vendredi 31 janvier 2025

Cinéma - “Maldoror” : gendarme idéaliste face à l’horreur

Librement inspiré de l’affaire Marc Dutroux en Belgique, ce thriller de Fabrice du Welz mélange quête personnelle de justice, guerre des polices et soupçons sur un réseau de pédophiles.

Pour aborder l’affaire du pédophile Marc Dutroux qui a bouleversé la Belgique (et au-delà), Fabrice Du Welz a beaucoup gambergé. Il avait 20 ans quand l’homme le plus recherché de Belgique a été arrêté après une succession invraisemblable d’erreurs et d’errements sur fond de guerre des polices. Profondément marqué par le climat de l’époque, le cinéaste qui a fait ses premières armes dans l’horreur, a trouvé la solution quand il a envisagé de raconter les faits à travers les actions d’un « homme traumatisé par la culpabilité » et d’en modifier l‘épilogue en écrivant une « uchronie, jusqu’au fantasme de justice dont nous avons été privés par ses nombreux dysfonctionnements ».

Paul Chartier (Anthony Bajon), est un jeune gendarme en poste à Charleroi. Ses collègues, prototypes des fonctionnaires sans illusion, évitant les ennuis quitte à laisser les délinquants en liberté, pensent qu’il fait du zèle. En fait, Chartier cherche à racheter les fautes de son père. Devenir exemplaire pour faire oublier le passé de son géniteur, braqueur incarcéré pour meurtre.

Dans cette Belgique ouvrière, en pleine crise sociale, la disparition de deux fillettes est à la une de tous les journaux. Chartier veut les retrouver. Il va chercher la moindre piste et se focaliser sur un certain Marcel Dedieu (Sergi Lopez), déjà condamné et surveillé par une petite cellule nommée Maldoror. Chartier la rejoint, tente de trouver des preuves mais est rapidement freiné par sa hiérarchie (Laurent Lucas). Il va dès lors la jouer solo, oubliant les procédures, mettant son emploi, sa vie et sa famille en danger.

Très long pour un film européen (2 h 35 mn), Maldoror est construit comme une tragédie. Au début, tout sourit à Chartier. Il se marie, a une petite fille et un boulot a priori exaltant. La réalité de la Belgique, pays où tout est toujours plus compliqué qu’ailleurs, lui revient tel un boomerang en pleine tête. Son intime conviction de la culpabilité de Dedieu l’entraîne dans une chute inéluctable.

Finalement, le pédophile sera arrêté, mais l’histoire de Chartier ne s’arrête pas là. Qui a protégé cet homme ? Fournissait-il des personnalités en « chair fraîche » par l’intermédiaire d’un notable (exceptionnelle composition de Jackie Berroyer, méconnaissable) ? Comment a-t-il pu s’évader quelques heures ? Beaucoup de questions sans réponses et de soupçons planent encore sur le Royaume de Belgique. Le film, Maldoror, n’apporte pas de solution. Sauf sur un point précis. Mais cela reste de la pure uchronie.

Film de Fabrice Du Welz avec Anthony Bajon, Alba Gaia Bellugi, Alexis Manenti, Sergi Lopez, Laurent Lucas, Béatrice Dalle

 

jeudi 30 janvier 2025

Roman français - « Ta promesse » : d’un bel amour à une fin tragique

L’amour rend aveugle. Et un peu naïve dans le cas de la narratrice de ce roman de Camille Laurens. Jusqu’à ce que les grandes promesses du début volent en éclat avec pertes et fracas.


Claire Lancel, le personnage principal de ce roman signé Camille Laurens, est son double de fiction. D’autofiction exactement. Il y a un peu de sa vie. Et des gros morceaux totalement imaginaires. Cette romancière, a toujours tissé son œuvre littéraire autour de sa propre existence. On peut donc lire ce livre en essayant de démêler le vrai du faux. Mais le mieux est de s’y plonger en se persuadant que rien n’est vrai, que la vie ne peut pas être aussi forte, puissante et dévastatrice que cette histoire d’amour, de coup de foudre, qui finit mal.

Claire Lancel, romancière reconnue, vivant de sa plume, est triste. Seule, la cinquantaine. Quand elle accepte d’aller, sur l’insistance de sa meilleure amie à une soirée, un 31 décembre, elle ne se doute pas qu’elle va y retrouver le metteur en scène Gilles Fabian. Un bel homme, à l’écoute, intelligent. Elle va le séduire (ou l’inverse…) et débute alors une romance sans nuage. Le pire qui peut lui arriver car « on n’écrit pas sur le bonheur. La seule matière de la littérature, c’est le chagrin. Ou la passion, ce qui revient au même au bout d’un moment. »

Construit comme un thriller qui dévoile lentement l’horreur de la situation (gendarmes, avocats, prison, procès), Ta promesse va crescendo dans la tension entre ces deux que tout attire. Claire est amoureuse. Gilles est heureux avec elle. Mais que cache cette trop belle harmonie, cette dolce vita en bord de mer Méditerranée, à l’ombre d’un mimosa en fleurs ?

La romancière va finalement se découvrir dans le pire des rôles, celui de la femme manipulée, trompée, abusée. Jusqu’à l’apparition de la violence, du sang… Un paradoxe qu’elle tente de comprendre : « Quand elle détruit, elle désire encore. En se vengeant, elle continue d’aimer. » Un bel amour, une fin tragique, un roman fort et prenant.

« Ta promesse », Camille Laurens, Gallimard, 364 pages, 22,50 €

mercredi 29 janvier 2025

Un récit de voyage - Vers les îles Éparses


Dans le canal du Mozambique, il y a Mayotte mais aussi les îles Éparses. De minuscules bouts de terre, territoire français habité en permanence par quelques militaires.

Olivier Rolin, écrivain voyageur, a embarqué sur le Champlain, un navire de la Marine nationale, chargé de ravitailler ces bases. Un mois de navigation qu’il raconte (et dessine) dans ce récit dépaysant. Beaucoup de références littéraires, mais aussi de réflexion sur le temps qui passe : « Cette croisière marque vraiment pour moi un passage dans ma vie, ce n’est pas seulement vers les îles Éparses que je navigue, mais vers l’état déplorable, fragile et un peu ridicule, de vieux. » Il va vivre durant un mois en compagnie d’un équipage de jeunes militaires, débordant de vie et de projets.

Et c’est sans doute cet aspect de sa réflexion qui est le plus intéressant et édifiant.
« Vers les îles Éparses », Olivier Rolin, Verdier, 96 pages, 17,50 €

mardi 28 janvier 2025

Un premier roman - Carcoma


Plus qu’une maison hantée, c’est une maison maléfique qui est au centre de Carcoma, premier roman de la jeune autrice espagnole Layla Martinez.

