa mère a quitté ce bout de Bretagne quand le père de Vanessa s'est suicidé. Dessiné par Nicoby, le plus Breton des illustrateurs, ce roman graphique met également en parallèle la célébrité factice de notre époque à celle, mondiale et justifiée, de Sarah Bernhardt, la première a avoir popularisé la destination de Belle-île.
Ils sont tracassés les personnages de ces deux romans. Entre l'éleveur de porc, fétichiste de poupées et le jeune garçon attiré par les vieux messieurs, attendez-vous à d'étranges rencontres
L'amour prend parfois d'étranges chemins de traverses. Dans « La fourmi assassine » de Patrice Pluyette et « Votre serviteur » de Christian Combaz, il frappe dans des lieux inattendus. Et des personnages peu communs.
Legousse, éleveurs de porcs, ne demande pas grand chose à personne. Son plaisir c'est d'acquérir des poupées grandeur nature, aussi vraies que de véritables femmes. Il aime les sortir, leur faire faire du shopping et même aller au bar avec elles. Un véritable harem qui résout bien des problèmes dans la vie triste de cet homme solitaire. Legousse est au centre de l'intrigue d'un roman iconoclaste signé Patrice Pluyette. Sa passion des poupées le rend suspect au yeux de la majorité des gens « bien pensants ». Aussi, quand Odile Chassevent disparaît, il se retrouve logiquement dans la liste des suspects. Mais Odile a sans doute d'autres raisons de s'éclipser de la vie de son mari. Ce dernier le reconnaît, mais un peu tard : « On recrée en totalité le spectre de la femme perdue, la vie autour, elle et nous dans cette vie. Il mesurait son attachement à elle. Il était prêt à tout recommencer pour la faire revenir. Il reconnaissait ses erreurs. Il aurait dû lui parler plus souvent. Lui dire qu'il l'aimait. Se rendre disponible. Il pensait qu'elle ne partirait jamais et qu'il aurait assez de la vie pour s'améliorer. Maintenant c'était trop tard. C'est toujours trop tard pour bien faire dans la vie. » Oui, la vie est d'une grande complication, à tous les niveaux. Patrice Pluyette nous l'explique dans le détail en déroulant les vies de ces héros du quotidien. On se reconnaît (un peu) même si certaines attitudes nous semblent réellement extrêmes.
Mon amour de général
L'amour aussi est omniprésent dans le roman en partie autobiographique de Christian Combaz. « Votre serviteur » retrace la jeunesse d'un petit Français comme les autres. Enfin pas exactement puisque rapidement il se découvre des attirances sexuelles assez éloignées de la moyenne : seuls les vieux messieurs l'émoustillent. Invité chez un ami rencontré à khâgne, le narrateur, Simon, lui révèle « qu'il n'a aucun goût pour les jeunes filles. Puis, répondant à une question qu'on ne lui posait pas davantage, il ajouta que les jeunes hommes le laissaient indifférent aussi (…) Il fallait admettre qu'il était tombé dans une case négligée par les statistiques. Sa particularité ressemblait à ces cultes sectaires qui n'ont qu'un millier d'adeptes. »
Le provincial va s'installer à Paris, découvrir la haute bourgeoisie, devenir l'ami et le confident de quelques hommes influents pour finalement rencontrer l'amour de sa vie, un vieux général de l'armée de l'air. Etonnante histoire que la leur, l'ancien militaire et le petit journaliste, partant en vacances comme oncle et neveu, oubliant toute pudeur une fois à l'abri, dans l'intimité de la chambre.
En plus d'une description détaillée et savante du milieu culturel des années 70, ce récit est avant tout une très belle histoire d'amour, où la différence des âges importe peu, si ce n'est qu'elle implique la disparition du général d'aviation bien avant Simon.
« La fourmi assassine », Patrice Pluyette, Seuil, 15 €
« Votre serviteur », Christian Combaz, Flammarion, 21 €
Jolies voitures et belles nanas au menu de cet album écrit par Zidrou et dessiné par Jean-Marc Krings. Les voitures ce sont une Ferrari et une Cobra Shelby. Décapotables aux moteurs surpuissant. Les nanas ce sont Ella (surnommée Waw) et sa fille Liza. La première fuit son mari à toute vitesse. Mais elle prend quand même le temps de faire un petit arrêt pour prendre Fabrice, jeune concepteur de jeu vidéo, se rendant en stop dans la maison de vacances de son éditeur. Un Fabrice éblouit par la beauté de Waw, son franc-parler et sa plastique parfaite. Un peu moins par son coup de volant. Cascadeuse à ses heures perdues, elle prend tous les risques sur ces petites routes du sud de la France. Normal quand on sait que son mari, Marco, la poursuit et et envisage sérieusement de devenir veuf prématurément. Fabrice le constate à ses dépens en prenant une balle perdue dans la cuisse. La suite de l'aventure, pleine de rebondissements, se passe sur les chapeaux de roue. Qui est cette femme si téméraire ? Que lui veut exactement son mari ? Fabrice peut-il tomber amoureux de cette beauté fatale ? Réponse dans ces 50 pages aussi nerveuses que les reprises des voitures dessinées de main de maître par Krings, valeur sûre des héritiers de l'école de Marcinelle.
« L'homme montagne » ou quand la BD se transforme en livre pour enfant... Séverine Gauthier a écrit un joli conte sur la perte d'un proche. Mis en image par Amélie Fléchais, elle passe de la planche classique à l'illustration pleine page (voire double avec une multitude de détails) pour encore plus titiller l'imagination des jeunes lecteurs. Un enfant discute avec son grand-père. Ce dernier est trop fatigué pour continuer le voyage. Il annonce donc qu'il ne bougera plus de cet endroit, immobilisé par le poids des montagnes qui ornent sa tête. L'enfant refuse cet abandon. Veut l'aider. Il part donc vers la plus grande des montagnes pour demander de l'aide au vent.
Un long périple, seul, où il rencontre un arbre qui lui apprend ce que c'est que d'avoir des racines, un bouquetin et des cailloux joueurs. L'histoire, simple et universelle, prend une ampleur insoupçonnée une fois mise en images. Amélie Fléchais est une grande artiste passée par l'animation. Chaque case est un véritable tableau. Le beau est partout.
Emmanuel Mouret, tout en s’intéressant aux tourments de l’amour, se filme en grand dadais maladroit et amoureux. Un pur régal burlesque.
