vendredi 31 octobre 2008

Roman jeunesse - Quand vous lirez ce livre...

Ce premier roman de Sally Nicholls ne laissera aucun de ses lecteurs indifférents. Jeune Anglaise de 23 ans, elle a imaginé le journal de Sam, un petit garçon de 11 ans. Il débute le 7 janvier et s'achève le 12 avril. Sam souffre d'une leucémie. La phrase entière qui a donné son titre au livre est « Quand vous lirez ce livre, je serai sans doute mort ». C'est l'institutrice de Sam qui le pousse à mettre par écrit son quotidien. Mais Sam ne se contente pas de raconter les cours, les soins ou les jeux qu'il partage avec Félix, un autre enfant malade. Il fait également des listes et raconte des histoires qu'il considère comme importantes ou des faits réels et vérifiés. 

Des listes de ce qu'il voudrait faire comme « battre un record du monde. Pas un record sportif, bien sûr, un record inutile et un peu idiot. Monter et descendre les escalators à l'envers. Voir un fantôme. Conduire un dirigeable. » Des idées farfelues, assez iconoclastes, mais Sam va se persuader que tout souhait peut être réalisable si on le désire très fort.

Mais parfois la réalité est méchante. Au milieu du livre, Félix meurt. C'était prévu. Mais on a toujours un espoir que les médecins se trompent. Et quand Sam va le voir sur son lit de mort, il ne peut s'empêcher de lui toucher la joue. Elle est bien froide. Finalement, les docteurs ne se sont pas trompés... Sam, de plus en plus faible, fait la navette entre l'hôpital et sa maison où sa famille tente de faire bonne figure. La force de ce roman est de décrire une agonie (il n'y a pas d'autre mot, malheureusement), tout en montrant un gamin donnant une formidable leçon de vie. Sam, grâce à Sally Nicholls, personne ne t'oubliera.

« Quand vous lirez ce livre... » de Sally Nicholls, Pocket Jeunesse et Fleuve Noir, 15 € 

jeudi 30 octobre 2008

BD - Secrets de famille

Fredman n'est pas un inconnu dans le monde de la bande dessinée. Associé à Jim il a signé quantité de titres humoristiques modernes comme « Tous les défauts des mecs » ou « Rester jeune à tout prix ». Des albums très commerciaux qui n'empêchent pas ce dessinateur doué de tenter autre chose. Il a fait une première étape dans la BD sérieuse (intellectuelle pourrait-on dire si on ne craignait que cela ne soit jugé comme trop péjoratif par une majorité de lecteurs...) avec « Petites éclipses » toujours ne compagnie de Jim. 

Cette fois il se lance seul dans un récit en deux parties traitant de la mémoire et de la filiation. Armand, vieil homme usé, est dans le coma dans un lit d'hôpital, à l'agonie. Son fils, Grégoire, qui a coupé les ponts depuis 24 ans, n'ose pas entrer dans cette chambre sentant la mort. Simon, le petit-fils, va regretter son papi. Un grand-père gâteau, comme pour se faire pardonner ce qu'il a fait subir à son fils. Mais la vérité est encore plus redoutable. Armand faisait partie de ces Français engagés dans les Waffen SS durant la seconde guerre mondiale. Il a participé à quantité d'opération d'extermination dans des villages ukrainiens et russes. C'est ce passé qui va venir s'interposer entre le père et son fils. 

Ce long récit en noir et blanc alterne longues scènes de dialogues et séquences, magnifiques, muettes, entre souvenirs et allégorie. Toute la vivacité du trait de Fredman explose dans ces passages, souvent ponctués par un dessin pleine page. Une première partie très chargée émotionnellement annonçant une seconde encore plus déchirante.

« La vie secrète », Fredman, Casterman (collection Écritures), 13,50 € 

mercredi 29 octobre 2008

BD - Monstres à gogo dans "Croisière cosmos"

Si vous aimez les bestioles biscornues à trois yeux, quatre jambes et six doigts, cette « Croisière cosmos » d'Olivier Texier est pour vous. Dans un immense vaisseau spatial dérivant dans l'espace infini (le début oscille entre Alien et Objectif Nul), un robot ménager se dépêche de nettoyer toutes les coursives avant le retour des humains. L'équipage est introuvable, disparu. Il cherche en vain et ne tombe que sur un petit extraterrestre qui tente de prendre la fuite. Le robot le capture et décide de le ramener dans les cages. Car ce vaisseau spatial terrien est un immense zoo. 

Les hommes, allant de planète en planète, y prélèvent des échantillons d'espèces. Le robot, en voulant remettre le petit être en prison, ouvre les portes et des centaines de bestioles s'échappent. Elles colonisent le vaisseau et tentent d'en prendre les commandes pour retourner chez elles. Découpé en une trentaine de chapitres, sur un total de 160 pages, cette étonnante histoire de science fiction n'a rien à voir avec des dessins de Druillet. Au contraire, Olivier Texier est un expert des corps ronds, rebondis à l'aspect doux et spongieux. 

Mais attention, parfois ils ont l'air mignons mais cachent derrière ce gentil sourire une méchanceté à toute épreuve. Un OVNI (logique vu le thème) publié dans la collection Shampoing de plus en plus éclectique.

« Croisière cosmos », Olivier Texier, Delcourt, 12,90 € 

mardi 28 octobre 2008

BD - Boulet, un blogueur sachant bloguer


Depuis quelques années, les jeunes auteurs ont investi internet pour animer des Bdblogs fréquentés par des dizaines de milliers de visiteurs. Boulet, dessinateur de Raghnarok chez Glénat, repreneur de Donjon, a été un des pionniers en la matière. Il pouvait ainsi laisser libre cours à son formidable talent, brimé dans des séries formatées. De petits crobards en histoires aux superbes aquarelles, ils explore, tente, innove. Des notes de 2004 et 2005 reprises dans cet indispensable recueil de 190 pages

« Notes » (tome 1), Delcourt, 12,90 € 

lundi 27 octobre 2008

BD - Naja, définitivement notre tueuse préférée

Naja n'aime personne. Cela tombe bien, Naja est une tueuse. Le n° 3 de son organisation. Mais Naja a un problème, son patron à demandé au n° 1 de l'éliminer. La confrontation entre ces deux assassins méticuleux occupe la première partie du second tome de cette série scénarisée par Morvan et dessinée par Bengal aux influences très japonaises. 

