Ce roman sans prétention de Patrick Cauvin a l’immense avantage, dans une époque très noire, de nous faire rêver quelques heures
Adrien Beaurecourt, éditeur parisien, est réglé comme du papier à musique. Chaque vendredi à 17 heures, après une semaine de travail, il prend sa voiture et se rend dans la maison familiale de Belange à 300 kilomètres de la capitale. Une résidence secondaire de luxe, gardant encore les traces de sa mère, autoritaire militaire qui s’obstinait à appeler son fils Eliane… Contre son avis, il n’est pas devenu général, mais a fait ce qu’il aimait le plus : lire. Du flair et de la chance dès ses débuts ont rapidement transformé sa maison d’édition en une affaire très rentable. A l’abri du besoin, il vivote entre ses livres et ses week-ends au calme. Parfois il passe les deux jours à Belange en compagnie d’une de ses conquêtes. Des maîtresses qu’il ne garde jamais bien longtemps. Trop casanier certainement.
Odeur de cassoulet
Ce vendredi soir, en ouvrant les portes de la grande maison solitaire, il est interloqué car son odorat est agressé par une odeur de cassoulet. Rapidement il constate que quelqu’un, un squatteur, a profité de la cuisine et des réserves de Belange. Des piles de vaisselle sale dans l’évier, des boîtes de conserves vides et abandonnées, et, sacrilège absolu, le lit de sa chambre est défait, visiblement utilisé par le vagabond. Sur ses gardes, Adrien vérifie tout d’abord que l’intrus n’est plus dans les murs. Il passe ensuite son week-end à remettre de l’ordre et au moment de partir, pris d’une subite idée, il écrit au marqueur sur une feuille A4 : « Si vous revenez, continuez à ne rien casser, vous pouvez finir ce qui reste dans le frigo, mais par pitié, faites la vaisselle ». Première étape d’une correspondance qui va être au centre de ce roman racontant la rencontre entre deux êtres que tout oppose à priori.
Adrien rentre donc à Paris, laissant Belange à son squatteur.
Repas d’affaires, comité de lecture, rencontre avec des auteurs, ses journées de travail sont bien remplies mais il ne peut s’empêcher de penser à l’inconnu et ce qu’il peut bien faire dans les murs familiaux. Une obsession telle qu’il part même un jeudi pour le surprendre. Mais il fait chou blanc. Finalement, l’échange de lettres se passant de mieux en mieux, Adrien propose à son mystérieux visiteur de le rencontrer la semaine suivante. Après des journées de doute et d’angoisse il accepte et l’éditeur va enfin rencontrer de visu son squatteur… On n’en dira pas plus sur cette rencontre qui changera totalement l’existence d’Adrien. Patrick Cauvin a pris un malin plaisir à décortiquer la lente maturation du propriétaire face au locataire non voulu.
Le romancier profite également de ce roman pour dresser quelques portraits irrésistibles de personnages évoluant dans le milieu de l’édition tel ce « nègre » pouvant pondre 300 pages sur une patineuse artistique anorexique ou cette femme tourmentée racontant avec le plus grand sérieux « l’histoire d’une fille laide et toujours lugubre qui tombait amoureuse d’un employé des postes tuberculeux et prématurément veuf. (…) L’auteur prétendait que l’intérêt du roman résidait dans le fait que Blême (c’était le surnom de l’héroïne) et son postier d’amour n’échangeaient pas une seule parole ». On retrouve dans ces passages le Patrick Cauvin incisif, caricaturiste inspiré d’un milieu qu’il connaît parfaitement.
« Belange », Patrick Cauvin, Albin Michel, 17 euros
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