jeudi 14 août 2025

Polar - Oslo, capitale du « Faux-semblant »

La capitale de la Norvège se prépare à faire la fête. En ce 31 décembre 2018, la population est massée devant l'hôtel de ville d'Oslo pour profiter du traditionnel feu d'artifice. A minuit pile une grosse explosion retentit : une bombe placée dans une poubelle fait quatre morts et de nombreux blessés. Blix, le policier et Emma, la journaliste, le duo d'enquêteurs imaginé par Horst et Enger, romanciers norvégiens, sont dans la foule. 

Après une première aventure (« Que le meilleur gagne » disponible en Folio policier) ils se plongent à corps perdu dans cette histoire qui a tout de l'attentat terroriste. Mais les apparences sont trompeuses. Et comme une des blessées est la mère d'une fillette enlevée dix ans auparavant et jamais retrouvée, Blix en déduit que la bombe n'a pas été placée au hasard. 

On apprécie la complémentarité des héros : Blix, âgé, taciturne obstiné, sert aussi de père de substitution à Emma, dépressive, impulsive et tout aussi obstinée. On suit la progression du duo, allant de découvertes en surprises, réussissant à rester sur le bon chemin malgré les nombreuses fausses pistes placées sur leur route. 

« Faux-semblant », Jorn Lier Horst et Thomas Henger, Série Noire Gallimard, 416 pages, 21 €

mercredi 25 juin 2025

BD - Double dose de "Cyborgs", série imaginée par Istin et Dim D

Telle une fusée, la série de SF Cyborgs vient d'être lancée en orbite en deux temps, comme deux étages pour aller au plus haut. Première mise à feu (en avril) avec Ronin, album dessiné par Kael Ngu. Dans un futur assez lointain, la Terre, de moins en moins vivable, voit sa population se concentrer dans d’immenses villes fortifiées sous cloche. Ailleurs, le froid rend la vie impossible. Dans ces villes, les libertés sont en chute libre depuis la terrible "guerre des silos". 

A Europa, la jeune Yuko est élevée par son oncle Akira. Elle est née handicapée, dépourvue de bras. Akira, maître en combat, est chargé de former la milice privée de Tudor, président récemment élu. Un dictateur en puissance. Akira décide de rompre son contrat. Ses anciens élèves vont le poursuivre et le tuer. Yuko va trouver refuge auprès de Russell, le seul qui ose se dresser face à Tudor. Il va donner de nouveaux bras à Yuko, l'entraîner au combat et l'intégrer, sous le nom de Ronin, dans son équipe de cyborgs chargée de faire respecter la loi et la liberté. Et mettre fin à la dictature. Vaste programme...

Une mise en bouche très mouvementée, avec une héroïne attachante. L'univers graphique est imaginé par Dim D et les storyboards signés Kyko Duarte et Benoit Dellac. Toute une équipe de créateurs pour un résultat manquant un peu de personnalité mais d'une incroyable efficacité. 

Le second tome, paru en juin, a pour personnage central Sam, jeune femme insouciante, fille de la principale opposante de Tudor. Mais quand elle est victime d'un attentat, l'existence de Sam bascule. Si sa mère meurt, de son côté elle survivra mais avec deux jambes et un bras en moins. Elle aussi va recevoir des prothèses cybernétiques la transformant en redoutable guerrière, avide de vengeance. Steel, ce sera son nouveau nom, va faire parler d'elle. 

Les tomes suivants seront consacrés aux deux autres cyborgs de l'équipe. Le final ce sera en 2026 pour une 5e titre apothéose. 

"Cyborgs" (tomes 1 et 2), Glénat, 84 et 76 pages, 18,50 et 17,50 €

mardi 17 juin 2025

BD - La mort en silence au cœur de la campagne française

Albertine Buisson. 99 ans. Doyenne du village. En pleine canicule, le maire de Courteville en Normandie transpire a grosses gouttes dans son bureau, au téléphone. Il vérifie que tous ses administrés "sensibles" sont en bonne santé et entourés. Quand il compose le numéro d'Albertine, pas de réponse. Elle habite une maison isolée, loin du bourg. Il n'a pas le temps de s'y rendre, alors il demande directement à une de ses adjointes qui est de la famille. Elle n'a pas vu la vieille dame depuis des années car elle est fâchée avec son beau-frère, c'est lui qui s'occupe d'Albertine, sa mère, depuis qu'elle ne quitte plus la maison, incapable de marcher. 

Ce roman graphique débute comme un reportage de la PQR (presse quotidienne régionale) sur le rôle des élus en situation d'urgence. Un dévouement chronophage mais essentiel pour le bien de la communauté. Le maire va de nouveau tenter de contacter Albertine. En vain. Alors malgré la chaleur accablante, il se rend sur place. Découvre une maison fermée, comme abandonnée. Il se doute qu'Albertine va mal. Voire plus. Il met la pression sur son adjointe. Le beau-frère. Et finit par prévenir la gendarmerie. 

Écrite par François Vignolle et Vincent Guerrier, tous les deux journalistes dans la région, cette BD romance une histoire réelle. Car des Albertine, il y en a eu des dizaines ces dernières années. La solitude, l'abandon et finalement la disparition dans l'indifférence. Un fait divers horrible, qui nous questionne sur nos rapports avec les personnes âgées proches, mis en images par Vincenzo Bizzarri, auteur italien qui refuse toute représentation sordide. La mort dans la campagne française ne s’accommode pas de sensationnalisme

"Albertine a disparu", Glénat, 144 pages, 23 €

jeudi 12 juin 2025

Roman d'espionnage - Jeux troubles à Paris en 1919


Présenté comme la grande œuvre de Robert Goddard, Sur les chemins du monde, roman d'espionnage se situant à Paris en 1919, n'est que la première partie d'une trilogie qui se poursuivra en Écosse puis au Japon. Formidable conteur, l'auteur britannique plonge ses lecteurs dans le Paris de 1919. La capitale française est aussi le centre du monde. 

Au Quai d'Orsay, les grandes puissances (USA, Grande-Bretagne, France...) négocient une paix durable après les millions de morts de 14-18. Paris grouille d'espions. C'est dans cette ville décrite avec un luxe de détails, que Sir Henry, diplomate anglais, est retrouvé mort. Il a chuté du toit de l'immeuble de sa maîtresse française. Un scandale qui interpelle Max, son plus jeune fils, héros de l'aviation anglaise. Max va affronter cette jungle urbaine, face aux services secrets américains, police française, espions allemands et manipulateurs japonais. Car il est persuadé que son père a été assassiné après avoir dérobé des secrets d’État. 

Un roman historique passionnant, mené de main de maître par un écrivain qui a plus d'un tour dans son sac pour rendre son histoire palpitante.   