La suite de l'album se déroule en Colombie, en Haïti et au Japon, un pays que connaît parfaitement le scénariste qui signe la plus originale de ses dernières créations.

« Naja » (tome 2), Dargaud, 13 € 

dimanche 26 octobre 2008

BD - Suivez les mouches et les morts entre Barcelone et Paris

Les mouches accompagnent les différents protagonistes de ce récit plein de paraboles de Sampayo illustré par Zarate. C'est l'été. Elles prolifèrent. Un musicien de jazz américain prend le bus à Barcelone. Il va à Paris enregistrer un album. En route, il se fait mortellement poignarder par des jeunes voyous qui filment leurs crimes pour les vendre à des voyeurs sanguinaires. Une femme assiste au meurtre. Elle est poursuivie par les jeunes. La cavale se terminera à Paris, sur fond de jazz et de règlements de compte.

« Fly Blues », Futuropolis, 18 € 

samedi 25 octobre 2008

Roman _ Polar brûlant et enflammé

Dans une ville de Londres impersonnelle, les vies de plusieurs personnages vont se croiser avec le feu destructeur en toile de fond


Un incendiaire monnayant son vice, une ancienne avocate vivant de la vente de ses charmes, une voisine acariâtre, un vieux garçon maniaque, une veuve au grand cœur, un bâtard floué... La galerie de personnages de ce roman policier de Frances Fyfield montre toute l'étendue de son talent quand elle décrit l'étrange humanité qui survit dans Londres, capitale moderne truffée de vieux quartiers qui ont encore gardé toutes leurs spécificités du siècle dernier.

L'action se déroule en grande partie à Golden Street. C'est dans cette rue qu'habitent Henry Brett et Celia Hornby. Lui au rez-de-chaussée, elle à l'étage. Une vieille maison. Où tout s'entend. Surtout quand on fait exprès de faire beaucoup de bruit. Celia harcèle Henry qui n'a plus une minute de calme. Il est sur le point de craquer. Heureusement pour lui, une connaissance commune le met en relation avec Sarah Fortune. Ancienne avocate, cette élégante femme de 40 ans vit de ses charmes. Elle vend de l'affection. Ses prix sont très fluctuants.

Echange d'appartements

Pour Henry, ce sera en échange de son appartement. Sarah a envie de s'éloigner de son domicile quelques temps. Henry va se refaire une santé chez elle et Sarah va tenter d'amadouer la voisine. Mais ce sera compliqué. Elle le constate dès qu'elle la croise dans l'escalier. : « Une petite bonne femme en robe de chambre, tenant la rampe d'une main et se griffant le cou de l'autre. Dans la clarté du lustre, la peau grumeleuse de son visage évoquait un aliment mal cuit et elle toussa avec un vilain bruit de glaires, ce qui parut la calmer. » Quand Sarah explique qu'elle va habiter quelques jours chez son ami Henry, Celia Hornby réplique avec acrimonie « Vous ne pouvez pas être son amie. Il n'en a pas. »

Sarah fait payer tous ses amants. Même Alan qui pourtant lui plaît énormément. Alan aussi est en train de tomber amoureux de la belle et distinguée Sarah. Amants passionnés mais très cachottiers l'un envers l'autre. Sarah en dit le moins possible sur ses autres clients, Alan sur son véritable boulot. Pour la galerie, il s'occupe de la sécurité dans un hôtel de luxe. Cela permet de se loger à l’œil, sans avoir de chambre attitrée ni d'adresse. En réalité, Alan est le meilleur incendiaire de Londres. Il est régulièrement sollicité par des propriétaires cherchant à escroquer leur assurance.

Le feu pour intimider

Il a poussé très loin son exigence dans cette pratique. « Allumer un incendie était un art – un processus délicat. Du temps où il n'était qu'un garnement, Alan adorait déjà contempler les flammes. Et depuis qu'il avait compris que mettre le feu était non seulement un art, mais aussi une pratique monnayable, il faisait ce qu'il fallait pour être loin avant la première langue de flamme, voire même avant la fumée. » Alan est contacté par un homme désireux de faire une grosse peur à une femme qu'il a en abomination. Cette femme c'est Sarah. Alan ne le sait pas.

Vengeance, passion, feu : Frances Fyfield agence parfaitement ces trois ingrédients pour donner un tempo crescendo à son roman où les différents protagonistes ont finalement beaucoup plus qu'il n'y paraît à cacher aux uns et aux autres.

« Petits jeux avec le feu », Frances Fyfield, Presses de la Cité, 18,50 € 

vendredi 24 octobre 2008

BD - Héros au rabais


Superman n'a qu'à bien se tenir, voilà Gigaman ! Un super héros en costume vert et jaune, à la mâchoire carrée, aux muscles saillants. Il a tout pour aligner les exploits. Tout sauf l'intelligence et le courage. Gigaman est souvent tenté d'utiliser sa supervision qui lui permet de voir à travers les murs. 

Pas pour démasquer les méchants mais plutôt pour mater les jeunes femmes se déshabillant dans leur chambre... Gigaman est un des héros de cette série de gags signée Lapuss (scénario) et Baba (dessin). Il est en compagnie de Modula, Luxxor ou Verglas. Tous plus calamiteux les uns que les autres, ils alignent bévue sur bévue.

