Simonetta Greggio se livre en partie dans cette douzaine de nouvelles allant de la confession très personnelle à l'histoire ample et détaillée que d'autres auraient délayé pour en faire des romans.
Une écriture sensuelle permet à Simonetta Greggio d'aborder tous les sujets de la vie d'une femme sans jamais flirter ni avec le scabreux et encore moins la vulgarité. Même si elle dévoile ses amours dans certaines des nouvelles composant ce recueil, elle y insuffle une grande poésie. On fait donc connaissance avec Abraham, un « homme café au lait – plus café que lait - » mais aussi Antoine avec qui « nous nous étions si bien mélangés dans les quelques semaines de notre histoire que j'avais du mal à retrouver l'usage de moi-même. » Dans la nouvelle « Il pleuvait quand je suis partie », elle écrit, durant le trajet Paris Avignon en TGV, la fin de cette belle rencontre, de ces jours fusionnels, de ces nuits torrides. Un parmi d'autres. Mais toujours dans le même style. Constante dans ses amours multiples, l'auteur en donne la raison. « Je n'aime que les anomalies et les fêlures chez les êtres, les déchirures et les failles, car c'est par là que s'engouffre la vie, que la lumière passe. Ce qu'on appelle normalité me fait peur. (…) Il y a une droiture chez les fêlés, ils ne font que chercher dans le quotidien ce qui n'est pas visible à l'œil nu. C'est un sacerdoce, une mission, j'en sais quelques chose, moi qui ne peut vivre que comme ça. » Beauté d'un texte lumineux qui reste longtemps imprégné dans la mémoire.
Le prisonnier et le chien
Les autres nouvelles sont plus classiques, moins personnelles, comme de grandes respirations. « Os de lune » est de loin la plus aboutie, la plus marquante. Sur une trentaine de pages pleines de bruit et de fureur, on écoute le récit d'un violoniste rescapé des camps de la mort. Déporté avec un ami musicien, il n'a jamais voulu se défaire de son instrument. A l'arrivée à Auschwitz, ce violon lui a sauvé la vie. Repéré par un officier, il est intégré à l'orchestre du camp. Car dans ces antichambres de l'enfer, les bourreaux aussi sont parfois mélomanes.
Le musicien, grâce à son statut particulier, échappe à la mort. Il parvient même à se faire un ami dans le camp : le chien d'un garde SS. Quelques mois avant la libération du camp, il réussit à s'échapper, accompagné de son fidèle compagnon. Cette errance dans l'Europe du Nord, à feu et à sang laissera des traces indélébiles. D'autres romanciers auraient trouvé là matière à un gros pavé assuré de confortables ventes en ces temps de commémoration. Simonetta Greggio se contente d'une nouvelle, incisive et directe, comme si cette histoire était trop forte pour être source d'exploitation. Il en est de même avec le récit du mafieux qui va abattre un juge sicilien ou l'embryon de biographie de Romain Gary. Courts et percutants, ces textes n'en sont que plus marquants.
« Femmes de rêve, bananes et framboises », Simonetta Greggio, Flammarion, 17 €
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