« Sur les chemins du monde », Sonatine, 528 pages, 24,90 €

mercredi 11 juin 2025

Polar - Qui a tué Miss Belladone à Santa Catalina ?

Michael Connelly fait une infidélité à Harry Bosch pour raconter le quotidien de Stilwell, shérif sur l'île de Santa Catalina à quelques encablures de Los Angeles. 

Si certains considèrent que la Californie, la région de Los Angeles notamment, est la région la plus ressemblante au Paradis, ils devraient faire un tour sur l'île de Santa Catalina. Reliée quotidiennement au continent par ferry, le port d'Avalon fait figure de capitale de cet Eden préservé. Notamment des voitures. Tout le monde se déplace en voiturette de golf. Même la police. Il n'y a donc pas de course poursuite dans la première enquête de l'inspecteur Stilwell, nouveau héros (sans doute récurrent) imaginé par Michael Connelly. 

Un cadre préservé un peu trop tranquille parfois. Stilwell est un ancien de L.A., muté à Avalon après avoir dénoncé un collègue corrompu. Un ripou très protégé. Il est toujours en poste aux affaires criminelles alors que Stilwell se contente de bagarres d'ivrognes le week-end ou de tentatives de cambriolages. Alors qu'il est sur le point de découvrir qui a décapité un bison dans la réserve, l'inspecteur est appelé sur le port. 

Un pêcheur vient de découvrir un sac contenant un cadavre dans le chenal. « De longs cheveux noirs flottaient librement dans l'eau et Stilwell vit qu'ils étaient rattachés à un crâne blanc. Du bout des doigts, il agrandit l'ouverture du sac jusqu'à ce qu'il découvre le visage cireux et tellement déformé par le gonflement dû aux gaz de décomposition qu'il n'en avait presque plus rien d'humain. Il remarqua aussi une mèche de cheveux teinte en violet et en déduisit que le corps était celui d'une femme. » Le lecteur va alors se plonger dans le quotidien de ce flic au placard mais qui n'a pas perdu ses réflexes de limier. 

Il découvre que la morte se nomme Leight-Anne Moss, serveuse dans un club huppé de pêche sportive. La mèche est sa signature, elle adore la couleur de la belladone. Une fleur par ailleurs extrêmement vénéneuse. Comme cette intrigante Miss Belladone ? 

Dans ce polar, à l'intrigue méticuleusement élaborée, on retrouve tout le savoir de Michael Connelly. Il n'a pas son pareil pour raconter le quotidien de ces hommes et femmes chargées de maintenir l'ordre sur Santa Catalina. Stilwell est triplement intéressant : pour son côté chien fou qui ne lâche jamais sa ploie, pour ses amours récentes sur cette île qu'il aurait dû détester, pour ses cas de conscience, cherchant toujours les moyens de prouver sa bonne foi dans l'affaire, encore en cours de jugement, contre le collègue indélicat. Autant de possibilités de suite pour cette première enquête brillamment résolue par un Stilwell de plus en plus sympathique.

« Sous les eaux d'Avalon », Michael Connelly, Calmann-Levy, 400 pages, 22,90 €

jeudi 5 juin 2025

Nouvelles – 19 dérapages par 19 Louves

Talentueuses et bourrées d'imagination, ces 19 autrices de polar ont planché sur le thème simple et assez large des « Dérapages ». Coordonné par l'association des Louves du Polar, ce recueil pas cher au format poche, publié par Pocket, offre un large panorama de ce qui se fait de mieux dans le domaine du roman policier ou tout simplement noir. 

Quelques noms connus (Céline Denjean, Johana Gustawsson, Céline de Roany..) mais aussi des signatures nouvelles, qui donnent envie d'aller plus loin, de découvrir leur production au long cours. Compliqué de mettre des textes en avant, mais on ne peut pas rester indifférent à la « Nuit bleutée » de Rosalie Lowie. Style percutant, horreur écrite noir sur blanc, fin peu conventionnelle : elle frappe fort dans un genre où il est compliqué de marquer les esprits. 

Dans un monde plus proche du fantastique, Marlène Charine propose « Séisme ». Le parcours d'un jeune Haïtien, symbole de l'exploitation de l'homme par l'homme. Ou plus exactement de la femme par l'homme. Piochez, frémissez, réfléchissez : les Louves vont assombrir votre été. 

« Dérapages », Pocket, 360 pages, 9 €

mercredi 4 juin 2025

BD - Jour J raconte l'autre histoire de la bombe atomique

Après des années de présence (et de succès) au sein du catalogue Delcourt, la collection Jour J tire sa révérence. Terminées les variations historiques imaginées par les très productifs scénaristes Pécau et Duval. Comme pour marquer cette fin dans une explosion dantesque, les deux tomes de Los Alamos, dessinés par Denys, viennent d'être réédités dans une édition spéciale en un seul volume augmenté d'un  cahier pédagogique sur la vie des nombreuses personnalités qui émaillent ce récit se déroulant aux USA en 1945. En plein désert du Nouveau-Mexique, plusieurs scientifiques, sous la surveillance étroite de l'armée US, travaillent à la mise au point de la première bombe atomique. Pour coordonner ce programme Manhattan, Robert Oppenheimer. Mais le savant a des doutes. 

C'est à ce moment que l'Histoire change. Duval et Pécau imaginent qu'Oppenheimer, terrorisé par son invention, quitte la base et fuit, en voiture, sans but. Une longue cavale au cours de laquelle il rencontrera quelques originaux, notamment le poète Jack Kerouac. Cela donne des dialogues assez surréalistes entre le chantre de la beat génération et l'inventeur de la plus terrible des armes. FBI et armée tenteront de retrouver celui qui permettra aux USA de remporter la guerre contre le Japon et d'étendre sa domination du monde face aux Soviétiques de plus en plus expansionnistes. On croise même Eliot Ness, vieux flic alcoolique lui aussi rongé par les remords. 

Distrayante, partant un peu dans tous les sens (la faute aux potes de Kerouac...), cette BD nous en apprend quand même beaucoup sur le fonctionnement des USA, la folie des hommes et la résilience de certains. On regrettera enfin  la mort de la collection Jour J et de ses nombreuses possibilités de modification de la marche du monde. Et en ce moment, il en besoin, le monde, d'une nouvelle direction plus safe et réfléchie...

"Jour J - Los Alamos" (édition spéciale), Delcourt, 120 pages, 23,75 €

mercredi 28 mai 2025

BD - Des Gorilles infaillibles au service du Général

Côte présidents, attentats et protection rapprochée, les USA avaient Kennedy, la France De Gaulle. A l'arrivée, les gorilles français ont fait un sans faute, le grand homme de la Libération échappant à plusieurs tentatives d'attentats alors que le jeune président Kennedy... 

