Dans un quartier de Canton, Chinois et Africains cohabitent tout en découvrant les traditions des deux communautés.
Aussi subtil qu’un thé chinois savamment infusé, Black Tea d’Abderrahmane Sissako est le film dépaysant par excellence. On y découvre les vies et traditions de deux communautés très éloignées de nos habitudes occidentales. D’un côté la vie des Chinois à Canton, de l’autre des immigrés africains dans cet environnement asiatique où le racisme est parfois omniprésent.
Un film puzzle, où les pièces, souvent très dissemblables, s’emboîtent malgré tout dans un grand ensemble qui forme l’Humanité. Il y est question d’amour, de famille, de tolérance et aussi de condition féminine. Le film commence d’ailleurs par un coup d’éclat. En Côte d’Ivoire, Aya (Nina Melo) est prête pour le grand jour. Revêtue d’une superbe robe blanche, elle va se marier avec Toussaint. Sauf qu’au dernier moment elle quitte la cérémonie, fuit. On la retrouve à Canton. Célibataire, parlant le chinois, employée dans un petit magasin de thé dans le quartier dit de Chocolate City, mélange gai et vibrionnant de Chinois et d’Africains.
Le thé, trésor culturel
Son patron, Cai (Han Chang), lui enseigne toutes les finesses de la dégustation du thé. Un véritable art, avec rituel et tradition à respecter. Aya est sous le charme. Mais on ne sait pas si c’est des richesses de ces feuilles séchées aux goûts si nuancés en fonction des saisons ou des conditionnements ou de Cai, pédagogue idéal.
Les amateurs de thé découvriront quelques pratiques qui leur donneront envie d’aller encore plus loin dans leurs dégustations. Les autres se laisseront tenter par des goûts et des techniques plus authentiques que le sachet à infuser. Le thé et ses multiples variations, comme une métaphore sur les vies des habitants du quartier. Chacun à un parcours singulier. Cai a longtemps travaillé au Cap Vert. Il y a laissé des traces qu’il va tenter de retrouver. Aya, épouse récalcitrante, a découvert sa véritable voie en Chine.
Mais cette chronique, douce et tolérante, n’est pas hors sol. Quand arrivent dans l’équation les ex-beaux-parents de Cai, on prend conscience qu’en Chine, le racisme envers les Africains est encore plus odieux qu’en France. Black Tea est dans ce sens un témoignage précieux, réalisé par un Mauritanien qui ne se contente plus de dénoncer le colonialisme ou l’islamisme. Un film très humain aux saveurs douces-amères, comme ces thés chinois.
Film de Abderrahmane Sissako avec Nina Melo, Han Chang, Wu Ke-Xi
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