Ce texte, paru en 2021 en Espagne, est enfin traduit en français par Isabelle Gugnon qui a osé se confronter à ce récit de femmes au bord de la folie. Carcoma, ce sont les vers à bois qui détruisent les charpentes des maisons. C’est aussi, dans la langue de Cervantès, une « préoccupation constante et grave qui vous consume, vous ronge peu à peu. » Les habitantes de la maison, de l’arrière-grand-mère à la dernière petite fille, sont toutes un peu dérangées. Comme possédées par cette maison qui regorge d’ombres. La grand-mère de la dernière narratrice, à moitié folle, implore « toutes les petites saintes mortes par la main d’hommes enragés ».

Le premier homme « enragé », celui qui a construit le bâtiment pour y enfermer son épouse, est mort sur place. Dans d’atroces souffrances qui n’ont fait qu’amplifier les rumeurs au village. Un texte fort et violent, sur la peine des femmes et leur pouvoir de vengeance.
« Carcoma » de Layla Martinez, Seuil, 144 pages, 18,50 €

lundi 27 janvier 2025

Un roman jeunesse - Les Wouf


Ozzi, Pitt et Jimi sont des chiens. Exactement des « musichiens » puisqu’ils forment le groupe des Wouf. Régulièrement, ils donnent des concerts sur leur péniche.


Écrit par Élodie Chan, illustré par Anthony Martinez, ce roman jeunesse (à partir de 6 ans) débute mal pour Jimy. Après une chute, il se réveille amnésique. Et il a perdu son instrument, une flûte.

Par chance, ses deux amis vont l’aider à retrouver la mémoire. Mais le chemin sera long et périlleux (notamment face à une horde de rats déterminés à ne pas rendre la flûte) avant de pouvoir reformer le trio et entraîner tous les habitants de ce monde un peu magique dans un concert mémorable.
« Les Wouf ! », L’École des Loisirs, 88 pages, 9 €

dimanche 26 janvier 2025

Une romance new adult - West Well de Lena Kieffer


De la haine à l’amour… Deux familles ennemies et, par malheur, deux des rejetons tombent amoureux. Rien de bien nouveau et pourtant cela marche toujours. 

La preuve avec le succès de ce roman de l’Allemande Lena Kieffer. A New York, deux familles richissimes du secteur de l’immobilier se détestent. Encore plus depuis que les deux héritiers antagonistes ont été retrouvés morts d’overdose après une brève histoire d’amour torride.

Et l’histoire semble se répéter, Helena va craquer pour Jessiah. Et réciproquement. Les fans de luxe, d’amours compliquées, de vengeance tordue et de buildings seront aux anges. Les autres n’y verront que clichés et grosses ficelles.
« West Well » de Lena Kiefer, Nox - Albin Michel, 512 pages, 19,90 €

samedi 25 janvier 2025

BD - Drogue mortelle et arts interdits dans un futur pessimiste


Blade Runner à Lyon. C’est le résumé graphique du premier tome de cette nouvelle série de science-fiction dessinée par Jef sur un scénario de Kevan Stevens. Le nom exact de la ville où évoluent les protagonistes de cette utopie sombre et pessimiste est Mégalopolyon.


On suit les vies du maire, monstre obèse bourré de prothèses robotiques, sa fille, cheveux bleus et indépendance chevillée au corps, son fils, trisomique caché car normalement interdit de vie. Il y a aussi un homme qui vend son talent de musicien. En cachette car dans cette société futuriste totalitaire, musique et littérature sont interdits. Qui est surpris en possession d’un instrument ou d’un livre est immédiatement condamné à mort. Et exécuté sur place.

La mort guette tout le monde, encore plus quand de la drogue frelatée inonde la ville. Un premier tome qui pose les bases de la société. On ne sait pas exactement ce que cherchent les acteurs du récit. Mais on se dit que finalement on ne devrait pas se plaindre de notre présent si cet univers est le futur inéluctable de nos petits-enfants.
« La mécanique » (tome 1/3), Soleil, 84 pages, 17,50 € 

vendredi 24 janvier 2025

BD - La fin du Duce racontée en détail


La dernière photo de Mussolini, le Duce, est terrible. Le dictateur est exhibé, pendu par les pieds après son exécution. Il est accroché à côté de sa maîtresse, Clara Petacci, elle aussi fusillée quelques heures auparavant sur les bords du lac de Côme. Une ultime photo qui résume La dernière nuit de Mussolini racontée par Jean-Charles Chapuzet, scénariste et historien, et dessinée par Christophe Girard.


Ce sont exactement les trois derniers jours de fuite dans la région qui sont détaillés dans ce roman graphique historique. Et pour mieux comprendre, les auteurs proposent des retours en arrière, expliquant l’évolution politique du Duce (de socialiste à fasciste) et son arrivée au pouvoir après une alliance avec Hitler. Grand séducteur, il a multiplié les conquêtes et les enfants, souvent illégitimes.

Rien ne l’arrêtait. Du moins jusqu’à l’avancée des troupes alliées et la volonté de vengeance des compagnons de ces milliers d’opposants assassinés lors de son règne.

Le destin tragique d’un homme présenté comme profondément patriote, parfois un peu lâche, totalement dépassé par les événements à la fin de sa vie.
« La dernière nuit de Mussolini », Glénat, 128 pages, 21,50 €

jeudi 23 janvier 2025

BD - Jack Gilet, bourreau itinérant américain

Très beau et passionnant roman graphique signé par David Ratte, auteur prolixe installé depuis de nombreuses années dans les Pyrénées-Orientales. Jack Gilet, le héros, a hérité de la charge de son père : bourreau. Dans l’Amérique du début du XXe siècle, le travail ne manque pas. Mais Jack est un sensible. Tuer des hommes ou des femmes, il ne peut pas. Il s’est reconverti en bourreau d’animaux.

Il sillonne l’Amérique rurale, pour exécuter les sentences parfois étonnantes contre une vache belliqueuse, un chien agressif, voire un cochon affamé (il a mangé un nourrisson…). A Flagstone, petite ville peuplée de « péquenaud », dixit Jack Gilet, en plus d’une truie, il doit pendre une chèvre coupable d’avoir envoyé par-dessus le parapet d’un pont un homme qui s’en prenait à sa propriétaire, Winifred, jeune sauvageonne. Malgré les pleurs de la jeune fille lors du procès, l’animal est condamné. Jack officie et repart vers une nouvelle mission. Winifred, en rage, décide de le suivre et de se venger. Cette longue course-poursuite à travers les superbes paysages des USA encore sauvages, est une plongée dans les consciences de deux personnages.

