Saint-Piéjac, petit village français : ses chasseurs, sa boulangerie, sa majorité d’extrême-droite et… Connor Digby, son citoyen britannique. Avec Marceline, rousse volcanique et nymphomane, ils vont presque raser la localité.
Sébastien Gendron a peut-être forcé le trait, mais les caricatures qui déambulent dans son roman Chevreuil sont pourtant très proches de la réalité. L’action a pour cadre Saint-Piéjac, bourgade de province, 2000 âmes, un vote majoritairement d’extrême-droite, une désertification rampante et des chasseurs.
Beaucoup de chasseurs. 99 % de la population mâle rêve de dézinguer Il Duce, un magnifique chevreuil, roi des forêts environnantes. Le 1 % restant c’est Connor Digby, citoyen britannique, propriétaire d’une jolie maison au centre du village. Cet écrivain est connu dans le monde entier grâce aux aventures de sa petite fourmi, Grant. Adulé dans le monde, détesté à Saint-Piéjac. Un vieux contentieux.
Connor, la cinquantaine, grand et célibataire, voit débouler dans sa vie Marceline, épouse battue en fuite. Une sacrée femme : « Elle n’est pas très grande. Elle a les cheveux frisés. Elle a des taches de rousseur partout où il peut y en avoir. […] Elle place la bouteille entre ses cuisses, ploie les genoux et tire comme une possédée. Dans cette position, on voit ses seins jusqu’aux bonnets. Ils sont serrés l’un contre l’autre et tremblent alors qu’elle force. » Comme il fait très chaud à Saint-Piéjac, ils se retrouvent rapidement en petite tenue et copulent sans trop se poser de questions. Car aussi improbable que cela soit, Connor et Marceline se sont trouvés.
Le roman peut continuer sa trajectoire sur les chapeaux de roues. Car la vie de Connor est plus compliquée qu’il n’y paraît. Pour Marceline c’est une évidence. Parmi les ennemis de l’Anglais, un marquis qui trafique dans les voitures d’importation, un ancien conseiller municipal présentement en prison après avoir été dénoncé par Connor… Même l’apprenti boulanger lui en veut.
Ils devront aussi affronter les foudres de Férignot, chasseur alcoolique. Marceline a fait fuir Il Duce en klaxonnant… « Férignot est rouge. On dirait que son gilet de sécurité se reflète sur son visage, mais non, c’est la rage. Il est en nage. Il a couru sur cinq cents mètres, dans sa tenue de combat, avec sa Remington de cinq kilos en bandoulière, sa besace pleine d’un faisan et d’un litre de floc de Gascogne, sans compter ses propres cent trente kilos de viande fortement persillée. » Ces personnages secondaires sont nombreux et tous très originaux.
A Saint-Piéjac, gravitent aussi dans l’entourage de Connor un retraité voyeur, délateur et admirateur de Zemmour, un éleveur de cochon paranoïaque, un directeur de cirque aux abois et même une employée municipale souffrant du syndrome de la Tourette et chargée de détruire les mauvaises herbes en les carbonisant avec son Manuflam.
Mais cette dernière est un peu spéciale. Pas vraiment malade et aussi narratrice du roman, théâtre d’un véritable massacre qui fera sensiblement chuter le poids démographique du gros bourg aux prochaines élections cantonales. Un roman noir et rural sans tabou ni limite.
« Chevreuil », Sébastien Gendron, La Noire, Gallimard, 342 pages, 20 €
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