samedi 26 avril 2025

BD - Alix fait escale dans la supposée Atlantide

Héros méditerranéen par excellence, Alix quitte pour une fois les rivages de Mare Nostrum. Il passe les fameuses colonnes d'Hercule (Gibraltar) pour l'Atlantique, plein ouest. Pour comprendre comment le jeune Gaulois devenu Romain a décidé d'aller dans cette zone inconnue, Roger Seiter, le scénariste de cet album, raconte la fuite de d'Iphis. Cette jeune esclave est de sang royal. Avant d'âtre rachetée puis affranchie par Alix et Enak, elle était la fille du roi de Kamarès, un territoire composé d'îles, loin du continent et à l'abri de tout contact. L'Atlantide ? 

Un petit royaume coupé du monde volontairement mais à l'agonie, trop d'habitant, moins de ressources. Iphis devait aller demander de l'aide aux autres civilisations. Jetée à l'eau durant le trajet, elle se retrouve esclave de ses sauveteurs. La rencontre avec Alix va lui permettre de terminer sa mission. Elle revient donc à Kamarès mais son pays a bien changé en quelques années. 

Dessinée par Marc Jailloux, cette aventure est tout à fait dans la lignée des titres imaginés par Jacques Martin. Un dessin précis, notamment en ce qui concerne l'architecture, une intrigue bourrée de rebondissements, avec l'éternel affrontement entre le bien et le mal, la raison et la folie. Ce n'est pas du vintage-hommage, c'est de la nouveauté venue en droite ligne du passé.

"Alix" (tome 44), Casterman, 48 pages, 13,50 €

vendredi 25 avril 2025

BD - A la recherche de son totem


Ernesto ne sait pas grand chose de son passé. Ce gamin vit avec sa mère aux USA depuis qu'elle est mariée à un riche Blanc, aux affaires sulfureuses. Ernesto voudrait qu'elle lui raconte ses premières années en Haïti. Elle refuse, pour le protéger, le ménager. Son beau-père par contre a décidé de transformer cet enfant de 13 ans en homme. Il décide de l'amener avec lui à Cuba où il fait des affaires. Affaires louches avec le dictateur au pouvoir et la mafia. Alors Ernesto découvre La Havane la nuit, les petites frappes, la police corrompue, les rumeurs sur les Barbudos, ces révolutionnaires cachés dans la montagne. Un gamin abandonné dans une immense villa face à la mer, avec pour seule compagnie une petite tortue et une gouvernante. Cette femme est une activiste révolutionnaire. Elle profite de son poste pour voler des milliers de dollars au beau-père d'Ernesto. 

Cette BD, entre politique, histoire et fantastique, est écrite par Charlotte Girard et Jean-Marie Omont. Dessinée par Grégory Charlet, elle devient quasi mystique quand l'enfant rencontre une fillette farouche. C'est avec elle qu'il va aller dans des grottes pour trouver quel est son animal totem. Un récit puissant illustré par un trait de toute beauté.  

"L'île crocodile" (tome 1), Métamorphose, 88 pages, 18,50 €

jeudi 24 avril 2025

BD - Souvenirs d'un drame et d'un vieux moulin

Les vacances à la campagne. Cela peut-être de très bons souvenirs. Où des journées interminables. Pour Daniel, au début des années 60, les deux mois passés chez sa grand-mère dans le bocage normand alternent ennui et exaltation. C'est Rodolphe qui raconte ce récit d'apprentissage. Patrick Prugne, aquarelliste d'exception, se charge de la mise en images. Mise en tableaux plus exactement tant ses paysages décors et scènes sont de toute beauté. 

Daniel se sent bien seul en compagnie de sa vieille mamie. Il y a bien les illustrés (Blek, Kit Carson...), mais cela ne suffit pas à occuper ses journées, à rompre la solitude. Aussi quand il croise, près d'un joli petit moulin en activité au bord de la rivière, Paul, un jeune de son âge, ses journées changent du tout au tout. Encore plus quand il croise sa mère, Suzy. Jeune, belle... Un chouette été en perspective. 