Si Jack peut tuer des animaux sans s’émouvoir, au contraire, Winifred les trouve plus attachants que les hommes dont on peut se débarrasser sans problème.

Une belle histoire, pleine de rebondissements, portée par des planches d’une exceptionnelle beauté, en couleurs directes à l’aquarelle.
« À la poursuite de Jack Gilet », Bamboo Grand Angle, 128 pages, 19,90 €

mercredi 22 janvier 2025

Cinéma - Le secret du père de “La fille d’un grand amour”

Le premier film d’Agnès de Sacy, « La fille d’un grand amour », avec François Damiens et Isabelle Carré a été en grande partie tourné dans les Pyrénées-Orientales, au pied des Albères.

Retour aux sources pour Agnès de Sacy, scénariste de cinéma depuis une vingtaine d’années. Elle s’inspire de son histoire familiale pour réaliser son premier long-métrage, La fille d’un grand amour. Un film mélodramatique, avec François Damiens et Isabelle Carré en vedette, tourné en grande partie à Bages et Perpignan à l’automne dernier. Une histoire qui tourne autour du coup de foudre mais aussi des secrets de famille et des vies cachées, voire gâchées.

Le sujet est né au début des années 90, quand Agnès de Sacy, élève à la FEMIS, la prestigieuse école de cinéma parisienne, réalise un film dans le cadre de son cursus étudiant sur le thème « Filmer vos parents ». Elle interroge son père et sa mère sur leur première rencontre à la fin des années 50 dans une boutique parisienne. Ce documentaire, elle va en montrer, au début du film, la fabrication, avec deux comédiens dans le rôle des parents. François Damiens est Yves, le père, Isabelle Carré, Ana, la mère. Ils racontent ce coup de foudre, donnent deux versions assez différentes de cette première rencontre. Mais au moment du film, cela fait longtemps qu’ils sont divorcés.

Un mas au pied des Albères

Nous sommes au début des années 90, Yves travaille dans une banque à Paris, Ana est antiquaire dans la région de Perpignan dans un grand mas au pied des Albères. Ce film va être le bon motif pour permettre à Yves de passer un week-end en Catalogne, découvrant la nouvelle vie de son ancienne épouse. Retrouvailles qui vont rapidement virer à la dispute. La suite, racontée (subie plus exactement) par Cécile (Claire Duburcq), la fille, double fictionnel de la réalisatrice, est pleine de rebondissements, de drames, de lourds secrets (notamment de la part d’Yves) et de moments de joie.

Très personnelle, cette histoire de famille compliquée, a été tournée en grande partie dans la maison même du père de la réalisatrice. Un superbe mas, avec vue sur les Albères, régulièrement montrées dans le film quand François Damiens et Isabelle Carré se promènent dans les vignes alentour. Une région qu’Isabelle de Sacy connaît bien, sa famille maternelle ayant toujours vécu là. Elle y a passé de nombreuses vacances, enfant. Elle y aime notamment la lumière, unique. Et effectivement, ce film est lumineux, de plus en plus éclairé par ce grand amour et la libération, par la parole et l’écrit, de la mère et du père d’Agnès de Sacy.

Film d’Agnès De Sacy avec Isabelle Carré, François Damiens, Claire Duburcq


Agnès de Sacy : “Un amour passionnel”


Venues présenter en avant-première, début décembre, le film au cinéma Castillet de Perpignan, Agnès de Sacy et son interprète, Isabelle Carré, sont longuement revenus sur ce film qui les touche professionnellement et personnellement.

Isabelle Carré : « Le film raconte le fait qu’on a droit aux secondes chances. Mon personnage y croit. Elle a une sorte de foi qu’elle s’est construite elle-même. Elle croit qu’en étant libre, dans la tolérance, c’est possible. »

Agnès de Sacy : « Ce sont deux personnes qui ont eu une histoire singulière, c’est leur histoire. Il y a des personnes séparées qui ne se retrouveront jamais, qui refont leur vie. Il se trouve qu’eux deux, sont deux personnes qui ont eu un amour tout à fait singulier et extrêmement passionnel. »

Isabelle Carré : « J’ai beaucoup évolué grâce à l’écriture de romans. Je n’ai aucune frustration à être au service des auteurs, mais il était temps pour moi de dire mes mots. Raconter mes propres histoires m’a aidé à trouver une autre voix, à changer, évoluer et acquérir de la confiance. »

Agnès de Sacy : « François Damiens est un grand émotif, un hypersensible et c’est un homme dans sa maladresse qui est bouleversant. Je voulais, sans aucun mot, qu’on comprenne pourquoi cette femme l‘aime. En face j’avais Isabelle Carré qui est une Rolls, une actrice d’une précision, d’une rapidité et d’une intelligence rares. Les réunir m’a paru évident. »

À propos de la maison du tournage : « C’est un personnage. Je l‘ai cherchée avec mon chef opérateur et ma décoratrice, se souvient Agnès de Sacy. On a visité plusieurs mas dans la région pour finir par tourner dans la maison où habitait mon père et qui était évidemment celle qui m’inspirait quand j’écrivais. On était en repérage et on dormait à la maison et à chaque fois qu’on revenait, mon père me demandait « Mais pourquoi vous ne tournez pas ici ? » Il revenait dessus en me taquinant. Et puis l’équipe m‘a convaincue. C’est un grand bonheur de tourner dans un espace qu’on connaît intimement. »

mardi 21 janvier 2025

En vidéo, “Le roman de Jim” des frères Larrieu

Cette histoire, d’un presque père ballotté par les sentiments et les événements, fait du bien. Adapté du livre de Pierric Bailly, Le roman de Jim des frères Larrieu dresse le portrait d’une génération sensible et à l’écoute. Un amant gentil, présent et dévoué interprété par Karim Leklou.

L’amour qu’il porte à sa compagne enceinte (Laetitia Dosch), va se communiquer à ce petit garçon qu’il va accompagner dans ses premières années de la vie. Un film d’une beauté absolue, parfois jubilatoire, parfois triste. Comme la vie. Juste la vie.

L’édition en vidéo chez Pyramide sortie cette semaine offre une profusion de bonus pour aller plus loin dont des entretiens avec Arnaud et Jean-Marie Larrieu (27 min), l’écrivain Pierric Bailly à propos des lieux du tournage (15 min) ou Karim Leklou (18 min)

lundi 20 janvier 2025

Roman - « Vous parler de mon fils », texte poignant sur le harcèlement scolaire

Vincent veut se souvenir de Hugo, ce fils qu’il vient de perdre. Il se sent coupable de ne pas avoir compris la situation. Le roman de Philippe Besson est un réquisitoire contre ce harcèlement scolaire sournois et trop souvent sous-estimé.


