jeudi 30 juin 2022

Cinéma - “Irréductible” fonctionnaire


Pas sûr que les fonctionnaires apprécient ce film de Jérôme Commandeur. Pourtant il est désopilant ce Irréductible. Au point qu’il a remporté le Grand Prix, au Festival de la comédie de l’Alpe d’Huez. Seconde réalisation de Jérôme Commandeur, l’histoire de ce fonctionnaire attaché à son emploi (exactement à la sécurité de son emploi…), a le grand avantage de nous faire voyager. 

De la France profonde à la Suède moderne, en passant par une base en Arctique et la jungle équatorienne, ces 90 minutes sont trépidantes. Trépidant, un adjectif qui, pourtant, ne colle pas du tout au héros. Vincent est fonctionnaire à Limoges. Il s’occupe de la nature et de ses principaux utilisateurs : les chasseurs. Il a une vie bien réglée entre pots-de-vin, sa famille, sa fiancée et sa future belle-famille. Une existence pépère, garantie à vie, sans ambition, mais avec une sécurité à toute épreuve. 

Sauf quand le nouveau ministre (de droite), décide de « dégraisser le mammouth ». Quelques postes vont être supprimés. Exactement, de belles primes sont offertes aux « inutiles » s’ils sont volontaires au départ. Or, Vincent, ne veut pas abandonner son petit paradis. Les services du ministère sortent alors les armes de dissuasion que sont les mutations. 

Scientifique et ours blancs

Vincent, provincial absolu, doit accepter ses nouvelles affectations, sous peine d’abandon de poste. De la banlieue triste aux montagnes isolées, il accepte tout et tient bon. La chargée des « licenciements qui ne disent pas leur nom » passe à la vitesse supérieure en le nommant dans une base en Arctique, chargé de protéger les scientifiques des attaques d’ours blanc. On est loin de la vie familiale sereine de Limoges… Pourtant, c’est dans cette immensité glaciale qu’il rencontre Eva, jolie chercheuse qui va craquer pour lui. Vincent va découvrir une nouvelle routine dans la vie suédoise d’Eva, engagée pour l’écologie. 

Partant un peu dans tous les sens, le film ne laisse jamais le spectateur s’ennuyer. Jérôme Commandeur, bon bougre, obnubilé par son idée de conserver son poste, va pourtant devoir choisir entre l’amour et la sécurité de l’emploi. Un dilemme cruel pour cet irréductible de la fonction publique.

"Irréductible', film français de et avec Jérôme Commandeur, et avec Laetitia Dosch, Pascale Arbillot


mercredi 29 juin 2022

Cinéma - Le policier sous le charme de la veuve

Dans Decision to leave, un policier insomniaque s’interroge sur une veuve un peu trop belle.


L’amour est aveugle. Il frappe toujours sans prévenir, provoquant d’improbables passions entre des êtres radicalement différents. Decision to leave, le nouveau film de Park Chan-wook, virtuose du cinéma coréen, est une belle et triste romance qui débute par la découverte d’un cadavre. Hae-Joon (Park Hae-il), est chargé de cette enquête de routine. Un homme est retrouvé mort au pied d’une montagne. Il aurait dévissé lors de son ascension. 

Cet ancien agent de l’immigration est marié avec Sore (Tang Wei), une jeune Chinoise, récemment naturalisée. Le policier, un modèle de professionnalisme, consciencieux, opiniâtre, passant au crible tous les détails de l’enquête, ne peut pas s’empêcher de suspecter la veuve. Assistante de vie auprès de personnes âgées dépendantes, elle a pourtant un alibi en béton. Lors de la chute du mari (qui la battait, on l’apprend assez rapidement), elle était au chevet d’une vieille personne, déclaration de la patiente, géolocalisation du téléphone et vidéosurveillance le prouvent. Mais son attitude, très éloignée de la tristesse éplorée, pousse Hae-Joon à maintenir la surveillance de Sore. 