Problème, Paul est souvent absent. Un jour, lassé de l'attendre, Daniel se rend au moulin. Il le découvre en ruines. Et découvre l'histoire de ce lieu-dit nommé "Ecoute s'il pleut" qui donne son titre à l'album. Un zeste de fantastique fait une brutale irruption dans cette BD sensible et envoûtante. 

"Ecoute s'il pleut", Editions Daniel Maghen, 72 pages, 18 €

BD - Se sentir vivre... au moins "Dix secondes"

Trouver sa place, avoir un but, se forger un avenir. Des actions essentielles pour tout être humain qui se respecte. Sauf peut-être pour Marco, grand adolescent belge traînant son ennui chronique dans la province wallonne. Marco n'est pourtant pas malheureux. Il a une famille, des amis, craque parfois pour une fille, n'est pas trop mauvais en classe. Mais il lui manque ce petit quelque chose qui nous pousse à nous lever le matin. Alors il tente des expériences. Aime ce qui est interdit. Fumer des joints, tester de nouvelles drogues, boire à tomber par terre... 

Max de Radiguès, auteur devenu incontournable dans la nouvelle BD belge indépendante, a proposé ce roman graphique sous forme de feuilleton dans un fanzine. Une fois bouclé, il est logiquement édité chez Casterman, sa maison d'édition grand public de prédilection. L’occasion pour l'auteur de raconter une partie de sa jeunesse : scooter, nuit dans les bois ou les champs, école buissonnière et autres petites bêtises. 


En lisant les non-aventures de Marco, on a parfois envie de le secouer. Lui dire entre quatre yeux d'arrêter ses dérives. Qu'il risque gros. Que la vie vaut le coup, même si elle n'est pas aussi palpitante qu'un jeu vidéo. Marco, tête à claques, qui semble totalement imperméable à tous ces avertissements. Venant de ses potes ou de la jolie Zoé. Et puis il trouve enfin un dérivatif qui lui donne l'impression d'être vivant. Le jeu des dix secondes... 

Ce roman graphique est une chronique authentique, un peu nostalgique, très amère.  

"Dix secondes", Casterman, 120 pages, 22 €

mercredi 23 avril 2025

Roman – Moments de flottement

Paru l'an dernier aux USA, ce roman de Jessica Anthony semble pourtant écrit au moment des faits, à la fin des années 50, alors que les Russes viennent de lancer leur premier Spoutnik dans l'espace et que les Américains tentent de profiter de la vie après une longue guerre et malgré la « menace rouge ». Kathleen et Virgil Beckett est le couple témoin de ces USA triomphants. 

Il gagne bien sa vie, elle s'occupe de leurs deux enfants. Ils vivent dans un bel appartement d'une résidence avec piscine. Mais un dimanche de novembre, sous un timide soleil, Kathleen décide d'aller profiter de la piscine. Elle plonge, nage, farniente et n'en sort plus de la journée. Sur ce simple petit événement, l'autrice décortique la vie du couple. On découvre les doutes de Virgil, son immobilisme et conformisme. 

Puis on plonge dans les frustrations de Kathleen, femme se sentant de plus en plus enfermée dans un rôle, trouvant dans cette piscine l'occasion de sortir des rails, d'en faire une scène pour les plus grand plaisir des autres habitants de la résidence. 

Un roman amer sur ces moments de flottement que l'on affronte forcément au cours de notre vie. 

« Nage libre » de Jessica Anthony, Le Cherche Midi, 144 pages, 18 €

mardi 22 avril 2025

BD - L'enfance simple et enchantée du petit Nekomaki


Un chat, un canard, la passion des trains, un papa joueur, une maman attentionnée : l'enfance de Nekomaki dans la campagne japonaise dans les années 70 a tout du conte de fées. Même s'il n'y a rien de magique dans ce quotidien d'un gamin âgé de 7 ou 8  ans. Ce récit, constitué de petites histoires, plonge le lecteur dans un Japon insoupçonnable. Celui des années 70, quand tout était encore simple. 