Pourtant De Gaulle n'aura eu que qatre gorilles surant sa carrière de chef de l'Etat de la Ve République. Quatre amis, connus depuis la Libération, qui l'ont suivi durant sa traversée du désert et ont repris du service en 1958 alors que la guerre d'Algérie fait des ravages dans l'armée, les finances et l'opinion publique. Xavier Dorison, le scénariste, s'est très librement inspiré des mémoires des véritables gorilles pour transformer un peu l'Histoire, lui donner un air un peu plus romantique. Mais dans l'ensemble on retrouve au fil de ce premier tome se déroulant en septembre 59, l'essentiel des événements autour de De Gaulle. 

Un long récit pour mieux connaitre le quatuor chargé d'assurer la sécurité du président dès qu'il quitte l'enceinte de l'Elysée. On découvre l'arrivée, controversée, de Max Milan en remplacement d'un membre tombé en disgrâce (pourquoi ? réponse en fin de volume). Ce flic, ancien résistant, arrive tout d'oit des USA. Il vient d'être diplomé par le FBI à Quantico. Il apporte des méthodes plus modernes au trio restant, très à cheval sur les traditions et les habitudes. Mais le danger est de plus en plus présent. Du côté du FLN, mais aussi de l'extrême-droite. Bref, les quatre gorilles, tout en gardant leur calme, vont devoir puiser dans leurs réserves pour contrer complots et projets d'attentats. 

Une intrigue mouvementée qui devait sembler réaliste, au niveau du dessin, pour être crédible. Le choix de Julien Telo s'avère judicieux. Il propose du trait ferme et efficace, fidèle aux décors de l'époque sans occulter les "gueules" des fameux gorilles. Un premier tome percutant, très instructif pour les ignorants de l'histoire contemporaine française. D'autant qu'un cahier pédagogique complète la BD, avec parcours des véritables gorilles du général et présentation de seconds rôles de la BD, de Michel Debré à Jacques Foccart, chef de l'ombre dit le Chanoine. 

"Les gorilles du général" (tome 1), Casterman, 96 pages, 21,95 €

vendredi 23 mai 2025

BD - Quand Berthet chevauchait les grand espaces sauvages de l'Ouest américain

Auteur belge à l'oeuvre reconnue mais pas toujours à sa juste mesure, Philippe Berthet, en plus de séries au succès critique et commercial, a signé quelques albums isolés d'une exceptionnelle qualité. Parmi ces réussites, "Chiens de prairie", sur un scénario de Foerster et des couleurs de Dominique David. Paru en 1996 chez Delcourt, ce long western vient d'être réédité par les éditions Anspach, maison belge lançant de nouvelles séries mais qui aime aussi redécouvrir des classiques de ce style franco-belge loin d'être mort et enterré. 
Dans un long dossier en fin d'album, Berthet explique qu'il s'était lancé dans ce projet pour couper avec sa série Pin-up. Lassé de dessiner des voitures et les grandes villes américaines de la seconde guerre mondiale, il a soif de grands espaces et de nature. Foerster lui propose ce western et Berthet accepte avec enthousiasme, même s'il doit dessiner quantité de chevaux, exercice compliqué même pour les plus doués des dessinateurs réalistes.
Dans "Chiens de prairie" on suit la destinée de J. B. Bone, outlaw qui a croisé la route de Calamity Jane. Il la retrouve des années plus tard. Elle tente de racheter ses erreurs du passé en convoyant des orphelins vers des foyers d'accueil. Mais en cours de route, Bone récupère, à son grand désespoir, le petit Moïse. Un muet qui s'accroche au vieux cowboy. Bone se passerait bien de cette présence car il s'est lancé dans une mission peu reluisante : convoyer le corps de son complice pour l'enterrer à côté de la femme qu'il aimait. Un vieux grincheux (à la gâchette facile et efficace), un petit muet (plus futé qu'il n'y parait), un cadavre en putréfaction (qui cache un lourd secret) : le convoi va devoir affronter des chasseurs de prime, des Indiens et un pasteur fou. Un périple violent et bourré de symboles, comme tout bon western qui se respecte. 
Trente années après sa première édition, cette BD n'a pas pris une ride. A redécouvrir pour les nouvelles générations alors que les anciennes y retrouveront les émotions de leur jeunesse. 
"Chiens de prairie", Editions Anspach, 64 pages, 16,50 €

vendredi 16 mai 2025

BD - Wild West tome 5, premier acte d'un drame sanglant à Dolores City

Petite cité plantée entre la Californie et le Nevada, Dolores City a retrouvé prospérité et calme. C'est dans ce bled paumé du farwest authentique que les trois héros de la série Wild West de Gloris (scénario) et Lamontagne (dessin) tentent de retrouver une certaine sérénité. C'est vrai pour Wild Bill, devenu shérif, marié à l'institutrice. Un peu aussi pour Charlie Utter reconverti en postier. 

Par contre rien ne va plus pour Calamity Jane. La rebelle a sombré dans l'alcool. Elle est devenue la honte de la communauté. 

Dans les premières pages de l'album, après une  nuit de beuverie, elle est découverte, inconsciente, dans l'auge des cochons... Wild Bill tente de la protéger. Mais sa patience a des limites. Celle des notables de la ville aussi. 

C'est dans ce contexte qu'une nouvelle famille vient s'installer à Dolores City. Des fermiers. Ils relancent un ranch avec quelques bêtes à cornes. Mais derrière cette famille qui semble normale se cache une bande de hors-la-loi, habitués à attaquer les banques ou les trains. 

Cette nouvelle séquence (la troisième de la série), utilise au maximum les codes du western. Une ville isolée, des gangsters, un shérif, des habitants qui veulent se faire justice eux-mêmes... La tension monte durant ce premier acte. Suite et fin de l'aventure dans le sixième titre de la série, sans doute une des meilleurs créations dans le genre de ces dix dernières années. 

"Wild West" (tome 5), Dupuis, 48 pages, 15,95 €

jeudi 15 mai 2025

Roman – Belle-Maman m'a tuer


Entre thriller et roman horrifique, Elle est revenue d'Ainslie Hogarth est à déconseiller aux femmes résidant sous le même toit que leur belle-mère. La narratrice, Abigail, que tout le monde surnomme Abby, vit le parfait amour avec Ralph. 

Quand la mère de ce dernier commence à vieillir et à perdre un peu la tête, il impose à Abby d'aller vivre chez elle. Cela se passe mal jusqu'au suicide de Belle-Maman, retrouvée les veines ouvertes dans la cave. Abby, tout en soutenant son mari très touché par cette perte, jubile. Elle ne supportait plus les remarques perfides de la vieille acariâtre. Une joie de courte durée. En rentrant du boulot, quelques jours après le suicide, Abby découvre sa belle-mère dans la cuisine. Fantôme ? Entité maléfique ? 