Surveillance nocturne

Insomniaque, il va occuper ses nuits à l’observer dans son appartement, de plus en plus fasciné par cette femme mystérieuse et énigmatique. Elle aussi remarque ce policier qui passe ses nuits à son chevet et va se trouver attirée par lui. D’une banale intrigue policière, Park Chan-wook transforme Decision to leave en film d’amour ambigu. Les non-dits se multiplient. On assiste à la naissance d’un amour fou entre le policier intègre et la veuve secrète. Que cache-t-elle ? Va-t-il la démasquer, au risque de mettre fin, définitivement, à cette passion interdite (il est marié et fidèle) si troublante ? Toute la virtuosité du film passe par la coupure du milieu. La première enquête est oubliée et Hae-Soon, comme redevenu raisonnable, retourne auprès de sa femme, en province, après une phase de dépression. Quelques mois plus tard, Sore réapparaît dans cette petite ville sans charme. Elle vient de s’y installer avec son nouveau mari. Le policier redoute les véritables raisons du retour de cette femme dans sa vie. Car l’amour, comme expliqué précédemment, est définitivement aveugle.

Au dernier festival de Cannes le réalisateur coréen a remporté le Prix de la mise en scène. Objectivement, les deux comédiens principaux auraient mérité eux aussi des récompenses tant leur jeu est habité par la passion et le talent.

"Decision to leave", film coréen de Park Chan-wook avec Tang Wei, Park Hae-il, Go Kyung-pyo 

mercredi 22 juin 2022

DVD et Blu-ray - "Les promesses" politiques

Présenté en compétition au dernier Festival du film politique de Carcassonne, Les promesses de Thomas Kruithof qui vient de sortir en vidéo chez Wild Side Vidéo, est une véritable plongée dans le mécanisme qui fait avancer les hommes politiques. En l’occurrence une femme, Clémence (Isabelle Huppert), maire d’une cité de banlieue parisienne. Au pouvoir depuis deux mandats, elle a publiquement annoncé un an avant la nouvelle élection qu’elle ne se représenterait pas. Sa première adjointe a été désignée par le parti pour lui succéder. En négociant des subventions avec un haut fonctionnaire, Clémence va recevoir une proposition de ce dernier qui va radicalement changer la donne. Un revirement qui va totalement désarçonner Yazid (Reda Kateb), son directeur de cabinet qui espère après l’élection un poste dans un ministère à Paris.

Le scénario permet de surfer sur plusieurs intrigues. La première, la plus importante, l’avenir de la cité. Mais on découvre aussi en filigrane les ambitions de Yazid, ses difficultés à gérer au quotidien son origine modeste dans un monde où même très efficaces, on reste avant tout issu d’une minorité. Le plus passionnant est l’analyse des décisions de Clémence, femme politique dont la complexité est remarquablement interprétée par Isabelle Huppert. Et dans les bonus, vous pourrez voir un long entretien avec le réalisateur.

mardi 21 juin 2022

Cinéma - Caustique “El buen patrón”

"El buen patron", film espagnol de Fernando León de Aranoa avec Javier Bardem, Manolo Solo, Almudena Amor


Fernando León de Aranoa s’est fait une spécialité de films sociaux assez critiques. Il manie l’humour noir et caustique avec une dextérité rare. Cette fois, il s’attaque à un symbole de l’Espagne qui gagne : la petite et moyenne entreprise. Exactement, au patron qui répète à longueur de journée que sa famille, c’est sa boîte ; ses enfants ses employés. Pour endosser le costume d’El buen patrón, le réalisateur retrouve Javier Bardem, avec qui il a déjà tourné Les lundis au soleil, au début des années 2000. 

Spécialiste des balances, depuis des décennies, l’entreprise Blanco est dirigée par le fils du créateur. Le film retrace une semaine de la vie de l’entreprise et de son patron qui ne manque pas de contrariétés au quotidien. Car, si tout semble parfait au pays de la précision, en réalité les problèmes s’accumulent. Et, au pire moment, car l’entreprise va recevoir la visite d’une commission qui doit décider de la remise d’un important prix économique régional. Alors, il faut faire bonne figure. Malgré les erreurs à répétition du chef de fabrication, très négligeant dans son travail, depuis qu’il a appris que sa femme a un amant. 

Comptable récalcitrant

Autre souci, ce comptable, récemment licencié et qui a décidé de camper devant l’entrée de l’usine en arborant des slogans vengeurs sur le patron qui licencie sans état d’âme. Seule bonne nouvelle, les nouvelles stagiaires sont arrivées et la jeune Liliana (Almudena Amor) semble sensible au charme de Blanco. Mais, là aussi, cela devient un problème quand il découvre, après une nuit d’amour torride, que c’est la fille d’un de ses meilleurs amis. Bref, le jeudi, la vie du patron est sur le point de s’effondrer. Mais il a de la ressource, le filou.