Ken a le sommeil lourd. Il dort le plus possible sur son futon, en compagnie de Momo, son gros chat, tendre, câlin et farceur. Un gros matou qui le suit comme un petit chien quand Ken part se promener le long des canaux, pas loin des rizières. Là, il joue avec des grenouilles, des scarabées ou à marcher comme un géant sur ses échasses fabriquées par son père avec des boites de conserves vides. Il aime aussi regarder passer les trains au loin. Il les connait tous, nom, horaires, type de locomotive. Une BD qui va vous réconcilier avec la vie familiale. 

Papa rentre parfois pompette du travail, mais il a souvent des cadeaux pour son fils. Il revient une fois avec une petite boule jaune. Un caneton qui grandira très vite (couvé par Momo qui finalement est une chatte et vient de donner naissance à trois adorables chatons). Le canard très dégourdi répond au nom de Mimosa. 

Le trio est constitué. Place à de grandes aventures dans ces 160 pages dessinées avec douceur et colorées dans des tons pastels  lumineux. Bref, c'est un bijou à offrir à toute personne encore capable de s'émouvoir pour les choses simples de la vie.   

"Mimosa, Momo et moi", Le Renard Doré, 160 pages en couleur, 12,90 €

lundi 21 avril 2025

Thriller – Dante et son enfer reviennent

L'âme pèse-t-elle véritablement 21 grammes ? Et où se cache-t-elle dans notre cerveau ? Deux questions parmi des dizaines qui émaillent ce thriller scientifico-mystique signé d'un maître du genre : Fabrice Papillon. Après « Aliénés », on retrouve la commissaire Louise Vernay au centre de cette enquête internationale qui va de Paris à Londres en passant par le Portugal ou Rome. De nombreux retours dans le passé permettent aussi aux lecteurs les moins savants de réviser les vies (et morts surtout) de quelques génies comme Einstein, Descartes ou Dante, justement. 

L'écrivain italien tient une place particulière au cœur de ce tsunami de menaces. Dans cette tension allant crescendo, Louise Vernay tente d'avancer à sa façon : sans mettre de gants. Ce flic très individualiste, limite borderline, est en pleine dépression. Son grand amour vient de mourir dans l'espace (relire « Aliénés ») et son petit frère, dans le coma depuis des années, est sur le point d'être « débranché ». Alors quand la fin du monde menace, elle n'y va pas avec des pincettes. 

Un thriller mené tambour battant, l'héroïne multipliant les difficultés. Mais comment va-t-elle s'en tirer ? 

« La conjuration de Dante », Fabrice Papillon, Points, 528 pages, 9,90 €

dimanche 20 avril 2025

BD - Les futurs angoissants de Koren Shadmi


L'évolution actuelle de la société vous inquiète ? Il risque pourtant y avoir pire. Comme dans les romans graphiques de Koren Shadmi parus récemment chez Marabulles. Un titre déjà connu, "Le voyageur" et un plus récent, "La passe visage". Des thématiques inquiétantes et assez angoissantes sur la fin du monde ou la prépondérance de la technologie dans nos existences d'humains si imparfaits. 


Dans "Le voyageur" on suit le périple d'un homme dans l'Amérique du futur. Il fait de l'auto-stop, semble chercher quelque chose, un but, une finalité. Il se lie avec plusieurs conducteurs. Se désespère de leur peu d'intelligence. Parfois il fait des mauvaises rencontres. Y laisse la vie. Enfin reste simplement mort quelques minutes. Car ce voyageur est immortel. Le but du voyage risque de nous faire cauchemarder...

L'autre album de Koren Shadmi disponible dans les librairies est très récent. "La passe visage" est une jeune comédienne. Rose court les cachets. Sans grand succès.

Alors elle accepte des boulots alimentaires. Elle se glisse dans différentes personnalités à la demande de clients qui veulent des véritables rencontres. De l'improvisation facilitée par son aspect physique. Car Rose a subi une intervention médicale qui lui permet de modifier les traits de son visage. A partir d'une simple photo, elle peut devenir sa cible. Épouse partie, fille morte trop jeune, mère irremplaçable : elle dîne avec ses clients, voire passe une soirée avec eux. Mais ce petit jeu de caméléon a l'inconvénient de chambouler la psyché de Rose qui ne sait plus trop qui elle est. A-t-elle même une propre personnalité ? 

