mercredi 28 mai 2025

BD - Des Gorilles infaillibles au service du Général

Côte présidents, attentats et protection rapprochée, les USA avaient Kennedy, la France De Gaulle. A l'arrivée, les gorilles français ont fait un sans faute, le grand homme de la Libération échappant à plusieurs tentatives d'attentats alors que le jeune président Kennedy... 

Pourtant De Gaulle n'aura eu que qatre gorilles surant sa carrière de chef de l'Etat de la Ve République. Quatre amis, connus depuis la Libération, qui l'ont suivi durant sa traversée du désert et ont repris du service en 1958 alors que la guerre d'Algérie fait des ravages dans l'armée, les finances et l'opinion publique. Xavier Dorison, le scénariste, s'est très librement inspiré des mémoires des véritables gorilles pour transformer un peu l'Histoire, lui donner un air un peu plus romantique. Mais dans l'ensemble on retrouve au fil de ce premier tome se déroulant en septembre 59, l'essentiel des événements autour de De Gaulle. 

Un long récit pour mieux connaitre le quatuor chargé d'assurer la sécurité du président dès qu'il quitte l'enceinte de l'Elysée. On découvre l'arrivée, controversée, de Max Milan en remplacement d'un membre tombé en disgrâce (pourquoi ? réponse en fin de volume). Ce flic, ancien résistant, arrive tout d'oit des USA. Il vient d'être diplomé par le FBI à Quantico. Il apporte des méthodes plus modernes au trio restant, très à cheval sur les traditions et les habitudes. Mais le danger est de plus en plus présent. Du côté du FLN, mais aussi de l'extrême-droite. Bref, les quatre gorilles, tout en gardant leur calme, vont devoir puiser dans leurs réserves pour contrer complots et projets d'attentats. 

Une intrigue mouvementée qui devait sembler réaliste, au niveau du dessin, pour être crédible. Le choix de Julien Telo s'avère judicieux. Il propose du trait ferme et efficace, fidèle aux décors de l'époque sans occulter les "gueules" des fameux gorilles. Un premier tome percutant, très instructif pour les ignorants de l'histoire contemporaine française. D'autant qu'un cahier pédagogique complète la BD, avec parcours des véritables gorilles du général et présentation de seconds rôles de la BD, de Michel Debré à Jacques Foccart, chef de l'ombre dit le Chanoine. 

"Les gorilles du général" (tome 1), Casterman, 96 pages, 21,95 €

vendredi 23 mai 2025

BD - Quand Berthet chevauchait les grand espaces sauvages de l'Ouest américain

Auteur belge à l'oeuvre reconnue mais pas toujours à sa juste mesure, Philippe Berthet, en plus de séries au succès critique et commercial, a signé quelques albums isolés d'une exceptionnelle qualité. Parmi ces réussites, "Chiens de prairie", sur un scénario de Foerster et des couleurs de Dominique David. Paru en 1996 chez Delcourt, ce long western vient d'être réédité par les éditions Anspach, maison belge lançant de nouvelles séries mais qui aime aussi redécouvrir des classiques de ce style franco-belge loin d'être mort et enterré. 
Dans un long dossier en fin d'album, Berthet explique qu'il s'était lancé dans ce projet pour couper avec sa série Pin-up. Lassé de dessiner des voitures et les grandes villes américaines de la seconde guerre mondiale, il a soif de grands espaces et de nature. Foerster lui propose ce western et Berthet accepte avec enthousiasme, même s'il doit dessiner quantité de chevaux, exercice compliqué même pour les plus doués des dessinateurs réalistes.
Dans "Chiens de prairie" on suit la destinée de J. B. Bone, outlaw qui a croisé la route de Calamity Jane. Il la retrouve des années plus tard. Elle tente de racheter ses erreurs du passé en convoyant des orphelins vers des foyers d'accueil. Mais en cours de route, Bone récupère, à son grand désespoir, le petit Moïse. Un muet qui s'accroche au vieux cowboy. Bone se passerait bien de cette présence car il s'est lancé dans une mission peu reluisante : convoyer le corps de son complice pour l'enterrer à côté de la femme qu'il aimait. Un vieux grincheux (à la gâchette facile et efficace), un petit muet (plus futé qu'il n'y parait), un cadavre en putréfaction (qui cache un lourd secret) : le convoi va devoir affronter des chasseurs de prime, des Indiens et un pasteur fou. Un périple violent et bourré de symboles, comme tout bon western qui se respecte. 
Trente années après sa première édition, cette BD n'a pas pris une ride. A redécouvrir pour les nouvelles générations alors que les anciennes y retrouveront les émotions de leur jeunesse. 
"Chiens de prairie", Editions Anspach, 64 pages, 16,50 €