Le film va crescendo, on attend la chute de l’abominable manipulateur. Mais, comme dans la vraie vie, le capitaliste, celui qui a le pouvoir et l’argent, parvient toujours à s’en sortir. Malheur aux faibles et vive les « bons patrons ».

lundi 20 juin 2022

Cinéma - Le téléphone de la peur sonne dans “Black phone


"Black phone", film de Scott Derrickson avec Mason Thames, Madeleine McGraw, Ethan Hawke

Les histoires d’enlèvements et de séquestration sont de plus en plus à la mode. Nouvelle version, avec Black Phone, film Blumhouse adapté d’un roman de Joe Hill. Dans une petite ville de province, depuis quelques semaines, les adolescents sont inquiets. Les disparitions se multiplient, les rumeurs vont bon train. Selon les ragots, un « Attrapeur » capture les jeunes qui ont prononcé son nom. Une erreur que ne fera jamais Finney (Mason Thames), l’archétype du jeune intello harcelé au collège. Il n’est pas très bon au base-ball, est passionné par les fusées et n’a que peu d’amis. Par chance il bénéficie de la protection d’un des caïds, expert en art martial. Il l’aide pour ses devoirs en maths. 

Tout bascule quand le protecteur est enlevé, puis c’est Finney qui tombe dans le piège de l’Attrapeur. Rapidement, le film devient plus angoissant, montrant longuement les vaines tentatives de Finney pour quitter sa prison. Une cave en béton, avec juste un matelas et un téléphone noir accroché au mur. Un de ces vieux combinés à cadran (l’action se situe dans les années 70). Un téléphone qui sonne régulièrement, terrifiant le prisonnier. 

Dans ce film de Scott Derrickson, le rôle du méchant est tenu par Ethan Hawke, assez peu méconnaissable, le visage recouvert de masques particulièrement horrifiques.

jeudi 16 juin 2022

Cinéma - Ce conduit souterrain est “Incroyable mais vrai”

Film énigmatique qui doit le rester, la dernière réalisation de Quentin Dupieux est fidèle à sa folie douce.


Mission quasi impossible de raconter Incroyable mais vrai, film de Quentin Dupieux. Exactement, il ne faut surtout pas dévoiler le ressort comique et dramatique de l’histoire. Se contenter de généralités, éluder le sujet, rester énigmatique et le moins précis possible. Donc, au début, Alain (Alain Chabat) et Marie (Léa Drucker) décident d’acheter une maison en banlieue parisienne. Une belle bâtisse moderne, spacieuse entourée d’un jardin arboré. Ils ont immédiatement un coup de cœur. 

Pourtant, selon l’agent immobilier qui fait visiter, ils n’ont pas encore vu le meilleur, ce petit plus qui donne tout son cachet à l’ensemble. Un agent immobilier très mystérieux, refusant d’en dire trop. Il faut le voir pour le croire, selon lui. Il conduit donc le couple dans la cave et ouvre une trappe qui donne sur un conduit s’enfonçant dans les profondeurs des fondations. 

Motus et bouche cousue

C’est à partir de ce moment que le critique de cinéma et scribouillard de service ne peut plus rien dévoiler du scénario. Qu’y a-t-il au bout de ce conduit ? Quel effet a-t-il sur les aventureux qui l’empruntent ? Vous ne saurez rien en lisant la suite de cet article qui peut concourir au grand prix national du journalisme creux et abscons. 

L’effet de surprise doit être préservé pour que le spectateur profite pleinement de la folie du réalisateur (également scénariste et monteur) et de l’évolution des personnages principaux, pris dans ce processus souterrain. Silence sur le conduit, mais on peut quand même parler un peu des amis du couple : le patron d’Alain (Benoît Magimel) et sa maîtresse du moment (Anaïs Demoustier). Eux aussi ont un secret à révéler. Mais dans le même ordre d’idée, mieux vaut ne pas dévoiler ce qui arrive à Benoît Magimel. 

