Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Le tout publié dans l'Indépendant du Midi sous la signature de Michel Litout.
mercredi 7 novembre 2018
Cinéma - « Lazzaro », d’une Italie à l’autre
Trop gentil ce jeune Lazzaro. Il y a quelques siècles, il aurait été considéré comme un valet de ferme. Ces hommes corvéables à merci, toujours disponible pour les travaux les plus ingrats. Mais Lazzaro ne vit pas au Moyen Age. Le début du film d’Alice Rohrwacher semble se dérouler dans les années 80 ou 90 vu le portable antédiluvien utilisé par le fils de la marquise. L’Italie de la fin du XXe siècle mais où les familles de l’exploitation agricole de la marquise De Luna vivent encore comme des serfs.
Pas de salaires, juste quelques dédommagements en nature en échange de la production des terres. Cinquante pauvres malheureux s’entassent dans les masures insalubres du hameau de l’Inviolata, dormant à 10 par chambre, se partageant les ampoules pour y voir clair la nuit. Ils sont exploités par la patronne (surnommée la Vipère) et son homme à tout faire. L’été, la fameuse vipère vient dans sa belle maison isolée du monde moderne (un pont coupé après des inondations) en compagnie de son fils Tancredi.
Ce jeune adulte déteste la région. Il s’y ennuie. Quand il croise la route de Lazzaro, il revit. Tancredi est le seul à ne pas chercher à l’exploiter odieusement. Mais il l’utilise. Il lui fait croire qu’il est son demi-frère et qu’ils sont tous les deux des chevaliers. Lazzaro le croit. Car Lazzaro est gentil. Il est heureux quand il permet aux autres d’être heureux. Il ne décèle pas la moindre mesquinerie ou méchanceté dans les brimades quotidiennes. Lazzaro est surtout naïf, presque attardé.
■ Prix du scénario à Cannes
Le personnage principal de ce film est interprété par Adriano Tardiolo. Il devient au fil des scènes le prototype de l’homme bon. Presque un saint. Aussi quand le film bascule dans le merveilleux, Lazzaro sautant les époques après une rencontre avec un loup, il n’est plus le benêt de service mais le révélateur des outrances de notre société actuelle.
Dans la seconde partie du film, Lazzaro, innocent et bon, débarque dans l’Italie contemporaine, il va découvrir que finalement le servage n’a pas complètement disparu. Au cours d’une vente aux enchères inversée, il retrouve l’homme à tout faire de la marquise. Désormais, il propose du travail à des migrants. Celui qui propose le plus petit salaire horaire sera embauché. Dans la grande ville, Lazzaro tombe par hasard sur ceux de l’Inviolata. Devenus adultes ou vieux, ils survivent tout aussi péniblement dans des bidonvilles le long de voies ferrées.
Fable profondément humaine, «Heureux comme Lazzaro» a remporté le prix du scénario au dernier festival de Cannes. Un film qui peut changer votre façon de voir la vie, presque vous donner la foi. Pas en une quelconque religion. Juste foi en l’Humanité.
➤ « Heureux comme Lazzaro », drame d’Alice Rohrwacher (Italie, 2 h 07) avec Adriano Tardiolo, Alba Rohrwacher, Agnese Graziani, Sergi Lopez.
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