La jeune femme va lutter pour la faire disparaître et récupérer son gentil Ralph de plus en plus dépressif et persuadé, lui aussi, que sa maman est revenue. On apprécie dans ce texte assez extrême les passages très crus placés dans la bouche de l'héroïne, une femme sans doute aussi dérangée que la suicidée. Mais vivante, elle !  

« Elle est revenue », Ainslie Hogarth, 10/18, 324 pages, 16,90 €

mercredi 14 mai 2025

BD - Agrippine, princesse de sang

La série des Reines de sang se penche sur le rôle des femmes dans la Rome antique. Pas évident d'être l'épouse d'un empereur ou d'un général. A part donner des héritiers mâles, leur utilité n'est jamais essentielle. C'est le cas de la jeune Agrippine. Rome est déchirée entre deux factions. Le peuple voudrait que le général César Germanicus, cantonné en Germanie, accède au pouvoir. Mais Tibère, le gendre d'Auguste, premier empereur, s'accroche au pouvoir. Agrippine est la fille du général. Un père qu'elle ne verra que peu. Entre guerres et négociations, il est souvent loin de la capitale. Et rapidement son pouvoir fait peur. Une dose de poison plus tard, il quitte définitivement la scène politique. La succession se fera donc entre les enfants de Tibère et ceux du général. Mais Agrippine a bien l'intention de tenir un rôle dans ce jeu politique dangereux. 

Racontée par Luca Blengino sur des dessins très expressifs de Roberto Ali, la vie d'Agrippine sera présentée en trois volumes (le second en septembre, le troisième en janvier 2026), agrémenté de deux autres titres sur des femmes importantes de la Rome antique : Messaline (septembre) et Poppée (janvier). Le quotidien d'Agrippine se partage entre études et plaisirs simples de la vie. Mais elle doit sans cesse être sur ses gardes. Notamment quand son frère Caligula est dans les parages. Il est persuadé que pour assurer la pérennité du sang céleste de la lignée, il doit faire un enfant à sa sœur...  Elle n'a pas encore 10 ans... 

Agrippine, une fois adulte, sera transformée en cadeau pour réconcilier les deux factions. Elle acceptera de baisser la tête et de se taire. Mais ce sera la dernière fois. De cette union non voulue, elle donnera le jour au redouté Néron, futur empereur. La suite de la série verra naître une des plus terribles reines de sang. 

"Agrippine" (tome 1), Delcourt, 48 pages, 15,50 €

mardi 13 mai 2025

BD - Les animaux de la fin du monde, de la tortue aux calamars géants


En pleine guerre froide, dans les années 50 aux USA, un petit film était régulièrement proposé aux élèves. C'est ce court-métrage de prévention qui sert de base à cette BD écrite par Scott Snyder et dessinée par Rafael Albuquerque. Dans "Duck and cover" une tortue  expliquait qu'en cas d'attaque nucléaire russe, il suffisait de se réfugier sous son bureau, en classe, pour en sortir indemne. C'est peut-être ce film qui a donné la passion du cinéma à Delmont Reeves, lycéen terne de la petite ville de Schellville. Il réalise sa première œuvre enfant. un tournage qui se termine mal : un chien l'attaque et lui fait perdre un œil. 

Quelques années plus tard, devenu projectionniste dans un drive durant les vacances, il a toujours très peur des chiens, mais espère encore de devenir réalisateur. Avec plusieurs de ses camarades de classe, il est collé après une bagarre. Aussi quand les sirènes retentissent, ils se précipitent sous les bureaux et échappent au feu nucléaire. Cependant, si l'attaque vient bien des Russes, ce sont des aliens ressemblant à des pieuvres volantes ou des calamars géants qui dominent désormais le monde. Tous les adultes sont morts. Ne restent que les enfants protégés par leurs bureaux. 

Si au début, ce récit semble totalement invraisemblable, Snyder avec une précision chirurgicale va combler tous les trous. On va donc suivre avec intérêt l'épopée de cette bande improvisée, tentée dans un premier temps de se réfugier dans un bunker, avant de trouver un moyen de détruire les envahisseurs. Une bataille dantesque, dessinée avec force de détails et de réalisme par un Albuquerque très à l'aise dans ce genre de comics. 

Et comme Snyder est un excellent scénariste, le final délivre un message d'espoir tant au niveau de la résistance aux forces obscures que de la nécessaire solidarité pour être plus fort.  

"Duck and cover", Delcourt, 128 pages, 17,50 €

dimanche 11 mai 2025

Roman – Le train des Terres oubliées

Le Transsibérien a toujours fait rêver les amateurs de voyages incongrus. Mais cela ne semblait pas suffisant pour Sarah Brooks, autrice anglaise spécialiste de l'Asie. Elle mélange le mythe du train reliant Pékin à Moscou à une dystopie ayant transformé une partie de la Sibérie en région interdite après l'apparition de mutations. 

Le voyage, de la Chine vers la Russie, est vécu de l'intérieur par l'intermédiaire de plusieurs des passagers ou employés : la fille d'un des artisans du train hermétiquement clos, décidée à venger son père, une petite fille, née dans un wagon et qui depuis ne l'a plus quitté, un cartographe, explorateur curieux d'un nouveau monde, la Capitaine, marquée après un voyage dramatique. Des vies qui se croisent et interagissent dans un huis clos inquiétant. Encore plus quand entre en scène Eléna, une créature des Terres oubliées, plus vraiment femme, pas encore monstre. 

Reste le meilleur du roman : la description de ce monde mystérieux où les arbres se déplacent et où les lacs ont des couleurs inimaginables. Un formidable voyage, dans tous les sens du terme.  

« Comment voyager dans les Terres oubliées », Sarah Brooks, 10/18, 456 pages, 9,90 €

samedi 10 mai 2025

BD - "Le marin céleste" vogue sur les cieux loin de la mort bleue


Les albums édités par Daniel Maghen sont rares. Mais systématiquement d'une beauté fulgurante. Il est vrai que son premier métier est galeriste. Il cherche donc des artistes qui ont le potentiel pour proposer des compositions originales qui plairont aux collectionneurs. Olivier Roman coche toutes les cases et signe donc "Le marin céleste", gros album écrit par Rodolphe. 

Toujours sur la planète Sprague, on découvre Popeye, commerçant qui va de ville en ville proposer ses trouvailles. Il se déplace dans un drôle d'engin, entre l'avion et la montgolfière. Il profite de la vie, heureux, entre fouilles archéologiques, vente sur les marchés et bon temps auprès de sa fiancée, Prune. Tout irait pour le mieux si de mystérieuses herbes bleues ne se mettaient à proliférer au sol. Une végétation exubérante et agressive. Rien ne leur résiste, ni maison ni végétation. Encore moins les hommes. 

Popeye et Prune, aidés par des insectes humanoïdes, premiers habitants de Sprague, vont prendre la tête de la révolte pour repousser la vague bleue. 

