Rencontre magique entre une jeune femme et un vieux monsieur dans "La douceur assassine", roman lumineux signé Françoise Dorner.
La première rencontre entre Armand et Pauline est tout ce qu’il y a de plus banale. Dans un bus, le vieil homme, déséquilibré par un coup de frein, manque de tomber et lâche sa canne. La jeune femme la lui ramasse et ils descendent ensemble à l’arrêt suivant. Ils font quelques mètres côte à côte mais Pauline est en retard à son travail. Armand, le narrateur de ce roman de Françoise Dorner, sent immédiatement que sa morne retraite vient de basculer : « Elle a traversé la rue en courant, et je l’ai regardée disparaître. J’étais incapable de bouger, comme si le temps m’avait rejeté en arrière, dans un vague souvenir d’adolescent troublé. » Veuf, ancien professeur de philosophie, la vie sociale d’Armand se limitait jusqu’à présent à un repas mensuel dans une brasserie en compagnie d’une collègue, elle aussi à la retraite. Ses élèves l’ont tous oublié, son fils presque. Pharmacien à Dijon, il ne le voit qu’épisodiquement.
L’orpheline et le veuf
Alors Armand, séduit par une mèche rebelle du chignon de la jeune fille et sa robe plissée, se met à la recherche de la belle inconnue. Comme un jeune homme fougueux, prêt à tout pour conquérir cette beauté. Mais il y quand même 50 ans d’écart entre ces deux-là. Cela ne les empêche pas de se retrouver au détour d’une rue, de se reconnaître et de partager un sandwich pendant la pause de la jeune employée de commerce. Ce qu’Armand ne sait pas, c’est que Pauline est en mal de famille. Orpheline très jeune, elle recherche désespérément des parents de substitution. Elle collectionne les amants pour tester une possible belle-famille. Mais après de nombreuses déceptions, elle se dit que ce charmant vieil homme, si gentil et distingué, ferait un très bon grand-père. Il vont donc passer de longs moments ensemble, tentant de découvrir le monde de l’autre, sans a priori ni contrainte.
Grand-père
Il lui parle de sa femme, morte il y quelques années à l’hôpital après des mois d’agonie, de sa fille installée au Canada, de son fils si distant ; elle raconte comment ses parents sont morts dans un accident de voiture qu’elle a involontairement provoqué, de ses amants éphémères, de son travail. On ne sait pas qui apprivoise qui mais au final Armand et Pauline s’apprécient de plus en plus et passent beaucoup de temps ensemble. La jeune fille n’hésite plus à l’appeler « grand-père » en public et lui a parfois un délicieux frisson quand certains s’imaginent qu’elle pourrait être sa maîtresse. Un roman simple, lumineux et plein d’espoir, comme cette dernière scène qui se passe pourtant dans un cimetière, en plein enterrement…
« La douceur assassine », Françoise Dorner, Albin Michel, 15 €
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