 Et au rayon des méchants, ce n'est pas mieux. Le poulpe pourpre n'ose pas sortir de chez lui et le Commander (au look très réussi, avec un petit air de M. Choc en plus moderne) préfère tyranniser son second, Flanaghan, plutôt que de mettre la terre à feu et à sang.

« Super blagues » (tome 1), Delcourt, 9,95 € 

jeudi 23 octobre 2008

BD - Dieux en concurrence


Avant l'arrivée des religions monothéistes, les peuplades barbares adoraient des dieux multiples mais venant tous d'une seule et même famille. Plusieurs dieux mais quand même un certain monopole. 

C'était le cas dans les terres du Nord. Odin règne en maître dans le royaume d'Aasgard. Il constate quand même une petite chute dans la part de marché. Il envoie donc son fils Thor pour comprendre. Et le dieu au marteau (qu'il utilise à tord et à travers) constate que des concurrents tentent de prendre pied sur le marché : Olympie.gr. Un certain Hermès casse les prix. Et pour convaincre les mécréants il leur offre un foulard du plus bel effet. La guerre des Dieux peut commencer. 

Cette parabole entre religion, commerce, concurrence et publicité est une idée du scénariste Laurent Panetier qui va au bout de sa logique, truffant les planches (dessinées par Madaule) de gags et jeux de mots irrésistibles.

« Les dieux en folie » (tome 1), Soleil, 9,45 € 

mercredi 22 octobre 2008

BD - Portables, je vous hais !


Il fût un temps, pas si éloigné que cela, où être contre les téléphones portables n'était pas complètement incongru. Aujourd'hui, alors qu'il y a plus de portables que de lignes fixes, c'est la posture inverse qui est complètement iconoclaste. Comment, vous n'avez pas de portable ? Comme si c'était une tare. Il n'y a pas de ce genre de question dans le tome 2 de « La tribu des insu portables » écrite et dessinée par Aré. 

Au contraire, dans cette famille classique, tout le monde a son mobile, le père, pas très à l'aise avec les technologies modernes, la mère, qui apprécie le côté bijou, le grand fils, fondu de technologie, la cadette, qui le recycle en carnet intime. L'attitude du petit dernier est plus réservée. Il est persuadé que ces engins sont une invention des extraterrestres pour contrôler et envahir la Terre. Des gags souvent très réalistes tant cet objet du siècle offre de possibilités.

« La tribu des insu portables » (tome 2), Vents d'Ouest, 9,40 € 

dimanche 19 octobre 2008

Roman - Traître à son pays


Jean Deleau, Français, 20 ans, traître à son pays. Jean Deleau, condamné à mort à la Libération. Cet homme, au parcours énigmatique, Dominique Jamet l'a transformé en personnage de roman. Car un vrai Jean Deleau a existé. L'auteur s'est librement inspiré de faits réels. Il raconte donc la vie de ce jeune home, comment à un moment donné tout à basculé. Jean qui est indissociable de sa mère. Une femme possessive, qui fait tout pour le conserver près de lui. Elève brillant, il intègre HEC en 1939. Atout supplémentaire, il parle couramment l'allemand car une de ses grands-mères est originaire d'outre-Rhin. La parfaite maîtrise de la langue, son admiration pour ce pays qui fait régner ordre et obéissance, sont pour beaucoup dans ses choix politiques. Etudiant à Paris, il a participé à une réunion de la Francisque, l'équivalent français du parti national socialiste allemand. Mais sans chercher à s'engager plus.

Défaite éclair

De retour à Neuville, la ville de province où il a passé toute son enfance, Jean assiste à la débâcle de l'armée française. Dominique Jamet, dans ce roman riche et documenté, explique qu'ils étaient peu nombreux ceux qui voulaient en découdre avec les Allemands. Un jeune officier français, prend position sur un pont stratégique. Il a pour mission de le faire sauter pour ralentir les troupes nazies. Mais c'est sans compter sur l'intervention des notables craignant pour leur belle et très tranquille ville. « On se mit en quête du préfet. Il était introuvable, mais le sénateur-maire, un ancien de Verdun, et l'archevêque de Neuville s'associèrent volontiers à une démarche dictée par la seule humanité ». Leur demande : que Neuville soit déclarée ville ouverte. Refus du jeune officier. Mais il devra se rendre à l'évidence : son pays est devenu pleutre. Il ne sauvera pas la France, mais lavera son honneur dans le sang. Neuville se donne donc le lendemain aux troupes allemandes. Jean et sa mère assisteront à la parade des vainqueurs, « jeunes hommes au visage bronzé sous le casque d'acier. »

Voulant croire en la parole du maréchal Pétain, Jean Deleau est recruté pour traduire les demandes de Français auprès des forces occupantes. Il fera son travail de traducteur avec zèle. Remarqué par les responsables de la police allemande, ils l'engageront. Il faut faire face aux « terroristes » qui gangrènent le pays. Jean Deleau, à la tête d'une bande d'hommes radicalement anticommunistes, va, au fil des mois et des années, durcir ses actions. Tortures, viols, vols et souvent, au final, les camps d'extermination ou le peloton d'exécution. Pourquoi ce presque gamin a sombré dans la violence la plus abjecte ? Pourquoi sa foi chrétienne ne l'a pas empêchée de participer aux pires atrocités ? Dominique Jamet, sans jamais vouloir excuser, donne cependant des pistes de réflexion, de compréhension. Jusqu'au dernier jour Jean Deleau sera fidèle aux nazis. Il prendra la fuite avec les derniers convois. Il se cachera quelques mois en Allemagne. Mais sans nouvelles de sa mère, il décide de revenir au pays, son pays qu'il ne considère pas avoir trahit, malgré sa condamnation à mort quelques mois plus tôt. Il parviendra à rejoindre le petite appartement de sa mère et y vivra caché durant 20 ans. Un roman fort, sans concession, au langage parfois cru, sur le passé trouble d'une certaine France.