Il a de plus en plus des airs de Tati de l’an 2000. Emmanuel Mouret, cinéaste atypique, aime les histoires romantiques, les belles actrices et les situations comiques. Ces trois constantes marquent sa filmographie, débutée modestement mais qui commence à s’étoffer. La force de la persévérance. Si dans son précédent long-métrage, L’art d’aimer il se contentait de rester derrière la caméra, dans cette nouvelle comédie au ton doux-amer, il endosse également le principal rôle masculin. Clément est instituteur à Paris. Séparé de son épouse, il a la garde alternée de son fils âgé de dix ans. Une vie rangée, peu palpitante où il lit beaucoup et va régulièrement au théâtre. Essentiellement voir les pièces où Alicia (Virginie Efira) est en vedette. Cette distinguée blonde, archétype de la bourgeoise élégante et toujours soignée, se remet difficilement d’une douloureuse séparation. Clément, tel un adolescent, est amoureux fou d’Alicia. Une passion platonique pour une image.
Rencontre avec la star
Tout bascule le jour où la célébrité se rend dans l’école de Clément. Elle désire des cours particuliers pour son filleul, scolarisé dans l’établissement. Elle demande conseil au directeur, Thomas (Laurent Stocker), qui lui recommande Clément, collègue mais surtout meilleur ami. Le petit instit' gauche et maladroit, fan de la star, va avoir l’occasion de la côtoyer au quotidien. En balbutiant, il va oser l’inviter à dîner. Un repas mémorable, de charcuterie et de fromage, le tout arrosé de vin rouge. Une séquence où Emmanuel Mouret démontre tout son art de la mise en scène, du quiproquo et du burlesque, tendance Jacques Tati mâtiné de Pierre Richard. La suite ressemble à un conte de fée. Séduite, Alicia tombe sous le charme et récupère Clément et son fils sous son toit.
La deuxième bascule du film intervient quand Thomas, abandonné par sa femme, demande réconfort à Clément. Ils vont parler dans un bar, boire, rencontrer deux jeunes femmes... Si Thomas a toutes les excuses pour passer la nuit dans les bras de cette belle inconnue, pourquoi Clément cède-t-il aux avances de la piquante Caprice (Anaïs Demoustier) ? Magie du cinéma qui transforme ce personnage emprunté en bourreau des cœurs, double amant de deux femmes radicalement différentes, la blonde distinguée face à la rousse délurée.
Mais il ne faut pas croire que le réalisateur va transformer son film en banal vaudeville. Certes on retrouve le classique ménage à trois, mais ce n’est pas pour la gaudriole que les personnages vont se croiser. Il y sera au contraire question d’amour éternel, de passion incontrôlable et de renoncement. Cet homme qui a tout pour être heureux va s’enfoncer dans un marasme absolu causé par son incapacité à choisir, à déterminer qui il aime en réalité. Une jolie parabole sur la trajectoire d’une vie, les hasards des rencontres et les évidences qui nous passent sous le nez.
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Le style Emmanuel Mouret
Il faut souvent plusieurs années à un réalisateur pour qu’il trouve son style, sa patte. Emmanuel Mouret est une exception dans le cinéma français. Jeune Marseillais, il monte à Paris suivre des cours de théâtre et intègre la Femis, prestigieuse école de cinéma. Dès ses premiers courts-métrages, il impose sa marque à des histoires entre burlesque et romantisme. Sa réalisation de fin d’études est remarquée et bénéficie même d’une sortie en salle. Dans la foulée il réalise en 1999 son premier film, Laissons Lucie faire, première étape d’une œuvre d’une grande constance. Marie Gillain y interprète une jeune vendeuse de maillots de bain dont le petit ami rate le concours de gendarmerie et tente de devenir agent secret. Un premier rôle loufoque pour Emmanuel Mouret, déjà entouré de jolies femmes qu’il parvient systématiquement à séduire par sa gaucherie. Suivront dans ses réalisations Frédérique Bel, Julie Gayet, Virginie Ledoyen, Judith Godrèche... Pour simplifier on pourrait dire du cinéma de Mouret qu’il est composé essentiellement d’amour et de gaffes, mais au fil des réalisations il a rajouté une dimension plus grave et réaliste dans ses scénarios.
Mauvaise nouvelle pour la cuisine française : le restaurant de Maïté dans les Landes vient de mettre la clé sous la porte. La plantureuse cuisinière n'officiait plus aux fourneaux, mais sa belle-fille proposait le même type de mets, riches et copieux. Dans son émission culinaire, Maïté n'avait pas son pareil pour faire découvrir des recettes capables de hanter les pires cauchemars des diététiciens. Mon épouse, pourtant grande chasseuse d'excès de gras dans ses préparations, avait découvert la recette du gratin landais grâce à Maïté. Pour la plus grande joie de mes papilles. Un peu moins de mon estomac. Elle prenait un malin plaisir, en cours de réalisation, d'imiter l'accent et surtout les faits et gestes de Maïté. Tout est dans le ton. Et la démesure. Alors on met une couche de pommes de terre découpées en rondelles au fond du plat à gratin. On recouvre de tranches de lard. Puis de nouveau des patates, une couche de fromage râpé, des saucisses de Toulouse, encore des patates, le reste du lard, le tout recouvert de fromage. La touche finale : mouiller de vin blanc. Dans une recette normale, 35 centilitres suffisent. Avec Maïté, tout se fait à l'estime. "Un peu de vin blanc" disait ma femme en versant la moitié d'une bouteille. Puis elle en rajoutait une louche et, sans complexe, finissait de vider la bouteille dans le plat. À l'arrivée, avec le gratin landais, on s'enfile un kilo de pommes de terre, 500 grammes de lard, quatre grosses saucisses de Toulouse, du fromage et une bouteille de vin. Une arme de destruction massive à un million de calories. Succulent. Un peu lourd à digérer, mais succulent. En bonus, le bêtisier de la Cuisine des Mousquetaires
L’une veut tellement faire le bonheur autour d’elle qu’elle n’hésite pas à donner, même ce qui ne lui appartient pas. L’autre souffre de prosopagnosie, maladie étrange qui empêche celui qui en est atteint de différencier les visages. La première Barbara, croise la seconde, Mathilde, dans la salle d’attente de leur psychiatre qu’elles ont en commun. Elles vont s’apprécier, devenir amies et se lancer dans un projet professionnel. Mathilde travaille comme serveuse dans un restaurant de luxe. Barbara adore cuisiner. Elle est embauchée et ensemble elles vont conquérir chef et clients. Mais leurs différentes maladies leur jouent des tours. Mathilde est perdue en salle, Barbara a tendance à voler pour faire plaisir... Elles vont se retrouver au centre d’une affaire de trafic de drogue (des champignons hallucinogènes) gravitant autour d’une rock star ayant perdu l’inspiration et une vieille dame très riche et en guerre avec sa fille unique, seule héritière de son empire. La belle histoire d’amitié entre deux femmes indépendantes, bifurque vers le thriller. Ce roman graphique au ton sans pareil, déroutant et foisonnant, est signé Alexis Laumaillé. Son dessin, précis et réaliste, s’envole vers des sommets de poésie quand il s’agit de représenter les rêves de ses héroïnes ou les visions issues des repas hallucinogènes.
