Richard, bientôt 18 ans, veut mordre la vie à pleine dent. Mais c'est la mort qui est au bout du couloir. Cancer en phase terminale. Roman fort et poignant signé Hollis Seamon.
Écrire sur la maladie peut parfois devenir encore plus pénible que la maladie elle-même. Trop de morale ou de compassion détourne le lecteur du but premier. Car si l'on écrit sur la maladie, le cancer en particulier, c'est avant tout pour faire prendre conscience que cette menace devrait nous faire agir différemment. Il ne faut pas reporter au lendemain ces rêves un peu fou. C'est ici et maintenant.
Il suffit de se mettre dans la peau de Richard Casey, le jeune narrateur de « Dieu me déteste », roman d'Hollis Seamon. Cette enseignante a voulu dans ce premier roman rendre hommage aux jeunes malades qu'elle a croisé dans les couloirs des hôpitaux quand elle allait rendre visite à son propre fils. Richard est donc un « mix » de ces gamins pressés de profiter de la vie qui leur échappe chaque jour un peu plus.
Richard a presque 18 ans. Il a bon espoir de fêter son anniversaire. Par contre, il a déjà dit adieu à ses 19 ans. Il vient d'être transférer dans le service des soins palliatifs. Il sait parfaitement ce que cela veut dire : espérance de vie inférieure à un mois... Il est vrai qu'il n'est pas gaillard. Maigre, sous perfusion, bourré de morphine, il a toutes les peines du monde à se déplacer. Il arpente donc les couloirs de l'hôpital en chaise roulante. Mais au moins il peut bouger et n'est pas plongé dans un coma irréversible comme certains de ses voisins. Dans le service il y a essentiellement des personnes âgées. Sauf la chambre occupée par Sylvie. Le belle et rebelle Sylvie, elle aussi très affaiblie par la maladie. Comment l'amour peut-il s'inviter dans ce lieu de mort ? Tout simplement par l'envie de gamins taraudés par l'envie de connaître les joies de la vie, toutes les joies !
Papa jaloux
La force de ce texte réside dans les situations cocasses et crues. Richard reste un gamin comme les autres. Le soir d'Halloween, il n'a qu'une envie : c'est de quitter le service pour faire la fête avec les gens normaux. Par chance son oncle passe par là et l'emmène dans une virée mémorable. Première sortie en toute liberté (le terme de fugue est plus appropriée) pour un maximum de sensations nouvelles et inédites. Certes, il lui faudra deux jours pour se remettre, mais cela valait le coup. Car Richard est un grand philosophe. Il trouve toujours le bon côté des choses. « Une fois, j'ai fait la liste de tous les trucs dont je n'aurai pas à m'inquiéter – trouver un boulot, élever des enfants ingrats, divorcer, me faire opérer des dents de sagesse, surveiller mon cholestérol-, et maintenant je sais que je peux y ajouter avoir du bide et rabattre une longue mèche sur le crâne pour planquer les trous. Ça a beau être bizarre, ça me fait du bien. » Il oublie les mauvais côtés pour n'en garder que les bons.
Mais cela ne marche pas auprès de tout le monde. Quand le père de Sylvie apprend que Richard lui tourne autour, malade ou pas, le papa file une rouste au malotru. Mais ça aussi c'est gai pour Richard. Avoir l'impression d'être un garçon comme les autres. D'autant que Sylvie est de moins en moins indifférente à son charme si particulier.
Plus qu'une simple histoire d'amour entre deux corps souffreteux, « Dieu me déteste » est une formidable leçon de vie, sur la famille, le personnel soignant. La fatalité aussi...
Michel LITOUT
« Dieu me déteste », Hollis Seamon, Anne Carrière, 19 €
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