« Un traître », Dominique Jamet, Flammarion, 20 € (également disponible au Livre de Poche) 

samedi 18 octobre 2008

BD - Pierre Tombal est-il immortel ?


Le 1er novembre, dans quelques jours, une grande majorité de Français va prendre la direction des cimetières pour rendre hommage à leurs morts. Peut-être croiserez-vous alors Pierre Tombal, fossoyeur de son état, héros de BD par ailleurs. 

Imaginé par Raoul Cauvin qui semblait broyer du noir à l'époque, il est dessiné par Marc Hardy au style à l'opposé absolu du trait rond et délié des Schtroumpfs de Peyo. Un humour noir qui a rapidement trouvé son public. Pour preuve, cette « Mise en orbite » est le 25e recueil des gags de l'homme à la pelle. Il croise souvent le squelette à la faux, cette satanée Mort qui, même quand elle se met en grève, assure un service minimum. Le filon semble inépuisable pour un Cauvin que l'on souhaiterait immortel.

« Pierre Tombal » (tome 25), Dupuis, 9,20 € 

vendredi 17 octobre 2008

BD - Ric Hochet entre spiritisme et escapologie


75e titre pour la série Ric Hochet de Tibet et Duchâteau. Il y est question cette fois de spiritisme et d'escapologie, une discipline popularisée par Robert Houdini. Un artiste, roi de l'évasion, va être au centre d'une malédiction ressemblant beaucoup à un complot. Rien de bien transcendant me direz-vous. 

Alors pourquoi parler de cet album alors que plein de jeunes, talentueux et novateurs, se lancent dans la BD ? Tout simplement car Ric Hochet est ma came, ma Madeleine. J'y retrouve (comme beaucoup de lecteurs, je pense), mes années de jeunesse quand je découvrais ces intrigues alambiquées chaque semaine dans les pages de Tintin. La série n'a pas bougé d'un iota. 

Avec Ric Hochet, j'ai toujours entre 12 et 15 ans...

« Ric Hochet » (tome 75), Le Lombard, 9,25 € 

jeudi 16 octobre 2008

BD - Quel prof l'emporte au tableau d'horreur ?


Si les véritables profs sont souvent en grève, ceux de la BD de Pica et Erroc sont plutôt des stakhanovistes. Second album de l'année à leur actif, le classique, rendez-vous de la rentrée scolaire. A « Tableau d'horreur » vous retrouverez le cancre absolu, Boulard, et quelques uns de ses profs réguliers, du jeune et naïf prof d'histoire au blasé prof de philosophie en passant par la tyrannique prof d'anglais. Des gags qui sonnent juste, simples exagérations de situations que nous avons tous connu à un moment de nôtre scolarité. 

Quelques histoires courtes complètent cet album, avec des décors différents (de la jungle amazonienne aux manoirs écossais hantés), permettant à Pica de montrer toute l'étendue de ses talents de dessinateur.

« Les profs » (tome 11), Bamboo, 9,45 € 

mercredi 15 octobre 2008

BD - La fille du savant fou bosse sur l'équation inconnue


Argile va enfin aller à l'école. La fille du savant fou va pouvoir bénéficier de l'enseignement de l'école Cortex, réservée aux surdoués. Elle devra y aller en compagnie de Georges, son ami cochon. Elle y rencontrera un petit garçon qui deviendra son copain. Au grand désespoir du docteur W, son créateur, qui aurait voulu qu'il lui rende la vie impossible. 

Le docteur W a un vieux contentieux avec le savant fou. Il aimerait que sa fille passe pour une demeurée. Mais rien ne se passe comme il voudrait. Et comme même les surdoués ont le droit de s'amuser, Argile et ses amis vont former un groupe de musique, « Les chaussettes sidérales ». 

Ces histoires complètes de cinq pages, au scénario totalement délirant, sont l'œuvre de Mathieu Sapin qui avait déjà à son actif la réécriture décalée des aventures d'un héros calamiteux, Supermurgeman.

« La fille du savant fou » (tome 3), Delcourt, 8,95 € 

mardi 14 octobre 2008

BD - Deux sacrées gonzesses au centre de "Esthétique et filatures"


Ces deux sacrées gonzesses sont en fait quatre : les deux héroïnes de la BD et les deux auteurs : Lisa Mandel et Tanxxx. Dans ce gros volume de 120 pages en noir et blanc, il est question d'esthétisme (c'est le métier de la blonde et pulpeuse Adrienne) et de filatures (Marie, 16 ans, se targue d'être détective privé). Ce pourrait presque être le premier tome d'une série policière classique comme la BD en produit des dizaines chaque année. Problème, ni Lisa Mandel ni Tanxxx ont l'habitude de faire dans le formaté. Lisa Mandel c'est la créatrice de Nini Patalo, série loufoque de chez Tchô. Tanxxx a surtout fait parler d'elle dans des fanzines où l'esthétique punk rock côtoyait du pur sado-masochisme. Pas étonnant donc s'il faut préciser que cet album n'est pas à mettre entre toutes les mains.

Marie vit chez son père. Un fermier divorcé. Fatigué d'être seul, plutôt que de participer à une émission de téléréalité il achète une belle Ukrainienne sur internet. Ne maniant pas bien l'outil informatique, il a demandé conseil à sa fille Marie. Qui s'est empressée de choisir la belle blonde de l'Est. Car Marie, aux airs de garçons manqués, va vite séduire Tatiana. Mais un coup du sort va obliger les deux jeunes femmes de fuir la ferme. Marie, dans son errance, tombe sur Adrienne, ivre et malheureuse. Les deux vont s'apprivoiser et vivre des aventures mouvementées, notamment quand elles devront, pour subsister, travailler pour un producteur de films pornos gay... C'est pour ce dernier que Marie se déguise en détective privé. 