vendredi 16 mai 2025

BD - Wild West tome 5, premier acte d'un drame sanglant à Dolores City

Petite cité plantée entre la Californie et le Nevada, Dolores City a retrouvé prospérité et calme. C'est dans ce bled paumé du farwest authentique que les trois héros de la série Wild West de Gloris (scénario) et Lamontagne (dessin) tentent de retrouver une certaine sérénité. C'est vrai pour Wild Bill, devenu shérif, marié à l'institutrice. Un peu aussi pour Charlie Utter reconverti en postier. 

Par contre rien ne va plus pour Calamity Jane. La rebelle a sombré dans l'alcool. Elle est devenue la honte de la communauté. 

Dans les premières pages de l'album, après une  nuit de beuverie, elle est découverte, inconsciente, dans l'auge des cochons... Wild Bill tente de la protéger. Mais sa patience a des limites. Celle des notables de la ville aussi. 

C'est dans ce contexte qu'une nouvelle famille vient s'installer à Dolores City. Des fermiers. Ils relancent un ranch avec quelques bêtes à cornes. Mais derrière cette famille qui semble normale se cache une bande de hors-la-loi, habitués à attaquer les banques ou les trains. 

Cette nouvelle séquence (la troisième de la série), utilise au maximum les codes du western. Une ville isolée, des gangsters, un shérif, des habitants qui veulent se faire justice eux-mêmes... La tension monte durant ce premier acte. Suite et fin de l'aventure dans le sixième titre de la série, sans doute une des meilleurs créations dans le genre de ces dix dernières années. 

"Wild West" (tome 5), Dupuis, 48 pages, 15,95 €

jeudi 15 mai 2025

Roman – Belle-Maman m'a tuer


Entre thriller et roman horrifique, Elle est revenue d'Ainslie Hogarth est à déconseiller aux femmes résidant sous le même toit que leur belle-mère. La narratrice, Abigail, que tout le monde surnomme Abby, vit le parfait amour avec Ralph. 

Quand la mère de ce dernier commence à vieillir et à perdre un peu la tête, il impose à Abby d'aller vivre chez elle. Cela se passe mal jusqu'au suicide de Belle-Maman, retrouvée les veines ouvertes dans la cave. Abby, tout en soutenant son mari très touché par cette perte, jubile. Elle ne supportait plus les remarques perfides de la vieille acariâtre. Une joie de courte durée. En rentrant du boulot, quelques jours après le suicide, Abby découvre sa belle-mère dans la cuisine. Fantôme ? Entité maléfique ? 

La jeune femme va lutter pour la faire disparaître et récupérer son gentil Ralph de plus en plus dépressif et persuadé, lui aussi, que sa maman est revenue. On apprécie dans ce texte assez extrême les passages très crus placés dans la bouche de l'héroïne, une femme sans doute aussi dérangée que la suicidée. Mais vivante, elle !  

« Elle est revenue », Ainslie Hogarth, 10/18, 324 pages, 16,90 €

mercredi 14 mai 2025

BD - Agrippine, princesse de sang

La série des Reines de sang se penche sur le rôle des femmes dans la Rome antique. Pas évident d'être l'épouse d'un empereur ou d'un général. A part donner des héritiers mâles, leur utilité n'est jamais essentielle. C'est le cas de la jeune Agrippine. Rome est déchirée entre deux factions. Le peuple voudrait que le général César Germanicus, cantonné en Germanie, accède au pouvoir. Mais Tibère, le gendre d'Auguste, premier empereur, s'accroche au pouvoir. Agrippine est la fille du général. Un père qu'elle ne verra que peu. Entre guerres et négociations, il est souvent loin de la capitale. Et rapidement son pouvoir fait peur. Une dose de poison plus tard, il quitte définitivement la scène politique. La succession se fera donc entre les enfants de Tibère et ceux du général. Mais Agrippine a bien l'intention de tenir un rôle dans ce jeu politique dangereux. 

