vendredi 28 mars 2025

BD - Humour paillard autour de Henri IV

Les petits tracas de la santé des grands de ce monde : tel est le thème de prédilection de Philippe Charlot, scénariste béarnais. Un Béarnais qui a décidé d'écrire une histoire grivoise et comique autour du plus célèbre d'entre eux. Ceux qui répondent François Bayrou devront passer le reste de la chronique au coin après avoir reçu une bonne torgnole ! Non, bien évidemment, le seul Béarnais qui a marqué l'Histoire de France reste Henri IV, le roi qui a beaucoup fait pour les Françis, un peu moins pour les poules. Même si certaines "poules" ont beaucoup bénéficié de ses faveurs quand il était en forme. Surnommé le "vert galant", il a bien une épouse mais préfère de loin les multiples conquêtes, jeunes, accortes et peu farouches. 

La chandelle du bon roy Henri se déroule en 1594 à Paris. Henri, converti au catholicisme, est devenu roi de France et a quitté Pau, son château et son gave pour Paris, son palais et la Seine. Il a quelques difficultés à imposer difficultés à imposer son autorité. Paris est rebelle. Les Parisiennes belles, mais farouches. De plus un problème urinaire lui complique la vie quotidienne. Son "porte-pot" (valet qui fait office d'urinoir ambulant) doit constamment être à ses côtés. Il a souvent envie mais ne peut que faire quelques gouttes. Il demande à son médecin de trouver un remède plus efficace, et rapidement. La solution viendra d'une voyante, un peu guérisseuse, un peu charlatane, mais experte en écoulement des fluides et en chandelles miraculeuses. 

Dessinée par Eric Hübsch, cette gaudriole est l'occasion pour les auteurs de brocarder la rigueur catholique face à la légèreté protestante. Il y est aussi question d'hypnotisme, de grand amour et de jeu de paume. On rit beaucoup à ces péripéties médicales d'un autre temps.

"La chandelle du bon roy Henri", Bamboo Grand Angle, 64 pages, 16,90 €

jeudi 27 mars 2025

BD – Julie Wood revient... sur la roue arrière


Non, Jean Graton n'a pas que le personnage de Michel Vaillant à son actif. Le bédéaste amateur de belles mécaniques a lancé dans le grand bain des courses motorisées le pendant féminin du pilote auto. Julie Wood a cependant la particularité de préférer les deux-roues aux autos. Une motarde gironde, blonde et téméraire, jeune et indépendante, qui prend un peu d'épaisseur psychologique dans cette reprise initiée par les éditions Graton et Denis Lapière, scénariste des nouvelles saisons des courses de Michel Vaillant. Au scénario, on retrouve le multicartes Philippe Pelaez. Le dessin a été confié à l'Italien Stassi, sans oublier Marc Bourgne au storyboard.

Le premier album prend des airs de polar dans une Californie violente et secrète. Des bandes de jeunes motards se retrouvent chaque week-end pour s'adonner à leur jeu préféré : le rodéo sauvage. Dans des rues souvent trop fréquentées, ils déferlent sur la roue arrière, sans casque, dans un équilibre qui ne tient qu'à un fil. Comme leur vie.

Au cours d'un de ces rodéos, un homme meurt. La police croit à un accident quand elle découvre l'impact d'une balle. Abattu. Et dans son portefeuille, un rapport avec le garage de l'oncle de Julie Wood. Cette dernière, tentée par une carrière dans le circuit de « flat track », va tenter de comprendre le lien du mort avec sa famille.

On apprécie le réalisme de la série, la beauté de Julie, sa détermination et les gros cylindres parfaitement dessinés par Stassi. Une histoire à suivre, évidemment, mêlant compétition et affaires familiales. Un parfait hommage au monde de Jean Graton.

« Juie Wood – Mortel rodéo », Graton, 56 pages, 15,50 €

mercredi 26 mars 2025

BD - Quittons Castlewitch à regret

Trois tomes. Trois tomes seulement pourrait-on dire. Les aventures des jeunes héros de Castlewitch prennent fin avec ce Nécromalificum, troisième et dernier titre de la série. Imaginé par Nicolas Jarry, dessiné par François Gomès, cet univers riche de possibilités fantastiques aurait pu connaître de nouveaux développements. On a l'impression en refermant l'album que les deux auteurs sont comme nostalgiques (voire déçus), de conclure le récit d'une façon un peu bancale. On se trompe peut-être. On l'espère du moins...

Castlewitch est une petite bourgade où la magie est forte. Elle se révèle par l'apparition dans le vrai monde pour quelques jeunes habitants d'amis imaginaires aux pouvoirs surprenants et presque sans limite. Dans les deux précédents albums, les cinq copains ont bataillé avec leurs totems pour combattre des Maléfics, des entités peu sympathiques. 