Totalement inclassable, cette BD ne cesse d'étonner le lecteur. Lisa Mandel n'est pas à un coup de théâtre près pour relancer l'intrigue. Tanxxx, la dessinatrice, a un trait noir et charbonneux, un peu à la Charles Burns. Parfaitement adapté aux milieux traversés par nos deux héroïnes hors du commun. Une très bonne surprise de la collection KSTR qui alterne le passable avec le très bon.

« Esthétique et filatures », de Lisa Mandel et Tanxxx, Casterman, 16 €

lundi 13 octobre 2008

« Je t'ai vue », polar irlandais de Julie Parsons

Les fantômes du passé interfèrent dans la dernière enquête de Michael McLoughlin, inspecteur retraité de la police de Dublin.


Drôle d'ambiance dans « Je t'ai vue », polar irlandais de Julie Parsons. Un peu triste, très nostalgique, un sentiment de fin inéluctable, d'achèvement, d'impasse. L'intrigue est surtout marquée par la détresse de deux mères ayant perdu leur enfant. Leur point commun : l'inspecteur Michael McLoughlin qui, à des années d'écart, va devoir affronter les mêmes pleurs, le même désespoir.

Ce vieux policier, célibataire, venant juste de prendre sa retraite, décide d'enquêter de manière officieuse puisqu'il n'est plus chargé de l'affaire. Marina, une jeune femme d'une vingtaine d'année, a été retrouvée noyée dans un lac. Un suicide à priori. Elle a laissé une lettre expliquant qu'elle regrettait, qu'il fallait l'excuser. De plus, elle avait avalé presque une bouteille de vodka. Comme pour se donner du courage.

Mais sa mère ne croit pas à cette version. Pour elle, Marina n'avait aucune raison de vouloir mettre fin à ses jours. Brillante dans son travail, jeune, jolie, courtisée : elle avait tout pour réussir. Elle l'explique à McLaughlin qui accepte, après bien des hésitations, de se pencher sur les faits et gestes de la jeune morte les jours précédents la noyade.

Il hésite car cette affaire lui en rappelle une autre. Une jeune femme avait été assassinée après des heures de tortures. Il avait promis à la mère éplorée, Margaret, de retrouver l'assassin. Ce qu'il avait fait. Mais au procès, le sadique avait été acquitté. La mère avait alors décidé de venger sa fille. Seule. McLaughlin avait été le témoin de cette froide vengeance. Et n'avait rien fait. Au contraire, il avait l'avait indirectement aidée. Le policier, intègre et bourru, vit depuis ce jour avec un meurtre sur la conscience.

Qui a vu qui ?

Ces deux histoires vont se chevaucher car au moment où l'ancien policier va tenter de découvrir la vérité, la première mère éplorée revient en Irlande après des années passées en Nouvelle-Zélande. Et elle va recroiser le chemin de McLaughlin qui l'avait protégée par amour.

Un policier solitaire, inactif, au bord de la dépression. Il se lance alors à corps perdu dans cette enquête officieuse et fait une découverte très étrange. Marina, venait de recevoir plusieurs coups de téléphone et des mails disant toujours la même chose : « Je t'ai vue ». Qu'avait elle à cacher, à se reprocher ? Serait-ce la raison du suicide ? A moins que ces signes annonciateurs, comme des menaces, aient été suivis d'effet. Suicide, accident ou meurtre ?

Le lecteur va se laisser happer par l'intrigue, entraîner par les personnalités hors normes des protagonistes, de McLoughlin à Margaret. Le personnage de cette dernière intrigue beaucoup. Pourquoi revient-elle ? Que vient-elle faire exactement à Dublin ? Va-t-elle se livrer à la justice ? Plus qu'un simple polar, ce roman de Julie Parsons est une œuvre éminemment psychologique. Avec deux âmes à la dérive qui mettront beaucoup de temps avant de se rencontrer, se comprendre et se trouver.

« Je t'ai vue », Julie Parsons (traduction de Pascale Haas), Calmann-Lévy, 20 € 

dimanche 12 octobre 2008

BD - L'imaginaire de Julia Verlanger


« Horlemonde », roman de science-fiction paru en 1980 au Fleuve Noir Anticipation était signé Gilles Thomas. Le pseudonyme de Julia Verlanger qui s'était déjà faite remarquer par sa trilogie de « L'autoroute sauvage » et autres récits fantastiques. La BD y trouve matière à de superbes albums. 

*Dernier en date, donc, « Horlemonde », adapté par Patrick Galliano et dessiné par un jeune illustrateur français, Cédric Peyravernay, très à l'aide dans ce monde futuriste. Marcé est un ambassadeur de la fédération galactique. Il a pour mission de convaincre les dirigeants de la planète Almagiel d'adhérer à ce regroupement de peuples civilisés. La fédération apportera technologie moderne en échange de l'abandon de l'esclavage. Un esclavage bien utile pour récolter la montbassie, seule plante comestible de la planète, poussant dans des marais infestés de bestioles affamées. Une faction rétrograde de la noblesse d'Almagiel fomente un complot contre Marcé.

 Accusé de meurtre, il est expédié dans un bagne en compagnie d'un esclave qui a osé se rebeller, Jatred. Ce duo, enchaîné, va se lancer dans une fuite très mouvementée. C'est passionnant et cela n'a rien perdu de sa pertinence.

« Horlemonde » (tome 1), Les Humanoïdes Associés, 12,90 € 

samedi 11 octobre 2008

BD - De la cause à l'effet


Dans cette rentrée BD 2008, rares sont les albums faisant l'unanimité. Le second tome de « La théorie du grain de sable » devrait en faire partie, à coup sûr. Le duo Schuiten (dessin) Peeters (scénario) signe une de ces BD qui restent longtemps dans la mémoire de ses lecteurs. Par l'originalité du propos, la beauté des dessins, la mise en page parfaite, les trouvailles multiples. 

