lundi 3 septembre 2007

Roman - Béances familiales

Dans « Nuit ouverte » de Clémence Boulouque, une actrice, en interprétant le rôle d'un rabbin femme, découvre quelques vérités peu glorieuses sur sa famille.


Les hasards de la vie nous jouent parfois d'étranges tours. Elise Lermont, actrice reconnue, est pressentie pour interpréter le rôle de Regina Jones. Cette Allemande, assassinée à Auschwitz, était devenue en 1935 la première femme rabbin. C'était en Allemagne, deux années après la prise de pouvoir d'Hitler.

Elise Lermont se plonge dans la vie de cette femme, discrète, méconnue, refusant de fuir pour rester auprès des siens. Au même moment, Elise est contactée par André, un homme prétendant être son grand-oncle, le demi-frère de son grand-père. Il ignorait son existence. Et en le rencontrant, comprend pourquoi il a été occulté de l'histoire familiale.

Au service de l'envahisseur

C'était également durant la guerre. Dans la France occupée, cette famille de producteurs de champagne n'a pas longtemps hésité. Suivant Pétain et son gouvernement, ils se mettent au service de l'envahisseur. Réceptions à Paris, collaboration ouverte : cela a le don de dégoûter André. A la Libération il a préféré abandonner ce passé, cette famille, courir le monde.

A l'aube de ce nouveau siècle, il entreprend de raconter la véritable histoire familiale à Elise. Incrédule, la jeune femme admet pourtant ce côté sombre de ses grands-parents. Et inconsciemment va tout faire pour racheter ce passé trouble. « J'ai découvert ma famille quelques mois avant d'obtenir le rôle de Regina Jones. J'ai su cette béance des miens. Il est plus facile de rejeter des héritages odieux que d'en accepter la gêne ».

Du rose au vert-de-gris

Le roman de Clémence Boulouque appuie là où cela fait le plus mal. Se berçant de belles histoires familiales, trop souvent le rose vire au vert-de-gris. L'auteur, dans la première partie du roman, par petites touches, des chapitres courts et presque cliniques, raconte la brève vie de Regina Jones en alternance avec les révélations d'André. La dernière partie du roman est centrée sur Elise Elle veut absolument interpréter Regina Jones, la faire revivre : « Je n'avais rien pour arracher ce rôle, mais je ne voulais le laisser à personne. On les expie comme on peut, les culpabilités ». Une actrice qui pour mieux investir le personnage, va aller sur ses traces, dans cette Allemagne qui a totalement changé. Roman de la mémoire décalée, des errances de la famille, « Nuit ouverte » confirme le talent de Clémence Boulouque, parvenant à jongler avec les mondes et les milieux. Après « Chasse à courre » sur les milieux d'affaires, elle donne un tour plus personnel et humain à un texte ne pouvant laisser personne insensible face au destin de Regina Jones.

« Nuit ouverte », Clémence Boulouque, Flammarion, 18 €




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