Une belle endormie, un écrivain célèbre, un nain taxidermiste, une forêt magique : le décor est planté pour ce roman de Bernard Foglino.
Les salons du livre en province en prennent pour leur grade dans ce roman de Bernard Foglino. Le romancier en fait une description assez sévère, mais juste. Le narrateur, un certain Cheval pour l'état-civil, Fabrice Della Torre pour ses nombreux lecteurs, regrette amèrement d'avoir accepté cette invitation. Une petite ville de l'Est de la France, entre friche industrielle et forêts de sapins. Le public se fait rare. Le bar attire plus de monde que les tables de dédicaces. Il doit côtoyer le concepteur des blagues Carambar qui a compilé ses meilleures trouvailles dans un volumineux bouquin. Mais est-ce moins talentueux que les romans qu'il pond chaque année ? Des best-sellers, écrits pour un public féminin avide de belles histoires et de l'inévitable happy-end. Cheval prend son mal en patience. Mais trépigne quand même dès le samedi en rêvant au train qui va le reconduire dimanche soir vers son duplex de Saint-Sulpice à Paris.
La femme de Walter
Il tente de se détacher du moment, d'occuper ses moments libres à relire son dernier manuscrit. Jusqu'à l'arrivée de Walter. Un lecteur pas comme les autres qui demande une dédicace au nom d'une certaine Blanche. Walter est « un nain avec une tête démesurée et un front comme une falaise. Surmonté d'une crinière rousse. » Cheval s'exécute, malgré son malaise grandissant. Le romancier a la phobie des nains. Une raison de plus pour jurer de ne jamais plus revenir dans cette petite ville sinistre.
Mais le dimanche, au bar, dès l'ouverture du salon, Walter est de retour. « Posé sur son tabouret comme le plus dodu des choux à la crème culmine sur sa pièce montée, Walter le nain le toisait avec un air d'évidente satisfaction. Cheval comprit que l'infirme s'était mis en quatre pour lui. Il portait un costume sinon bien coupé vu son contenu, du moins d'honnête qualité. Derrière l'eau de toilette dont il avait fait un usage généreux, rôdait une odeur de feuilles et de sous-bois. » Walter demande alors à Cheval de venir faire la lecture à sa femme. Elle dort en permanence et le nain est persuadé que la voix de l'auteur favori de Blanche la sortira de ce quasi coma.
Cheval refuse bien évidemment, toujours pressé de retourner à Paris. Mais un enchaînement de circonstances fait que l'écrivain va finalement se retrouver dans la petite maison perdue dans les forêts sombres à faire la lecture à une jeune fille « étendue sur une couche de nuages. » « Elle était fraîche, charmante, son sommeil, neuf. » « Elle semblait faire un rêve extrêmement satisfaisant, et très personnel, qui peignait son sourire d'une sorte d'approbation douce. » Comme envouté par « Celle qui dort », titre du roman, Della Torre restera bien plus longtemps que prévu au chevet de la jeune femme.
Cette ambiance de conte de fée va rapidement se transformer en cauchemar pour Cheval. Walter, taxidermiste virtuose, a l'art de faire peur. Même Belle devient inquiétante quand ses doigts se mettent à frémir. Le roman de Bernard Foglino prend une toute autre tournure, entre thriller et fantastique, prétexte à une réflexion sur la création et l'importance que peuvent prendre dans la vie d'un auteur ses personnages de papier.
Michel Litout
« Celle qui dort », Bernard Foglino, Buchet-Chastel, 14 €
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire