En ce jour de commémoration si funeste, on reparle des morts de la Grande guerre. Ceux qui sont tombés au front sous la mitraille, décorés post mortem, et dont les familles vont encore fleurir les tombes. En profitent pour raconter, encore et encore, la bravoure de l’arrière-grand-père, de ce cher oncle jamais connu.
Des milliers de «Poilus » néanmoins, reposent dans des cimetières dédiés aux disparus, où aucune inscription ne distingue les croix. Ils furent des milliers, juste après l’armistice, et encore des années après, à supplier la Grande Muette de leur fournir quelque information, le dernier lieu où leur époux, leur fils, avait combattu. La plupart du temps sans résultat. Comment identifier à cette époque les restes épars d’êtres humains déchiquetés par les obus ?
Tom, originaire de Chicago, est déjà bien marqué par la vie. Il a perdu sa mère et rejoint son père, médecin ambulancier sur le front à côté de Bar-le-Duc. Foudroyé lui aussi en 1915, par un stupide typhus.
Tom prend la relève, conduit les ambulances, brave mille dangers et côtoie la mort ad nauseam. «Une partie de mon travail consistait à servir ces soldats, dont les yeux vides et les bribes de conversation laissaient entrevoir la vie effroyable […]. Une fois, je portai des verres d’eau […]. L’un d’eux me fit signe d’approcher. Renifle ça, tu veux ? L’eau était fétide. Elle sentait la pourriture. Elle venait sans doute d’un tonneau contaminé par l’eau du sol ».
■ Enfant perdu
En 1921, recueilli par l’abbé Perrin, il devient l’assistant de l’évêque de Verdun. Leur travail : fouiller les champs de bataille et collecter tous les os, qui constitueront par la suite l’ossuaire de Verdun.
Aussi, accueillir les familles des disparus, souvent désespérées après une épuisante recherche. Du ministère des Armées jusqu’aux petites annonces dans les journaux en passant par les soi-disant voyantes, qui les «mettent en relation» avec l’esprit de leur défunt. Un jour arrive Sarah, Américaine elle aussi. Elle cherche depuis 3 ans son mari, porté disparu à Verdun.
Tom tombe éperdument amoureux de cette femme dont le seul enjeu est de retrouver son époux.
Quelques mois plus tard, Tom et Sarah se retrouvent à Bologne, dans une Italie déjà fascisante. Ils y font la connaissance de Paul, journaliste autrichien. Tous trois visent le même but: découvrir l’identité de l’inconnu amnésique hospitalisé à l’hôpital de Bologne.
Au-delà de cette histoire racontée avec sensibilité et pudeur, dans un style magistral par Nick Dybek, transparaît la douloureuse incertitude de toutes ces familles. Porté disparu. Un simple télégramme. Porteur de ces deux petits mots insignifiants, si lourds d’incertitude et de chagrin.
Fabienne Huart
➤ «Dans les bras de Verdun», Nick Dybek, Presses de la Cité, 21 €
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