Racontée par Luca Blengino sur des dessins très expressifs de Roberto Ali, la vie d'Agrippine sera présentée en trois volumes (le second en septembre, le troisième en janvier 2026), agrémenté de deux autres titres sur des femmes importantes de la Rome antique : Messaline (septembre) et Poppée (janvier). Le quotidien d'Agrippine se partage entre études et plaisirs simples de la vie. Mais elle doit sans cesse être sur ses gardes. Notamment quand son frère Caligula est dans les parages. Il est persuadé que pour assurer la pérennité du sang céleste de la lignée, il doit faire un enfant à sa sœur...  Elle n'a pas encore 10 ans... 

Agrippine, une fois adulte, sera transformée en cadeau pour réconcilier les deux factions. Elle acceptera de baisser la tête et de se taire. Mais ce sera la dernière fois. De cette union non voulue, elle donnera le jour au redouté Néron, futur empereur. La suite de la série verra naître une des plus terribles reines de sang. 

"Agrippine" (tome 1), Delcourt, 48 pages, 15,50 €

mardi 13 mai 2025

BD - Les animaux de la fin du monde, de la tortue aux calamars géants


En pleine guerre froide, dans les années 50 aux USA, un petit film était régulièrement proposé aux élèves. C'est ce court-métrage de prévention qui sert de base à cette BD écrite par Scott Snyder et dessinée par Rafael Albuquerque. Dans "Duck and cover" une tortue  expliquait qu'en cas d'attaque nucléaire russe, il suffisait de se réfugier sous son bureau, en classe, pour en sortir indemne. C'est peut-être ce film qui a donné la passion du cinéma à Delmont Reeves, lycéen terne de la petite ville de Schellville. Il réalise sa première œuvre enfant. un tournage qui se termine mal : un chien l'attaque et lui fait perdre un œil. 

Quelques années plus tard, devenu projectionniste dans un drive durant les vacances, il a toujours très peur des chiens, mais espère encore de devenir réalisateur. Avec plusieurs de ses camarades de classe, il est collé après une bagarre. Aussi quand les sirènes retentissent, ils se précipitent sous les bureaux et échappent au feu nucléaire. Cependant, si l'attaque vient bien des Russes, ce sont des aliens ressemblant à des pieuvres volantes ou des calamars géants qui dominent désormais le monde. Tous les adultes sont morts. Ne restent que les enfants protégés par leurs bureaux. 

Si au début, ce récit semble totalement invraisemblable, Snyder avec une précision chirurgicale va combler tous les trous. On va donc suivre avec intérêt l'épopée de cette bande improvisée, tentée dans un premier temps de se réfugier dans un bunker, avant de trouver un moyen de détruire les envahisseurs. Une bataille dantesque, dessinée avec force de détails et de réalisme par un Albuquerque très à l'aise dans ce genre de comics. 

Et comme Snyder est un excellent scénariste, le final délivre un message d'espoir tant au niveau de la résistance aux forces obscures que de la nécessaire solidarité pour être plus fort.  

"Duck and cover", Delcourt, 128 pages, 17,50 €

dimanche 11 mai 2025

Roman – Le train des Terres oubliées

Le Transsibérien a toujours fait rêver les amateurs de voyages incongrus. Mais cela ne semblait pas suffisant pour Sarah Brooks, autrice anglaise spécialiste de l'Asie. Elle mélange le mythe du train reliant Pékin à Moscou à une dystopie ayant transformé une partie de la Sibérie en région interdite après l'apparition de mutations. 

Le voyage, de la Chine vers la Russie, est vécu de l'intérieur par l'intermédiaire de plusieurs des passagers ou employés : la fille d'un des artisans du train hermétiquement clos, décidée à venger son père, une petite fille, née dans un wagon et qui depuis ne l'a plus quitté, un cartographe, explorateur curieux d'un nouveau monde, la Capitaine, marquée après un voyage dramatique. Des vies qui se croisent et interagissent dans un huis clos inquiétant. Encore plus quand entre en scène Eléna, une créature des Terres oubliées, plus vraiment femme, pas encore monstre. 

Reste le meilleur du roman : la description de ce monde mystérieux où les arbres se déplacent et où les lacs ont des couleurs inimaginables. Un formidable voyage, dans tous les sens du terme.  

