Le collège Verdi où se déroule "Mon âme au diable", roman de Jean-Pierre Gattégno est un cauchemar absolu, pour les professeurs comme les élèves.
Que vous soyez professeur ou élèves, prenez garde de ne pas débuter cette année scolaire dans un établissement du type du collège Verdi dans le 19e arrondissement à Paris. Entre ses murs se déroule l’essentiel de l’action de « Mon âme au diable », roman de Jean-Pierre Gattégno. Cela a des airs de thrillers et de roman policier, mais c’est avant tout un regard dur et lucide sur l’état de l’enseignement dans les collèges abandonnés, les derniers de la classe, les laissés-pour-compte.
Le narrateur, Théodore Simonsky, est professeur vacataire en attente d'un remplacement. Cela fait plusieurs mois que son téléphone est désespérément silencieux. A l’agonie financièrement, il se rend, intrigué, à un rendez-vous au ministère de l’Education nationale. Un certain Guérini, haut fonctionnaire, lui propose un poste au collège Verdi. Avec une grosse prime à la clé. Un contrat un peu particulier puisque Théodore n’est pas muté à Verdi pour y enseigner mais pour assassiner la principale.
Insultes et violence
Ce postulat posé, le roman peut distiller la douce folie qui règne dans ces pages. Théodore accepte le marché, même s'il n'en connaît pas les motifs. Il se rend donc au collège Verdi et découvre un lieu où les élèves les plus violents du pays font régner une terreur constante dans un corps enseignant totalement dépassé. Une fois passées les grilles et les détecteurs de métaux de l'entrée, il tente de trouver sa salle de classe. Des salles souvent désertes, « La plupart des élèves préféraient les couloirs. J'en croisais qui déboulaient en hurlant, beaucoup avec des perfusions musicales vissées aux oreilles, ils ne me voyaient pas, parfois me heurtaient et repartaient en m'injuriant (« Ta mère... », etc.) Pour les éviter, je rasais les murs, ce que faisaient, j'allais le découvrir par la suite, presque tous mes collègues. » D'un côté le désordre et l'anarchie, de l'autre sécurité et rigueur. Dans un véritable bunker., la principale, Elisabeth Raskolnikov, vit cloîtrée dans les bureaux administratifs protégés par plusieurs portes blindées. Cela ne va pas faciliter la tâche de Théodore.
Heureusement, il va se faire une alliée dans la place en la personne de Malvina, la secrétaire de Raskolnikov. Cette dernière est d'une intransigeance absolue avec le personnel enseignant, une attitude qui tranche avec l'ambiance générale d'anarchie ultime régnant dans son collège.
Jean-Pierre Gattégno, tout en faisant progresser son intrigue (comment Théodore va-t-il faire pour pénétrer le bunker ?), brosse le portrait d'un système éducatif en totale déliquescence. La mentalité des élèves a changé du tout au tout. Un collègue de Théodore, complètement blasé, lui explique que « le cancre des temps modernes n'est pas un poète. Il se fout du bonheur. Il est mauvais, sournois, intenable, violent, il pousse au désespoir ses professeurs. Il faut se faire une raison : l'époque est aux ignares. A Verdi, on en forme à la pelle. C'est pour ça qu'on devient un collège de pointe. » Ce long cauchemar éducatif sonne comme une mise en garde solennelle. Car si les élèves sont infects, en progressant dans le roman, on découvre que les équipes pédagogiques ne valent guère mieux. Il y a certes en fin d'ouvrage une petite pointe d'espoir sur les bienfaits de l'enseignement sur les masses ignorantes, mais elle semble n'être que le lointain écho d'un passé à jamais révolu.
« Mon âme au diable » de Jean-Pierre Gattégno, Calmann-Lévy, 17 €