Le scénario, original et plein de surprises, permet au lecteur de mieux comprendre comment fonctionne cette planète à part. Son histoire (arrivée puis départ des grands anciens...) y est en partie dévoilée. Et comme Rodolphe sait parfaitement jouer du suspense et des rebondissements, il a certainement de quoi écrire deux ou trois autres histoires ayant pour cadre Sprague. Quant à Olivier Roman, il semble très à l'aise dans ce monde imaginaire, aux habits originaux, aux machines uniques et aux animaux entre rêve et réalité. On en redemande !    

"Le marin céleste", Daniel Maghen éditeur, 88 pages, 19 €

vendredi 9 mai 2025

Thriller - Sharko, en vers et contre tous

Le nouveau roman de Franck Thilliez ne fait pas dans la poésie. Dans « A retardement », il est surtout question de folie et de bestioles visqueuses, de celles qui peuplent nos pires cauchemars.


A plus de 60 ans, Frank Sharko, le policier d’élite imaginé par Franck Thilliez souffre-t-il d’un petit coup de mou ? A Lucie, sa compagne, il dément énergiquement (malgré son souffle court, ses nuits agitées et ses genoux douloureux) : « Quand je serai à la retraite, j’aurai tout le temps de me poser, OK ? De faire des siestes comme les vieux ou d’arracher ces saloperies de mauvaises herbes. » Faut pas lui faire remarquer qu’il n’est plus un poulet de première jeunesse, ça a le don de l’énerver le Sharko. Alors il continue à chasser les méchants (qui eux semblent de plus en plus jeunes) même s’il laisse les courses et bagarres à son second, Nicolas Bellanger, de plus en plus au centre des intrigues imaginées par le maître du thriller français. 

Dans « A retardement », le groupe de Sharko est de garde pour la dernière semaine de l’année. Il est mobilisé après la disparition d’une Parisienne, envolée en traversant le parc des Buttes-Chaumont. Au même moment, un schizophrène est interné dans une unité de malades difficiles de banlieue. Il sera suivi par Eléonore Hourdel, psychiatre renommée. Deux débuts sans directs, permettant de suivre une enquête qui s’enlise et de découvrir le quotidien dans une UMD, endroit au coeur du roman. Quelques jours plus tard, les deux mondes se rencontrent. Sharko et Nicolas vont enquêter sur le meurtre sauvage d’un quinquagénaire. Mort de cinquante coups de tournevis au niveau de l’abdomen, la bouche remplie de soude. L’homme serait le père de la psychiatre. 

Le roman bascule dans l’horrible lors de l’autopsie. Une étrange découverte est faite dans l’intestin du mort : Les visages des deux policiers « se plissèrent de dégoût lorsque, du bout des doigts, le légiste tira de là un organisme blanchâtre, écrasé comme un haricot, présentant de nombreux replis de la forme de ceux de l’intestin où il était logé. » Un ténia plus connu sous le nom de ver solitaire. «Les coups de tournevis avaient atteint la bestiole à certains endroits, la tuant également. » Ce que ne savent pas encore les flics contrairement au lecteur, c’est que le mystérieux patient d’Eléonore Hourdel a tenté de s’éventrer, persuadé que des vers sont en train de le dévorer de l’intérieur. 

La folie est omniprésente dans ce gros roman noir. Dans l’entourage d’Eléonore, évidemment, mais aussi dans le passé de Sharko et le quotidien de Nicolas, homme blessé au bord de la rupture. Même si A retardement peut se lire indépendamment de autres titres, il est cependant fortement conseillé de plonger dans les autres titres de Sharko. Car c’est dans ce volet feuilleton (on dit plutôt série de nos jours), que réside le plus grand intérêt de l’oeuvre de Thilliez. 

« A retardement », Franck Thilliez, Fleuve Noir, 456 pages, 22,90 €

jeudi 8 mai 2025

Roman fantastique - « La Dissonance », invisible, passionnante

Il y a du Stephen King de la grande époque dans ce roman de Shaun Hamill. La destinée magique et fantastique de quatre adolescents délaissés.

Véritable tour de force que ce roman de Shaun Hamill. Seulement son second et déjà un texte qui devrait compter dans les décennies à venir. En imaginant et en édictant les règles de la Dissonance, l'auteur texan a tout simplement créé une nouvelle forme de magie, de fantastique urbain.

Avant de plonger dans ces mondes alternatifs où rares sont ceux qui voient et ont des pouvoirs, le lecteur fait connaissance des quatre amis, héros involontaires, voués à sauver le monde. Les mondes exactement.

Encore ados en cette année 1996. Hal est le prototype du « petit branleur », jamais sérieux, toujours trop arrogant. Pas de père, une mère volage et absente, il s'en tire toujours par une pirouette. Quitte à y laisser quelques plumes (ou des dents dans les bagarres). Erin, blonde, belle, rêve d'une vie normale. Mais ses parents vivent dans un mobil-home et sont sur le point de divorcer. Athena, jeune Noire très intelligente, sait que si elle veut réussir, elle devra batailler dix fois plus que les autres. Enfin Peter, orphelin, introverti, est élevé par son grand-père Elijah Mash, un professeur d'université toujours plongé dans ses vieux livres.

Quatre rejetés par les autres jeunes, qui se sont trouvés et vont passer leur première soirée pyjama. C'est là qu'un petit livre apparaît dans le couloir de la vieille demeure du professeur Marsh. Il est écrit en « dissonnant », langage magique qu'Athena maîtrise immédiatement comme Erin et Peter. Pour Hal c'est du chinois. Mais après avoir prononcé une formule, Athena envoie le quatuor dans les bois environnants. Il se retrouve aux prises avec des araignées géantes, cauchemardesques, agressives. C'est Hal, armé d'une épée magique, qui les sauvera.

Le début de la saga est précédé du quotidien des trois survivants, de nos jours. Malgré leurs pouvoirs, ils semblent faire toujours partie des ratés, des laissés pour compte. C'est dans ce contexte morose que l'auteur développe les psychologies compliquées, voire toxiques, de ces héros dont on rêve pourtant à s'identifier.

Un pavé qui se dévore, sans le moindre temps mort, avec rebondissements, trahisons, morts violentes, exploration de mondes inconnus et final à grand spectacle. Une fois ce roman refermé, La Dissonance fera partie de votre existence et ne la quittera plus jamais. Ici et maintenant. Demain et ailleurs.

« La dissonance » de Shaun Hamill, Albin Michel Imaginaire, 640 pages, 24,90 €

mercredi 7 mai 2025

Thriller - Dans les bois du Vallespir, l'ours menace Angèle

Clinique psychiatrique, meurtriers jugés déments, fête de l'ours et femme à la dérive : tel est le cocktail gagnant de ce thriller se déroulant dans le Vallespir et signé Alexandra Julhiet.


