lundi 6 septembre 2010

Roman - Nouvelles mœurs, nouveau collège avec "Mon âme au diable" de Jean-Pierre Gattégno

Le collège Verdi où se déroule "Mon âme au diable", roman de Jean-Pierre Gattégno est un cauchemar absolu, pour les professeurs comme les élèves.


Que vous soyez professeur ou élèves, prenez garde de ne pas débuter cette année scolaire dans un établissement du type du collège Verdi dans le 19e arrondissement à Paris. Entre ses murs se déroule l’essentiel de l’action de « Mon âme au diable », roman de Jean-Pierre Gattégno. Cela a des airs de thrillers et de roman policier, mais c’est avant tout un regard dur et lucide sur l’état de l’enseignement dans les collèges abandonnés, les derniers de la classe, les laissés-pour-compte.

Le narrateur, Théodore Simonsky, est professeur vacataire en attente d'un remplacement. Cela fait plusieurs mois que son téléphone est désespérément silencieux. A l’agonie financièrement, il se rend, intrigué, à un rendez-vous au ministère de l’Education nationale. Un certain Guérini, haut fonctionnaire, lui propose un poste au collège Verdi. Avec une grosse prime à la clé. Un contrat un peu particulier puisque Théodore n’est pas muté à Verdi pour y enseigner mais pour assassiner la principale.

Insultes et violence

Ce postulat posé, le roman peut distiller la douce folie qui règne dans ces pages. Théodore accepte le marché, même s'il n'en connaît pas les motifs. Il se rend donc au collège Verdi et découvre un lieu où les élèves les plus violents du pays font régner une terreur constante dans un corps enseignant totalement dépassé. Une fois passées les grilles et les détecteurs de métaux de l'entrée, il tente de trouver sa salle de classe. Des salles souvent désertes, « La plupart des élèves préféraient les couloirs. J'en croisais qui déboulaient en hurlant, beaucoup avec des perfusions musicales vissées aux oreilles, ils ne me voyaient pas, parfois me heurtaient et repartaient en m'injuriant (« Ta mère... », etc.) Pour les éviter, je rasais les murs, ce que faisaient, j'allais le découvrir par la suite, presque tous mes collègues. » D'un côté le désordre et l'anarchie, de l'autre sécurité et rigueur. Dans un véritable bunker., la principale, Elisabeth Raskolnikov, vit cloîtrée dans les bureaux administratifs protégés par plusieurs portes blindées. Cela ne va pas faciliter la tâche de Théodore.

Heureusement, il va se faire une alliée dans la place en la personne de Malvina, la secrétaire de Raskolnikov. Cette dernière est d'une intransigeance absolue avec le personnel enseignant, une attitude qui tranche avec l'ambiance générale d'anarchie ultime régnant dans son collège.

Jean-Pierre Gattégno, tout en faisant progresser son intrigue (comment Théodore va-t-il faire pour pénétrer le bunker ?), brosse le portrait d'un système éducatif en totale déliquescence. La mentalité des élèves a changé du tout au tout. Un collègue de Théodore, complètement blasé, lui explique que « le cancre des temps modernes n'est pas un poète. Il se fout du bonheur. Il est mauvais, sournois, intenable, violent, il pousse au désespoir ses professeurs. Il faut se faire une raison : l'époque est aux ignares. A Verdi, on en forme à la pelle. C'est pour ça qu'on devient un collège de pointe. » Ce long cauchemar éducatif sonne comme une mise en garde solennelle. Car si les élèves sont infects, en progressant dans le roman, on découvre que les équipes pédagogiques ne valent guère mieux. Il y a certes en fin d'ouvrage une petite pointe d'espoir sur les bienfaits de l'enseignement sur les masses ignorantes, mais elle semble n'être que le lointain écho d'un passé à jamais révolu.

« Mon âme au diable » de Jean-Pierre Gattégno, Calmann-Lévy, 17 € 

dimanche 5 septembre 2010

BD - Mélusine et Cosa Nostra : une paire de Clarke


Au fil des gags et des histoires complètes, Mélusine a perdu de son aura dans la série dessinée par Clarke sur des scénarios de Gilson au profit de Cancrelune. Cette apprentie sorcière est une calamité ambulante. Elle n'en rate pas une. Donnez lui un balai, une potion ou n'importe qu'elle malédiction et rapidement les ennuis commencent. 

Un personnage de gaffeur qui a déjà fait ses preuves dans d'autres BD et qui a relancé l'intérêt de cette série qui en est à son 18e recueil. Une paille chez Dupuis, surtout si elle n'est pas signée Cauvin ! Cancrelune est donc mise en vedette dans cet album, notamment car elle a pu, au bénéfice d'une malédiction ratée, s'incarner dans Mélusine. A contrario, la belle et jeune sorcière se retrouve avec les tares de son amie maladroite. 

On rit de bon cœur à des situations parfois très cocasses.


On retrouve Clarke, cette fois en solo, à la tête de la série Cosa Nostra rééditée chez Le Lombard. Ces histoires courtes, publiées il y a quelques années dans Fluide Glacial, reparaissent en couleurs. On y découvre les agissements de quelques mafiosos siciliens. 