Patrons surpayés, employés exploités : le monde du travail s'apparente à une jungle où les proies sont toujours les mêmes. Parfois une initiative permet de mieux prendre conscience des écarts de rémunération entre les forces vives (les employés) et la tête pensante (le patron). Aux USA, la différence est de l'ordre de 350. Pas en euros, mais en coefficient multiplicateur. Quand un employé de base touche 10 000 dollars par an, le PDG émarge à plus de 3,5 millions. La semaine dernière, pour dénoncer cet état de fait, Dan Price, jeune patron d'une start-up américaine, fait une annonce tonitruante. Afin de niveler les différences d'émoluments, il décide d'augmenter les plus petits salaires et de diminuer les plus hauts. Ainsi 30 de ses employés (sur 120) voient leur salaire doubler. Dans le même temps, il baisse le sien de façon drastique : moins 90 %. Opération de communication d'une rare efficacité : le nom de sa société de service bancaire devient mondialement connu en moins de quatre jours... En France, si les écarts sont moindres, la tendance n'est pas la même. Alors que les salaires moyens plafonnent (voire chutent dans certains cas), les dirigeants ne ratent pas une occasion de s'augmenter. Mais le pire signal vient d'être donné par l'État. François Hollande a annoncé la prise en charge par la Nation des salaires des apprentis. Résultat, certains patrons disposeront d'une main-d'œuvre totalement gratuite. Pas de charges, pas de cotisations sociales et maintenant plus de salaire. On est loin de l'exemple de Dan Price.
Peut-on rester insensible face à la mort de quelqu'un ? Au risque de passer pour un être dénué de toute humanité, j'ose répondre oui dans ce cas particulier. Ian Gibson est décédé accidentellement la semaine dernière. Cet homme a rendu son dernier souffle lors d'une chasse fermée au Zimbabwe. Grand chasseur devant l'éternel, il a rencontré l'animal qui aura vengé ses centaines de victimes. Ian Gibson proposait ses services à de riches amateurs de ce genre de « loisir ». Il était chargé de traquer un lion. Il n'a pas trouvé le félin mais sa route a malencontreusement croisé celle d'un éléphant. Un pachyderme en colère. Gibson a bien tenté de se défendre, mais son fusil, pour une fois, n'a pas suffi à stopper la charge. Sa dernière vision aura été une patte d'éléphant. Deux secondes plus tard il expirait, piétiné par le mastodonte sans doute missionné par les esprits des « trophées » qui fomentaient cette vengeance depuis des lustres. Non, la mort de Ian Gibson ne m'émeut pas. Pas plus que celle des toréadors qui se font embrocher. Ils connaissent les risques du métier. Ces safaris d'un autre âge sont encore monnaie courante dans certaines « réserves » africaines. Le plus incroyable reste l'arrogance du tueur qui pose tout sourire, un pied sur le cadavre. Régulièrement ce genre de cliché déclenche des polémiques sur internet. Dernier exemple avec cette ravissante pom-pom girl américaine, à la dentition parfaite, si fière sur la nouvelle photo de son profil Facebook qui la montre en compagnie de la girafe qu'elle vient d'achever. Une girafe, si belle, si gracieuse. Si inoffensive surtout.
Dans la catégorie « image la plus sexiste de l'année », le conseil général des Bouches-du-Rhône remporte la palme haut la main avec la couverture du carnet de santé remis à tous les jeunes parents du département. Un document tout ce qu'il y a de plus officiel, estampillé du logo du CG13 en bas à gauche. Et en couverture la photo de deux enfants. Le garçon, large sourire, regarde l'objectif, la main dix centimètres au-dessus de la tête, pour figurer une toise imaginaire. Un peu en retrait, une petite fille, yeux baissés, a l'air de s'arracher les cheveux en scrutant le centimètre de couturière passé autour de sa taille. Le premier semble dire « Je veux grandir », la seconde « Je ne veux pas grossir ». Incroyable que cette image, tout sauf innocente, ait passé toutes les épreuves de sélection d'une administration départementale. On en arrive au triste constat que personne ne se sente concerné ni par la cause féministe, ni par les troubles alimentaires. Heureusement quelques « lanceuses d'alerte » ont soulevé le problème sur internet et une pétition circule. Donc, pour certains responsables, une fille en bonne santé en 2015 surveille son tour de hanche comme le lait sur le feu. On voudrait promouvoir l'anorexie (qui est une maladie grave, ne l'oublions pas), on ne s'y prendrait pas autrement. Pendant que les mannequins trop maigres se retrouvent interdits de podium grâce à la loi récemment votée, d'autres élus font l'apologie de la maigreur. Comme si, dans les Bouches-du-Rhône, il était souhaitable que les garçons soient grands et forts et les filles, petites et menues.
Les personnages de bande dessinée ne sont pas à l’abri de la folie des grandeurs. Prenez Spirou, le groom rouge qui lutte contre l’injustice depuis des décennies. Sa participation à un film adapté d’une de ses aventures le propulse aux sommets de la célébrité. De simple héros de papier, il devient une star planétaire. Résultat il attrape la “grosse tête” qui donne son titre à ce 8e volume de la collection dérivé “Le Spirou de...” Le scénario, loufoque et bourré de références, est de Makyo et Toldac. Deux complices (ils ont notamment écrit Les Bogros et ADN ensemble) qui semblent avoir joué du ping-pong de situations allant crescendo dans l’absurde. Pour mettre en images cet album de plus de 70 pages, on retrouve Téhem, excellent avec sa série vedette “Malika Secouss”. Fantasio, journaliste brimé, décide de se lancer dans la littérature. Il romance l’histoire au centre de “La Mauvaise tête” de Franquin. Le livre remporte un succès d’estime, mais tape dans l’œil d’un producteur de cinéma qui décide de l’adapter sur grand écran. Cette fois le succès est au rendez-vous. Spirou, qui interprète son propre rôle, est happé par la célébrité. Tout l’intérêt de cette variation réside dans cette modification notable de la personnalité. Le gentil héros, simple et modeste, découvre un nouveau monde. Il devient hautain, exigeant, vantard et séduit même une Miss Météo, ce qui permet à la presse people d’en faire ses choux gras. Et pour une fois, c’est Fantasio qui reste humain et fera tout pour remettre son ami sur le droit chemin. A côté de cette réflexion sur la perversité du star system, les auteurs truffent le récit de trouvailles comme ce champignon sérum de vérité ou une Seccotine devenue responsable de la rubrique gastronomie. A conseiller à tous ceux qui ne craignent pas de voir leurs héros descendre de leur piédestal.
