dimanche 31 août 2008

BD - "Prosopopus" de Nicolas de Crécy, du grand art !


Quand des dessinateurs parlent de peintres cela donne des objets graphiques hors du commun.

La collection Aire Libre a donné carte blanche à Nicolas de Crécy. Résultat un gros album de plus de 100 pages, muet, déroutant et passionnant.

Prosopopus offre au lecteur un monde violent, artistique et fantastique. Dans une ville sombre et moderne, un homme est abattu alors qu'il allait monter dans sa limousine. Le tueur prend la fuite et rejoint sa maîtresse, une artiste peintre. Mais au même moment, un fluide s'échappe du cadavre. Un fluide qui va prendre forme et s'installer dans l'appartement du tueur. Un monstre énorme, au sourire large et niais.

Prosopopus est né et va hanter la vie du tueur. Des flash-back vont nous apprendre la raison de ce meurtre, ses dessous glauques, la déchéance des différents humains de cette histoire d'une fluidité éblouissante. Réflexion sur l'art, ce roman graphique de Nicolas de Crécy prouve que de jeunes auteurs peuvent encore innover.

"Prosopopus", Dupuis, 12,50 € 

samedi 30 août 2008

BD - La légende des fières Amazones


Comme le disait Marcel Tripoux, un collègue aveyronnais qui ne faisait jamais dans la finesse : « Elles sont sept comme les doigts d'une main ! » En l'occurrence, ces sept guerrières de la série Delcourt sont... six (« Comme les orteils d'un pied » me souffle Marcel très en verve ce matin). Six fières Sarmates, cette tribu qui a donné naissance à la légende des Amazones. 

Elles sont missionnées par la reine d'un royaume assiégé de conduire en lieu sûr le prince héritier. Il doit y prendre pour épouse sa cousine afin d'assurer la descendance. « Si elles sont que six, il y a tromperie sur la marchandise puisqu'on en achète sept... » remarque, désabusé, le Marcel, avare de ses sous comme tout bon Rouergat qui sait que demain sera plus compliqué qu'aujourd'hui. 

L'astuce de Michaël Le Galli, le scénariste, est de glisser une passagère clandestine dans le convoi, n'intervenant qu'au moment de sauver le prince, le chéri de son cœur. Une BD de 64 pages illustrée par Francis Manapul, un Canadien qui a fait l'essentiel de sa carrière dans les comics américains. Il calme ses cadrages mais bénéficie d'un format plus grand pour mieux travailler sa mise en page. « Des combats, des jolies filles, des méchants qui expirent dans de longs râles de souffrance, un coup de théâtre final, des décors majestueux : finalement c'est le top cette BD » résume Marcel qui attend avec impatience le prochain tome « Sept Yakusas », le 24 septembre par Morvan et Takahashi.

« Sept guerrières », Delcourt, 13, 95 € 

jeudi 28 août 2008

BD - Découvertes sensuelles

Depuis toujours, les illustrateurs les plus renommés sont tentés de réaliser des images que seuls les adultes peuvent apprécier. Sensuelles et érotiques souvent, elles peuvent parfois approcher de la pornographie. Tout le talent du dessinateur fait la différence entre beauté et vulgarité. La frontière est souvent ténue. L'album « Premières fois », recueil d'histoires courtes écrites par Sibylline est l'exemple même que l'on peut faire de la BD très osée sans que cela soit trivial. 

Premières fois pour premières expériences. Le sexe offre tellement de variantes et de possibilités, il n'a pas été difficile à la scénariste de trouver des situations excitantes pour ces femmes et hommes osant sortir de la routine. Que cela soit l'utilisation de sextoys, de la domination ou de l'adjonction d'un partenaire à un couple stable : les auteurs ne se sont pas fixé de limite. 

Les images et situations sont crues, mais quand même très belles. Comment pourrait-il en être autrement quand on sollicite Vatine, Vince, Pedrosa, Bertail ou Alfred. Avec une mention particulière aux deux dessinatrices, Capucine (qui proposait déjà régulièrement des pin-up sur son blog) et Virginie Augustin, parfaite dans ce récit d'amour lesbien.