L'album, de 120 pages au format italien, permet une publication par demi-planche dans un format plus grand que les albums ordinaires. Cela magnifie le dessin réaliste et précis de François Schuiten. Dans la ville de Brüsel, cité virtuelle, capitale de ce monde parallèle issu de l'imagination de Benoît Peeters, les événements étranges s'accélèrent. 

Dans l'appartement de Constant Abeels, des pierres de 6793 grammes apparaissent par enchantement. De même, du sable envahit un appartement, puis un immeuble et une rue, menaçant toute la ville. Les autorités font appel à Mary Von Rathen pour tenter d'enrayer le phénomène. En compagnie de Maurice, un homme flottant dans les airs, elle va tenter de retrouver la cause de tout cela : un objet sacré venant du Boulachistan.

« La théorie du grain de sable » (tome 2), Casterman, 17,50 € 

vendredi 10 octobre 2008

BD - La campagne, ce cauchemar...

Ce qui arrive à Carmilla, adolescente urbaine contemporaine, on ne le souhaite pas à ses pires ennemis. Son père, comme possédé par le démon de l'écologie, décide de changer radicalement de mode de vie. Terminé la vie en appartement, vive le grand air de la campagne. Problème, la ferme tombe en ruine. 

Écrite par Lorris Murail et dessinée par Laurel, cette série jette un regard moqueur sur ces citadins qui tentent de mettre leurs actes en conformité avec leurs idées. Et ce n'est pas facile. En plein hiver, la famille débarque dans une maison glaciale, dans un décor sinistre de campagne grise et triste. Et les clichés vont être alignés avec une belle régularité. Le compost sent mauvais, les éoliennes font du bruit, les légumes du jardin bio sont dévorés par les bestioles, il fait froid et les veillées en famille sont moins passionnantes que les dernières péripéties des élèves de la Starac... 

On ne comprend pas si c'est du premier ou second degré. Si les auteurs ont décidé de dégoûter les jeunes de la nature où s'ils se moquent de ces jeunes, dégoûtés de la nature. Ce petit manque de lisibilité dans le message ne doit pas cacher le très joli dessin de Laurel, doux, rond et enfantin.

« Le journal de Carmilla » (tome 3), Vents d'Ouest, 9,40 € 

jeudi 9 octobre 2008

BD - Les larmes du goulag


Un peu dans le style des « Maîtres de l'orge » saga de Van Hamme retraçant la montée en puissance de la fortune de brasseurs de bière belge, Bartoll présente dans « Diamants » l'itinéraire de la famille Van Berg qui se retrouve à la tête d'une multinationale contrôlant 80 % des mines de diamants de par le monde. A la base, c'est Charles Van Berg qui a construit l'empire. Notamment en se mariant avec Cynthia Latham qui apportait dans sa dot plusieurs mines en Afrique du Sud. Charles qui n'a pas fait dans la dentelle pour monter les échelons et éliminer ses concurrents. 

Des pratiques peu recommandables qui font que l'entreprise est aujourd'hui au centre d'une tentative de déstabilisation montée par ses nombreux ennemis. Mais ce n'est plus Charles qui dirige, c'est son fils, Charles Junior. Un homme intègre, honnête, qui découvre petit à petit toutes les casseroles de son père. Dans le premier tome, il parvenait à s'échapper des griffes du FBI par l'intervention de son demi-frère caché. 

Dans ce second volume, il va découvrir que les Russes aussi en ont après lui. Action, finance et complot international : la série, dessinée par Kollé, a le souffle et la richesse de certains best-sellers.

« Diamants » (tome 2), Glénat, 9,40 € 

mercredi 8 octobre 2008

BD - Une intégrale pour redécouvrir la grande oeuvre de Peyo


Ceux qui regardent, un peu dédaigneux, la série des Schtroumpfs de Peyo, devraient, avant de le critiquer, comprendre que sa véritable grande œuvre est antérieure à la naissance des petits lutins bleus. Johan et Pirlouit, fantaisie médiévale, laisse admirer tout le talent de conteur et de dessinateur d'un créateur et enchanteur qui était véritablement en avance sur son temps. 

Dans le second tome de cette superbe intégrale, riche en textes de présentation, vous êtes plongés au cœur des année 50, entre 1955 et 1956, deux années durant lesquelles Peyo signa « La pierre de Lune », « Le serment des vikings » et « La source des Dieux ». On assiste à l'évolution de son style, devenant, de pages en pages, un des leaders de cette école Spirou qui a fait rêver des générations de gosses.

« Johan et Pirlouit » (intégrale, tome 2), Dupuis, 176 pages, 17 € 

mardi 7 octobre 2008

BD - Un trio centenaire !

Paru au cœur de l'été, ce pavé de plus de 550 pages reprend douze histoires des Pieds Nickelés de Forton et Pellos. Et surtout vous trouverez en début de volume un long texte de François Coupez retraçant toute l'histoire de ces personnages qui ont traversé le XXe siècle. Car ce 7e volume de l'intégrale, est un spécial 100 ans. Lancé en 1908, le trio aurait cette année un siècle. 


Longtemps symboles d'un certain esprit frondeur, typique des Gaulois, c'étaient de formidables anarchistes, toujours prêts à monter des combines pour s'enrichir au détriment du Bourgeois ou de l'Etat. Dans cette brique de papier, vous aurez le choix entre de très anciennes histoires, avant 14-18, et d'autres plus récentes de Pellos, sur des scénarios de Montaubert.

« Le meilleur des Pieds Nickelés », 560 pages, Vents d'Ouest, 30 € 

lundi 6 octobre 2008

BD - Vraoummmm !!!! Tiens, Michel Vaillant vient de passer...


Prévue en 20 volumes, l'intégrale des aventures de Michel Vaillant permettra à bien des « quinquas » de replonger dans ces enquêtes menées sur les chapeaux des roues. Une réédition chronologique, avec pour chaque grande aventures des commentaires de Jean Graton en personne. 