« Comment voyager dans les Terres oubliées », Sarah Brooks, 10/18, 456 pages, 9,90 €

samedi 10 mai 2025

BD - "Le marin céleste" vogue sur les cieux loin de la mort bleue


Les albums édités par Daniel Maghen sont rares. Mais systématiquement d'une beauté fulgurante. Il est vrai que son premier métier est galeriste. Il cherche donc des artistes qui ont le potentiel pour proposer des compositions originales qui plairont aux collectionneurs. Olivier Roman coche toutes les cases et signe donc "Le marin céleste", gros album écrit par Rodolphe. 

Toujours sur la planète Sprague, on découvre Popeye, commerçant qui va de ville en ville proposer ses trouvailles. Il se déplace dans un drôle d'engin, entre l'avion et la montgolfière. Il profite de la vie, heureux, entre fouilles archéologiques, vente sur les marchés et bon temps auprès de sa fiancée, Prune. Tout irait pour le mieux si de mystérieuses herbes bleues ne se mettaient à proliférer au sol. Une végétation exubérante et agressive. Rien ne leur résiste, ni maison ni végétation. Encore moins les hommes. 

Popeye et Prune, aidés par des insectes humanoïdes, premiers habitants de Sprague, vont prendre la tête de la révolte pour repousser la vague bleue. 

Le scénario, original et plein de surprises, permet au lecteur de mieux comprendre comment fonctionne cette planète à part. Son histoire (arrivée puis départ des grands anciens...) y est en partie dévoilée. Et comme Rodolphe sait parfaitement jouer du suspense et des rebondissements, il a certainement de quoi écrire deux ou trois autres histoires ayant pour cadre Sprague. Quant à Olivier Roman, il semble très à l'aise dans ce monde imaginaire, aux habits originaux, aux machines uniques et aux animaux entre rêve et réalité. On en redemande !    

"Le marin céleste", Daniel Maghen éditeur, 88 pages, 19 €

vendredi 9 mai 2025

Thriller - Sharko, en vers et contre tous

Le nouveau roman de Franck Thilliez ne fait pas dans la poésie. Dans « A retardement », il est surtout question de folie et de bestioles visqueuses, de celles qui peuplent nos pires cauchemars.


A plus de 60 ans, Frank Sharko, le policier d’élite imaginé par Franck Thilliez souffre-t-il d’un petit coup de mou ? A Lucie, sa compagne, il dément énergiquement (malgré son souffle court, ses nuits agitées et ses genoux douloureux) : « Quand je serai à la retraite, j’aurai tout le temps de me poser, OK ? De faire des siestes comme les vieux ou d’arracher ces saloperies de mauvaises herbes. » Faut pas lui faire remarquer qu’il n’est plus un poulet de première jeunesse, ça a le don de l’énerver le Sharko. Alors il continue à chasser les méchants (qui eux semblent de plus en plus jeunes) même s’il laisse les courses et bagarres à son second, Nicolas Bellanger, de plus en plus au centre des intrigues imaginées par le maître du thriller français. 

Dans « A retardement », le groupe de Sharko est de garde pour la dernière semaine de l’année. Il est mobilisé après la disparition d’une Parisienne, envolée en traversant le parc des Buttes-Chaumont. Au même moment, un schizophrène est interné dans une unité de malades difficiles de banlieue. Il sera suivi par Eléonore Hourdel, psychiatre renommée. Deux débuts sans directs, permettant de suivre une enquête qui s’enlise et de découvrir le quotidien dans une UMD, endroit au coeur du roman. Quelques jours plus tard, les deux mondes se rencontrent. Sharko et Nicolas vont enquêter sur le meurtre sauvage d’un quinquagénaire. Mort de cinquante coups de tournevis au niveau de l’abdomen, la bouche remplie de soude. L’homme serait le père de la psychiatre. 

Le roman bascule dans l’horrible lors de l’autopsie. Une étrange découverte est faite dans l’intestin du mort : Les visages des deux policiers « se plissèrent de dégoût lorsque, du bout des doigts, le légiste tira de là un organisme blanchâtre, écrasé comme un haricot, présentant de nombreux replis de la forme de ceux de l’intestin où il était logé. » Un ténia plus connu sous le nom de ver solitaire. «Les coups de tournevis avaient atteint la bestiole à certains endroits, la tuant également. » Ce que ne savent pas encore les flics contrairement au lecteur, c’est que le mystérieux patient d’Eléonore Hourdel a tenté de s’éventrer, persuadé que des vers sont en train de le dévorer de l’intérieur. 

