Vincent veut se souvenir de Hugo, ce fils qu’il vient de perdre. Il se sent coupable de ne pas avoir compris la situation. Le roman de Philippe Besson est un réquisitoire contre ce harcèlement scolaire sournois et trop souvent sous-estimé.
Alors que des millions d’enfants viennent de reprendre le chemin de l’école, des collèges et lycées. Un lieu de savoir où malheureusement s’épanouit aussi une forme de terrorisme insidieux : le harcèlement scolaire. Car parmi les cohortes de jeunes, certains auront la boule au ventre, persuadés que leur cauchemar, mis sous l’éteignoir durant les vacances de fin d’année, va reprendre de plus belle. Combien parmi eux ne verront pas les beaux jours du printemps ? Le taux de suicide parmi les victimes de harcèlement est de plus en plus élevé.
Un sujet de société au centre du roman de Philippe Besson paru ce jeudi 2 janvier 2025 et intitulé « Vous parler de mon fils ». On suit le narrateur, Vincent, durant une journée particulière. Un mois après le drame, il va participer, avec sa femme et son autre enfant, à une marche blanche en hommage à Hugo, son aîné. Hugo n’est plus là. La mort « c’est très concret. C’est une chaise vide dans le petit matin tranquille, malgré le soleil qui éclabousse. » Hugo a fait le choix de partir, d’abandonner face au désastre de sa vie.
Un adolescent un peu renfermé, timide, pas très costaud, intelligent et bon élève. Le portrait idéal pour devenir le souffre-douleur de quelques idiots congénitaux, avides de méchanceté, de ce plaisir coupable de faire du mal, de terroriser. Les parents, notamment la mère, se doutent que quelque chose ne tourne plus rond. Mais Vincent temporise, refuse de s’inquiéter, persuadé qu’au contraire cela permettra à Hugo de fortifier sa personnalité. De se durcir De devenir un homme…
Au contraire, le mal-être de l’adolescent va s’ancrer profondément avec les coups, les SMS, les insultes. Et ce ne sont pas ces dernières les moins graves. Vincent l’a compris, mais trop tard : « Une insulte n’est pas une abstraction, c’est très concret. L’avilissement n’est pas théorique, on le ressent dans sa chair, il lacère le corps, comme le ferait une lame de couteau. » Dans ce texte d’une intensité stupéfiante, les parents se souviennent comment ils ont tenté de sauver leur fils. Quand ils ont compris qu’il était harcelé, ils alertent le proviseur. Mais ils se heurtent à un mur, celui érigé en vertu de la consigne « Pas de vague ».
La marche blanche, c’est aussi pour dénoncer cet état de fait, cet abandon de certains. Le père oscille entre colère, résignation et volonté de protéger son fils survivant. Il raconte comment ils ont vécu les jours après le drame : « En fait, on n’a pas dormi, ou très peu, on est juste restés étendus dans le noir, et cette immobilité sans sommeil nous a semblé être la métaphore parfaite de notre existence, on était des gisants, plongés dans l’obscurité, on le serait jusqu’à notre dernier souffle. »
Cette fiction, terrible de réalité, risque de devenir des faits divers dans quelques semaines. Car le harcèlement, on ne le répétera jamais assez, est un fléau de plus en plus fréquent. Alors si vous, parents, avez le moindre doute, parlez à votre « Hugo » avant qu’il ne soit trop tard. Car après, il ne vous restera que des larmes pour la marche blanche.
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