vendredi 10 août 2012

Monstres en famille avec David Safier aux Presses de la Cité

Personne ne peut accuser David Safier de manquer d'imagination. On pourrait même dire que dans « Sacrée famille », son petit dernier, elle est totalement débridée !

Sacrée famille, David Safier, Fabienne Huart, Fleuve Noir

En apparence, les Wünschmann sont une famille berlinoise tout ce qu'il y a de plus banal. Certes, Emma (la mère) a sacrifié une carrière alléchante dans l'édition pour cause d'amour... et de grossesse un rien plus précoce que prévu. Elle tient une petite librairie en perte de vitesse, secondée par Cheyenne (quel est son vrai prénom déjà ?), vieille routarde, un tour du monde et plein d'aventures -sexuelles surtout- à son actif.

Bien sûr, Franck, son mari, conseiller financier, est carrément surmené et rentre harassé tous les soirs. Sans plus profiter de grand chose de la vie. Et puis les enfants, Fée, 15 ans, s'empoigne (au figuré) allègrement avec sa mère, à qui elle ressemble comme deux gouttes d'eau. Mais l'une et l'autre préféreraient mourir plutôt que de l'admettre. Quant à Max, 12 ans, surdoué mais renfermé et tête de turc au collège d'une certaine Jacqueline. Laquelle, du haut de ses 15 ans, prend un malin plaisir à lui plonger régulièrement la tête dans les WC (peu reluisants) de la cour de récré.

Vous l'aurez compris, le bonheur n'est pas dans le pré.

Un jour, tout sourire, débarque dans la librairie une ancienne collègue d'Emma, qui a profité de la défection de celle-ci pour accaparer le poste mirifique que la maison d'édition lui proposait à Londres. Juste au moment où elle s'est retrouvée enceinte. Lena s'étend sur ses succès, ses voyages formidables avec auteurs, acteurs et people divers, ne laissant à Emma qu'un goût amer dans la bouche.

Néanmoins, pas complètement mauvaise, Lena propose à son ancienne copine d'assister à une soirée en compagnie de toute sa famille, histoire de faire connaissance avec Stephenie Meyer, auteur de Twilight, et peut-être, d'organiser une séance de dédicace dans sa librairie, pour relancer les affaires. « Ce lancement sera un événement considérable, m'expliqua Lena avec enthousiasme. Il y aura un buffet sublime, et des costumes de monstres tout à fait géniaux. »

Les monstres sortent de leur tanière

Reste à Emma de persuader sa tribu de l'accompagner. Une seule solution : elle les menace des pires représailles s'ils se dérobent. Et dans la foulée, s'en va louer des costumes pour ne pas déparer pendant la soirée. C'est ainsi que Fée, entourée de bandelettes, se transforme en momie égyptienne, Max en loup-garou, Frank en... Frankenstein et elle, en vampiresse premier choix !

Léger problème, arrivés au Ritz-Carlton, PERSONNE n'est déguisé. Et Lena éclate de rire en expliquant à Emma qu'en fait de monstres, elle parlait des déguisements des musiciens de l'orchestre. Cerise sur le gâteau, la rencontre avec l'auteur se passe on ne peut plus mal et les Wünschmann repartent la queue entre les jambes (pour Max du moins).

La pauvre Emma, déjà désespérée, se fait traiter de tous les noms par sa peu tendre famille et toute la smala regagne ainsi la voiture.

A force de se crier dessus, c'est à peine s'ils remarquent une vieille mendiante dépenaillée qui tend sa sébile à Emma-Dracula. « Toi avoir euro ? » « Vous ne voyez pas que je suis occupée à avoir une crise de nerf ? aboyai-je ». La vieille les regarde tous dans les yeux, leur assène leurs quatre vérités et sort une amulette en argent. « Je mourir dans trois jours, et vous pleurnicher ! ». « Vous pas vivre votre vie. Vous pas méritez vie ! ».

Lève son amulette vers le ciel, commence à psalmodier des incantations en latin et tout à coup c'est la fin du monde ! Eclairs, boule de feu qui se divise en quatre pour foncer droit sur chacun des Wünschmann pendant que la sorcière crie « Semper monster ».

Et voilà nos déguisés d'un soir monstres pour la vie !

A la recherche d'une vie perdue

La véritable aventure débute à ce moment-même, quand Emma et sa famille décident de poursuivre leur bourreau jusqu'en Transylvanie, où la vilaine sorcière désire finir ses jours.

Malgré, il faut bien l'avouer, une histoire quelque peu abracadabrante, David Safier avec sa « Sacrée famille » touche plusieurs points sensibles de la famille lambda. Il en arrive même à aborder les problèmes existentiels d'une bonne tranche de population ! Bourré d'humour, l'écriture actuelle, légère juste ce qu'il faut pour ce genre de roman, il réussit à nous tenir en haleine jusqu'au bout des pérégrinations de ses invraisemblables monstres. Et en vérité, n'est-ce pas ce qui en fait tout l'attrait ?

Fabienne HUART

« Sacrée famille !», David Safier, Presses de la Cité, 21 €.


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