Le groupe est en partie dissout. Farah est partie habiter loin de la ville, Sam se retrouve en centre de redressement. Reste Tess, Malo et le plus jeune, Jules. Ils s'entraînent au cas où d'autres Maléfics reviennent. L'histoire raconte le début d'amitié entre une petite fille qui a pour ami un Maléfic. Elle arrive à canaliser ses humeurs. Mais jusqu'à quand ? 

Beaucoup de combats dans la dernière partie de l'album. Cela fera plaisir aux plus jeunes et permet au dessinateur de sortir des compositions un peu classiques du début. Certaines doubles planches sont d'une réelles beauté tout en étant d'une redoutable efficacité. 

A priori donc, l'aventure à Castlewitch s'achève, mais on retrouvera certainement ces deux auteurs dans d'autres projets tout aussi concluants.

"Castlewitch" (tome 3), Soleil, 56 pages, 13,50 €

mardi 25 mars 2025

BD - Triple magie dans le monde d'Atana

Dessins très simples, pages du format comics, histoire à la portée des plus jeunes : Atana et l'oiseau de feu, première BD de la canadienne Vivian Zhou, est le parfait résumé des oeuvres proposées actuellement à la jeunesse occidentale. Un mélange bienveillant de fantastique merveilleux, de bons sentiments, d'inclusion, le tout sous des couleurs pastels et sans la moindre once de violence. 

Atana est une jeune fille vivant seule sur une île déserte. Elle a été bannie par son peuple : les sirènes. Une nuit, elle admire le passage de quelques oiseaux de feu, des créatures volantes allant de planète en planète. 

Quand elle remarque que l'une d'entre elles, Ren, décide de s'arrêter et de lier connaissance, Atana se met à espérer. Espérer découvrir le monde, quitter son île, retrouver son peuple, découvrir de nouveaux livres...  Le duo va donc partir en scooter de mer vers le palais de la Reine-Mage. Un périple mouvementé, avec attaque de  brigands. Une fois au palais, sous la protection de la troisième héroïne du trio, Cosmos, apprentie garde, Atana et Ren vont découvrir les mystères entourant la magie sur terre. Elle a trois origines pour trois peuples : les sirènes, les oiseaux feu et les mages. 

Cette histoire d'amitié et d'entraide est sans doute trop simple pour véritablement intéresser les plus âgés. Mais elle semble parfaite pour les apprentis lecteurs de 9 à 15 ans. 

"Atana et l'oiseau de feu", Bayard Jeunesse, 256 pages, 19,95 € 

lundi 24 mars 2025

Thriller - Dangereux projet futuriste dans "L'expérience Pentagramme" d'Yves Sente

On retrouve l'imagination débridée d'Yves Sente, scénariste BD (XIII, Thorgal, Blake et Mortimer) dans ce thriller technologique entre USA et Belgique. 

Ils sont cinq. Cinq Américains, passés par la case armée, intégrés dans la société et tout à coup comme déboussolés. Trois hommes et deux femmes, du même âge, entendant une voix leur intimant de partir vers l'Est afin de « rejoindre le sujet n° 1 ». Le début du premier roman (un thriller, évidemment) d'Yves Sente, plus connu pour sa production BD, semble un peu long. Il est vrai que l'auteur entend avant tout planter le décor et présenter ces cinq personnages placés au centre de L'expérience Pentagramme. Sans oublier le prologue, dans une base secrète américaine souterraine pas loin de la frontière avec le Mexique. Mais sa vista dans l'écriture et l'action, si efficace en BD, fait des miracles et on se laisse happer par cette histoire entre manipulations biotechnologiques par les apprentis sorciers de l'armée US, éruptions solaires aux conséquences catastrophiques et balade touristique dans le Brabant Wallon, riante région de la Belgique francophone. 

C'est exactement à Waterloo que se concentrent les péripéties de la seconde partie. Dans un lotissement huppé, le Clos de l'Empereur, les cinq Américains se retrouvent et se soutiennent pour ne pas devenir fous. Ils ont tous entendu la voix, tous obéi et attendent la suite des événements. C'est là qu'intervient l'héroïne récurrente de ce qui pourrait devenir une série : Waya Wings, la cheffe de la sécurité d'une agence de l'armée américaine. Comme elle l'explique prosaïquement, « quand les scientifiques du Pentagone dérapent, c'est à moi qu'on fait appel. » Elle va donc plonger au cœur de cette expérience Pentagramme, projet secret mis en sommeil depuis des années et qui se réveille au pire des moments. 