« Premières fois », Delcourt, 14,95 € 

mercredi 27 août 2008

Roman - Étranges années 80

Deux ados au milieu des années 80. « New Wave » est la naissance d'une amitié, autour de la musique, racontée par Ariel Kenig et Gaël Morel.


Plus on avance dans le temps, plus la nostalgie prend de l'ampleur. Bientôt 2010. Comment nommerons-nous cette décennie ? Ceux qui auront vécu les années 80 s'approcheront de la cinquantaine. Il n'y a pas longtemps, c'étaient des adolescents, comme Eric et Romain, les deux héros du roman d'Ariel Kenig, novellisation d'un film de Gaël Morel qui sera diffusé sur Arte, le 9 septembre, à 21 heures.

Eric, collégien dans son année de brevet, vit difficilement la condition misérable de ses parents. A quelques kilomètres de cette petite ville de province, ils habitent dans une ferme qui tombe en ruines. Il s'entend mal avec son père, a honte de sa mère, femme au foyer dénuée de toute ambition. La désillusion rythme ses journées, longues, très longues. A la rentrée, il n'est plus dans la classe de Thomas, son seul ami. Cela s'annonce mal. Jusqu'à l'arrivée de Romain.

Ce « nouveau » se fait remarquer d'emblée en arrivant en retard et surtout en le prenant avec beaucoup de désinvolture. Par hasard, il s'assied à côté d'Eric. Et quand Mlle Colinot, la professeur, essaie de le « coincer », persuadée qu'il n'écoutait pas, Romain répète mot à mot les consignes. Avec son look new wave faisant fi des convenances (yeux maquillés, cheveux crêpés, lacets de Converses dépareillés), il en impose immédiatement. « Il était trop tôt pour le confirmer, mais la riposte de Romain avait déterminé la classe à lui déléguer ses espoirs de rébellion tandis qu'Eric, par l'apostrophe de Mlle Colinot, jubilait de ce nouvel état de fait : en l'associant à son indiscipline, Romain l'avait adoubé. »

Le fils et la mère.

Pourtant les deux garçons n'ont que peu de points communs, mais une belle amitié, une amitié forte, va se construire au fil des trimestres. Cependant Eric ne veut pas brusquer les choses : « Une amitié comme celle-ci imposait peut-être le sacrifice de ne pas courir après. » Romain est l'archétype du gamin qui a tout ce qu'il exige. Sa mère, qu'il appelle par son prénom, Anna, aime à la folie son rejeton.

Eric découvrira avec étonnement le fonctionnement de cette femme aux allures d'éternelle enfant. Elle aime quand Romain est malade. Il reste à la maison, elle l'a en son pouvoir. Ariel Kenig, à côté des découvertes mutuelles de ces deux adolescents sensibles, donne de plus en plus d'ampleur au personnage d'Anna. On sent poindre un embryon de folie, de désespoir : « Les petits drames, seuls, comme l'alitement de son fils, offraient une chance de se montrer présente, à la hauteur, indispensable, indignement dégoûtée que cette maladie, finalement, ne fût plus grave. Le médecin diagnostiquerait une simple angine ; ce serait bien ainsi tristement. Car ce qu'elle désirait était certainement que le docteur décèle en elle, en elle seule, un terrible mal. Voilà ce qui retournerait enfin la situation et réparerait, par une exquise douleur, l'indifférence dont elle souffrait. »

Ariel Kenig, à partir du scénario de Gaël Morel, a mis en phrases un récit dramatique, beaucoup plus que ces années 80 marquées par une musique mélangeant allègrement mélancolie et modernité. Un livre à lire en écoutant les morceaux sélectionnés par les auteurs (la liste est en fin de volume), de Cure à Depeche Mode en passant par Etienne Daho ou New Order.

« New Wave », Ariel Kenig & Gaël Morel, Flammarion, 16 € 

mardi 26 août 2008

BD - Des jumelles à Pompéi


Dans la famille « Voyage dans le temps », je demande la sœur, les sœurs exactement, des jumelles. Cynthia et Cybille sont deux charmantes étudiantes en histoire. Blondes, l'une aventureuse et dévergondée, l'autre sérieuse et timide, elles se retrouvent, malgré elles, plongées dans le passé. Ces jumelles du temps, « Time Twins », dans une première aventure, ont pourchassé des gangsters à l'époque de la prohibition. Leur mission : récupérer des objets électroniques ayant voyagé dans le temps et utilisés par des hommes intéressés pour s'enrichir ou modifier le futur. Après cette première mission, elles pensaient pouvoir reprendre leurs chères études. Perdu. 