Les premiers rayons de soleil sont synonymes de migration vers le bord de mer. Beaucoup y vont pour bronzer, d'autres pour se baigner. Ces derniers sont à mon point de vue des inconscients que je n'imiterais pas pour tout l'or du monde. Non seulement on peut se noyer, mais en plus la mer regorge de créatures toutes plus effrayantes les unes que les autres. Quelle folle idée d'aller barboter dans l'élément des requins, méduses urticantes, murènes et autres bestioles cauchemardesques. Hier soir (1), Arte a diffusé un documentaire sur le régalec, gigantesque poisson osseux (11 mètres de long) en forme de ruban argenté et qui est à l'origine de la légende du serpent des mers. Filmé en Méditerranée par le plongeur David Luquet au large de Villefranche-sur-Mer, il en reste certainement quelques exemplaires dans les eaux audoises et catalanes. Donc, non, je ne me baignerai pas en mer cet été. Pas envie de trépasser d'une crise cardiaque en tombant nez à nez avec cette abomination de la nature. Je n'irai pas non plus dans les rivières. Toujours sur Arte, devenue la chaîne spécialisée en poissons effrayants (cœlacanthe, calamar géant), un film sur le silure, autre "monstre dégoûtant" selon les termes de la productrice, est en cours de tournage. Les silures capables de gober un canard aussi aisément que moi un apéricube. Reste la piscine pour se rafraîchir en été. On n'est pas à l'abri des germes et bactéries. Mais au moins, on ne les voit pas... (1) Rediffusion ce dimanche à 14 h 45 et le samedi 2 mai à 10 h 45.
L'action, Simon Munch aime. Ce flic, spécialisé dans l'antiterrorisme, est toujours sur le fil du rasoir. Une vie risquée qu'il décide de mettre entre parenthèse du jour au lendemain. Il a une bonne raison pour cela : il vient de devenir papa. Terminé donc les assauts au petit matin, place au travail de bureau dans un service réputé pantouflard : la protection des personnalités et VIP par les Renseignements généraux. Écrite par Gillot et Dragon, cette série policière lorgne aussi dans la comédie psychologique. Simon doit dans un premier temps apprivoiser son équipe : deux nanas et un gars, homo tombant trop facilement amoureux. Quand il est officiellement chargé de sa première mission, il rajoute au groupe son meilleur ami, un dur qui n'a pas froid aux yeux. La petite bande doit protéger le vice-président d'un grand groupe pétrolier français sur le point de signer un contrat avec la Libye post-Kadhafi. Un énarque prétentieux, doté d'une famille insupportable. Mauvaise ambiance mais surtout danger maximum car des intérêts étrangers veulent faire capoter l'accord. Très détaillé, le récit alterne séances psychologiques et pure action. Fred Lamour, au dessin, apporte juste ce qu'il faut de réalisme à une intrigue en béton.
« SPRG, service de protection des renseignements généraux » (tome 1), Casterman, 13,50 €
Ignoble attentat mercredi à la banque centrale européenne de Francfort. En pleine conférence de presse devant des dizaines de journalistes, le président Mario Draghi est lâchement attaqué par une terroriste de la pire espèce. Elle bondit sur le bureau du grand argentier européen et le bombarde... de confettis. On peut gloser des heures sur les failles de la sécurité, la démonstration est éclatante. A peine âgée d'une vingtaine d'année, l'activiste allemande, sourire aux lèvres du début à la fin de l'action, fait trembler l'institution européenne. Plus exactement, c'est son président qui connaît un moment de panique totale, perdant son air sérieux et concentré pour se protéger le visage des deux mains, tel un enfant apeuré.
Les vigiles réagissent vivement. Pas assez cependant pour empêcher la jolie féministe (on apprendra après qu'il s'agit de Josephine Witt, sympathisante des Femen) de bien montrer la phrase « Arrêtez la dictature de la BCE » inscrite sur son t-shirt, avec un jeu de mot sur « dick » (sexe masculin en argot anglais). L'image (notamment les clichés de l'agence Reuters) fait le tour de la toile : le sourire de Josephine, la peur de Draghi et la pluie de confettis. Opération communication parfaite. A un détail près. En sautant sur le bureau, la jeune femme, victime de la mode des pantalons taille basse, laisse entrevoir le haut de son string. Conséquence, sur les réseaux sociaux, le message anticapitaliste disparaît derrière le déferlement de commentaires sur le côté « sexe » de l'événement. Tel est pris qui croyait prendre.
La TNT vient de fêter ses 10 ans. A son lancement, tout le monde espérait une meilleure offre de programmes, plus de diversité, de culture ou même de sports autres que le foot. A l'arrivée, le choix est partagé entre des séries américaines vues et revues, des reprises de radio-crochet (Nouvelle Star ou Star Academy) un Cyril Hanouna qui tente du sous Canal+ en plagiant Laurent Ruquier, une chaîne documentaire (RMC Découverte) où il n'est question que d'ovnis, de voitures et de survie, sans compter les canaux (HD1 ou 6Ter) qui se contentent de rediffuser, avec deux ou trois ans d'écart, les films et émissions des maisons-mères. En ce moment, la mode est au nu. D8 a fait fort en programmant une téléréalité de rencontre sur une île déserte. Le principe de « Adam recherche Ève » : les deux candidats sont entièrement nus comme au premier jour de la Création. Ça change de « Tournez Manège » ! Gros succès d'audience pour le premier épisode. Ensuite les téléspectateurs ont déserté la plage. Il est vrai qu'on ne voyait pas grand chose. De dos, de trois-quart, assis ou avec les cheveux longs sur la poitrine : toutes les astuces sont bonnes pour cacher ce que l'on prétend montrer. La première saison achevée, la nudité revient en force. Cette fois sur TMC qui consacrait hier soir une enquête au naturisme. 90 minutes de fesses, de seins et de... floutages. Ayons une pensée pour le technicien qui a passé des heures à gommer des centaines de pénis et toisons pubiennes des images originales.
Le réalisateur Jafar Panahi, plante clandestinement ses caméras dans son taxi. Dans « Taxi Téhéran », il filme le quotidien d'un pays où la censure est omniprésente.
