mercredi 8 juin 2022

Cinéma - “Petite fleur”, sanglant éloge de la routine mortifère


Adapté d’un roman argentin par Santiago Mitre, le film Petite fleur a été presque entièrement tourné à Clermont-Ferrand. Ville de province manquant singulièrement de charme, elle a semblé parfaite au metteur en scène pour faire passer ce sentiment de déracinement du personnage de José (Daniel Hendler).

Marié à Lucie (Vimala Pons) avec qui il vient d’avoir une petite fille, ce dessinateur de BD argentin a accepté un boulot alimentaire pour redessiner le personnage symbole d’une société de pneumatiques. Mais il se fait virer et finalement Lucie doit trouver du boulot et José s’occuper du bébé. Le début du film a tout d’une purge, d’un téléfilm de France 3, si l’on oublie la présence et le potentiel comique de Vimala Pons. Car José est un taciturne. Il parle peu, intériorise beaucoup et limite ses interactions sociales. Il doit se faire violence pour aller sonner chez le voisin afin de lui emprunter une simple pelle pour creuser un trou dans le jardin. 

Un voisin qui fait basculer le film dans la satire, le fantastique, l’absurde et le grand guignol. Jean-Claude (Melvil Poupaud) est le parfait bourgeois prétentieux. Il est riche, étale son luxe et ne sait parler que de sa passion : le jazz. José va subir sa logorrhée avec patience. Mais, finalement, il n’en peut plus et va utiliser la pelle tant espérée en objet contondant et tranchant pour rabaisser le caquet au pédant. S’ensuivent quelques jours d’angoisse... Mais, une semaine plus tard, en sortant promener sa fille, il croise Jean-Claude, vivant, toujours aussi lourd. Qui invite José. Le jeudi suivant, il retourne chez le voisin et à la faveur de la répétition d’un élément déclencheur (qui donne son nom au film), il trucide une seconde fois le raseur. Puis une troisième…

Le film va alors se transformer en éloge de la routine du meurtre. Car depuis qu’il tue son voisin, chaque jeudi, José est plus heureux, plus ouvert et épanoui. Reste que Lucie s’interroge et le pousse à aller voir un psy (Sergi Lopez), seconde pierre d’un film où l’irrationnel est omniprésent.

Comédie romantique sanguinolente et iconoclaste, Petite fleur laisse des traces dans l’esprit du spectateur. Qui va s’interroger, lui aussi, sur ses routines, ses trucs et astuces répétitifs qui finalement donnent de la saveur à des existences qui parfois ne semblent même pas mériter d’être vécues.

Film de Santiago Mitre avec Daniel Hendler, Vimala Pons, Melvil Poupaud, Sergi Lopez 

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