Plus un personnage est dans le doute, au bord de la dépression voire de la folie, plus le thriller est généralement réussi. Angèle, la narratrice de ce roman d'Alexandra Julhiet est au bord du gouffre. Pourtant c'est une femme forte. Installée à Paris depuis des années, elle est analyste pour une société renommée. Donnez-lui de tonnes de documents sur un sujet précis, elle lit l'ensemble et en tire des conclusions que son patron vend à prix d'or. Rationnelle, efficace sans la moindre faille. Jusqu'à la fin de son couple. Trompée par un mari qui l'abandonne dès qu'il est démasqué. Seule dans son grand appartement, elle déprime. Cauchemarde. C'est un suicide (un homme saute du dernier étage d'un immeuble devant ses yeux) qui l'achève. Et un message retrouvé écrit sur la glace de sa salle de bains, « Va crever !». 

Son boss l'oblige à prendre quelques jours de repos. Elle va chez son père, psychiatre à la retraite. Ce dernier, qui perd un peu la tête, décide de profiter de la présence d’Angèle pour aller dans le Vallespir, assister à la fête de l'ours à Saint-Martin-d'Inferm, village fictif, sorte de contraction des trois cités qui célèbrent le plantigrade à la fin de l'hiver. C'est dans ce village, où son père possède une vieille maison, que le drame se noue. 

L'autrice, connue comme scénariste à la télévision, signe son second roman et parvient rapidement à passionner ses lecteurs. Certes l'intrigue semble un peu cousue de fil blanc, mais on tremble quand même pour cette femme, prête à tout pour découvrir la vérité sur son passé, son enfance, ses origines. 

Et puis il y a la description de cette fête de l'ours, folklorique mais aussi triviale, excessive. Angèle ne cache pas son malaise dans la foule avinée : « L'atmosphère semblait joyeuse et bon enfant, moi je la trouvais lugubre, comme si un désastre était sur le point d'arriver. L'un des ours, une masse de plus de deux mètres, tanguait dans la foule à la recherche  d'une bagarre. Un autre profitait de son anonymat pour mettre des mains aux fesses des jeunes filles qui réagissaient en gloussant, inconscientes du danger. » Angèle va subir les assaut d'un ours dans les bois, pas loin d'une clinique psychiatrique. Dans cet établissement, des meurtriers, jugés non responsables de leurs crimes en raison de leur démence, vivent en semi liberté. Le père d'Angèle y a travaillé quand elle était enfant. Du moins c'est ce qu'elle croit se souvenir. Une histoire sur la mémoire, le mal, l'hérédité et la famille. Sans oublier Angèle, lumineuse héroïne qui va enfin sortir des limbes de l'oubli.  

« La nuit de l'ours » d'Alexandra Julhiet, Calmann-Lévy, 380 pages, 20,90 € 

Jeunesse - Jouer aux détectives et aux voleurs


John, 12 ans, sera détective. Ou voleur. Pour l'instant son choix n'est pas arrêté. Orphelin depuis quelques mois, il vit caché dans le faux plafond d'un grand musée de New York. Il espère encore que sa mère va revenir le chercher. Etrange personnage que ce jeune héros imaginé par Tom Phillips. 

Vivant à la marge de la société, il est avant tout un grand rêveur. La réalité va pourtant le rattraper quand on l'accuse d'avoir volé un rubis égyptien d'une grande valeur. Il ne devra son salut qu'à sa rencontre avec l'inspecteur Toadius McGee, plus grand détective du monde. Le choix est fait : il sera détective et arrêtera « La phalène mauve », célèbre voleur au nom inspiré par un papillon. 

Un récit enlevé, plein de rebondissements, aux personnages intrigants et étonnamment humains. Un petit bijou d'intelligence et d'humour, sans oublier un petit soupçon de leçon de vie.     

« L'étrange ligue des détectives et des voleurs », Tom Phillips, PKJ, 336 pages, 16,90 €

mardi 6 mai 2025

Polar – Les mensonges de l'Hydre


Au royaume des fake news, l'Hydre est la reine. Une sorte de secte, aux disciples persuadés de détenir la vérité. En réalité ils ne font que mentir, maquiller la réalité, tenter de faire peur pour que la société s'écroule face à des vagues de paranoïas de plus en plus fortes. Simon Lacroix, étudiant parisien, est persuadé avoir infiltré l'organisation. Il compte en faire son sujet de thèse. Mais il n'aura pas le temps de la finaliser. Il est retrouvé mort au pied de son immeuble. Suicide par défenestration ? Son père est sceptique et va mobiliser la brigade criminelle. 

Une enquête hors norme pour le commandant Sénéchal, héros récurrent de Sébastien Le Jean. 

Un flic en pleine déprime. Après une grosse bourde (lire Le grand effondrement), on veut le priver de terrain. Alors il va s'accrocher à cette affaire pour sauver sa carrière. Un polar réaliste qui fait froid dans le dos car au final, on a l'impression que tout le monde manipule... tout le monde.

« La conspiration de l'Hydre », Sébastien Le Jean, Folio Policier, 336 pages, 9,50 €

mercredi 30 avril 2025

BD - Coup de foudre improbable dans le nouveau monde d'Ales Kot et Tradd Moore

La science-fiction n'empêche pas les sentiments. Dans un futur apocalyptique, Ales Kot et Tradd Moore racontent un coup de foudre aussi bizarre qu'improbable. Mais avant de faire connaissance avec les nouveaux Roméo et Juliette de la Nouvelle Californie, petit rappel de la situation. En 2037, plusieurs bombes atomiques ont pulvérisé simultanément les grandes agglomérations américaines. Le pays est en ruines. 

Une guerre civile se déclenche, les USA se partagent en plusieurs zones plus ou moins indépendantes et sûres. La Nouvelle Californie s'en tire le mieux. Grâce à un mur qui assure sa sécurité au Sud. Mais c'est au prix d'une politique implacable. Toute infraction est punie par les Gardiens, des flics surarmés qui officient en direct à la télévision. La nouvelle téléréalité qui se transforme en tribunal populaire, le coupable, une fois capturé, est au centre d'un dernier sondage où les téléspectateurs se transforment en juges. Deux choix : épargner ou supprimer. La mort en direct. 

Parmi les Gardiens, Stella Marris est la plus célèbre. Une jeune femme, petite fille du président, qui a la particularité de toujours épargner ses prisonniers, même si le public réclame la mort. Un état policier combattu par quelques idéalistes dont Kirby, fils d'un vétéran, hacker de génie. La flic et l'anarchiste. La rencontre est torride. Et comme Kirby est désigné ennemi public numéro 1, Stella doit choisir entre l'ordre et l'amour. 