Si aller au cinéma et réaliser des films est une évidence dans la majorité des pays, il n’en est rien dans certaines dictatures. L’Iran et son régime religieux strict imposent une censure intransigeante aux créateurs locaux. Leur talent est bridé. Mais paradoxalement, cette chape de plomb leur donne encore plus de raisons de faire des œuvres engagées en faveur de la liberté d’expression et de la défense des droits de l’Homme.
Parfait exemple avec Jafar Panahi. Condamné en 2011 à la prison, il lui est interdit de pratiquer son métier et de quitter le pays. Il est donc contraint de monter des projets clandestins, avec peu de moyens, sans avoir la moindre certitude qu’ils parviendront à leur fin.
Dans un taxi, il constate que la parole se libère. Quand plusieurs passagers utilisent la même voiture, ils communiquent, osent se dévoiler. Le réalisateur décide donc de poser des caméras miniatures dans un taxi et de filmer une journée de maraude dans les rues de la capitale. Il se met au volant car il doit tout gérer seul pour rester discret. Cela fait parfois l’impression d’un film à sketches. Il y a tout d’abord la confrontation entre une institutrice et un voleur à la tire, la première appelant à plus de libertés et de tolérance alors que le second, au contraire, couperait quelques têtes s’il était au pouvoir, pour décourager les voyous. Panahi accueille aussi un homme accidenté et sa femme en pleurs pour les conduire à l’hôpital. On revient au cinéma avec le client suivant, un nain transportant dans un immense sac des dizaines de DVD piratés. Des films occidentaux interdits en Iran. Un client, qui reconnaît le réalisateur au volant du taxi, lui demande conseil. Réponse de Panahi « Tout film mérite d’être regardé ».
L’avocate aux roses rouge sang
La fin du film, récompensé de l’Ours d’or au dernier festival de Berlin, est plus politique. Notamment quand le taxi charge une femme avec un bouquet de roses rouge sang. Il s’agit de l’avocate Nasrin Sotoudeh dans son propre rôle. Elle a été rayée du barreau mais continue à défendre les prisonniers politiques. Elle a en commun avec le réalisateur de bien connaître les geôles du régime. Nasrin quitte la voiture en demandant à Panahi de ne pas diffuser ses propos au risque de leur attirer de nouveaux ennuis.
De toute manière, Panahi ne se fait pas d’illusion, jamais ses films ne seront « diffusables » en Iran. Sous ce qualificatif se cache toute une panoplie de règles pour formater les longs-métrages. Une censure absolue qui ne veut pas dire son nom mais que le spectateur découvre à travers le personnage de la jeune nièce de Panahi. Elle doit réaliser un court-métrage pour son école mais constate qu’il est quasiment impossible de filmer le réel car il est toujours très éloigné du politiquement correct iranien. Voilà la triste réalité du cinéma iranien aujourd’hui : engoncé dans un carcan empêchant toute création et originalité. Heureusement quelques brûlots parviennent à quitter le pays comme ce « Taxi Téhéran » de Panahi.
Philippe Foerster excelle dans la mise en images d'horribles cauchemars. Ce maître du noir et blanc a longtemps distillé ses histoires sinistres dans les pages de Fluide Glacial. Il revient un peu à ses premières amours dans ce gros roman graphique de 88 pages constitué de cinq histoires indépendantes reliées par le narrateur, un homme-poulpe empathique, confesseur sauvage d'un monde en ruines. Tout à commencé quand la Lune s'est désagrégée. Un gros morceau du satellite est tombé sur une centrale nucléaire. Une bonne partie de la population a muté à cause des radiations. Le narrateur est donc mi-homme mi-poupe. Il vit dans un clocher et quand il rencontre des gens dans la rue, ils ne peuvent s'empêcher de lui confier leurs malheurs. Foerster raconte en premier l'histoire de la femme qui refusait de passer le sel. Cette mère a perdu sa fille fascinée par les émissions de télé réalité et qui n'a pas survécu à une balade dans des rues enneigées. Autre destinée, celle de ce gros gamin qui mangeait les ectoplasmes ou ce SDF qui matérialisait ses pires cauchemars. L'histoire la plus étonnante est celle de l'enfant explosif. A chaque contrariété, il fait exploser quelques chose. Sa colère ultime se solde par une catastrophe nucléaire... Noir et envoûtant.
On a tous des souvenirs de mythologie appris au collège. Les dieux grecs et romains, pour beaucoup, ressemblaient à des héros de merveilleuses histoires. Un formidable terreau que les scénaristes font fructifier au gré de leurs inspirations. Henscher et Herzet, les auteurs des « Prométhéens » ont révisé leurs classiques pour imaginer une suite à la chute de l'Olympe. L'idée de la série est résumée en couverture : « Jadis, les Dieux de l'Olympe étaient craints, aujourd'hui ils sont traqués ». Le chasseur c'est Thymos. Il cherche à venger sa mère. Les proies ce sont ces dieux qui ont dû abandonner leur immortalité pour redescendre sur terre. Certains se cachent, d'autres profitent des plaisirs, tous sont en danger. Poséidon, dieu de la mer, tombe dans les filets de Thymos. Il est exécuté et sa tête rejoint la salle des trophées. Zeus, très affaibli, est affecté par la perte de son frère. Il décide de demander de l'aide aux héros que sont Ulysse et Jason pour mettre hors d'état de nuire Thymos. Passionnante, cette BD réactualise des ressorts connus de tous. Hermès est sage, Dionysos une outre à vin, Héra une femme dure et impitoyable, Apollon un prétentieux. Une modernisation du mythe qui passe aussi par le dessin nerveux et précis de Rafa Sandoval.
Immenses lunettes de soleil rectangulaires aux montures blanches, tignasse indomptable : se transformer en Michel Polnareff est un jeu d'enfant. Pour peaufiner le personnage, nul besoin de chanter, témoigner d'un manque d'humour flagrant suffit. Pourtant, le chanteur pop exilé aux USA pour cause de bisbilles avec le fisc connaît parfaitement les rouages de la publicité décalée. Mais il n'apprécie pas les plaisanteries envers une image qu'il a mis des décennies à construire. Quatre ans après la première diffusion, il poursuit la marque Cetelem pour atteinte « au droit à l'image, au droit patrimonial et à la dignité dans le cadre d'une utilisation commerciale de sa personne ». En cause, ces films où des sosies de stars planétaires discutent en toute décontraction. Son « clone », il est vrai, a l'air un peu idiot. Clairement une caricature. L'ancienne vedette aurait pu apprécier d'être mise sur le même plan que Marilyn Monroe ou Elvis Presley. Non, il se sent « ridiculisé »... Difficile à croire de la part de celui qui a montré ses fesses à toute la France sur des affiches géantes ! Comme toujours, cette crise d'ego semble essentiellement motivée par une histoire de gros sous. Polnareff réclame un million de dommages et intérêts. Il a de fortes chances d'obtenir gain de cause car Cetelem ne lui a jamais demandé son avis. Pour payer, l'organisme de crédit n'aura plus qu'à s'endetter auprès d'une banque. Et le chanteur, tout avantage à faire don de ses gains à une oeuvre caritative, au risque de perdre le peu de crédibilité qui lui reste.