Une réflexion fine et intelligente sur notre côté unique par un auteur à découvrir. Le tout dessiné dans un style très ligne claire, avec décors futuristes, ville dantesque et solitude imposée.   

"Le voyageur", "La passe visage", Koren Shadmi, Marabulles, 176 et 192 pages, 25 € chaque volume

samedi 19 avril 2025

Science-fiction – Le destin d'Elia

Surtout connue pour des comédies sentimentales, Marie Vareille, autrice française, a voulu diversifier ses écrits. Elle s'est donc lancée dans la rédaction d'une trilogie de science-fiction qui bénéficie d'une réédition au format poche, en trois volumes copieux qui vous assureront des heures de dépaysement. Dans un futur proche, la terre est ravagée après une guerre de cent ans. 

Ne reste que quelques survivants dans une société où les castes sont prépondérantes. Une élite, dominée par les passeurs d'âmes, a tous les pouvoirs et exploite la majorité. Elia, jeune fille rousse, est passeuse d'âmes. Son rôle dans ce monde inégalitaire : tuer les vieux, les faibles, les récalcitrants. Les passeurs d'âmes n'ont pas de sentiments. Pas de remords. Alors pourquoi Elia épargne Sol, jeune révolutionnaire ? Elia et Sol, un couple en devenir, qui va s'aimer, se déchirer, lutter ensemble ou l'un contre l'autre. Une histoire d'amour compliquée qui ne prend pas trop de place dans cette longue marche vers plus de justice et d'égalité. Un beau récit sur le prix à payer pour vivre libre. 

De la SF assez sombre, mais qui fera forcément réfléchir les adolescents et jeunes adultes, public privilégié de cette saga.   

« Elia, la passeuse d'âmes » (intégrale en trois volumes), PKJ, 450 pages, 8,10 €

vendredi 18 avril 2025

BD - "Somna", récits de cauchemars sortis de l'enfer


Durant de longs siècles, le sort des femmes dans les sociétés dites "civilisées" était tout sauf enviable. En plus de donner du plaisir aux hommes, elles étaient les porteuses de leur descendance. Sans oublier les contraintes de la vie quotidienne. Mais à une époque, cela ne suffisait pas. Le clergé a donc inventé des faits de sorcellerie, bonne occasion de se débarrasser sans trop de difficulté des rares individualités qui ne se contentaient pas de cette vie de misère. Un procès vite expédié et direct au bûcher !

"Somna", long récit graphique de Becky Clooman et Tula Lotay est l'histoire d'une de ces épouses qui ont eu le tort d'espérer. Dans un village anglais du XVIIe siècle, Ingrid est mariée au bailli, juge et bourreau faisant office de chef des inquisiteurs. 


Ce matin-là, elle refuse de l'accompagner à son travail. Pas étonnant, il a pour mission de tuer en place publique Greta, la femme du charpentier. Ingrid ne pourra cependant pas rater le cadavre de la malheureuse laissé une semaine au centre du village. Une image qui vient s'immiscer dans les cauchemars de la jeune femme. Des rêves où un homme sombre fait aussi de régulières apparitions. Il l'incite à se rebeller. L'entraîne vers le plaisir, la jouissance. Solitaire. Rêves érotiques qu'elle attribue à Satan. De là se prendre pour une sorcière elle aussi... Ce que ses voisins vont rapidement croire. 

Une belle histoire sur le véritable esclavage subi par les femmes. Un récit d'horreur, dessiné dans deux styles différents. Très réaliste pour les rêves, plus comics pour la réalité. L'oeuvre de deux femmes qui ont clairement choisi leur camp. Seul bémol, c'est un peu long et bavard. En d'autres temps (les années 80 par exemple, riches en BD de sorcellerie), un auteur pressé aurait condensé l'ensemble de l'histoire en dix pages.     

"Somna", Delcourt, 180 pages, 23,50 €