Ces histoires courtes, presque à la façon d'une encyclopédie, donne le minimum vital à savoir sur le racket, le parrain, l'omerta ou le trafic de drogue. L'humour, par rapport à Mélusine, est bien plus méchant. Les dessins de Clarke sont plus sombres, tout en restant d'une lisibilité absolue. Car Clarke est un surdoué, beaucoup regrettent qu'il ne se soit jamais lancé dans une série plus ambitieuse.

 Reste que ses essais (Urielle avec Lapière chez Quadrants et Luna Almaden, toujours avec Lapière chez Dupuis dans la collection Aire Libre), n'ont pas rencontré le succès mérité...

« Mélusine » (tome 18), Dupuis, 9,95 € 

« Cosa Nostra » (tomes 1 et 2), Le Lombard, 10,95 €



samedi 4 septembre 2010

BD - Entourloupes de spirites dans le premier tome de "Chambres noires"


La famille Penouquet est peu banale. A Paris à la fin du 19e siècle, elle est spécialisée dans l'arnaque au spiritisme. Rien de bien méchant. Le père, peintre dont le chiffre d'affaires est en nette baisse, a décidé d'utiliser toutes les ressources de la photographie naissante pour vendre à quelques gogos des clichés « fluidiques ». Il utilise dans un premier temps sa fille Ninon, réellement dotée d'un pouvoir médiumnique mais qui réfère souvent inventer pour satisfaire les clients. 

Ensuite, ils doivent prendre la pause. Un premier cliché est réalisé, qui sera superposé à un second où les spectres des parents défunts sont généralement interprétés par les jumeaux Pénouquet, Tristan et Louise. Ce n'est rien de bien méchant et permet à tous de survivre. Car Samson Pénouquet est un homme de coeur qui accueille des orphelins. 

Une fois planté le décor occupé par cette famille de farfelus (n'oublions pas Mme Pénouquet, morte il y a quelques années mais qui intervient régulièrement dans les conversations grâce à un portrait hanté...) Olivier Bleys, le scénariste, lance les grandes lignes de l'intrigue où il est question d'enfants martyrs, d'organisation secrète et de complot. 

Tout ce monde décalé prend vie sous les pinceaux de Yomgui Dumont trouvant son inspiration dans les vieilles gravures. Cela donne un album imprégné de nostalgie et de clichés anciens mais étonnamment moderne. Parues au début de l'été, ces « Chambres noires » méritent de poursuivre leur vie en librairie bien au-delà de la rentrée de septembre.

« Chambres noires » (tome 1), Vents d'Ouest, 13 € 

jeudi 2 septembre 2010

BD - Sombres sous-sols


Wazem, scénariste suisse, s'est imposé par ses histoires cauchemardesques, entre fantastique et réalité sociale. « Koma » en est le plus bel exemple (une intégrale est sortie cette année aux Humanos). Il retrouve cette veine avec Tirabosco, dessinateur expert en fusain. « Sous-sols » est un peu le roman de l'anti-matière. Dans notre réalité, depuis quelques jours, la lumière du jour a disparu. Le monde est plongé dans les ténèbres. Cette victoire de la noirceur serait due à la mise en route de l'accélérateur de particules du CERN, machine gigantesque construite à cheval entre la France et la Suisse. A la surface, une jeune fille tente de survivre tout en restant au chevet de sa sœur jumelle, plongée dans un profond sommeil depuis l'expérience. Une jumelle qui cauchemarde dans les entrailles de l'accélérateur, poursuivie par les noires créatures de son passé. Le haut et le bas, le blanc et le noir, la matière et l'anti-matière : cela semble un récit binaire, c'est beaucoup plus dense et passionnant.

« Sous-sols », Futuropolis, 20 € 

mercredi 1 septembre 2010

BD - Marshall d'élite

Olivier Berlion, dessinateur maniant à merveille la couleur directe, apporte une nouvelle pierre à l'édifice de son œuvre en signant l'adaptation du « Kid de l'Oklahoma », roman d'Elmore Leonard. Plus de 100 pages pour conter l'affrontement entre un marshall intransigeant, Carl Webster, et un fils à papa ayant viré braqueur de banques : Jack Belmont. L'action se situe dans les années 20 dans cet état du Sud, devenu riche avec la découverte de pétrole en quantité. Le père de Jack est un riche magnat de l'or noir. 

Celui de Carl, ancien paysan, est devenu millionnaire grâce aux rentes versées par une compagnie exploitant les puits découverts dans sa propriété. Carl, à l'abri du besoin, s'engage pourtant dans la police et fait une chasse impitoyable aux gangsters. C'est un tireur d'élite ne manquant jamais sa cible. Jack, prototype du mauvais garçon, multiplie les bêtises, devenant braqueur de banques juste pour le frisson. 


Entre les deux jeunes Américains la rivalité passe par les armes, mais également les femmes. Un bon polar ancré dans le réel.

« Le kid de l'Oklahoma », Casterman Rivages, 18 €