Ce dernier est le meilleur ressort comique du film. Macho, arrogant, prétentieux : il se donne à fond dans ce rôle de composition. La distribution s’en tire d’ailleurs avec les honneurs dans cette histoire abracabradantesque. Alain Chabat reste le plus normal face à l’exceptionnel, Léa Drucker va être la plus influençable alors qu’Anaïs Demoustier, en charmante cruche de service (parfait pendant du macho), apporte ce côté populaire que l’on retrouve toujours dans un film de Quentin Dupieux. Enfin, dernier indice pour les amateurs d’animaux, il y a dans Incroyable mais vrai des chats, des fourmis et même des puces. Mais ces dernières sont électroniques.

Film français de Quentin Dupieux avec Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel et Anaïs Demoustier


mercredi 15 juin 2022

Série télé - The Boys, encore plus fort, encore plus loin


Saison 3 pour The Boys, série de superhéros tout sauf politiquement correcte. Imaginée par Eric Kripke pour Amazon Prime Vidéo, c’est certainement la plus belle réussite de la plateforme qui d’ordinaire ne se distingue pas par son originalité. Dans un monde où les superhéros sont des sortes de héros de téléréalité et d’influenceurs qui servent plus à des placements de produits qu’à sauver le monde, un groupe de citoyens ordinaires tente de démontrer que ces gloires médiatiques font plus de dégâts que de bien à la communauté. 

Dans ce 3e volet, Butcher (Karl Urban) doit cesser de dégommer du héros pour rentrer dans le rang. Une commission sénatoriale a officialisé son groupe qui tend à dénoncer les « erreurs fatales » dont sont victimes des innocents. Dans le genre, la première scène risque de devenir d’anthologie. Un nouveau superhéros a la possibilité de jouer sur sa taille Il peut devenir un géant, mais également aussi petit qu’un microbe. 

Après force absorption de drogue, au cours d’un jeu sexuel qui risque de rester longtemps dans la rétine des téléspectateurs, il éternue et reprend sa taille d’origine. Cela provoque une jolie explosion de chair et de sang. Bref, The Boys sont de retour, cela va saigner et vous devrez vous attendre à tous les excès, des deux côtés.  

mardi 14 juin 2022

DVD - Du nouveau au Département V

Tirées des romans de Jussi Ader-Olsen (Albin Michel), Les enquêtes du Département V font partie des belles réussites du cinéma danois. Les thrillers sont adaptés sur grand écran et c’est déjà le 5e qui sort en DVD et blu-ray. Directement en vidéo (après une diffusion sur Canal +), car la crise sanitaire est passée par là, restreignant les sorties cinéma durant de longs mois. Les amateurs des quatre précédents films seront sans doute déstabilisés car le casting a totalement changé. Pour interpréter Carl Morck, on ne retrouve plus Nikolaj Lie Kaas mais Ulrich Thomsen. De même, son fidèle assistant Assad perd les traits de Fares Fares pour désormais être personnalisé par Zaki Youssef. Si vous voulez jouer au jeu des ressemblances (ou des différences) on ne peut que vous recommander de faire l’acquisition du coffret reprenant cinq longs-métrages, dont le 5e, L’effet Papillon, l’inédit de ce mois de juin chez Wild Side Vidéo. 

Carl Morck, dont la vie est loin d’être un long fleuve tranquille, tente de revenir au travail le plus vite possible. Pourtant il a été le témoin direct d’un drame raconté dans la première scène du film. Mais il est comme ça Morck, dur au mal, sans état d’âme. Même si on comprend vite qu’il a été secoué car il devient de plus en plus borderline dans ses enquêtes. Son département, cantonné au début dans les enquêtes abandonnées, est devenu une pièce maîtresse de la police de Copenhague. Quand un jeune Gitan est arrêté à la frontière en possession du passeport d’un diplomate disparu depuis quatre ans et suspecté d’être un pédophile, l’enquête est rouverte et le département V va mettre toutes ses ressources sur cette énigme. Mais l’adolescent ne collabore pas et va même réussir à s’enfuir d’un centre fermé. 

Sa cavale est racontée en parallèle avec les investigations de Morck auprès d’une jeune nageuse qui a accusé le diplomate, de sa femme, qui a toujours clamé son innocence et d’un journaliste suédois persuadé que cette disparition cache un vaste complot d’État. Le film de 2 heures est rythmé et très sombre. Il s’attache surtout à montrer l’obstination du héros, persuadé qu’il peut, seul contre tous, faire justice et aider ce jeune témoin gênant.  


lundi 13 juin 2022

DVD et Blu-ray - "Les jeunes amants" avec Fanny Ardant et Melvin Poupaud


La magie du coup de foudre ou de l’amour tout court n’a que faire de l’âge. On peut succomber à 10 ans comme à 70 ans. Basé sur un scénario de Solveig Anspach, Les jeunes amants de Carine Tardieu vient de sortir en vidéo chez Diaphana et raconte comment Shauna (Fanny Ardant), architecte à la retraite de 70 ans va tomber amoureuse de Pierre (Melvil Poupaud), médecin hospitalier de 45 ans. 