Il explique par exemple qu'il s'est inspiré du cascadeur Gil Delamare pour le premier titre, « Les casse-cou » datant de 1962. De longs récits de 62 pages chacun, mêlant courses automobiles et enquêtes policières. La dernière, « Le retour de Steve Warson », se passant en partie à Amsterdam, est une classique du genre. Une série souvent décriée mais qui mérite une redécouverte. Notamment pour ses premiers titres où le dessin de Graton n'avait pas encore trop perdu de sa souplesse.

« Michel Vaillant » (intégrale, tome 3), Lombard, 224 pages, 24,50 € 

dimanche 5 octobre 2008

BD - Névrose, géniale névrose


Jo Matt est un drôle de type, « un pauvre type » d'après lui. Dessinateur de BD underground, il fait dans l'autofiction. Sans concession. Il raconte par le menu son existence de névrosé. Obsédé sexuel passant des heures à se tripoter en matant des K7 pornos, il a pourtant une copine. Il vit même depuis quatre ans avec Trish. Mais ce n'est pas l'entente cordiale. Il passe son temps à la critiquer, refuse la plupart du temps de faire l'amour avec elle, fait toujours des comptes séparés et comme parmi ses nombreuses qualités il y a également l'avarice, même là les querelles sont nombreuses.

 Et pour couronner le tout, il tombe raide amoureux d'une copine à Trish et passes ses nuits à fantasmer sur elle. Jo Matt le vit et le raconte dans ses BD qu'il publie presque au jour le jour dans un comics. C'est comme ça que Trish découvre le port aux roses... et le quitte. Sur près de 170 pages, Jo Matt déballe son quotidien, ses doutes, ses lâchetés, son incapacité à changer, à s'améliorer. Comment il pisse dans un bocal pour ne pas aller aux toilettes qu'il trouve trop éloignées de sa chambre. Sa fascination pour les Asiatiques (femelles et maigres de préférence), pourquoi il pleure au téléphone pour que Trish lui donne une seconde chance. 

D'un côté il est tout à fait odieux, d'un autre il fait pitié. Des sentiments à nuancer quand on sait que c'est ce type, odieux et pitoyable, qui raconte tout et mène le jeu. N'est-il pas, là aussi, en train de se foutre de nous ? Le fait même de se poser la question montre que c'est un génie. On est pris dans sa nasse, captivé par cette non-vie transformée en œuvre d'art.

« Le pauvre type », Joe Matt, éditions Delcourt, 172 pages en noir et blanc, 16,50 euros.

P. S. : Ce titre est le premier d'une nouvelle collection chez Delcourt, « Outsider », proposant le must de la BD indépendante américaine. 

samedi 4 octobre 2008

Légende - Aux sources des mystères pyrénéens


Georges Gianadda a beaucoup écrit. Des milliers de reportages pour les pages de l'Indépendant du Midi. Reporter, puis grand reporter, il a laissé traîner son regard curieux sur quantité de gens, d'événements, de lieux. Une emprise sur le réel, le tangible, qui est la bible de tout journaliste un tant soit peu sérieux. Georges, dans sa longue carrière, ne s'est jamais écarté de ce chemin. Mais parfois, visiblement, il aurait préféré interviewer des lutins, une fée voire un Dieu en personne pour donner un peu plus de sens à ses papiers. Ce qu'il n'a pas réussi (ou oser) faire dans les pages de son journal, il le propose dans ce roman, récit fabuleux d'une légende oubliée : « Pyrène la fée des fontaines ».

Tout commence à Lourdes. La cité mariale. Georges, un journaliste justement, observe le ballet des pèlerins. En compagnie de son photographe, il prépare un reportage. Ils croisent un vieil homme et rapidement une conversation s'engage. L'inconnu, savant ayant exploré les particules élémentaires avant de se reconvertir dans la philosophie, prétend au journaliste curieux que cela fait plusieurs siècles que les humains viennent de se recueillir en ce lieu. Car il y a des milliers d'années, Lourdes était un des lieux du « culte de Mari, la déesse-mère ». « Ces cultes païens ont été remplacés par celui de la vierge Marie », explique le vieillard. « Ce qui est troublant c'est l'homophonie entre Mari et Marie. » « Ce qui est moins étonnant, c'est que tous les cultes, y compris celui voué à la vierge Marie, soient liés aux sources et à l'eau. Il s'agit après tout du matériau de base qui a fondé le monde vivant. » Et pour achever sa démonstration, il se propose d'expliquer au journaliste d'où vient le nom de Pyrénées.

L'auteur change alors totalement de monde et de genre. Il entre de plain-pied dans des contrées légendaires peuplées de demi-dieu, de fées et autres monstres mythologiques. Des pages riches en trouvailles, coups de théâtre et dialogues imagés, sur un ton léger et rêveur. Georges Gianadda, le journaliste cartésien, s'efface totalement au profit de son double, beaucoup moins connu, le conteur du merveilleux. Une véritable découverte pour le lecteur, une renaissance (pour ne pas parler de reconversion) pour cet habile manieur de plume.

« Pyrène la fée des fontaines » de Georges Gianadda. Editions Trabucaire. 10 euros. 

vendredi 3 octobre 2008

Fantasy - La quête de Tolkien

Tolkien, le professeur anglais, inventeur des Hobbitts, se retrouve plongé en pleine guerre entre Américains et Japonais dans un roman étonnant.


Avec des « si », les meilleurs romanciers réécrivent l'histoire avec une facilité déconcertante. Christophe Lambert, armé de quelques « si », a donc imaginé comment Tolkien, de raconteur d'histoires, se retrouve acteur d'une fantastique aventure dans la jungle birmane alors que la guerre entre Américains et Japonais bat son plein. Dans cette histoire réécrite par l'auteur français, on découvre que les Elfes, ce peuple tant apprécié par Tolkien, existe réellement.