Le renouvellement de la classe politique laisse à désirer. Le suffrage universel permet normalement de donner sa chance à tout un chacun. Dans les faits, seules les têtes changent, les mêmes noms reviennent toujours. Aux USA, dimanche soir, Hillary Clinton annonce son intention de briguer la présidence des USA. Si, en 2016, elle est élue par les démocrates, elle deviendra First Lady au sens propre, à la tête de la première puissance mondiale. Pourtant elle ne sera que la seconde Clinton, Bill, son mari l'ayant précédée à la Maison Blanche. Et si elle échoue, pas de problème, leur fille Chelsea se positionnera certainement sur les rangs tôt ou tard. La famille républicaine ne se diversifie guère plus. L'épouse de l'ancien président Clinton risque d'affronter le frère de l'ancien président Bush. Qui lui-même était le fils du premier président Bush. En résumé, le duel se réduit à "la femme de contre le frère de... » En France, l'aristocratie a perdu le pouvoir en 1789. Hormis quelques baronnies locales (souvent dans le sud), les fils de ou femmes de, ne sont pas légion. Reste le cas du Front national. Un peu comme les Bush, on se trouve face à un coup de billard à trois bandes. Le père, poussé vers la sortie par la fille, décide finalement de céder sa place à la petite-fille. Ainsi, presque chaque année, les Français peuvent piocher des bulletins de vote au nom d'un quelconque Le Pen, entre les présidentielles (déjà six fois) et les Européennes (tous les trois ans depuis 1984). Et comme Marion n'a que 24 ans, on en arrive à la quadrature du cercle.
Entre thriller et roman fantastique, ce roman de Marcus Sakey décrit une Amérique aux prises avec un mouvement terroriste mené par des mutants.
Dans un présent très légèrement modifié, les USA sont aux prises avec une vague de terrorisme sans précédent. Nick Cooper, agent fédéral, a pour mission d'éliminer les poseurs de bombes. Par tous les moyens. Tout a commencé au début des années 80. De façon tout à fait invisible. 1 % des nouveaux nés sont différents. Dotés d'un don qui les rendent spéciaux, supérieurs aux autres humains. Au début des années 2000, ces « anormaux » commencent à se distinguer. Leurs formidables capacités les transforment en Brillants. Ils réussissent dans de nombreux domaines et font beaucoup d'envieux.
De Brillants ils deviennent Monstres et tous les enfants sont testés à partir de 8 ans. Les Brillants sont retirés à leur famille et placés dans des académies qui ressemblent plus à des camps de concentration pour surdoués qu'à un cadre idéal pour une jeunesse épanouie. Les premiers terroristes sont tous issus de ces académies. Des Brillants qui n'admettent pas que la majorité dicte sa loi. Dénonciation politique d'abord, puis lutte armée. Alors le gouvernement créé une agence spéciale chargée de traquer et d'éliminer ces dangers pour la société.
Paradoxe, dans ses rangs se trouvent quelques Brillants qui ont choisi le camp de la légalité. C'est le cas de Nick Cooper, le personnage central de la première partie (c'est annoncé comme une trilogie) de ce thriller fantastique signé Marcus Sakey.
Devinette et invisibilité
Cooper a un don. Il parvient à deviner ce que va faire son interlocuteur dans les 10 à 15 secondes à venir. Il a ainsi toujours un coup d'avance. Très utile dans le métier de Cooper, agent spécial chargé d'éradiquer les terroristes. Cela fait des années qu'il est sur la piste de John Smith, le leader du mouvement. Ce dernier, après avoir tenté de faire avancer sa cause par le débat, s'est radicalisé. Un jour, avec trois hommes de main, il a pris d'assaut un restaurant, tué un sénateur et des dizaines d'innocents, dont des femmes et des enfants.
Cooper le hait. Il a vu des centaines de fois la vidéo surveillance de l'attentat et rêve d'avoir la tête de John Smith dans le viseur de son arme. La première partie du roman, en plus de planter le décor général de la série, montre la vie quotidienne de Cooper. Ses planques, ses poursuites, ses visites à ses enfants dont la garde a été confié à son ex-femme. Grosse montée d'adrénaline quand il découvre qu'une nouvelle attaque est imminente. Mais il arrive trop tard. Bilan plus de 1100 morts et une guerre encore plus implacable.
Pour enfin avoir une chance de s'approcher de Smith, Cooper va employer les grands moyens. Il endosse la responsabilité de l'attentat et attend que l'organisation le contacte. Cela arrive au bout de six mois de cavale, par l'intermédiaire de Shannon, une femme qui peut se rendre invisible en se glissant dans les endroits que personne ne regarde. Un drôle de couple se forme, traversant les USA pour rejoindre la cachette de Smith, au cœur du Wyoming.
Cooper ment en permanence pour garantir sa couverture. Mais peut-être en est-il de même de la part de Shannon ? « Elle cachait quelque chose, lui mentait au moins par omission. Mais quoi ? Difficile à dire. En outre, il ne pouvait pas l'en blâmer. Lui aussi, il lui mentait. » Toute la richesse du roman est dans ces mensonges permanents. En fait, les faux-semblants sont très trompeurs. Qui est du bon côté ? Qui joue véritablement de la terreur ? Il faudra plus de 350 pages pour que Cooper commence à entrevoir un embryon de vérité. Un coup de théâtre qui rend encore plus passionnant, ce roman sur l'acceptation de la différence.