Dans les premières planches de cette seconde aventure, elles se réveillent dans un cimetière. Celui de Pompéi, le 22 août 79, soit deux jours avant l'éruption meurtrière du Vésuve. Les deux auteurs, Derrien (scénario) et Vignaux (dessin) semblent prendre un malin plaisir à rudoyer les deux jeunes filles. Capturées par le propriétaire d'un lupanar, elles seront ensuite vendues à un banquier avant de finir dans une arène, avec des lions affamés aux trousses. 

C'est frais, bourré de gags et sans prétention. De la BD grand public permettant de s'évader le temps de quelques pages.

« Time Twins » (tome 2), Le Lombard, 10,40 € 

lundi 25 août 2008

BD - La guerre en aveugle

Mettez deux soldats armés dans le brouillard. Même s'ils sont du même camp, ils ont toutes les chances, au bout d'un certain moment, de se tirer dessus par manque de visibilité et de discernement. 

C'est la trame de cette 52e aventures des Tuniques bleues, dessinées par Lambil et écrite par un Cauvin n'ayant rien perdu de son esprit iconoclaste et antimilitaire. Blutch et Chesterfield sont envoyés auprès du capitaine Hooker. Ce dernier, avec quelques hommes, assiège un camp de confédérés installé au sommet de Lookout Mountain. Nos héros sont porteurs d'une mauvaise nouvelle : les renforts attendus n'arriveront pas. Hooker soit se débrouiller seul pour prendre la position. 

Après avoir piqué une belle colère, il se venge en envoyant les deux porteurs de mauvaises nouvelles en éclaireur. Blutch et Chesterfield manqueront y laisser leur peau. Ils voudraient bien rejoindre leur camp, mais Hooker les enrôle et, bénéficiant d'un épais brouillard, part à l'assaut de la colline. Avec les conséquences que l'on doute... 

Lambil semble s'être bien amusé à gommer et effacer en partie les scènes se déroulant dans la purée de pois. Ses décors ont un petit air de Will donnant un aspect moderne à cette série, pourtant classique de chez classique.

« Les Tuniques bleues » (tome 52), Dupuis, 9,20 € 

dimanche 24 août 2008

BD - Hommage à Gotlib, le maître


Alors que tous les médias célébraient les 40 ans des événements de Mai 68, un autre anniversaire, presque aussi important, a failli passer inaperçu. Heureusement, les éditions Dargaud ont un peu de mémoire et ont décidé de célébrer les 40 ans de la Rubrique à brac en demandant à quelques cadors de la BD de s'essayer au plaisir de l'histoire courte pédagogique et divertissante. 

Mais le problème avec Gotlib, c'est qu'il a définitivement arrêté de dessiner. Cela permet de faire un clin d'œil en couverture de l'album précisant que ce collectif est réalisé « par tous les caïds de la bédé (sauf Gotlib) ». Dans ces 64 pages très diverses on retrouve les noms de successeurs naturels comme Dupuy & Berberian ou Lindingre et Julien CDM, des copains comme Bilal, Tardi ou Mézières, des fidèles de la période Fluide Glacial comme Binet, Maester, Edika, Solé ou Léandri. 

La couverture est de Zep qui signe également deux planches mettant en scène le maître en personne qui juge les planches du jeune Suisse, multi millionnaire avec son héros Titeuf. Un album qui nous donne également l'occasion de retrouver avec plaisir la signature de Mandryka.

« Rubrique abracadabra », Dargaud, 13 € 

samedi 23 août 2008

BD - Les cas graves se succèdent dans le cabinet des Psy de Bédu et Cauvin

On ne sait pas si Cauvin, dans une autre vie, était psy. Toujours est-il que de toutes ses séries comiques, celle des Psy est une des plus criantes de vérité. Pourtant les patients qui défilent dans le cabinet du docteur Médard sont des cas graves. Très graves même, parfois. 