Après Pearl Harbor, le gouvernement US comprend que la situation de l'armée américaine en Asie sera de plus en plus dure. Pour tenter de mettre un peu plus de chances dans le jeu des GI's, il est décidé de demander conseil aux Elfes. Retranchés dans le Sylvaniel, dernière réserve sur le territoire américain, ils accepteront à une seule condition : que le romancier anglais John Ronald Reuel Tolkien soit de l'expédition. Le long prologue raconte la négociation, d'abord avec les elfes, puis avec Tolkien. Ce dernier est en pleine rédaction du Seigneur des anneaux et doute de l'intérêt de ce nouveau roman. Il n'hésitera cependant pas longtemps. Il est en fait trop impatient de rencontrer de véritables Elfes.

Une autre vision de la jungle

Tout le reste du roman se passe en Asie, dans la jungle birmane pleine de mystères et de dangers. L'auteur, en dehors des nombreux passages martiaux contant l'entraînement et la vie quotidienne des militaires, accorde beaucoup de place à Tolkien. Comment il va se remettre en question et trouver le ressort moral pour ne pas abandonner la mission et reprendre la création de sa grande œuvre.

La petite délégation elfique a une mission bien précise. C'est l'idée du général Wingate (il a véritablement existé, comme Tolkien) qui explique : « Je compte sur eux pour aider nos hommes à appréhender leur environnement de manière nouvelle, plus positive. Jusqu'ici, nous avons considéré la jungle comme, au pire, une ennemie et, au mieux, un élément neutre. Mauvaise approche, mauvaise philosophie. On doit maintenant l'envisager comme une alliée. » Les Elfes, très méfiants avec les humains, partagent quand même une partie de leur savoir. Tout en surveillant Tolkien. Qui ne sait toujours pas pourquoi sa présence était obligatoire.

L'écrivain se plie aux difficultés du moment, notamment quand il s'agit d'aller harceler les Japonais plusieurs centaines de kilomètres à l'intérieur de leur lignes.

Deux sortes de récits

Au cours de ces longues marches forcées, le commando rencontre une tribu vivant en quasi autarcie. Le chaman local va fortement impressionner Tolkien en raconter plusieurs légendes et en expliquant les nuances : « Il y a deux sortes de récits, les desi et les marga. Le premier est un divertissement, le deuxième un enseignement spirituel. Dans le premier type de récits, le héros se contente de terrasser le monstre. Dans le second il apprend des choses sur lui-même. Il émerge changé de la grotte. Il y a eu mort et renaissance dans la Terre-Mère. » Un principe que Tolkien avait déjà appréhendé, inconsciemment, dans ses récits. Mais le roman de Christophe Lambert n'est pas que cette réflexion sur l'œuvre de Tolkien. Il y a également beaucoup d'action, des rencontres dangereuses et des coups de théâtre. Bref, une somme d'ingrédients que Tolkien n'aurait pas renié pour élaborer un roman captivant et novateur.

« Le commando des immortels », Christophe Lambert, Fleuve Noir, 17 € (paru également en poche chez Pocket) 

jeudi 2 octobre 2008

BD - "Empire USA", l'autre théorie du complot

Toujours plus vite. Les lecteurs veulent découvrir la suite de leurs séries favorites toujours plus vite. « Empire USA », saga en 6 tomes va battre des records de rapidité. Les tome 1 et 2 viennent de sortir (le 19 septembre exactement), le 3 sera dans les bacs en octobre, les 4 et 5 en novembre et le final sortira début décembre. Desberg est le scénariste, mais il a été obligé de solliciter plusieurs dessinateurs. 

Griffo et Mounier pour ces deux premiers tomes. En préambule, Jared Cail raconte comment une bombe chimique va détruire Los Angeles. Cet attentat de la secte terroriste des Hashashins va transformer, en réaction, les USA en une dictature militaire et religieuse. Jared est sur le point de se suicider. Pourtant il est le seul sur terre qui pourrait empêcher la bombe d'exploser. Il entreprend alors de raconter comment il en est arrivé là. 

Tout le talent de conteur de Desberg permet à ces deux premiers tomes de plonger dans une intrigue qui n'est pas sans rappeler les meilleures séries télé américaines. Griffo, au dessin des 48 premières planches, simplifie son trait tout en gardant son efficacité. C'est l'événement de cette rentrée BD et c'est à ne pas rater.

« Empire USA » (tomes 1 et 2), Dargaud, 10,40 € chaque volume 

mercredi 1 octobre 2008

BD - "Les délices de l'orcan", premier tome d'une nouvelle série d'Etienne Le Roux


Première série en solo pour Etienne Le Roux. Ce dessinateur réaliste au trait élégant et précis avait signé une série de SF « Aménophis » et une autre de fantasy « Le serment de l'ambre ». C'est dans cette direction qu'il a tenté l'aventure en solitaire. « L'éducation des assassins » est prévu en trois volumes. 

Dans ce premier tome de 56 pages, il présente les jeunes héros de l'aventure, quatre enfants. Deux frères et une sœur, accompagnés d'Orcan, un copain, orphelin, aux pouvoirs étranges. Ils vivent heureux et insouciants dans un village au cœur de la forêt. La nuit de l'orcan approche. Une nuit où les adultes boivent la sève de cette liane aux pouvoirs magiques. Les enfants sont enfermés dans une cave pour ne pas assister aux excès de cette fête. En pleine nuit, ils prennent la fuite en compagnie de deux voyageurs et leur vie va changer du tout au tout. 

Orcan va être attiré par la plante et le contact avec la fleur va le laisser simple d'esprit. Ensuite ce sera une suite d'errances au cours desquelles les enfants vont être transformés en esclaves. Un récit complexe, sur de multiples interrogations comme la dépendance, le pouvoir et le destin.

« L'éducation des assassins » (tome 1), Delcourt, 12,90 €