« Les Brillants », Marcus Sakey, Série Noire, 19,90 €
Les producteurs de télévision, toujours à l'affût de nouveaux concepts, devraient se pencher sur cette idée de jeu. Le but : trouver le mot de passe d'un média ou institution quelconque. La récompense : en plus d'une petite heure de gloire (possibilité de publier ou de diffuser les propos ce que l'on veut, hormis la propagande nauséabonde), l'intégration immédiate dans les services secrets français, qui recrutent à tour de bras tout bidouilleur tant soit peu habile en informatique. "Craquer" des mots de passe est quasi élevé au rang de sport national. La mésaventure arrivée en début de semaine à TV5 Monde, piratée durant quelques heures par le groupe État islamique, est restée heureusement sans conséquence. A TV5, ils ne semblent pas avoir retenu la leçon. Dans un reportage tourné dans la rédaction et diffusé sur France 2 le lendemain de l'attaque, on pouvait nettement lire sur une feuille accrochée au mur, le mot de passe de la chaîne francophone pour se connecter sur Youtube... Trop facile ! Si j'étais bon en informatique, je n'hésiterais pas une minute à pirater certains sites. Sur le blog de Morandini je glisserais un article sans faute d'orthographe, le Monde ferait enfin l'apologie de Nabilla, le Figaro dirait du mal du Rafale, Libération expliquerait pourquoi les hipsters barbus ne sont plus nécessairement dans le coup, L'Élysée diffuserait gratuitement les films de Julie Gayet et toutes les photos de Nicolas Sarkozy sur le site de l'UMP seraient remplacées par des portraits en pied de François Fillon. Mais là je rêve. Les hackers ne possèdent pas la moindre once d'humour.
Simon est amoureux fou d'Héléna. Depuis son enfance. Dans le premier tome, Jim et Lounis Chabane (scénario et dessin) racontaient comment Simon, le jour de son mariage, a dit non car sur le parvis de la mairie il a retrouvé la belle Héléna. Il a foutu sa vie, son avenir, en l'air ? Non car il retrouve Héléna et lui déclare son amour fou. Elle a déjà fait sa vie, a une petite fille, un amant marié par ailleurs, mais accepte de revoir Simon. Ce dernier, riche d'un héritage paternel, lui propose une forte somme contre quelques heures d'intimité. Des mois de rencontre et de discussions, de partage mais pas d'amour. Simon devient accro à ces jeudis, mais un jour, Héléna ne vient pas. A la place elle envoie Héloïse, sa meilleure amie, qui elle accepte d'entrée de coucher avec Simon. Alors que l'on croit que la suite de l'histoire va se résumer à un chassé-croisé à trois, les auteurs parviennent à nous étonner dans ce tome deux tout aussi passionnant. Héléna revient voir Simon. Ils passent de longues heures couchés l'un contre l'autre. Simon se dit que son rêve se réalise. Et d'espérer que cela ne s'arrête jamais. Son vœu se réalisera. Mais une nouvelle fois, cette belle histoire d'amour finira mal. « Héléna » (tome 2), Bamboo Grand Angle, 16,90 €
Vous ne comprenez rien à la jeunesse actuelle ? Rassurez-vous, elle non plus. Les adolescents des années 2010 fonctionnent essentiellement à l'instinct. Il n'y a jamais grand chose de programmé, de pensé, de voulu dans leurs actions. La preuve avec ce roman graphique écrit par Hervé Bourhis et dessiné par Halfbob. Chloé organise une fête chez elle. Tous ses amis sont là. Même ceux qu'elle n'apprécie pas vraiment et qui s'invitent, un paquet de chips à la moutarde en guise de ticket d'entrée. Sarah est gothique. Elle hait tout le monde et répète sans cesse qu'elle va se suicider. Victoire, blonde binoclarde un peu ronde, attend son « mec » qu'elle n'a pas vu depuis quelques semaines. Elle le découvre en pleine copulation avec une inconnue dans la chambre des parents. Pas de souci, elle le largue illico presto par Twitter et va vomir dans la rue. A la soirée il y a aussi Maxime, le plus perturbé de tous. Il est déguisé en officier SS et bombarde son mal-être à la tête de toute personne qui ose lui parler. Maxime va embrasser Sarah. Sarah va effectivement se suicider. Victoire accepte de coucher avec Maxime et ils fuguent pour assister à un concert rock à Paris. Étonnant et désabusé, ce récit est un instantané réussi de notre époque. « Juniors », Futuropolis, 17 €
Dans « Jamais de la vie », Pierre Jolivet entraîne le spectateur dans les affres de la survie en milieu économique sinistré. Avec Olivier Gourmet en justicier désespéré.
La banlieue. Un centre commercial. La nuit. Le parking est vide. Il ne reste qu’une voiture, celle du vigile. Il fait ses rondes, inlassablement. Comme un animal en cage. Franck (Olivier Gourmet) inspecte toutes les ouvertures, fume une clope, retourne à l’intérieur, passe par la salle de vidéo surveillance. Puis retourne dehors. Refaire sa ronde. Bis repetita ad vitam aeternam...
Pierre Jolivet, après le thriller ou la reconstitution historique, signe un film social sur la désespérance de notre époque en crise. Franck ne s’épanouit pas dans ce travail. Seule satisfaction, il est seul. Personne pour lui chercher des noises ou le commander. Il y sacrifie toutes ses nuits. Au petit matin, de retour dans son appartement dans une cité impersonnelle, il ingurgite une bonne quantité d’alcool pour sombrer dans un sommeil profond, sans rêve. Pas réparateur, mais comme un “reset” qui permet de recommencer le soir venu sans trop d’hésitation.
Cette non-vie il la subit, Franck n’a pas le choix. Longtemps au chômage, il a accepté ce CDD payé au minimum, malgré son expérience professionnelle d’ouvrier. La cinquantaine passée, en fin de droits, tout est bon pour payer le loyer.
Le réalisateur montre la vie de ces petites gens, prises à la gorge, incapables de s’en sortir, un quart-monde qui ne se soigne plus car c’est trop cher, qui n’a plus de projet pour la retraite si ce n’est de trouver un petit boulot d’appoint pour compléter une pension ridicule. Rarement la crise aura été filmée au plus près, sans fioriture. Sans le moindre signe positif aussi. Tout pousse au désespoir dans ce monde injuste qui offre tout aux plus riches et prend tout aux plus pauvres.
La crise, partout
Franck a coupé les ponts avec la société, les autres. Il se contente simplement d’aller régulièrement faire le point avec Mylène (Valérie Bonneton), l’assistante sociale qui lui a trouvé ce job peu reluisant. Elle lui demande de s’accrocher. Qu’un CDI, tel le Graal, est possible. Avec la possibilité, d’ici quelques années, de passer au service de jour.
Il s’en contente en ruminant ses luttes passées. Franck, avant de pointer au chômage, était responsable syndical dans une usine. Un bon ouvrier, investi, fier de son travail. Quand il a été question de fermer, il est allé au front, se battre pour sauver la boîte. Il a pris tous les coups, pour rien. Et c’est comme ça qu’il s’est retrouvé blacklisté un peu partout.