Comme ce strip-teaser qui illustre la couverture et qui vient se rassurer. Est-il véritablement aimé ou les personnes qui l'applaudissent tous les soirs ne sont que de simple voyeurs curieux ? Il a rapidement la réponse (grâce à la secrétaire) et donnera des idées au docteur qui tentera de les appliquer le soir même dans sa chambre à coucher, mais sans les résultats escomptés. 

Le brio de Cauvin vient peut-être également de la position couchée dans le divan. Il l'avoue, ce n'est que comme cela qu'il parvient à « faire du scénario ». Il est vrai aussi que les frappadingues et autres givrés sont de plus en plus nombreux. Il suffit de regarder un peu les spécimens qui se baladent dans les rues pour y trouver une source infinie de gags. 

Au dessin, on retrouve Bédu. C'est son quinzième titre. Il ne se consacre plus qu'à cette série ayant totalement abandonné Clifton. C'est un peu dommage car si les personnages des Psy sont très variés, les décors sont répétitifs. La richesse de son dessin est certainement sous-exploitée.

« Les Psy » (tome 15), Dupuis, 9,2 € 

vendredi 22 août 2008

Roman - Dans la tête d'une actrice

Dorine M. est une célèbre actrice. Ce roman raconte, heure par heure, sa dernière journée de tournage dans le premier film d'une jeune réalisatrice.


Mais qui a servi de modèle à Delphine Coulin pour le personnage de Dorine M. le personnage principal de son roman ? Dorine est une comédienne, assez âgée, mais qui rayonne encore de beauté. Elle a débuté dans les années 60. Elle est toujours une tête d'affiche, une star que l'on recherche car souvent synonyme de qualité et de succès. Ce rapide portrait, le lecteur met un peu plus de temps pour le cerner. Delphine Coulin a ménagé le suspense de la description de cette femme qui fait encore se retourner les passants dans la rue.

Dorine, au début, semble être une femme comme toutes les autres. Réveil avec du café, douche, lecture de la presse, départ pour le travail. A pied, dans les rues de Paris. En ce moment elle travaille à l'hôpital du Val-de-Grâce. Exactement, la production utilise l'hôpital comme décor du film. Cela fait six semaines que Dorine est dans la peau d'Emma. Cette femme tombe amoureuse du médecin qui lui explique que son mari, malade, est condamné.

Le souvenir de l’amour défunt

Aujourd'hui, Dorine doit tourner une scène difficile. Elle appréhende. L'occasion pour elle de se retourner sur sa carrière. Un monologue intérieur qui apprend beaucoup au lecteur sur la motivation des comédiennes. Des femmes qui ont envie de vivre mille vies. Elle se souvient de tous ses films, des films d'amour : « J'étais passée par tous les états amoureux? Pour les vivre tous en vrai, il eût fallu avoir mille vies. Prodige d'être une actrice, une mille-vies. Fantasme absolu de notre époque, où chacun court après les temps pour vivre le plus possible. Où tout est démultiplié. » Histoire d'amour dans le film qui contamine la réalité. Le jeune premier qui interprète le médecin lui avoue, en privé, qu'il est en train de tomber amoureux d’elle. Dorine à l'habitude. Elle est tentée. Elle a souvent couché avec ses partenaires. 

Mais cette fois, elle hésite plus que de raison. Est-ce l'âge ? Ou cette scène difficile ? A moins que cela ne soit à cause de la ressemblance de l'acteur avec Max, son seul amour, mort dans un accident de voiture ? Une journée particulière pour Dorine qui se questionne intérieurement. « Je ne sais pas pourquoi je suis devenue actrice. Pour oublier la réalité. Ou aller à la rencontre de moi-même. »

Ce roman, en plus de raconter par le menu la cuisine interne d'un tournage (l'auteur est également réalisatrice de courts-métrages), permet au lecteur de mieux comprendre ce qui fait avancer les actrices, ce qui leur permet de se dépasser, de prendre possession d'un personnage et de le faire vivre, sur pellicule et bien au-delà, dans la mémoire de plusieurs générations.

« Les mille-vies », Delphine Coulin, Seuil 

jeudi 21 août 2008

BD - Le monde tel qu'il est...