Exactement c’est Pierre qui est irrésistiblement attiré par cette femme qui était l’amie de son meilleur copain. Une première rencontre sans lendemain et des années plus tard des retrouvailles et l’envie d’aller explorer cette passion dévorante, malgré les risques. Pierre a toutes les chances de détruire sa famille (une femme qu’il aime et deux enfants). Shauna a elle aussi des réticences à se donner corps et âme, notamment en raison de sa santé chancelante (elle souffre d’un début de Parkinson). La performance de Fanny Ardant, filmée sans chercher à cacher ses sept décennies, est remarquable. 

Un drame, servi par d’excellents seconds rôles (Cécile de France, Florence Loiret Caille), s’il semble au début un peu lourd de bons sentiments, devient beaucoup plus consistant quand les deux amants décident de tout dire à leurs proches. L’incompréhension va les faire douter. Notre société du « qui se ressemble s’assemble » est ainsi faite…


vendredi 10 juin 2022

BD - Nanas poilantes

Les poils. Pourquoi l’homme et surtout la femme ne supportent plus d’exhiber leurs poils ? Une crainte d’être ramené à notre statut d’animal, de bête ? La volonté de faire plus jeune ? D’être aussi lisse que ces vies linéaires et sans surprises ? Il existe des milliers d’explications à la chasse aux poils, mais la meilleure façon de comprendre le phénomène reste de lire, en se bidonnant, cette petite BD intitulée Ébouriffant.e.s et signée Émilie Gleason et Adeline Rapon.

Trois amies esthéticiennes tiennent un salon qui n’éradique plus le poil mais le sublime. Au « Fau Tif Hair » on peut choisir sur catalogne la coupe de ses aisselles et même une coupe pubienne Deneuve. L’idée générale est de ne plus subir les diktats décidés unilatéralement par des hommes qui rêvent encore d’une femme si jeune qu’elle en serait toujours pubère.

La BD, si elle fait souvent sourire par l’exubérance des trois « chattes », ose aussi aborder des sujets plus sérieux comme les mycoses. Bref, un petit bouquin parfait pour vous mesdames qui envisagez de couper tout ce qui dépasse avant d’aller à la plage. Finalement, ce n’est peut-être pas la bonne solution et ce sera de moins en moins tendance.

« Ébouriffant.e.s », Le nouvel Attila, 13 €

jeudi 9 juin 2022

BD - Offensive Disney


Unique Héritage, repreneur de tous les titres de presse Disney en France (Picsou Magazine, Le Journal de Mickey, Mickey Parade), vient de lancer quatre nouvelles collections de BD pour les plus jeunes. Petit format, couverture souple, pagination copieuse et petit prix pour ces huit albums.

On retrouve les aventures de Donald, chavalier déjanté, Minnie et Daisy espionne, Donald, les années collèges et enfin Riri, Fifi et Loulou, sections frissons. 

Dans cette dernière série, les neveux de Donald sillonnent le monde et chassent les faux et véritables fantômes. (9,95 € chaque volume)

mercredi 8 juin 2022

Cinéma - “Petite fleur”, sanglant éloge de la routine mortifère


Adapté d’un roman argentin par Santiago Mitre, le film Petite fleur a été presque entièrement tourné à Clermont-Ferrand. Ville de province manquant singulièrement de charme, elle a semblé parfaite au metteur en scène pour faire passer ce sentiment de déracinement du personnage de José (Daniel Hendler).

Marié à Lucie (Vimala Pons) avec qui il vient d’avoir une petite fille, ce dessinateur de BD argentin a accepté un boulot alimentaire pour redessiner le personnage symbole d’une société de pneumatiques. Mais il se fait virer et finalement Lucie doit trouver du boulot et José s’occuper du bébé. Le début du film a tout d’une purge, d’un téléfilm de France 3, si l’on oublie la présence et le potentiel comique de Vimala Pons. Car José est un taciturne. Il parle peu, intériorise beaucoup et limite ses interactions sociales. Il doit se faire violence pour aller sonner chez le voisin afin de lui emprunter une simple pelle pour creuser un trou dans le jardin. 