La folie est omniprésente dans ce gros roman noir. Dans l’entourage d’Eléonore, évidemment, mais aussi dans le passé de Sharko et le quotidien de Nicolas, homme blessé au bord de la rupture. Même si A retardement peut se lire indépendamment de autres titres, il est cependant fortement conseillé de plonger dans les autres titres de Sharko. Car c’est dans ce volet feuilleton (on dit plutôt série de nos jours), que réside le plus grand intérêt de l’oeuvre de Thilliez. 

« A retardement », Franck Thilliez, Fleuve Noir, 456 pages, 22,90 €

jeudi 8 mai 2025

Roman fantastique - « La Dissonance », invisible, passionnante

Il y a du Stephen King de la grande époque dans ce roman de Shaun Hamill. La destinée magique et fantastique de quatre adolescents délaissés.

Véritable tour de force que ce roman de Shaun Hamill. Seulement son second et déjà un texte qui devrait compter dans les décennies à venir. En imaginant et en édictant les règles de la Dissonance, l'auteur texan a tout simplement créé une nouvelle forme de magie, de fantastique urbain.

Avant de plonger dans ces mondes alternatifs où rares sont ceux qui voient et ont des pouvoirs, le lecteur fait connaissance des quatre amis, héros involontaires, voués à sauver le monde. Les mondes exactement.

Encore ados en cette année 1996. Hal est le prototype du « petit branleur », jamais sérieux, toujours trop arrogant. Pas de père, une mère volage et absente, il s'en tire toujours par une pirouette. Quitte à y laisser quelques plumes (ou des dents dans les bagarres). Erin, blonde, belle, rêve d'une vie normale. Mais ses parents vivent dans un mobil-home et sont sur le point de divorcer. Athena, jeune Noire très intelligente, sait que si elle veut réussir, elle devra batailler dix fois plus que les autres. Enfin Peter, orphelin, introverti, est élevé par son grand-père Elijah Mash, un professeur d'université toujours plongé dans ses vieux livres.

Quatre rejetés par les autres jeunes, qui se sont trouvés et vont passer leur première soirée pyjama. C'est là qu'un petit livre apparaît dans le couloir de la vieille demeure du professeur Marsh. Il est écrit en « dissonnant », langage magique qu'Athena maîtrise immédiatement comme Erin et Peter. Pour Hal c'est du chinois. Mais après avoir prononcé une formule, Athena envoie le quatuor dans les bois environnants. Il se retrouve aux prises avec des araignées géantes, cauchemardesques, agressives. C'est Hal, armé d'une épée magique, qui les sauvera.

Le début de la saga est précédé du quotidien des trois survivants, de nos jours. Malgré leurs pouvoirs, ils semblent faire toujours partie des ratés, des laissés pour compte. C'est dans ce contexte morose que l'auteur développe les psychologies compliquées, voire toxiques, de ces héros dont on rêve pourtant à s'identifier.

Un pavé qui se dévore, sans le moindre temps mort, avec rebondissements, trahisons, morts violentes, exploration de mondes inconnus et final à grand spectacle. Une fois ce roman refermé, La Dissonance fera partie de votre existence et ne la quittera plus jamais. Ici et maintenant. Demain et ailleurs.

« La dissonance » de Shaun Hamill, Albin Michel Imaginaire, 640 pages, 24,90 €

mercredi 7 mai 2025

Thriller - Dans les bois du Vallespir, l'ours menace Angèle

Clinique psychiatrique, meurtriers jugés déments, fête de l'ours et femme à la dérive : tel est le cocktail gagnant de ce thriller se déroulant dans le Vallespir et signé Alexandra Julhiet.


Plus un personnage est dans le doute, au bord de la dépression voire de la folie, plus le thriller est généralement réussi. Angèle, la narratrice de ce roman d'Alexandra Julhiet est au bord du gouffre. Pourtant c'est une femme forte. Installée à Paris depuis des années, elle est analyste pour une société renommée. Donnez-lui de tonnes de documents sur un sujet précis, elle lit l'ensemble et en tire des conclusions que son patron vend à prix d'or. Rationnelle, efficace sans la moindre faille. Jusqu'à la fin de son couple. Trompée par un mari qui l'abandonne dès qu'il est démasqué. Seule dans son grand appartement, elle déprime. Cauchemarde. C'est un suicide (un homme saute du dernier étage d'un immeuble devant ses yeux) qui l'achève. Et un message retrouvé écrit sur la glace de sa salle de bains, « Va crever !». 