L'occasion de décrire des péripéties dignes des grands films hollywoodiens, notamment une course poursuite pittoresque sur la Butte du Lion, site touristique très prisé des Britanniques, un peu moins des Français. « Au milieu des prairies se dressait un monticule conique couvert de gazon et surmonté d'une imposante statue de lion, une patte avant posée sur une sphère de bronze. Le monument était d'autant plus incongru qu'il était érigé au milieu des champs de pommes de terre. » Et pourtant, comme l'explique cet agent immobilier (un certain Vandamme...) à un des visiteurs venu de l'autre côté de l'Atlantique, « c'est sur ces champs que les armées alliées se sont rejointes pour mettre fin aux ambitions de Napoléon et changer le cours de l'histoire européenne ». La tâche sera encore plus ardue pour Waya Wings puisque c'est l'équilibre mondial et l'avenir de l'Humanité qui sont en jeu lors de cette balade très mouvementée en Belgique.  

« L'expérience Pentagramme », Yves Sente, Seuil – Verso, 560 pages, 22,90 €

dimanche 23 mars 2025

Polar historique - Premiers bistouris dans "Le jardin des anatomistes"

Un polar historique, pour être réussi (et donc passionnant pour le lecteur), doit, en plus d'une bonne intrigue et de personnages crédibles, décrire une époque et des pratiques que l'on ne soupçonne pas. Pour son second roman, Le Jardin des anatomistes, Noémie Adenis réussit un strike indéniable. 

Dans le Paris de la la fin du XVIIe siècle, Sébastien de Noilat, un jeune herboriste de Sologne, découvre la guerre que se mènent les médecins et les chirurgiens. Les premiers, traditionalistes, n'aiment pas les changements. Les seconds, interdits de faculté, pour soigner, vont au fond des choses... armés de bistouris, scies et autres pinces qui explorent le corps humain encore peu connu. 

Les chirurgiens formés sur le tas grâce à des démonstrations (sur des cadavres) proposées dans le Jardin du roi. Quand un imitateur décide d'opérer, à vif, des malades ivres dans des tavernes Sébastien doit démasquer un faux chirurgien mais vrai tueur. Le roman parfait pour les amateurs de viande saignante.  

« Le Jardin des anatomistes », Pocket, 416 pages, 9,60 € (paru en grand format chez Robert Laffont)

samedi 22 mars 2025

BD - Reportage de l'horreur sur la planète Terminus


Parmi les BD de science-fiction, il y a les gentilles, les intelligentes et les noires, généralement très pessimistes et particulièrement violentes. Si c'est cette dernière catégorie qui vous attire, vous devriez apprécier ce one-shot, écrit par Matt Kindt et dessiné par Dan McDaid, au titre énigmatique : "Si vous lisez ça, c'est que je suis déjà morte..." 

Cette phrase c'est Robin qui l'écrit, une journaliste. Elle a été sélectionnée pour réaliser le premier reportage sur la planète Terminus. Un astre qui n'a pour l'instant vu que quelques militaires solidement entraînés. 

Le débarquement se fait dans la grande tradition des films à gros spectacles. Une équipe de durs à cuire pour chaperonner la jeune journaliste intrépide. La nef se pose sur une petite enclave, seul endroit réputé sûr de la planète. Mais rien ne se passe comme prévu. En dix minutes, les soldats sont exterminés, il ne reste plus que Robin, tentant de trouver le salut en se cachant dans des sous-sols hostiles. 

Un long cauchemar pour la jeune femme, confrontée à plusieurs sortes d'extraterrestres, tous plus agressifs les uns que les autres, quasiment des dieux dans ce monde de fureur et de sang. 

La transformation et la survie de Robin n'est pas pour les âmes sensibles. La violence atteint des sommets. Jusqu'à la mort... à moins que. Un roman graphique sur la prétention des Humains, leurs faiblesses et propension à trahir. De la SF noire, pessimiste et violente comme expliqué en introduction.   

"Si vous lisez ça, c'est que je suis déjà morte...", Delcourt, 96 pages, 19,50 €

vendredi 21 mars 2025

BD - "La veuve" cherche la rédemption

Elle court, seule, dans la forêt. Epuisée, apeurée, sans autre but que de survivre. Elle a trop vu de morts ces derniers temps. Derrière elle pas très loin, deux hommes armés et un chien. Les chasseurs. Elle est la proie. Début de récit tout en tension, dans une nature sauvage et inhospitalière. 

Pourtant ce n'est que le début de la longue fuite en avant de l'héroïne de ce roman graphique de Glen Chapron tiré du roman "La veuve" de Gil Adamson. Le Canada du début du XXe siècle. Terre en devenir, encore inexplorée, de plus en plus exploitée. 

La veuve que l'on suit est une jeune femme de 19 ans. Elle a perdu son bébé. Et dans la foulée a tué son mari. Un ivrogne, violent, arrogant. Il avant l'habitude, en rentrant de la chasse, de lui confier son fusil pour qu'elle le nettoie. Ce soir-là, elle s'est contenté de le recharger et de lui tirer dessus. Les deux hommes qui la poursuivent, ce sont ses beaux-frères. Ils veulent se venger. Les jours passent, elle survit dans la forêt, rencontre un trappeur qui va l'aider. L'aimer aussi un peu. Mais la veuve ne veut plus s'attacher. 