Un voisin qui fait basculer le film dans la satire, le fantastique, l’absurde et le grand guignol. Jean-Claude (Melvil Poupaud) est le parfait bourgeois prétentieux. Il est riche, étale son luxe et ne sait parler que de sa passion : le jazz. José va subir sa logorrhée avec patience. Mais, finalement, il n’en peut plus et va utiliser la pelle tant espérée en objet contondant et tranchant pour rabaisser le caquet au pédant. S’ensuivent quelques jours d’angoisse... Mais, une semaine plus tard, en sortant promener sa fille, il croise Jean-Claude, vivant, toujours aussi lourd. Qui invite José. Le jeudi suivant, il retourne chez le voisin et à la faveur de la répétition d’un élément déclencheur (qui donne son nom au film), il trucide une seconde fois le raseur. Puis une troisième…

Le film va alors se transformer en éloge de la routine du meurtre. Car depuis qu’il tue son voisin, chaque jeudi, José est plus heureux, plus ouvert et épanoui. Reste que Lucie s’interroge et le pousse à aller voir un psy (Sergi Lopez), seconde pierre d’un film où l’irrationnel est omniprésent.

Comédie romantique sanguinolente et iconoclaste, Petite fleur laisse des traces dans l’esprit du spectateur. Qui va s’interroger, lui aussi, sur ses routines, ses trucs et astuces répétitifs qui finalement donnent de la saveur à des existences qui parfois ne semblent même pas mériter d’être vécues.

Film de Santiago Mitre avec Daniel Hendler, Vimala Pons, Melvil Poupaud, Sergi Lopez 

mardi 7 juin 2022

BD - Spectres hollywoodiens

Stephen Desberg est incollable sur l’histoire du cinéma hollywoodien. La faute à un père qui a travaillé pour la MGM. Il puise donc en partie dans ses souvenirs pour écrire le premier tome de Movie Ghosts. Le héros, Jerry Fifth, détective privé, a le pouvoir d’entendre les fantômes de Hollywood.

Un premier album dessiné par Attila Futaki où l’on découvrira qui et dans quelles circonstances a massacré la star Louise Sandler. L’autre énigme résolue par Jerry tourne autour de la purge dans les studios au moment du maccarthysme triomphant. Une série édifiante et élégante.

« Movie Ghosts » (tome 1), Bamboo Grand Angle, 16,90 € 

lundi 6 juin 2022

BD - "Les Vous", des aliens invisibles


Avec Les Vous, Nicolas Pitz propose l’adaptation du roman pour adolescent de l’Italien Davide Morosonotto. Dans un village des Alpes une bande de jeunes se passionne pour l’escalade. Mais un matin, un rocher tombe dans le lac de la retenue d’eau. Depuis des événements étranges terrorisent la communauté.


Les adolescents entendent des voix, comme des appels au secours. Cette histoire d’aliens perdus dans les alpes italiennes est avant tout une belle réflexion sur le rejet de l’autre. Les Vous, invisibles aux humains, sont mystérieux. Ils deviennent donc suspects pour les adultes. Heureusement les ados sont plus tolérants.

« Les Vous », Rue de Sèvres, 16 €  

dimanche 5 juin 2022

BD - À fond la caisse avec « Overseas Highway » !


Stacy, jeune Américaine de 25 ans n’a pas son permis. Pourtant dans les premières pages de Overseas Highway, elle se trouve au volant d’une voiture surpuissante, fonçant sur l’interminable pont de Key West.

Ce roman graphique de Guéraud (scénario) et Druart (dessin) raconte surtout l’amitié entre la jeune fille, un peu paumée et Sarafian, ancienne gloire des circuits reconverti en garagiste pour la mafia cubaine de Floride.