Alors que  des millions d’enfants viennent de reprendre le chemin de l’école, des collèges et lycées. Un lieu de savoir où malheureusement s’épanouit aussi une forme de terrorisme insidieux : le harcèlement scolaire. Car parmi les cohortes de jeunes, certains auront la boule au ventre, persuadés que leur cauchemar, mis sous l’éteignoir durant les vacances de fin d’année, va reprendre de plus belle. Combien parmi eux ne verront pas les beaux jours du printemps ? Le taux de suicide parmi les victimes de harcèlement est de plus en plus élevé.

Un sujet de société au centre du roman de Philippe Besson paru ce jeudi 2 janvier 2025 et intitulé « Vous parler de mon fils ». On suit le narrateur, Vincent, durant une journée particulière. Un mois après le drame, il va participer, avec sa femme et son autre enfant, à une marche blanche en hommage à Hugo, son aîné. Hugo n’est plus là. La mort « c’est très concret. C’est une chaise vide dans le petit matin tranquille, malgré le soleil qui éclabousse. » Hugo a fait le choix de partir, d’abandonner face au désastre de sa vie.

Un adolescent un peu renfermé, timide, pas très costaud, intelligent et bon élève. Le portrait idéal pour devenir le souffre-douleur de quelques idiots congénitaux, avides de méchanceté, de ce plaisir coupable de faire du mal, de terroriser. Les parents, notamment la mère, se doutent que quelque chose ne tourne plus rond. Mais Vincent temporise, refuse de s’inquiéter, persuadé qu’au contraire cela permettra à Hugo de fortifier sa personnalité. De se durcir De devenir un homme…

Au contraire, le mal-être de l’adolescent va s’ancrer profondément avec les coups, les SMS, les insultes. Et ce ne sont pas ces dernières les moins graves. Vincent l’a compris, mais trop tard : « Une insulte n’est pas une abstraction, c’est très concret. L’avilissement n’est pas théorique, on le ressent dans sa chair, il lacère le corps, comme le ferait une lame de couteau. » Dans ce texte d’une intensité stupéfiante, les parents se souviennent comment ils ont tenté de sauver leur fils. Quand ils ont compris qu’il était harcelé, ils alertent le proviseur. Mais ils se heurtent à un mur, celui érigé en vertu de la consigne « Pas de vague ».

La marche blanche, c’est aussi pour dénoncer cet état de fait, cet abandon de certains. Le père oscille entre colère, résignation et volonté de protéger son fils survivant. Il raconte comment ils ont vécu les jours après le drame : « En fait, on n’a pas dormi, ou très peu, on est juste restés étendus dans le noir, et cette immobilité sans sommeil nous a semblé être la métaphore parfaite de notre existence, on était des gisants, plongés dans l’obscurité, on le serait jusqu’à notre dernier souffle. »

Cette fiction, terrible de réalité, risque de devenir des faits divers dans quelques semaines. Car le harcèlement, on ne le répétera jamais assez, est un fléau de plus en plus fréquent. Alors si vous, parents, avez le moindre doute, parlez à votre « Hugo » avant qu’il ne soit trop tard. Car après, il ne vous restera que des larmes pour la marche blanche.

« Vous parler de mon fils » de Philippe Besson, Julliard, 208 pages, 20 € (« Un soir d’été » de Philippe Besson vient de paraître en poche chez Pocket, 176 pages, 8 €)

dimanche 19 janvier 2025

Pamphlet - La France déconstruite dans « Les lettres qataries »

Gilles Martin-Chauffier endosse les habits d’un diplomate qatari pour résumer, d’un point de vue radicalement différent du parisianisme, une année politique française assez folle.


L’exercice littéraire n’est pas nouveau mais a fait ses preuves. Rien de tel que le regard d’un étranger pour mieux analyser sa propre société. Depuis les Lettres persannes, plusieurs intellectuels ont tenté de confronter la civilisation française à certaines de ses contradictions en utilisant un regard différent.

Gilles Martin-Chauffier, sans renouveler le genre, propose une réflexion d’actualité sur l’année politique française écoulée. Pour tenter de décrypter ces soubresauts, il se glisse dans la peau de Hassan, diplomate qatari en poste à Paris, racontant chaque mois à son frère resté au pays, ses découvertes de la France profonde ou des mœurs parisiano-parisiennes.

Quand il se déplace en province (Landes, Savoie), c’est assez bien vu. La France des terroirs n’a que peu changé et les défauts d’hier sont toujours aussi présents. Par contre, quand il s’agit de politique, on s’étonne que cet Hassan ait tant de critiques contre le président Macron ou François Hollande, et très peu contre Marine Le Pen. Il est sans pitié pour le dernier président socialiste : « qui ne restera dans l’Histoire que pour ses cinq ans de sieste à l’Élysée ». Il a tendance à oublier un peu vite que durant ce quinquennat, le terrorisme islamiste a violemment frappé et endeuillé le pays (Charlie, Bataclan, Nice) et que la réaction de la présidence a été à la hauteur. Que le président Hollande a été le premier à couper les ponts avec Poutine (alors que Sarkozy…) ou tout fait pour faire tomber Assad alors que d’autres députés allaient au contraire se pavaner à Damas.

Il est facile de déconstruire la vieille gloire de la France, reste que si elles avaient été moins partisanes, ces Lettres qataries auraient pu rester dans les mémoires. Raté.

« Les lettres qataries » de Gilles Martin-Chauffier, Albin Michel, 224 pages, 19,90 € (parution le 22 janvier)

samedi 18 janvier 2025

BD - La Marne en 1918, première véritable bataille de chars

Nouvel opus de la collection lancée par Glénat retraçant « Les grandes batailles de chars ». C’est à l’origine de ce type de combat que Brugeas et Bianchini (scénario et dessin) convient le lecteur amateur de faits militaires et de mécanique. Alors que les poilus meurent par milliers dans les tranchées, les gradés tentent de trouver des solutions pour enfoncer les lignes ennemies.

Les blindés (avec l’aviation), font leur première apparition. Lourds, fragiles, peu maniables, ils ne pèsent pas sur les combats. Jusqu’à l’apparition, début 1918, du char Renault FT. Un conducteur, un mitrailleur, une tourelle qui pivote à 360 degrés, des chenilles capables de franchir des tranchées : ces engins vont peser sur les ultimes attaques allemandes.

Les chars vont participer à la défense des positions des alliés, puis servir de pointe acérée pour lancer des contre-attaques payantes. Pour raconter le parcours de cette machine révolutionnaire, qui a inspiré tous les autres blindés, les auteurs se penchent sur le parcours d’un officier français, mécanicien, concepteur dans les usines Renault du FT et ensuite courageux combattant de la bataille de la Marne.