Elle continue son chemin, débarque dans une ville de mineurs, devient l'aide d'un pasteur. Ce roman, d'une puissance rare, tant par le récit que les dessins en noir et blanc d'une densité et d'une brutalité extrêmes, se dévore. Du grand art par un artiste majuscule.

"La veuve" de Glen Chapron (adapté du roman de Gil Andamson), Glénat, 176 pages, 25 €

jeudi 20 mars 2025

BD - Une famille unie lancée dans "Le grand monde"

Roman paru chez Calmann-Lévy et vendu à des milliers d'exemplaires, Le grand monde de Pierre Lemaitre est adapté en BD. Toujours par Christian de Metter qui avait déjà proposé une version graphique de la précédente trilogie débutée par Au revoir là-haut. Pas toujours évident de proposer une version illustrée d'un texte si riche. Le dessinateur a pourtant trouvé les ressources pour transformer ce roman fleuve en passionnante saga familiale, aux décors multiples et rebondissements encore plus nombreux.

La famille Pelletier est au centre de ce témoignage du monde de la la fin des années 40. La guerre vient à peine de s'achever. La tension est encore palpable à Paris. C'est là que les ennuis débutent pour Jean, François et Hélène, trois des enfants du couple Pelletier connu pour sa prospère savonnerie installée à Beyrouth. Les trois enfants Pelletier, tous majeurs, sont arrêtés et interrogés par la police. Ils ont bien des choses à se reprocher. Mais ne savent pas exactement pourquoi ils se retrouvent en position d'accusés. 

Jean et sa femme magouillent dans le textile. Des tissus achetés à vil prix aux artisans juifs, quelques années plus tard, quand il fallait trouver de l'argent pour quitter cette France occupée de plus en plus antisémite. 

Hélène a des relations douteuses. Des drogués qui braquent des pharmacies. Quant à François, journaliste, il est sur le point de dévoiler un gros scandale financier lié à la piastre indochinoise. Trois histoires entrecroisées, parfaitement amenées et développées, de Paris au Liban en passant par l'Indochine, colonie en guerre où le quatrième fils Pelletier, Etienne, tente désespérément de retrouver le grand amour de sa vie. 

On ne doit pas en dire trop pour ne pas gâcher les rebondissements et liens entre les différentes affaires (et même romans de Pierre Lemaitre). D'ailleurs c'est le gros problème de ces adaptations dessinées. Ceux qui ont lu le roman sont toujours un peu désappointé. Et une fois l'album refermé, on a envie de lire le roman, tout en sachant à l'avance ce qu'il va se passer. Par chance, certaines oeuvres sont plus fortes que tout. Le grand monde en fait partie. 

"Le grand monde", Rue de Sèvres, 184 pages, 25 €

mercredi 19 mars 2025

BD - Quand Cuba était sous influence

Cuba est redevenu une destination touristique prisée malgré la dictature. C'était déjà le cas dans les années 50, avant que Fidel Castro et ses "barbudos" ne fassent chuter Batista. Le premier tome de cette série écrite par Frédéric Brrémaud et dessinée par Vic Macioci débute en 1958. Dans une capitale cubaine en pleine effervescence (un match de base-ball passionne les foules), les deux employés de l'agence de détective Valdès sont chargés d'accueillir au port la fille du patron, Lily, une jeune Américaine. 

Son père, aux prises avec une branche de la mafia locale, doit accomplir une mission risquée pour effacer une dette. Il va charger ses deux employés, John Botia (un ancien agent de la CIA) et José Cojones (un local couard et lâche, l'élément comique du trio), d'enlever la femme d'un rival. Lily voudra apporter son aide, comme pour prouver son amour pour ce père qu'elle n'a quasiment pas connu. Entre le gouvernement corrompu, la police violente, les gangsters encore plus sadiques, les manoeuvres de déstabilisation de la CIA et les attaques des Révolutionnaires, les trois compères vont avoir beaucoup de difficultés à sauver leur otage et leurs fesses. 

Tout en étant un véritable polar, ancré dans la réalité historique, c'est avant tout une BD d'action au second degré, avec de nombreux gags et des situations hautement risibles, même si le danger est réel. La mise en place est un peu longue, mais une fois la course lancée sur l'île, les scènes s'enchaînent et le trait ferme et plein de force de Vic Macioci fait le idéalement le job. 

Vivement le second tome pour savoir si John, José et Lily vont parvenir à sauver Valdès. Quant à l'avenir de Cuba, de Batista et de Castro, il fait désormais partie de l'histoire du XXe siècle.   

"Havana Split" (tome 1), 96  pages, 17,50 €