112 pages à fond la caisse, avec de vrais méchants, des rebondissements et un final apocalyptique. De la très bonne came…

« Overseas Highway », Glénat, 19,95 € 

samedi 4 juin 2022

BD - Tout sur l’œuvre de Tome & Janry


Les amateurs de bande dessinée franco-belge vont adorer ce superbe livre. Sur plus de 250 pages, on retrouve le récit de la carrière de Tome & Janry, repreneurs des aventures de Spirou dans les années 80 et surtout créateur du Petit Spirou. On apprend comment ce duo de jeunes Belges, cantonnés dans des rôles d’assistants (Turk, Dupa, Greg) a décidé de prendre son destin en main quand les éditions Dupuis leur ont proposé de rependre les aventures du héros emblématique de la maison : Spirou. Cela a donné des albums géniaux, de Virus à Qui arrêtera Cyanure sans oublier le trop décrié Machine qui rêve.

On apprend leur mode de fonctionnement (Tome scénarise, Janry dessine), comment ils ont eu l’idée des gags du Petit Spirou et surtout la raison de leur arrêt brutal de la série principale.

Un beau livre richement illustré de reproduction de planches, dessins et cases en très grand format, paraissant à l’occasion des 40 ans de la parution de Virus. Un hommage aussi à Philippe Tome, mort brutalement en 2019.

« Tome & Janry, deux vies en dessins », Dupuis - Champaka, 55 € 

vendredi 3 juin 2022

Roman - A la recherche de La Porte dans « Le livre du désert »

Certaines de leurs nuits sont grises. Pas de ces nuances entre le blanc et le noir - gris clair, gris foncé. Non. Ces nuits-là, ils se magnent de rentrer et se mettre en sécurité, claquemurés, verrous tirés, plaques de fer vissées aux fenêtres, avant la tombée du jour.

Parce que les nuits grises sont peuplées de créatures malfaisantes, hurlantes, assassines. Si par malheur l’un ou l’une d’entre eux reste dehors, les autres ne retrouvent que sa peau au petit matin. Tout le reste a été bouffé par ces espèces d’ils ne savent même pas quoi, ils ne les ont jamais vues.

Eux ont décidé de s’appeler les Sensitive. Treize personnes, hommes, femmes, enfants, réunis aléatoirement dans un désert appelé le Cirque. Issus des quatre coins de la terre, ils forment désormais une famille. Et quelle famille. Jamais vous n’en connaîtrez de plus unie, tolérante, empathique. Question de survie.

Par le pouvoir d’une femme, Mardy. « Instructions de base : […] Ce qu’il faut que vous fassiez, ce que vous devez trouver, c’est le Sarkpont. Pour cela, vous avez douze chances. Douze regyres. » Pas commode la Mardy.

Les Sensitive trouvent leur havre, leur point de chute, leur refuge. Les nuits grises, ils se terrent. Le reste du temps, ils crapahutent dans le désert, à la recherche de ce satané Sarkpont. Euphémisme de dire qu’ils en bavent.

Au même moment (mais allez savoir) une ado, McKenzie, est obnubilée par les déserts, les phénomènes météorologiques et souffre d’hallucinations qui ressemblent étrangement à des souvenirs. Au hasard d’une rencontre par internet, elle découvre le message d’un certain @NewtinSeattle, « artiste du désert enfermé dans le corps d’un concepteur de logiciels ».

Ensemble, ils essaient de décrypter leurs souvenirs enfouis.

Les révélations 

Au bout de toutes ces années et de dix polars plus sanglants - et addictifs - les uns que les autres, nous apprenons enfin que Mo Hayder s’appelle en réalité Theo Clare. Nous avons adoré Birdman, Tokyo et tous les autres.

Sauf qu’ici, elle sort carrément de sa zone de confort (ou pas ?) et se lance dans l’aventure d’un roman de SF, qui n’est pas sans rappeler le meilleur de Stephen King. En particulier Le Dôme. Une sorte d’allégorie sur l’espace-temps, la réalité, la fiction. L’être et son devenir.

Quel dommage qu’elle se soit lâchée si tard. L’écriture est impeccable, maîtrisée comme d’habitude. La construction du récit au cordeau. Et ce petit truc en plus, que l’on sent plus encore dans cet avant-dernier opus (oui, il y a une suite), l’amour qu’elle porte à chacun de ses personnages.

Theo Clare est morte en août 2021 à 59 ans. Espérons qu’elle ait trouvé La Porte.

