Découverte de terres rares, élevage de rennes et attaques de loups : trois facteurs qui risquent de mettre le feu à la région où patrouillent Klemet et Nina, membres de la police des rennes.
On pourrait penser que dans la toundra, au cœur de ce grand nord, terres froides entre Suède, Norvège et Finlande, la nature a encore tous ses droits. En lisant le nouveau polar d’Olivier Truc, journaliste français vivant à Stockholm, on comprend que là-bas aussi l’environnement est en grand danger.
On retrouve avec un réel plaisir ses deux héros récurrents de la police des rennes : Nina Nansen et Klemet Nango. Le second est à moitié Sami, cette ethnie qui peuple la toundra depuis des siècles et des siècles. Une société en harmonie avec l’énergie vitale du lieu : les rennes. Ces mammifères vivent en harmonie avec leurs éleveurs, broutant le lichen, circulant librement de prairie en pâturage en été.
Un mode de vie qui perdure. Mais pour combien de temps encore ? C’est l’interrogation, l’inquiétude, qui reste en filigrane de ce texte. Les nomades éleveurs ont d’abord dû céder du terrain quand du fer a été découvert à Kiruna en Suède. Une mine toujours en exploitation, qui charrie des milliers de tonnes de minerai vers la côte, en train. Convois qui traversent les chemins de transhumance des troupeaux de rennes.
Nina et Klemet sont sollicités quand un train tue plusieurs dizaines de bêtes arrêtées sur les voies. Les éleveurs sont furieux. Le lendemain une bombe fait exploser le chemin de fer. La tension est forte. D’autant que l’été est là, avec un ensoleillement dépassant les 23 heures, et beaucoup de travail pour les éleveurs qui doivent marquer les faons. Une pratique ancestrale.
Chaque famille Sami a une marque propre, faite sur les oreilles des jeunes animaux. On découvre cette pratique avec Anja, fille d’éleveur, une rebelle. « Jamais Anja n’avait marqué un faon avec tant de difficulté. […] Elle reposa un instant sa main droite qui tenait le petit couteau à la lame effilée. […] Le cœur du faon battait, résonnait dans son propre crâne. Elle prit à nouveau la fine oreille entre ses doigts, retins sa respiration, l’œil démesuré du faon figé sur elle, trancha la pointe de biais. Pour sa marque, il fallait encore cinq coups de couteau. » Le texte d’Olivier Truc nous permet de plonger dans ce mode de vie si particulier ; ancestral tout en étant moderne, les jeunes Sami utilisant des drones pour localiser et guider les rennes de la toundra vers la zone de marquage.
Anja est au centre de l’intrigue. Spoliée de ses droits, elle veut avoir sa place dans le groupement d’éleveurs, le sameby. Mais en secret, elle a une autre utilité : c’est elle, tireuse d’élite, qui est chargée d’éliminer les loups et autres gloutons, prédateurs des rennes.
L’occasion pour l’auteur de faire se rencontrer Anja et un vieux berger français, Joseph, ayant perdu son troupeau dans les Alpes. Il veut se venger. Se rend à Kiruna pour se faire un loup. Anja va le guider, passer un marché avec lui, tout en expliquant, « J’en ai abattu trois des loups. Et quelques gloutons aussi. C’est pas pour ça que je me sens mieux. Ça Fait longtemps que j’ai compris que c’est pas ça qui m’apaiserait. » Cette plongée littéraire dans la nature sauvage est contrebalancée par les manœuvres des hommes, les ambitieux, investisseurs qui rêvent de gagner beaucoup d’argent.
Des gisements de terres rares ont été découverts. Le nouveau pétrole de la transition écologique. Mais encore une fois, cela risque se faire au détriment des rennes et des Samis.
« Le premier renne », Olivier Truc, Métailié, 528 pages, 22 €
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