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jeudi 28 juillet 2022

Roman - L’Amérique ouvrière

Si, pour beaucoup, les États-Unis sont le royaume du capitalisme, il ne faut pas oublier que ce jeune pays a connu son lot de révoltes ouvrières. Dans Des jours meilleurs, Jess Walter raconte les événements qui ont agité, entre 1909 et 1910, la ville de Spokane, dans l’état de Washington. Des milliers de vagabonds y tentent de survivre en travaillant pour les mines ou pour les exploitants forestiers.

Parmi eux, les frères Dolan. Gig, l’aîné et Rye, le cadet. Le premier a une conscience de classe et milite à un syndicat ouvertement communiste. Le second espère juste vivre sereinement dans une petite maison, avec un travail pérenne. Une manifestation de rue va dégénérer. Gig sera emprisonné, Rye également. Il découvrira les méthodes de la police et des milices privées. Battu, torturé, il prendra fait et cause pour les ouvriers, son camp. Mais il en paiera le prix fort.

Ce roman historique, subtil mélange entre fiction (les frères Dolan) et réalité (les révoltes sociales) est, avant tout, le témoignage de la formidable force de cette solidarité, si forte parmi les plus pauvres et les plus démunis.

« Des jours meilleurs » de Jess Walter, Éditions La Croisée, 23 €

dimanche 9 juillet 2006

Polar - Où les borgnes sont rois

Loin des clichés de la Côte Ouest américaine qui fait rêver, ce thriller de Jess Walter conduit le lecteur dans les bas-fonds de la conscience humaine.

Une nuit froide dans la ville de Spokane située au coeur de l'Etat de Washington, pas loin du Canada, mais très éloignée du miracle économique de la côte Ouest des USA, de Seattle à Los Angeles. Spokane ville sinistrée économiquement, encaissée au pied de montagnes presque perpétuellement enneigées. La police locale, sans être submergée, a beaucoup à faire. La patrouille a trouvé un homme, un borgne avec bandeau noir de pirate, au sommet d'un hôtel désaffecté. Il semblait vouloir se suicider. Refusant de parler, il attend dans une salle d'interrogatoire. Caroline Mabry, bien qu'elle soit sur le point de finir son service et de partir en week-end, décide d'entendre cet inconnu. Il lui faudra beaucoup de temps pour rompre la glace et finalement il avouera un meurtre et voudra se confesser à la policière. Une confession écrite qui constitue le gros de ce roman policier de Jess Walter, ancien journaliste connaissant parfaitement la région de l'action. Elle alterne avec l'enquête plus classique de l'agent Mabry qui doit dans un premier temps découvrir l'identité de l'homme s'accusant de meurtre. 

Le cas Eli Boyle
L'inconnu borgne débute son récit quand il était encore élève en CM2 et qu'il devait prendre le bus scolaire chaque matin. C'est là qu'il a rencontré pour la première fois Eli Boyle. "Je n'ai jamais connu d'élève aussi âgé qui faisait encore pipi à l'école, qui pleurait, qui s'asseyait à l'avant et appelait sa maman. Il devait porter des chaussures orthopédiques à cause d'un pied déformé, souffrait d'une scoliose, de lésions cutanées et de la gale, et l'infirmière scolaire l'emmenait sans cesse pour un impétigo, une indigestion, une occlusion intestinale, ou toute autre saleté qu'il traînait dans son sillage comme seuls amis". Eli Boyle dont il s'accuse d'avoir pris la vie. Eli qui était devenu son ami, son protégé. Il a toujours été là pour le protéger, notamment depuis qu'il a perdu un oeil dans une bête bataille au pistolet à plomb. C'est Eli, en prévenant les secours, qui lui a sauvé la vie. 
La majeure partie du roman est donc composée de ces souvenirs d'enfance et d'adolescence, avec les progrès incessants d'Eli pour tenter de s'insérer dans la vie active. Le narrateur au fil des pages se dévoile, alors qu'en parallèle Caroline Mabry elle aussi parvient petit à petit à reconstituer le puzzle, cherchant ce cadavre sans lequel les aveux du borgne ne restent qu'affabulations. 

Policière dépressive
Caroline qui elle aussi profite de cette enquête atypique pour se poser quelques questions sur sa vie. La solitude lui pèse, son métier la déprime et elle connaît trop bien cette ville. Se remettre en question ? La belle affaire. "C'est facile d'être seul, le week-end. D'habitude, à cette heure-ci, le samedi après-midi, Caroline Mabry a oublié jusqu'à l'existence d'autrui et s'est installée devant son écran de télévision ou d'ordinateur, enfin à l'aise avec elle-même après une semaine pénible au bureau." Bref la jeune policière est au bord de la dépression et sans qu'elle sache pourquoi elle va totalement s'investir dans cette enquête, passant trois jours sans dormir, remuant ciel et terre pour prouver que l'inconnu a menti. Une certitude qui s'affirme de page en page, alors même qu'elle se découvre une attirance, une concordance, avec ce paumé de la vie, ne supportant les coups que le sort lui a donné au cours de ces dernières années. 
Ce thriller social et romantique de Jess Walter est remarquable par sa construction jonglant avec les allers-retours entre présent et passé et surtout le personnage d'Eli Boyle, apparent monstre mais véritable âme d'un roman cru sur la misère humaine.

« Où les borgnes sont rois », Jess Walter, Seuil, 19 €