C’est très patriotique, un peu fleur bleue mais cela illustre parfaitement le fonctionnement de ces équipages, véritables cobayes et indirectement inventeurs de la guerre moderne.
« Les grandes batailles de char : la Marne », Glénat, 64 pages, 15,50 €

vendredi 17 janvier 2025

BD - Mutation liberticide pour "Les Salamandres"

Graham Gomez a une vie quelconque. Dans ce futur proche, il ne lui reste pourtant plus beaucoup d’opportunités pour profiter de l’existence. Ancien journaliste, un peu trop critique de la société, il a dû rendre sa carte de presse. Il s’est reconverti en boucher. Pas longtemps. La viande est devenue interdite.

Il rêve d’avoir en enfant avec son épouse. Encore faut-il qu’il décroche l’agrément nécessaire. Frustré, il ne peut même plus se soûler, l’alcool, comme la viande, étant prohibé de cette société surveillée de partout.

Alors il se déchaîne sur les derniers exclus : les salamandres. Des humains qui ont muté. Graham se moque d’eux en les traitant de crapauds. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’il va lui aussi se transformer. Cette fable futuriste, assez pessimiste, est écrite par Julien Frey. Au dessin, on retrouve Adrian Huelva déjà à la manœuvre sur la série U4. Une nouvelle version de la lutte d’un individu contre le totalitarisme de la société qui nous pend au bout du nez. Ce n’est pas spécialement optimiste, même si un embryon d’espoir subsiste.

De la SF intelligente qui fait fonctionner les méninges du lecteur ouvert et pas trop dupe.
« Les salamandres », Bamboo Drakoo, 120 pages, 19,90 € (parution le 8 janvier)

jeudi 16 janvier 2025

BD - Aurel signe un manifeste pour le dessin de presse


Il y a dix ans, les frères Kouachi, terroristes islamistes, ont assassiné une partie de la rédaction de Charlie Hebdo. Alors que de nombreuses voix s’élèvent pour la liberté d’expression à l’occasion de ce triste anniversaire, Aurel (Le Canard Enchaîné) signe un manifeste très personnel sur la situation de ces trublions que sont les dessinateurs de presse. Une profession en danger, paradoxalement. Car l’esprit Charlie n’a pas eu que du bon pour ces observateurs de la société, rarement tendres, empêcheurs de tourner en rond, poil à gratter de nos consciences.


Un album souple, de 32 pages percutantes, soulignant le paradoxe de ces dix ans : « Charlie quand ça leur chante ». Après un aperçu de la situation économique des journaux (fragile) et de la volonté des patrons de précariser les dessinateurs, Aurel s’attaque au fond du sujet. Il explique notamment comment les « néo-réacs », ces anciens gauchistes, souvent aux manettes des rédactions, grands manitous de l’opinion sur les plateaux télé, se sont autoproclamés gardiens de l’esprit Charlie.

Il leur oppose le nouveau public, plus jeune, plus critique, refusant les clichés et second degré trop facile et de plus en plus daté. Ceux que les néo-réacs mettent, en vrac, dans le mouvement « woke ». Aurel, à titre personnel, explique qu’il entend continuer à vouloir faire rire et réfléchir avec ses dessins. Tout en en prenant compte des remarques de la nouvelle génération, s’éloignant de ceux qui n’aiment Charlie que quand il faut dézinguer l’Islam ou les féministes.

Et de conclure en espérant pouvoir continuer à faire son travail, comme il l’entend, en s’améliorant, refusant toute leçon de ce ceux qui sont « Charlie quand ça leur chante ».
« Charlie quand ça leur chante », Futuropolis, 32 pages, 6,90 € (parution le 8 janvier)

mercredi 15 janvier 2025

Cinéma - « Quiet life », famille traumatisée et résignée

Syndrome de résignation. Le film d’Alexandros Avranas, sans être médical, apprend aux spectateurs que cette maladie, récemment détectée, notamment dans les pays nordiques, fait des ravages chez les jeunes. 

Pour comprendre comment on l’attrape, il raconte la vie de cette famille russe, réfugiée depuis peu en Suède. Le père, ancien proviseur, a trop milité ouvertement pour les droits de l’Homme. Harcelé par la police, il a failli mourir quand il a été agressé dans la rue. Un coup de couteau dans le ventre.

Une fois remis sur pied, face à de nouvelles menaces, il décide de rejoindre clandestinement la Suède avec sa famille et demande l’asile politique. Un long parcours compliqué. Il est hébergé par l’État, mais surveillé. Ses filles sont scolarisées, sa femme, enseignante, se morfond sans avoir le droit de travailler. Quand la demande d’asile est refusée par manque de témoignages, il se décide à solliciter sa plus jeune fille pour raconter l’agression. Car elle était présente. Mais l’angoisse, le stress, déclenche ce syndrome de résignation. Elle tombe dans un profond coma.

Le film va raconter deux combats en parallèle. Les parents vont tout faire pour sauver leur petite fille, mais aussi tenter le tout pour le tout pour ne pas retourner en Russie. En montrant une famille modèle, dans un pays civilisé, le réalisateur propose en réalité un horrible cauchemar ou l’administration écrase tout poussant d’honnêtes gens à mentir pour sauver leur vie.

Un film glaçant, porté par des interprètes en état de grâce, notamment les deux fillettes incroyablement crédibles dans ces rôles de déracinées doublement traumatisées.

Film d’Alexandros Avranas avec Chulpan Khamatova, Grigoriy Dobrygin, Naomi Lamp

mardi 14 janvier 2025

Polar - « Hildur », policière islandaise à l’épreuve du froid

S’il fait glacial en Islande, il fait extrêmement glacial dans la région des Fjords de l’Ouest., là où officie Hildur, policière imaginée par Satu Rämö.


Étrange parcours que celui de 
Satu Rämö, romancière finlandaise. Elle quitte son pays nordique très froid pour continuer ses études en… Islande, région encore plus glaciale. Passionnée de tricot, elle fonde une famille et vit depuis à Isafjördur, principale ville (mais 2700 habitants seulement) de la région isolée des Fjords de l’Ouest. Une Islande typique, tranquille, traditionnelle et rude. C’est là qu’elle a imaginé le personnage de Hildur. L’héroïne a une histoire familiale compliquée, passe par l’école de police, est affectée à Reykjavik dans l’unité chargée des enfants disparus avant un transfert comme enquêtrice (la seule en poste avec sa cheffe Beta) dans sa ville de naissance, Isafjördur.

