Karin Slaughter raconte l'histoire criminelle d'Atlanta. Dans les années 70 et actuellement. Serial killer illuminé, femme flic, orphelin déboussolé, légistes étranges : le cocktail est détonnant
En France, cela pourrait s'apparenter à du polar régional. Karin Slaughter aime sa ville d'Atlanta et nombre de ses romans se passent dans cette grande cité du Sud des Etats-Unis. « Criminel », son dernier roman, se déroule à deux époques distinctes, mais avec parfois les mêmes protagonistes. Au milieu des années 70 et de nos jours. Le lien entre ces deux époques : Amanda Wagner. Au début elle n'est qu'une simple inspectrice de base, plus souvent affectée à la circulation qu'à la résolution des nombreux crimes. De nos jours, elle est la chef du GBI, l'équivalent national du FBI. L'autre personnage principal du roman c'est Will, Wilbur de son prénom. Ce flic compétent, sous les ordres d'Amanda, est un orphelin qui a du batailler pour devenir ce qu'il est. Petit voyou, fugueur, dyslexique, il a longtemps ignoré l'identité de ses parents. Quand Amanda lui a révélé, il s'est enfoncé dans une grave dépression. Maintenant il va mieux. Il file même le parfait amour avec une jeune médecin qui aime les chiens, comme lui.
Quand les chaînes de télévision locales annoncent la disparition d'une jeune femme dans un quartier défavorisé de la ville, il panique. Amanda aussi est sur les nerfs. La même angoisse que quand elle avait 25 ans et faisait ses premiers pas dans la police d'Atlanta. C'est cette partie historique du roman le plus dense et passionnant.
Une femme qui se révèle
Ce n'est pas que les tourments de Will soient sans intérêt, mais l'auteur semble avoir mis beaucoup plus de cœur et de sincérité dans le parcours de la femme flic. Au milieu des années 70, si le problème de ségrégation raciale est encore important, il en existe un autre moins connu : la discrimination sexiste. Amanda, fille du chef de la police, est une véritable oie blanche. Elle s'occupe de son père (suspendu provisoirement) tout en pointant tous les jours au commissariat. Des femmes flics, cela paraît encore totalement aberrant pour nombre de collègues. En fait, tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains d'une infime minorité : les hommes blancs.
Amanda va s'émanciper au contact d'Evelyn, une collègue de retour après un congé maternité. Cette dernière décide d'enquêter, en secret, sur la disparition de femmes blanches dans le quartier de Techwood de sinistre réputation. Un ghetto noir, où les seules Blanches tolérées sont prostituées. Avant de retrouver la trace des filles, Amanda et Evelyn vont devoir ruser pour endormir la méfiance de leurs collègues. Et quand un premier cadavre est retrouvé, elles sont immédiatement mises sur la touche. Amanda va se découvrir, devenir dure, intransigeante. Occulter ses bons sentiments et s'investir pour faire éclater la vérité. Même si ce n'était pas d'actualité à l'époque, elle est persuadée d'être en présence d'un tueur en série. Un sadique absolu qui semble de retour, 40 ans après ses premiers crimes.
Autant roman historique que thriller, « Criminel » de Karin Slaughter se distingue aussi de la production actuelle par son absence de voyeurisme. Contrairement à nombre de romans de ces dernières années, les scènes les plus dures sont peu nombreuses. Fortes, intenses, mais courtes et rares. De même, les autopsies, souvent difficiles à lire, prennent une tout autre dimension avec l'intervention d'un légiste pour une fois sympa et didactique. Si les actes décrits sont horribles, la lecture de ce thriller grâce à ce talent si particulier de Karin Slaughter, reste très plaisante.
« Criminel » de Karin Slaughter, Grasset, 21,50 €
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