« Le livre du désert, » Theo Clare (Mo Hayder), Les Presses de la Cité, 23 euros.

jeudi 2 juin 2022

Un polar, deux intrigues dans « Au royaume des cris » de Mathieu Lecerf

Depuis son premier roman policier La part du démon paru en 2021 (disponible en poche chez Pocket), Mathieu Lecerf est régulièrement présenté comme une des valeurs montantes du polar français. Une écriture vive et directe, des intrigues originales, du réalisme : il a tout pour passionner les amateurs de ce genre de littérature. Avec le petit plus qui lui permet de se distinguer : ses héros sont particulièrement humains. Pas de flic à l’épreuve de toutes les situations dans le second roman, Au royaume des cris. Au contraire les deux policiers qui sont au centre de l’intrigue se révèlent de plus en plus fragiles. Manuel de Almeida, Manny pour les collègues, le plus âgé, d’origine portugaise, vient d’être papa pour la seconde fois mais rentre surtout d’une longue convalescence. Régulièrement, du bout des doigts, il touche la boursouflure formée par la cicatrice qu’il a à la tête.

La mort, il l’a frôlée. Sa coéquipière, Esperanza, d’origine espagnole elle, est encore plus mal en point. Cela fait sept mois que sa fillette de dix ans a été enlevée. Elle s’est mise en congé sans solde pour tenter de retrouver la fillette. Mais la jeune policière est désespérée car sans piste. Elle dépérit et croit devenir folle dans son studio : « Et subitement, Esperanza se mit à hurler, elle lâcha un cri puissant et déchirant ; si intense qu’elle s’accroupit en s’époumonant, avant de se laisser tomber sur le sol au moment où la plainte s’éteignait. » Finalement, elle reprendra le boulot, tout comme Manny, comme pour préserver ses dernières strates de santé mentale.

En plus de l’évolution de la vie des deux policiers, Mathieu Lecerf greffe une intrigue extérieure qui donne son originalité du roman. Au petit matin, un sniper caché sur le toit d’un immeuble de la rue de Rivoli à Paris fait un carnage dans le Jardin des Tuileries.

Six personnes sont abattues en quelques minutes. Clément Choisy est chargé de l’enquête. Le frère de Manny, Cristian, journaliste, y voit matière à un nouveau livre d’investigation. Tout le monde pense à un attentat terroriste (l’État islamique a revendiqué), mais le journaliste est persuadé qu’il y a une autre raison cachée à ce massacre. Car dans les six personnes assassinées, s’il y a une retraitée, un restaurateur chinois, une mère de famille et son fils et une employée de banque, il y a surtout un riche patron. Cristian va tenter d’en savoir un peu plus sur ce magnat de la presse et l’industrie pharmaceutique en interrogeant son épouse, une célèbre comédienne, à peine veuve et qui va craquer pour le beau reporter.

Une intrigue suivie par le lecteur en parallèle avec la recherche des ravisseurs de la fille d’Esperanza. Un rapt dont la scène finale se déroule à… Collioure.

« Au royaume des cris » de Mathieu Lecerf, Robert Laffont, 19 € 

mercredi 1 juin 2022

Cinéma - “Compétition officielle” entre deux immenses acteurs


Enfin un film qui aborde le problème de l’ego de ces acteurs de cinéma avec réaliste et humour. Trop souvent les réalisateurs n’osent pas dire tout le mal qu’ils pensent de cette matière première essentielle pour donner corps à leurs créations.  Mariano Cohn et Gastón Duprat, réalisateurs argentins de ce Compétition officielle savoureux, sont sans pitié pour leurs deux stars : Antonio Banderas et Oscar Martinez. 

Exactement, les deux comédiens jouent dans cette comédie leurs doubles caricaturaux. Le premier, acteur populaire qui multiplie les conquêtes, les navets et les millions, espère enfin être reconnu pour son « art ». Le second, professeur d théâtre, est un chantre du classicisme, d’extrême gauche, persuadé que son talent va permettre au film de devenir un classique. Ils sont embauchés par une réalisatrice torturée, encensée par la critique et les « professionnels de la profession ». 

Pour l’incarner, c’est une Pénélope Cruz méconnaissable qui va, elle aussi, prendre beaucoup de plaisir à se moquer de ces intellectuels, persuadés qu’ils vont changer la face du cinéma, mais qui espèrent surtout attirer des millions de spectateurs. 

Un film brillant et caustique, avec un trio de comédiens qui mérite, chacun, la palme de la méchanceté.

Film espagnol de Mariano Cohn et Gastón Duprat avec Pénélope Cruz, Antonio Banderas, Oscar Martinez