Hildur est une force de la nature. Elle court tous les matins des kilomètres, même sous la neige, se muscle à la salle et fait du surf dans une mer déchaînée et glacée. On apprend que son prénom, dans l’imaginaire islandais, personnifie le « combat ». C’est une « Valkyrie au service d’Odinn. Fée de la guerre et esprit de la mort, dont la mission était, dans les batailles, de décider qui devait gagner et qui, mourir. » Habituée à travailler seule, elle doit faire équipe avec un stagiaire étranger dans le cadre d’un échange. Jakob, Finlandais fraîchement sorti de l’école de police, passionné de tricot, a choisi ce trou pour essayer d’oublier son divorce problématique.

La romancière, en plus de dresser le portrait de ces flics peu ordinaires, déroule une intrigue où les cadavres ne cessent d’augmenter. Un vieux pédophile, retrouvé égorgé dans son chalet submergé par une avalanche, un avocat d’affaires, volontairement écrasé…

Des meurtres inhabituels dans cette localité d’ordinaire si tranquille. Et qui pourraient avoir un lien avec la disparition, 25 ans auparavant, des deux petites sœurs d’Hildur. Plusieurs arcs de narration secondaires que l’on devrait retrouver dans la prochaine enquête de Hildur, la flic et surfeuse de l’extrême.

« Hildur » de Satu Rämö, Seuil, 448 pages, 22 €

lundi 13 janvier 2025

Cinéma – Le scénario commenté du film « Anatomie d’une chute »

Palme d’or à Cannes et surtout Oscar du meilleur scénario cette année, le film « Anatomie d’une chute » de Justine Triet est à redécouvrir dans sa version écrite. La publication du scénario original réjouira les cinéphiles.

D’autant qu’en plus du texte original, on peut découvrir des explications des deux auteurs ainsi que des passages non tournés ou non retenus dans le montage final.

Outre un riche cahier photo du tournage en fin d’ouvrage, vous pourrez découvrir le fac-similé du scénario d’Arthur Hariri orné de dessins réalisés durant les réunions de préparation. Une véritable leçon de cinéma.

« Anatomie d’une chute, scénario commenté », Gallimard, 320 pages, 25 €

dimanche 12 janvier 2025

Un beau livre - Les histoires vraies de plusieurs naufragés


Tiré d’une série de podcasts diffusés sur l’antenne de France Inter, Naufragés, histoires vraies, est un beau livre érudit et passionnant. Daniel Fiévet a fait de longues recherches pour raconter avec le plus de réalisme possible ces huit récits authentiques, du plus tragique, le naufrage du Batavia en 1629 près de l’Australie, au plus étrange, le naufrage volontaire d’Alain Bombard en 1952 à travers l’Atlantique sur un simple canot pneumatique.

On retrouve également le récit de « l’infernale dérive du radeau de la Méduse » ou le tragique destin des esclaves abandonnés de l’île Tromelin. Illustré de gravures ou documents d’époque, vous pourrez aussi admirer dans ce livre des illustrations de Nicolas Vial et Aleksi Cavaillez.
« Naufragés, histoires vraies », Julliard, 214 pages, 34,90 €

 

samedi 11 janvier 2025

BD - Alchimie et Atlantide

Deux signatures habituées au succès sont à l’origine de la série L’Alchimiste. Nicolas Beuglet, romancier a imaginé ce monde de fantasy alors que Barbucci en a créé l’univers graphique. Après deux albums, Nicolas Beuglet a confié à Maxime Fontaine, autre écrivain, la suite des aventures de Basile et Espér
anza.

Deux gamins qui, sous la protection d’un érudit et d’un aventurier, partent sur les traces du légendaire alchimiste appelé aussi le Fondateur. Dans ce 3e titre de la série, ils vont découvrir les vestiges de l’Atlantide près de l’archipel de Santorin en Méditerranée. Ils devront affronter le Masque d’Acier, méchant de service, épaulé par la belle et mystérieuse Salamandre, atout charme de la série.

Un excellent divertissement pour les adolescents, avec même des animaux de compagnie pour remplir la case « mignonerie », Margotin, un hamster dodu et Fouinax, une fouine curieuse.
« L’alchimiste » (tome 3), Jungle, 56 pages, 13,95 €

vendredi 10 janvier 2025

BD - Les héros de "Seuls" dans un hôtel cauchemardesque


Compliqué de prolonger la magie d’une série qui, au moment de sa sortie, sort complètement de l’ordinaire. L’effet nouveauté ne dure jamais très longtemps. Pourtant cela fait près d’une vingtaine d’années que Fabien Vehlmann (scénario) et Bruno Gazzotti (dessin) parviennent à tenir en haleine les lecteurs de Seuls.

Les enfants du début, perdus dans les Limbes après avoir trouvé la mort la même nuit, ont été rejoints par d’autres héros. Ce 15e titre, intitulé « L’hôtel du bout du monde », voit huit d’entre eux aller sur une île pour tenter de retrouver la trace de Jezabel, une jeune fille qui pourrait donner des indications à Dodji pour vaincre Saul. Ils vont se retrouver dans un ancien hôtel, désert, hanté par les cauchemars de l’enfant-miroir.

L’occasion pour les auteurs pour comprendre d’où vient ce « méchant » et donner quelques précisions sur les circonstances de la mort de Camille. Un album transition dans l’intrigue générale, permettant à Gazzotti de signer des planches d’une grande beauté dans des décors riches et foisonnants.
« Seuls » (tome 15), Rue de Sèvres, 48 pages, 12,95 €

jeudi 9 janvier 2025

BD - Ovales, ovules et IVG


La France en 1967 et 1968. Pas Paris, mais le Sud-Ouest rural, pas loin de Toulouse à Larroque-sur-Garonne. JeanLouis Tripp et Aude Mermilliod ont uni leur talent de scénaristes pour écrire cette saga historique, condensé de cette époque « révolutionnaire », même dans les villages les plus paisibles de province.

Pour comprendre l’évolution de la communauté, ils suivent le parcours de deux amies de toujours, Yveline et Monique, toujours dessiné par Horne. La première, fille de paysan, part à Paris poursuivre ses études grâce à la bienveillance d’un riche notable. La seconde, fille du patron de la tuilerie locale, se marie avec un jeune communiste. On suit plus particulièrement le parcours de cette dernière, Monique, charmante blonde, de plus en plus enceinte. Également de plus en plus fâchée avec son gaulliste de père.


Le second tome, qui va d’octobre 1967 à avril 1968 raconte aussi quand les jeunes rugbymen locaux, contaminés par une jeune gauchiste, vont transformer un match en manifeste situationniste, comment Yveline, séduite par un étudiant, va devoir avorter clandestinement ou pourquoi la femme de l’épicier doit se confesser après avoir rencontré le grand amour.

