mardi 6 septembre 2011

Roman - Cap sur Morro Bay pour Jean-Philippe Blondel dans "Et rester vivant"

« Et rester vivant » de Jean-Philippe Blondel est une invitation au voyage. La Californie du début des années 80 est au centre de ce texte très personnel. L'auteur y raconte comment, un été, il a dilapidé son héritage en sillonnant les routes américaines au volant d'une grosse américaine, une Thunderbird, en compagnie de deux amis.

Les voitures ont une place prépondérante dans la vie de Jean-Philippe Blondel. Et dramatique. Il est à peine âgé de 18 ans quand son frère aîné et sa mère meurent dans un accident. Son père, qui était au volant, sort indemne. Physiquement, pas mentalement. Devenu à moitié fou, il va mourir lui aussi, quelques années plus tard, toujours dans un accident de voiture.

Le narrateur, jeune héritier de 22 ans, vend l'appartement du père et avec cet argent achète des billets d'avion pour la Californie. Il ne part pas seul, emmenant dans ses bagages son ancienne petite amie et son meilleur ami. Le trio amoureux va aller de San Francisco à Los Angeles, en passant par la Basse-Californie mexicaine et Las Vegas. Cette idée de voyage est simplement due à une chanson, un tube du moment, où le chanteur racontait comment il finissait ses jours à Morro Bay. Morro Bay, le but ultime du narrateur, le cul-de-sac de ce voyage impossible.

La force de ce roman réside dans cette volonté de tout raconter, sans tabou ni arrangement avec la vérité. De la folie à la jalousie, de l'abandon à la révolte, Jean-Philippe Blondel brosse avec brio toutes les étapes et rencontres de cette errance estivale, cette étrange parenthèse dans une vie programmée.

« Et rester vivant » de Jean-Philippe Blondel, Buchet-Chastel, 14,50 € (Disponible également au format poche chez Pocket) 

lundi 5 septembre 2011

Récit - Au fil du Mékong, Patrick Deville raconte le Kampuchéa

Mékong, Angkor, Kampuchéa... Si ces noms vous font rêver, plongez dans ce roman de Patrick Deville, entre voyage initiatique et rêverie historique.

L'auteur se rend au Cambodge en 2010. A l'occasion du procès de Douch, le bourreau khmer rouge du camp S-21. Des dizaines de milliers de morts, juste pour l'exemple puis presque par habitude. La première partie du roman retrace avec une rigueur scientifique la prise du pouvoir par ces révolutionnaires, soutenus à l'époque par la CIA, simplement pour déstabiliser le Vietnam.

De toutes les révolutions ayant triomphé, « celle de Phnom Penh fut un sommet, explique Patrick Deville, la plus belle et la plus intransigeante, l'absolue table rase. Trois ans, huit mois et vingt jours. Une révolution aussi parfaite qu'une expérience de laboratoire. » « L'idée même de ville doit disparaître. Le retour au village et à la pureté khmère. Tous porteront le pyjama noir des paysans khmers. C'est la rigueur morale du Peuple ancien contre la débauche des citadins. » Une véritable terreur s'abat sur le pays. Les camps se multiplient et les cadavres s'accumulent. L'Angkar, le manifeste des révolutionnaires interdit l'argent, les livres, l'école...

Aujourd'hui le Cambodge est redevenu un pays libre. Patrick Deville constate pourtant que le procès Douch, loin de passionner les foules, semble se dérouler dans une relative indifférence. Seuls quelques descendants de victimes tentent d'obtenir réparation. Mais la peine de mort étant abolie, les tortionnaires ne risquent, au pire, que de finir leurs jours dans des prisons mille fois plus luxueuses et confortables que les cachots dans lesquels ont agonisé leurs victimes.

Dans ce récit, Patrick Deville se met également en scène, se dévoile, laisse deviner sa fascination pour ce pays, cette région. « Je partirai demain à mon tour, puisque le procès de Douch est déjà suspendu. J'irai revoir l'étoile du soir se lever sur les ruines d'Angkor, et le vol des milliers de chauve-souris sur le ciel cendreux. » Il va remonter le Mékong, refaire le parcours des grands explorateurs français comme Henri Moulot, ce chasseur de papillons découvreur du temple d'Angkor. Aussi les deux militaires français, Lagrée et Garnier. Des Français au Cambodge et des Cambodgiens en France. La remontée du fleuve sera aussi l'occasion pour l'auteur de revenir sur les séjours parisiens des cerveaux khmers rouges, notamment Pol Pot. Ce roman, comme le Kampuchéa, est parfois lent et majestueux, avant d'entrer dans des zones de turbulences où les excès confinent à la folie.

« Kampuchéa » de Patrick Deville, Seuil, 20 € (Disponible également au format poche chez Points) 

vendredi 2 septembre 2011

BD - « La saga d'Atlas et Axis » de Pau chez Ankama : bien plus que des chiens...

Les auteurs espagnols aiment la BD animalière. Après le choc Blacksad il y a quelques années, dans un tout autre genre, apprêtez vous à tomber sous le charme d'Atlas et Axis. Imaginés par Pau depuis de nombreuses années, ces chiens ont trouvé refuge aux éditions Ankama. 

Le premier tome de leur « Saga » paraît dans la collection « Etincelle » et est incontestablement un des incontournables de cette rentrée. Pour le dessin, fin, racé et expressif, mais aussi l'histoire, entre action, humour et émotion. C'est cependant ce dernier trait qui ressort le plus. Et est le mieux maîtrisé. Revenant de voyage, Atlas et Axis découvrent leur village pillé. Les Vikiens ont enlevé les femmes et les enfants, tuant hommes et anciens. Ils décident de partir vers le Nord pour libérer les membres de leur famille. 

Un long périple dans les bois et la neige, à affronter sorcière, ours et autres dangers. Deux chiens aux sentiments très humains, entre colère et tristesse. Un bijou graphique à mettre entre toutes les pattes...

« La saga d'Atlas et Axis » (tome 1), Ankama, 14,90 € 

jeudi 1 septembre 2011

BD - L'esprit spartiate par Weber et Simon aux éditions du Lombard

Dans la BD historique, il y a un avant et un après Alix. Jacques Martin, avec sa rigueur et sa précision légendaires a placé très haut la barre. « Sparte » de Weber (scénario) et Simon (dessin) est dans la droite lignée des aventures du jeune Gaulois au service de César. Être Spartiate c'est plus qu'une nationalité, c'est un état d'esprit qui ne laisse aucune place à l'amour, la tendresse ou l'amusement. 

Éduqués pour se battre, sans pitié, à mourir au combat, les jeunes Spartiates sont redoutés dans toute la Grèce. Agésilas a pris la tête d'une rébellion qui trouve le roi actuel trop laxiste. Ce dernier, pour se débarrasser de ce trublion, engage Diodore, ilote réputé être le meilleur chasseur de primes de la ville. Cette série, aux dessins réalistes d'un grand classicisme, raconte la lutte entre ces deux héros, leurs points communs, leurs secrets... 

Un premier tome prometteur avec un coup de théâtre final donnant une orientation différente et inattendue à une série regorgeant de violence et de sexe.

« Sparte » (tome 1), Le Lombard, 11,95 €