Une incroyable cavale, dans ce pays qui a tout l'air d'être sorti de l'esprit tordu de Trump, alimente ce comics au dessin très original, tout en courbes et plein de couleurs, de Tradd Moore. Le côté fleur bleue est peut-être un peu trop présent, mais les amateurs de combats, duels et grosses bastons ainsi que les purs et durs en matière de science-fiction qui pousse à la réflexion en auront quand même pour leur argent.    

"The new world", Hi Graphics, 176 pages, 24,95 €

vendredi 25 avril 2025

BD - A la recherche de son totem


Ernesto ne sait pas grand chose de son passé. Ce gamin vit avec sa mère aux USA depuis qu'elle est mariée à un riche Blanc, aux affaires sulfureuses. Ernesto voudrait qu'elle lui raconte ses premières années en Haïti. Elle refuse, pour le protéger, le ménager. Son beau-père par contre a décidé de transformer cet enfant de 13 ans en homme. Il décide de l'amener avec lui à Cuba où il fait des affaires. Affaires louches avec le dictateur au pouvoir et la mafia. Alors Ernesto découvre La Havane la nuit, les petites frappes, la police corrompue, les rumeurs sur les Barbudos, ces révolutionnaires cachés dans la montagne. Un gamin abandonné dans une immense villa face à la mer, avec pour seule compagnie une petite tortue et une gouvernante. Cette femme est une activiste révolutionnaire. Elle profite de son poste pour voler des milliers de dollars au beau-père d'Ernesto. 

Cette BD, entre politique, histoire et fantastique, est écrite par Charlotte Girard et Jean-Marie Omont. Dessinée par Grégory Charlet, elle devient quasi mystique quand l'enfant rencontre une fillette farouche. C'est avec elle qu'il va aller dans des grottes pour trouver quel est son animal totem. Un récit puissant illustré par un trait de toute beauté.  

"L'île crocodile" (tome 1), Métamorphose, 88 pages, 18,50 €

jeudi 24 avril 2025

BD - Se sentir vivre... au moins "Dix secondes"

Trouver sa place, avoir un but, se forger un avenir. Des actions essentielles pour tout être humain qui se respecte. Sauf peut-être pour Marco, grand adolescent belge traînant son ennui chronique dans la province wallonne. Marco n'est pourtant pas malheureux. Il a une famille, des amis, craque parfois pour une fille, n'est pas trop mauvais en classe. Mais il lui manque ce petit quelque chose qui nous pousse à nous lever le matin. Alors il tente des expériences. Aime ce qui est interdit. Fumer des joints, tester de nouvelles drogues, boire à tomber par terre... 

Max de Radiguès, auteur devenu incontournable dans la nouvelle BD belge indépendante, a proposé ce roman graphique sous forme de feuilleton dans un fanzine. Une fois bouclé, il est logiquement édité chez Casterman, sa maison d'édition grand public de prédilection. L’occasion pour l'auteur de raconter une partie de sa jeunesse : scooter, nuit dans les bois ou les champs, école buissonnière et autres petites bêtises. 


En lisant les non-aventures de Marco, on a parfois envie de le secouer. Lui dire entre quatre yeux d'arrêter ses dérives. Qu'il risque gros. Que la vie vaut le coup, même si elle n'est pas aussi palpitante qu'un jeu vidéo. Marco, tête à claques, qui semble totalement imperméable à tous ces avertissements. Venant de ses potes ou de la jolie Zoé. Et puis il trouve enfin un dérivatif qui lui donne l'impression d'être vivant. Le jeu des dix secondes... 

Ce roman graphique est une chronique authentique, un peu nostalgique, très amère.  

"Dix secondes", Casterman, 120 pages, 22 €

mercredi 23 avril 2025

Roman – Moments de flottement

Paru l'an dernier aux USA, ce roman de Jessica Anthony semble pourtant écrit au moment des faits, à la fin des années 50, alors que les Russes viennent de lancer leur premier Spoutnik dans l'espace et que les Américains tentent de profiter de la vie après une longue guerre et malgré la « menace rouge ». Kathleen et Virgil Beckett est le couple témoin de ces USA triomphants. 

Il gagne bien sa vie, elle s'occupe de leurs deux enfants. Ils vivent dans un bel appartement d'une résidence avec piscine. Mais un dimanche de novembre, sous un timide soleil, Kathleen décide d'aller profiter de la piscine. Elle plonge, nage, farniente et n'en sort plus de la journée. Sur ce simple petit événement, l'autrice décortique la vie du couple. On découvre les doutes de Virgil, son immobilisme et conformisme. 

Puis on plonge dans les frustrations de Kathleen, femme se sentant de plus en plus enfermée dans un rôle, trouvant dans cette piscine l'occasion de sortir des rails, d'en faire une scène pour les plus grand plaisir des autres habitants de la résidence. 

Un roman amer sur ces moments de flottement que l'on affronte forcément au cours de notre vie. 

« Nage libre » de Jessica Anthony, Le Cherche Midi, 144 pages, 18 €

mardi 22 avril 2025

BD - L'enfance simple et enchantée du petit Nekomaki


Un chat, un canard, la passion des trains, un papa joueur, une maman attentionnée : l'enfance de Nekomaki dans la campagne japonaise dans les années 70 a tout du conte de fées. Même s'il n'y a rien de magique dans ce quotidien d'un gamin âgé de 7 ou 8  ans. Ce récit, constitué de petites histoires, plonge le lecteur dans un Japon insoupçonnable. Celui des années 70, quand tout était encore simple. 

Ken a le sommeil lourd. Il dort le plus possible sur son futon, en compagnie de Momo, son gros chat, tendre, câlin et farceur. Un gros matou qui le suit comme un petit chien quand Ken part se promener le long des canaux, pas loin des rizières. Là, il joue avec des grenouilles, des scarabées ou à marcher comme un géant sur ses échasses fabriquées par son père avec des boites de conserves vides. Il aime aussi regarder passer les trains au loin. Il les connait tous, nom, horaires, type de locomotive. Une BD qui va vous réconcilier avec la vie familiale. 

Papa rentre parfois pompette du travail, mais il a souvent des cadeaux pour son fils. Il revient une fois avec une petite boule jaune. Un caneton qui grandira très vite (couvé par Momo qui finalement est une chatte et vient de donner naissance à trois adorables chatons). Le canard très dégourdi répond au nom de Mimosa. 

Le trio est constitué. Place à de grandes aventures dans ces 160 pages dessinées avec douceur et colorées dans des tons pastels  lumineux. Bref, c'est un bijou à offrir à toute personne encore capable de s'émouvoir pour les choses simples de la vie.   

"Mimosa, Momo et moi", Le Renard Doré, 160 pages en couleur, 12,90 €

lundi 21 avril 2025

Thriller – Dante et son enfer reviennent

L'âme pèse-t-elle véritablement 21 grammes ? Et où se cache-t-elle dans notre cerveau ? Deux questions parmi des dizaines qui émaillent ce thriller scientifico-mystique signé d'un maître du genre : Fabrice Papillon. Après « Aliénés », on retrouve la commissaire Louise Vernay au centre de cette enquête internationale qui va de Paris à Londres en passant par le Portugal ou Rome. De nombreux retours dans le passé permettent aussi aux lecteurs les moins savants de réviser les vies (et morts surtout) de quelques génies comme Einstein, Descartes ou Dante, justement. 

L'écrivain italien tient une place particulière au cœur de ce tsunami de menaces. Dans cette tension allant crescendo, Louise Vernay tente d'avancer à sa façon : sans mettre de gants. Ce flic très individualiste, limite borderline, est en pleine dépression. Son grand amour vient de mourir dans l'espace (relire « Aliénés ») et son petit frère, dans le coma depuis des années, est sur le point d'être « débranché ». Alors quand la fin du monde menace, elle n'y va pas avec des pincettes. 

Un thriller mené tambour battant, l'héroïne multipliant les difficultés. Mais comment va-t-elle s'en tirer ? 

« La conjuration de Dante », Fabrice Papillon, Points, 528 pages, 9,90 €

dimanche 20 avril 2025

BD - Les futurs angoissants de Koren Shadmi


L'évolution actuelle de la société vous inquiète ? Il risque pourtant y avoir pire. Comme dans les romans graphiques de Koren Shadmi parus récemment chez Marabulles. Un titre déjà connu, "Le voyageur" et un plus récent, "La passe visage". Des thématiques inquiétantes et assez angoissantes sur la fin du monde ou la prépondérance de la technologie dans nos existences d'humains si imparfaits. 


Dans "Le voyageur" on suit le périple d'un homme dans l'Amérique du futur. Il fait de l'auto-stop, semble chercher quelque chose, un but, une finalité. Il se lie avec plusieurs conducteurs. Se désespère de leur peu d'intelligence. Parfois il fait des mauvaises rencontres. Y laisse la vie. Enfin reste simplement mort quelques minutes. Car ce voyageur est immortel. Le but du voyage risque de nous faire cauchemarder...

L'autre album de Koren Shadmi disponible dans les librairies est très récent. "La passe visage" est une jeune comédienne. Rose court les cachets. Sans grand succès.

Alors elle accepte des boulots alimentaires. Elle se glisse dans différentes personnalités à la demande de clients qui veulent des véritables rencontres. De l'improvisation facilitée par son aspect physique. Car Rose a subi une intervention médicale qui lui permet de modifier les traits de son visage. A partir d'une simple photo, elle peut devenir sa cible. Épouse partie, fille morte trop jeune, mère irremplaçable : elle dîne avec ses clients, voire passe une soirée avec eux. Mais ce petit jeu de caméléon a l'inconvénient de chambouler la psyché de Rose qui ne sait plus trop qui elle est. A-t-elle même une propre personnalité ? 

Une réflexion fine et intelligente sur notre côté unique par un auteur à découvrir. Le tout dessiné dans un style très ligne claire, avec décors futuristes, ville dantesque et solitude imposée.   

"Le voyageur", "La passe visage", Koren Shadmi, Marabulles, 176 et 192 pages, 25 € chaque volume

samedi 19 avril 2025

Science-fiction – Le destin d'Elia

Surtout connue pour des comédies sentimentales, Marie Vareille, autrice française, a voulu diversifier ses écrits. Elle s'est donc lancée dans la rédaction d'une trilogie de science-fiction qui bénéficie d'une réédition au format poche, en trois volumes copieux qui vous assureront des heures de dépaysement. Dans un futur proche, la terre est ravagée après une guerre de cent ans. 

Ne reste que quelques survivants dans une société où les castes sont prépondérantes. Une élite, dominée par les passeurs d'âmes, a tous les pouvoirs et exploite la majorité. Elia, jeune fille rousse, est passeuse d'âmes. Son rôle dans ce monde inégalitaire : tuer les vieux, les faibles, les récalcitrants. Les passeurs d'âmes n'ont pas de sentiments. Pas de remords. Alors pourquoi Elia épargne Sol, jeune révolutionnaire ? Elia et Sol, un couple en devenir, qui va s'aimer, se déchirer, lutter ensemble ou l'un contre l'autre. Une histoire d'amour compliquée qui ne prend pas trop de place dans cette longue marche vers plus de justice et d'égalité. Un beau récit sur le prix à payer pour vivre libre. 

De la SF assez sombre, mais qui fera forcément réfléchir les adolescents et jeunes adultes, public privilégié de cette saga.   

« Elia, la passeuse d'âmes » (intégrale en trois volumes), PKJ, 450 pages, 8,10 €

vendredi 18 avril 2025

BD - "Somna", récits de cauchemars sortis de l'enfer


Durant de longs siècles, le sort des femmes dans les sociétés dites "civilisées" était tout sauf enviable. En plus de donner du plaisir aux hommes, elles étaient les porteuses de leur descendance. Sans oublier les contraintes de la vie quotidienne. Mais à une époque, cela ne suffisait pas. Le clergé a donc inventé des faits de sorcellerie, bonne occasion de se débarrasser sans trop de difficulté des rares individualités qui ne se contentaient pas de cette vie de misère. Un procès vite expédié et direct au bûcher !

"Somna", long récit graphique de Becky Clooman et Tula Lotay est l'histoire d'une de ces épouses qui ont eu le tort d'espérer. Dans un village anglais du XVIIe siècle, Ingrid est mariée au bailli, juge et bourreau faisant office de chef des inquisiteurs. 


Ce matin-là, elle refuse de l'accompagner à son travail. Pas étonnant, il a pour mission de tuer en place publique Greta, la femme du charpentier. Ingrid ne pourra cependant pas rater le cadavre de la malheureuse laissé une semaine au centre du village. Une image qui vient s'immiscer dans les cauchemars de la jeune femme. Des rêves où un homme sombre fait aussi de régulières apparitions. Il l'incite à se rebeller. L'entraîne vers le plaisir, la jouissance. Solitaire. Rêves érotiques qu'elle attribue à Satan. De là se prendre pour une sorcière elle aussi... Ce que ses voisins vont rapidement croire. 

Une belle histoire sur le véritable esclavage subi par les femmes. Un récit d'horreur, dessiné dans deux styles différents. Très réaliste pour les rêves, plus comics pour la réalité. L'oeuvre de deux femmes qui ont clairement choisi leur camp. Seul bémol, c'est un peu long et bavard. En d'autres temps (les années 80 par exemple, riches en BD de sorcellerie), un auteur pressé aurait condensé l'ensemble de l'histoire en dix pages.     

"Somna", Delcourt, 180 pages, 23,50 €