En retrait, mais pas complètement indifférent. Il remarque le manège d’une voiture aux vitres teintées. Il va se passer quelque chose. Mais peut-il jouer les balances, lui qui ne supporte pas les flics ? Et s’il tentait d’en profiter. Après tout, perdu pour perdu...
Pierre Jolivet a construit son film autour du personnage de Franck, un rôle extrêmement fort, omniprésent, compliqué. Une personnification de ces millions d’hommes et femmes humiliés dans leur quotidien car incapables de s’en sortir financièrement et intellectuellement. Notre époque. Noire et désespérante.
Olivier Gourmet : la gueule de l’emploi
Fracassé par la vie. Olivier Gourmet, la voix grave et cassée, la calvitie avancée, a la gueule de l’emploi. Il endosse la personnalité de Franck, syndicaliste déçu et blasé, avec une présence rare. Cet acteur belge originaire de Namur est l’acteur fétiche des frères Dardenne. Son rôle dans Un fils lui a même rapporté un prix d’interprétation au festival de Cannes en 2002. Logiquement, il a franchi la frontière et perdu son accent pour devenir un des piliers des films français exigeants. Loin de surfer sur son succès, il n’a pas modifié ses exigences quant aux rôles qu’il accepte. Il est cependant de plus en plus présent alternant les réalisations où il occupe le premier rôle comme Jamais de la vie ou Terre battue avec des participations moins importantes comme L’affaire SK1 ou Grand Central.
Dans le film de Pierre Jolivet, il a la chance d’interpréter le genre de personnage qui habituellement est réservé aux grandes actrices : un être fragile et écorché vif au masculin, c’est trop rare dans le cinéma français. Un défi qu’il relève avec brio, comme ses prochains rôles à l’affiche en 2015, du film fantastique japonais à la reconstitution historique (guerre 14/18) à l’adaptation de Madame Bovary.
Pas facile de s’imposer dans l’univers du western. Passer après des génies comme Jijé, Gir ou Hermann pourrait en décourager beaucoup. Visiblement cela n’a pas arrêté Ralph Meyer qui a relevé le défi. Avec brio. Il anime cette nouvelle série écrite par Xavier Dorison avec qui il a déjà conté les aventures du Viking Asgard. Jonas Crow n’a pas d’ami. Il voyage seul dans le désert de l’Ouest américain à la recherche de travail. Il en trouve souvent car son domaine de prédilection est en pleine expansion : la mort. Jonas est croque-mort. Il vient d’adopter un vautour et se rend dans une petite ville minière à la demande d’un certain Joe Cusco. Ce dernier est le propriétaire de l’exploitation qui fait vivre toute la communauté. Malade, il n’entend pas souffrir longtemps. Il engage Jonas pour qu’il l’enterre dès le lendemain dans sa première mine, celle où il a trouvé le plus de pépites d’or. Pour ce qui est de mourir, il a une fiole de poison qui agrémentera parfaitement l’énorme gâteau aux amandes qu’il entend déguster à la fin de son ultime repas. Mais Joe, avant de quitter ce monde si dur, va également ingurgiter toute sa fortune en or pour être enterré avec elle... L’histoire se déroule sur plusieurs plans. Il y a l’intrigue principale sur la convoitise de l’or du mort, les questions autour du passé de Jonas, une critique sociale de la condition des mineurs et pour couronner le tout une jolie Anglaise pour échauffer les esprits de tous les mâles. Passionnant et plein de suspense, cet album vaut aussi (et surtout) pour le dessin de Ralph Meyer. Son nom peut sans problème être ajouté aux trois “maîtres” cités en début de chronique.
Stars un jour, elles ont mal vécu la suite de leur carrière. Alors qu'hier soir Nabilla était de retour sur les écrans après ses déboires judiciaires (une vieille émission sur D8, enregistrée avant son incarcération), d'autres moins chanceuses ont complètement disparu des écrans radars de la presse people. Il s'agit parfois d'exil volontaire. Ainsi Davina (du duo "Véronique et Davina") a renié sa frénésie gymnique et la séquence du générique sous la douche au profit d'une retraite spirituelle et religieuse. Devenue moine bouddhiste, elle officie dans le Poitou. La brune aux cheveux courts semble particulièrement épanouie. Comme quoi il y a une vie après la célébrité. La religion, Diam's aussi y a succombé. Moins évident pour cette chanteuse de rap aux textes revendicatifs. Elle a troqué sa casquette et ses pantalons baggy pour la tenue sobre, impersonnelle et voilée des musulmanes pratiquantes. Depuis ses explications sur sa conversion en 2012, elle a totalement disparu. Mais rassurez-vous, elle annonce son retour sous les projecteurs en mai prochain, pour la sortie d'un nouveau livre intitulé "Mélanie, Française et musulmane". Et puis il y a le cas Loana. Sex-symbol des années 2000, elle représente l'exemple concret des effets indésirables de la prise prolongée d'antidépresseurs. Après avoir doublé de volume, elle ose à nouveau sortir en public. On l'a vue début avril dans une soirée. Un retour remarqué car elle a coloré ses cheveux d'un rose très voyant... Le premier qui se risque à glisser une allusion à Peggy du Muppet Show sera noyé dans la piscine de Loft Story !
Pionniers et colons sans même le savoir, les habitants d’un vaste “vaisseau spatial monde” touchent enfin au but. Partis il y a plusieurs siècles de la Terre, planète exsangue après des millénaires de surexploitation, les ancêtres sont tous morts. Ce sont les descendants qui continuent le voyage vers Vera, satellite de l’étoile Proxima Centaurus. La majorité des habitants de ce monde miniature ne savent pas qu’ils sont en train de voyager dans l’espace. Seuls quelques responsables sont dans la confidence et surveillent la bonne marche du vaisseau. Quand il arrive enfin à proximité de Véra, une petite équipe est montée pour aller explorer ce monde inconnu regorgeant de dangers. Le premier tome de Centaurus, écrit par le duo Léo - Rodolphe (Kenya et Namibia chez Dargaud), se focalise sur les personnages. Il y a un chasseur et son chien, une force de la nature, pas très futé mais très serviable, un pilote prétentieux, un chef de la sécurité légèrement paranoïaque et deux jumelles à peine sorties de l’adolescence. Ce sont elles les véritables héroïnes de cette nouvelle série dessinée par Janjetov, le “repreneur” de l’Incal et des Technopères. Elles amènent la touche de fantastique et de merveilleux qui rend les séries de SF de Léo et Rodolphe si séduisantes. Centaurus ne déroge pas à la règle.