Le tout entrecoupé de rappels historiques, de la mort du Che Guevarra à l’ouverture de l’autoroute Paris Lille en passant par les Jeux olympiques d’hiver à Grenoble.
« Les vents ovales » (tome 2), Dupuis, 128 pages, 26 €

mercredi 8 janvier 2025

Cinéma - Avec sa version de “Nosferatu”, Robert Eggers sort les griffes

Gothique et effrayante, Robert Eggers signe une version modernisée mais fidèle du Nosferatu de Murnau.


Le 25 décembre 2024, ce n’est pas le Père Noël qui arrive sur les écrans des cinémas mais la pire créature, la plus effrayante, imaginée par le 7e art. Nosferatu le vampire, un peu plus d’un siècle après le film de Murnau, revient hanter les nuits des spectateurs.

Un remake signé de Robert Eggers, prodige américain au style affirmé. Révélé par The Witch, il a depuis étonné et déçu. Ce retour aux sources du cinéma a de quoi réjouir les esthètes. D’entrée, la première séquence place la barre très haut.

Un cauchemar de la jeune héroïne (Lily-Rose Deep), tourmentée par une créature monstrueuse. Scène choc, alliant horreur, gothisme et dramaturgie. Le tout grâce à des images construites comme des tableaux. Le comte Orlok, Nosferatu (Bill Skarsgård) sous son aspect le plus horrible, n’apparaît que très fugitivement. Suffisamment cependant pour que l’on redoute son retour.

Les griffes du vampire

Ce sera dans son château des Carpates, quand il accueille le mari (Nicholas Hoult) de la femme qu’il convoite. Il vient lui faire signer les papiers d’une soi-disant acquisition immobilière. La séquence dans les montagnes enneigées et les ruines du manoir, sont terrifiantes. Ce n’est pourtant que le début de la tragédie.

De retour en Allemagne, le jeune homme va tenter de sauver son épouse. Mais cela paraît bien trop tard. Sous emprise de Nosferatu, elle semble possédée. Cela donne des passages nocturnes où l’on retrouve la terreur provoquée par la simple ombre planante d’une main prolongée par des ongles pointus, tels des griffes aiguisées comme des rasoirs, sur une Lily-Rose Deep en chemise de nuit blanche. Contraste plus efficace que tous les effets spéciaux numériques. Même s’ils ne sont absents de ce film, notamment dans la transformation du Comte en Nosferatu.

Plus qu’un hommage à l’œuvre originale de Murnau, le Nosferatu de Robert Eggers est un film personnel très abouti. Les décors sont minutieusement reconstitués, l’éclairage (naturel) provoque un effet angoissant supplémentaire, certains plans séquences apportent un plus au suspense et l’effroi surprend, même si on s’y attend. En plus de remplir son contrat de nous faire peur, Nosferatu est un exemple pour tous les réalisateurs qui oublient que le cinéma est un art et qu’ils peuvent, juste avec un peu de talent, transfigurer tout scénario, même le plus connu.

Film de Robert Eggers avec Lily-Rose Depp, Bill Skarsgård, Willem Dafoe, Nicholas Hoult

mardi 7 janvier 2025

Cinéma - “Joli joli” : duo en chantant

Complètement tombé aux oubliettes durant plusieurs décennies, le genre de la comédie musicale connaît un surprenant revival depuis quelques années. Et même les Français se mettent à jouer avec cet exercice compliqué, magnifié par Jacques Demy. Après les frères Larrieu ou Jacques Audiard, c’est Diastème qui apporte sa contribution, avec la complicité d’Alex Beaupain à la musique. Sans oublier les débuts, sur grand écran, d’une des nouvelles étoiles de la chanson française : Clara Luciani.

Comédie musicale et histoire d’amour ont toujours fait bon ménage. Joli Joli ne fait pas exception à la règle. Un écrivain (William Lebghil) est en panne d’inspiration. La nuit du nouvel an, alors que 1977 va arriver dans quelques heures, il se lamente sur sa nullité. Et décide d’aller boire un verre dans un bar. Il croise une ravissante blonde (Clara Luciani), arrive à la faire sourire et ils tombent amoureux.

Après une nuit d’amour, elle part au petit matin. L’écrivain, coupé du monde n’a pas reconnu la star de cinéma. Par contre sa bonne Myrette (Laura Fulpin), secrètement amoureuse du romancier, l’a reconnue et voit d’un mauvais œil cette rivale trop glamour. Elle va tout faire pour briser le couple, casser cet amour.

Le film, tourné dans des décors superbement reconstitués, est un hommage au cinéma, à la romance, aux coups de foudre. Plus la relation du principal couple se complique, plus autour d’eux (réalisateur, producteur, comédien, infirmière…) Cupidon fait des ravages.

Un scénario ouvertement romantique, mais avec quelques touches d’humour (Thomas VDB ou Jean-Jacques Vanier) et moments de tension. Le tout en chansons, toutes interprétées par les acteurs et déjà disponibles dans un double album.

"Joli joli", comédie musicale de Diastème (musique d’Alex Beaupain) avec Clara Luciani, José Garcia, William Lebghil, Laura Felpin, Vincent Dedienne, Grégoire Ludig.


lundi 6 janvier 2025

Vidéo - “Borderlands”, film spectaculaire adapté d’un jeu vidéo


Les films tirés d’une franchise de jeu vidéo sont souvent décevants. Intrigue limitée, personnages stéréotypés : difficile de surprendre le spectateur. Même quand c’est un excellent réalisateur comme Eli Roth, maître de l’horreur et du gore, qui relève le challenge.

Borderlands offre son lot de scènes spectaculaires, de dialogues hilarants (merci Jack Black…) et de bastons infernales. Malgré tous les ingrédients, la mayonnaise ne prend pas. C’est divertissant, mais on éprouve des difficultés à s’enthousiasmer, s’enflammer pour un univers foisonnant mais déjà vu.

La sortie en vidéo chez M6 se décline en simple DVD, blu-ray ou boîtier steelbox avec blu-ray et version 4 k en ultra HD. Par contre, les amateurs de bonus seront déçus : pas la moindre nouveauté à se mettre sous la dent…

dimanche 5 janvier 2025

Littérature – Quelques grands romans à redécouvrir dans des versions festives

Rééditions de prestige pour des romans d’anthologie. La fin de l'année est  aussi l’occasion de redécouvrir des histoires intemporelles qui ont marqué leur époque.


Sorti en 1984, Talisman de Stephen King et Peter Straub fait partie de ces grands romans fantastiques dont le héros, Jack Sawyer, gamin de 12 ans, devient un ami intime tant on vibre à ses aventures à la recherche du Talisman dans les Territoires pour sauver sa mère, malade.