Son boss l'oblige à prendre quelques jours de repos. Elle va chez son père, psychiatre à la retraite. Ce dernier, qui perd un peu la tête, décide de profiter de la présence d’Angèle pour aller dans le Vallespir, assister à la fête de l'ours à Saint-Martin-d'Inferm, village fictif, sorte de contraction des trois cités qui célèbrent le plantigrade à la fin de l'hiver. C'est dans ce village, où son père possède une vieille maison, que le drame se noue. 

L'autrice, connue comme scénariste à la télévision, signe son second roman et parvient rapidement à passionner ses lecteurs. Certes l'intrigue semble un peu cousue de fil blanc, mais on tremble quand même pour cette femme, prête à tout pour découvrir la vérité sur son passé, son enfance, ses origines. 

Et puis il y a la description de cette fête de l'ours, folklorique mais aussi triviale, excessive. Angèle ne cache pas son malaise dans la foule avinée : « L'atmosphère semblait joyeuse et bon enfant, moi je la trouvais lugubre, comme si un désastre était sur le point d'arriver. L'un des ours, une masse de plus de deux mètres, tanguait dans la foule à la recherche  d'une bagarre. Un autre profitait de son anonymat pour mettre des mains aux fesses des jeunes filles qui réagissaient en gloussant, inconscientes du danger. » Angèle va subir les assaut d'un ours dans les bois, pas loin d'une clinique psychiatrique. Dans cet établissement, des meurtriers, jugés non responsables de leurs crimes en raison de leur démence, vivent en semi liberté. Le père d'Angèle y a travaillé quand elle était enfant. Du moins c'est ce qu'elle croit se souvenir. Une histoire sur la mémoire, le mal, l'hérédité et la famille. Sans oublier Angèle, lumineuse héroïne qui va enfin sortir des limbes de l'oubli.  

« La nuit de l'ours » d'Alexandra Julhiet, Calmann-Lévy, 380 pages, 20,90 € 

Jeunesse - Jouer aux détectives et aux voleurs


John, 12 ans, sera détective. Ou voleur. Pour l'instant son choix n'est pas arrêté. Orphelin depuis quelques mois, il vit caché dans le faux plafond d'un grand musée de New York. Il espère encore que sa mère va revenir le chercher. Etrange personnage que ce jeune héros imaginé par Tom Phillips. 

Vivant à la marge de la société, il est avant tout un grand rêveur. La réalité va pourtant le rattraper quand on l'accuse d'avoir volé un rubis égyptien d'une grande valeur. Il ne devra son salut qu'à sa rencontre avec l'inspecteur Toadius McGee, plus grand détective du monde. Le choix est fait : il sera détective et arrêtera « La phalène mauve », célèbre voleur au nom inspiré par un papillon. 

Un récit enlevé, plein de rebondissements, aux personnages intrigants et étonnamment humains. Un petit bijou d'intelligence et d'humour, sans oublier un petit soupçon de leçon de vie.     

« L'étrange ligue des détectives et des voleurs », Tom Phillips, PKJ, 336 pages, 16,90 €

mardi 6 mai 2025

Polar – Les mensonges de l'Hydre


Au royaume des fake news, l'Hydre est la reine. Une sorte de secte, aux disciples persuadés de détenir la vérité. En réalité ils ne font que mentir, maquiller la réalité, tenter de faire peur pour que la société s'écroule face à des vagues de paranoïas de plus en plus fortes. Simon Lacroix, étudiant parisien, est persuadé avoir infiltré l'organisation. Il compte en faire son sujet de thèse. Mais il n'aura pas le temps de la finaliser. Il est retrouvé mort au pied de son immeuble. Suicide par défenestration ? Son père est sceptique et va mobiliser la brigade criminelle. 

Une enquête hors norme pour le commandant Sénéchal, héros récurrent de Sébastien Le Jean. 

Un flic en pleine déprime. Après une grosse bourde (lire Le grand effondrement), on veut le priver de terrain. Alors il va s'accrocher à cette affaire pour sauver sa carrière. Un polar réaliste qui fait froid dans le dos car au final, on a l'impression que tout le monde manipule... tout le monde.

« La conspiration de l'Hydre », Sébastien Le Jean, Folio Policier, 336 pages, 9,50 €