Si pour certains l'adolescence est la pire des périodes, pour d'autres elle est éternelle. Avec « Microbe et Gasoil », Michel Gondry vous fait regretter vos comédons.
Daniel et Théo. Deux adolescents se retrouvent par hasard dans la même classe. Deux exclus, des « bannis » qui vont faire cause commune et se trouver suffisamment de points en commun pour devenir copains, voire amis. Daniel (Ange Dargent) est le plus jeune. Du moins en apparence. Petit, cheveux longs, il doit supporter de se faire traiter de Microbe à longueur de journée par d’autres ados qui ont juste 10 centimètres de plus et un duvet au-dessus des lèvres. Théo (Théophile Baquet) est devenu Gasoil. La faute à son odeur. Grand bricoleur devant l’éternel, il est souvent mis à contribution par son père pour réparer la camionnette familiale au petit matin.
Microbe et Gasoil, incompris et un peu à part, vont se forger un monde bien à eux, résurgence de la propre adolescence de Michel Gondry, rêveur et inventeur de contrées de génie.
Trop ou pas assez d’amour maternel
Avec intelligence et naturel, le réalisateur plante le monde normal de ses deux héros. Microbe est couvé par sa mère (Audrey Tautou), dépressive tendance bio, végan et lâcher prise. Il partage sa chambre avec un petit frère sérieux et intégré mais s’entend beaucoup moins avec l’aîné, devenu depuis quelques mois Punk réfractaire à tout.
Gasoil vit seul avec ses parents. Sa mère, cardiaque, ne lui cache pas qu’elle préfère l’aîné, qui lui à son âge rapportait déjà de l’argent à la maison et qui aujourd’hui a réussi sa vie en devenant militaire de carrière. Le père, brocanteur, n’est que reproches. D’un côté trop d’amour, de l’autre pas assez, ces deux se trouvent une nouvelle raison de parfaitement se comprendre.
L’année scolaire s’écoule, lente et ennuyeuse. Heureusement Gasoil a un projet génial : construire sa propre voiture. Tout part d’un moteur de tondeuse à gazon, un deux-temps simple et increvable. Au détriment de leur assiduité en cours, les deux compères travaillent d’arrache-pied. Mais leur carrosse, s’il roule parfaitement, n’a pas le droit d’aller sur les routes. L’administration française, toujours un peu tatillonne, refuse d’homologuer cet engin peu sûr. Alors Microbe a une idée de génie : maquiller la bagnole en maisonnette. Au moindre risque de contrôle, il suffit de se garer et de redevenir une habitation fixe.
De bric et de broc, la maison sur roulettes est la troisième vedette de ce film d’une grande finesse. Les deux jeunes acteurs incarnent ces deux adolescents en mal de découverte, de dépassement et surtout de compréhension de l’autre. Car pour découvrir ses propres secrets, rien ne vaut un bon ami qui vous dit « cash » ce qu’il pense de vous. Microbe va se bonifier au contact de Gasoil, Gasoil va se sociabiliser en traînant avec Microbe. Un film sur l’amitié, l’amour, la famille et ses limites dans le temps. Car l’adolescence, malgré tous les exploits du monde, ne dure jamais plus d’un été. Si vous voulez la retrouver, plongez-vous sans réserve dans l’univers de Michel Gondry.
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Le copain parfait
Film ouvertement autobiographique, « Microbe et Gasoil » est un peu la madeleine de Proust de Michel Gondry. Son personnage c’est Microbe. Il a longtemps eu les cheveux longs et souvent on l’a pris pour une fille. Une humiliation régulière qu’il décrit parfaitement dans son long-métrage. Cela passe par une prise de conscience radicale avec l’aide d’une tondeuse à même le rayon d’électroménager.
Par contre « Gasoil est la combinaison de deux ou trois amis, dont un qui était très bricoleur et dont le père sévère était antiquaire, se souvient Michel Gondry. Je ne l’ai jamais revu. Mais il y avait aussi ce cousin bricoleur, qui faisait des maquettes d’archi : ensemble, on a même inventé une machine à faire du dessin animé. » Interprété par Théophile Baquet (déjà entraperçu dans « La guerre des boutons »), Gasoil est le copain dont on rêve tous quand on est jeune. Original, imprévisible, hâbleur et jamais décontenancé, il est toujours là pour nous remonter le moral et tout relativiser. Un peu casse-cou, confident à l’écoute : son seul défaut est qu’il ne s’arrête jamais. Cela épuise Microbe, mais c’est si bon. Et puis des années plus tard, cela donne des souvenirs impérissables.
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