Au début des années 80, Stephen King est déjà très célèbre. Peter Straub, dans un genre encore plus horrifique, est lui aussi considéré comme un grand romancier. L’envie de collaborer est immédiate et la trame du roman est trouvée dans un kebab londonien. C’est Stephen King lui-même qui l’affirme dans l’interview qui précède le roman dans cette très belle réédition chez Albin Michel (800 pages, 29,90 €). Raconte comment ils ont écrit à tour de rôle les chapitres, se les envoyant par modem (internet n’existait pas encore) par-dessus l’Atlantique.

Le texte final est d’une grande fluidité, une quête regorgeant d’inventions et d’épreuves.


Autre style littéraire avec le recueil de romans de Patrick Modiano intitulé Paris des jours et des nuits, paru chez Gallimard dans la toujours très élégante collection Quarto (1 020 pages, 27 €). Cette édition, réalisée par l’auteur, reprend de façon chronologique une dizaine de romans parus entre 1982 (De si braves garçons) et 2019 (Encre sympathique). 

Leur point commun : Paris, la ville que Patrick Modiano a sillonné depuis des décennies en long, en large et en travers, y puisant son inspiration.

Le Prix Nobel de littérature en 2014 propose en début de volume des photographies des divers lieux que l’on croise dans ses romans, des abattoirs de Vaugirard à la gare Saint-Lazare en passant par le bal de La Marine ou les Tuileries.



Classique un peu oublié de la littérature française, La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils est de nouveau disponible chez Calman-Lévy (240 pages, 25 €) dans une édition collector, couverture cartonnée avec préface de Claude Schopp. Inspirée de sa propre liaison avec Marie Duplessis, cette dramatique histoire d’une femme qui se sacrifie par amour a été adaptée au théâtre.

On peut notamment découvrir la scène finale au début du film Sarah Bernhardt, la Divine, actuellement au cinéma, interprétée par une Sandrine Kiberlain possédée par son personnage. Une tirade inoubliable de la belle Marguerite : « J’ai toussé et craché le sang toute la nuit. Aujourd’hui je ne peux plus parler, à peine si je peux remuer les bras. Mon Dieu ! Mon Dieu ! je vais mourir. Je m’y attendais, mais je ne puis me faire à l’idée de souffrir plus que je ne souffre, et si… » Un des sommets du romantisme.

samedi 4 janvier 2025

De la poésie - Rimbaud est vivant


Si la poésie de Rimbaud a traversé les siècles, son image est rare. Un portrait du poète à 17 ans est le plus connu. C’est s’appuyant sur ce visage que Luc Loiseaux a fabriqué des photos d’époque de Rimbaud. Des clichés criants de vérité pour raconter les cinq ans de créativité intense, de 1870 à 1875.

On a droit au jeune Rimbaud en pleine fugue avec un sac à dos, allongé dans un lit d’hôpital, s’enivrant avec Verlaine, joyeux dans des cafés où l’alcool coule à flots. Un texte enrichi de poèmes et citations pour mieux comprendre l’évolution de son œuvre. Un beau livre utilisant intelligemment les technologies modernes.
« Rimbaud est vivant » de Luc Loiseaux, Gallimard, 272 pages (100 illustrations), 39 €

vendredi 3 janvier 2025

Une anthologie - Mots et merveilles des Pyrénées

La nature inspire les écrivains. Encore plus quand il s’agit de la nature grandiose des Pyrénées. Jean-Paul Azam, spécialiste de cette chaîne montagneuse allant de l’Atlantique à la Méditerranée, propose un beau livre répertoriant les plus beaux passages de la littérature autour de ces sommets.

Baudelaire à Barèges, Victor Hugo au Pays basque… Dans la région, ne manquez pas l’ode de Saint-Exupéry à la « neige rose » qu’il voit en atterrissant à Perpignan ou l’aveu de Kipling : « Mais je trouvai le Canigou, je découvris la montagne enchanteresse entre toutes, et je me soumis à son pouvoir. »

« Mots et merveilles des Pyrénées », Papillon Rouge, 164 pages, 29,90 €

jeudi 2 janvier 2025

BD - Lou de A à Z


20 ans. Lou, la jolie héroïne imaginée par Julien Neel a 20 ans. Un anniversaire dignement célébré avec la parution de ce beau livre regorgeant de dessins inédits et de trois récits courts inédits. Le plus intéressant restant la longue interview de l’auteur par Carole, sa propre femme, coloriste de la série.

Il revient en détail sur chaque album, racontant comment il a imaginé ce monde et l’évolution de la fillette qui vit seule avec sa maman. Il se livre aussi, expliquant douter de la pertinence de son art : A la sortie de son premier album, « je ne me sentais absolument pas légitime par rapport à la qualité du dessin et du travail de mes collègues. J’avais l’impression d’être un escroc total. »


Pourtant il va vendre des millions de BD, entraînant dans le sillage de Lou toute une génération d’adolescents qui se sont reconnus dans ce monde, poétique mais aussi très compliqué et exigeant. Quant à la qualité de ses dessins, il suffit de lire ce livre pour être persuadé qu’il est plus que doué. Il teste sans cesse de nouveaux styles et techniques dans des carnets.

L’éditeur a puisé dans 120 de ces trésors graphiques pour montrer monstres, études anatomiques, délires de science-fiction ou êtres fantasmagoriques. Un régal pour les esthètes complété par une histoire de Sidéra, son héroïne glamour du futur, un récit qui fait le lien entre les albums 7 et 6 et enfin le prologue du tome 3 de la suite des aventures de Lou, Sonata 3.
« Génération Lou ! », Glénat, 304 pages, 25 €

mercredi 1 janvier 2025

BD - Les Sisters déménagent

Déjà le 19e tome des aventures des Sisters, ces deux nanas inspirées des propres filles du dessinateur, William. Il a sollicité Cazenove pour finaliser ces gags qui ont conquis des millions de lecteurs. Enfin, surtout des lectrices. Wendy (l’aînée) et Marine (la petite peste), vont voir leur quotidien chamboulé : la famille déménage.

Par chance, c’est un simple saut de puce, les parents ayant décidé de faire construire à quelques dizaines de mètres de l’ancienne maison, toujours à proximité un viaduc de Millau. Ce déménagement est une source importante de gags, notamment pour Marine qui ne comprend pas le concept, persuadée qu’elle aurait désormais deux maisons et que sa sœur resterait dans l’ancienne.

On rit beaucoup à ses mots de fillette naïve et inventive.
« Les Sisters » (tome 19), Bamboo, 48 pages, 11,90 €