Adeptes du politiquement correct, passez votre chemin. Tibo Soulcié est allé très loin dans la caricature. Son héroïne, Marine, adolescente de bonne famille, va passer par les pires outrages. Tout va basculer le jour où sa grand-mère lui avoue qu'elle a un cancer et qu'elle n'a plus que quelques mois à vivre. Elle décide alors de dévoiler sa vision du monde à Marine : « Les idées préconçues et la bienséance sont des balivernes. Il faut être ivre de vie. Il faut vivre sans modération, jouir sans entraves ! » 

Et rapidement la réalité va bousculer le train-train de Marine. Elle découvre que son papy est pédophile alors que sa mère et son père se séparent. Ruinée, elle se retrouve en HLM, tombe dans les griffes d'islamistes, puis d'un trader suisse et d'un pornographe hongrois. Sa carrière d'actrice sera de courte durée. 

Mariée à un Tibétain, elle se retrouvera dans un camp de rééducation chinois avant d'être revendue à des forestiers brésiliens. C'est horrible, mais tout à fait réaliste. Et au final on n'est pas loin des malheurs des jeunes orphelines des feuilletonistes du début du XXe siècle. Mais le monde a changé...

« Marine à Babylone », L'Echo des savanes, 10 € 

mercredi 20 août 2008

BD - Cigares connection


La mode est aux BD se déroulant sur deux époques différentes. « Flor de Luna » est écrite sur ce principe. Le lecteur suit en parallèle les événements contemporains qui bousculent l'empire du cigare dirigé par la famille Porter et la création de cette société, à Cuba au 19e siècle. Diego Castellano, seul, est arrivé à faire pousser du tabac sur un bout de terre qu'il a défriché de ses propres mains.

 Mais sa situation financière reste précaire. Il assure ses arrières en passant un accord secret avec des contrebandiers. Diego qui n'est pas insensible aux malheurs de la belle Lucia. Fille d'un riche planteur, elle est donnée en mariage au chef de l'armée espagnole. Un homme violent, égoïste et raciste. De cette union naîtra une petite fille, ressemblant plus à son père qu'à sa mère. Une saga qui va être marquée par des meurtres déclenchant une vengeance qui pourrait trouver son aboutissement de nos jours. 

Un scénario intrigant et plein de rebondissements de Pierre Boisserie, dessiné par Eric Stalner associé pour l'occasion à Eric Lambert.

« Flor de luna » (tome 2), Glénat, 12,50 € 

mardi 19 août 2008

BD - L'éveil du démon


Un tueur en série frappe Paris. « L'équarisseur » comme le surnomme la presse, toujours prompte à trouver des sobriquets aux pires abominations. Il s'attaque à des personnes n'ayant aucune relation les unes avec les autres. 

Une mort violente, presque immédiate, puis il enlève un membre. Jambe, main, tête et même un cœur. Les policiers, sans une seule piste, sont sur les nerfs. Ils ont bien un brocanteur pour suspect, mais sont obligés de le relâcher faute de preuve. Les policiers, très terre-à-terre, sont loin de se douter que c'est un démon, sur le point de se libérer de la prison de Piranèse située dans le vortex de Montfort qui sème la terreur. 

Par contre Arnaud de Saint-Glaive, occultiste, à la tête d'un groupe chargé de surveiller Montfort, se doute de ce qu'il se passe. Mais il est impuissant tant qu'il ne connaît pas l'identité du démon et surtout sous quelle enveloppe charnelle il parvient à agir dans le monde réel. 

Cette passionnante série fantastique, écrite par Isabelle Mercier et Roger Seiter, est illustrée par Max, très à l'aise sur le volet fantastique.

« Dark » (tome 2), Casterman, 9,80 € 

lundi 18 août 2008

BD - Dans l'enfer de Verdun


Souvenirs de Verdun, de la Grande guerre et d'un soldat de légende, Amaréo Zamaï. Ces souvenirs, ce sont ceux de Blaise Boforlant, intellectuel et soldat durant la guerre de 14 – 18, créateur du journal réservé aux poilus, « Le cœur des batailles ». 

En juin 1940, en pleine débâcle française, à Strasbourg, il est interrogé par un jeune journaliste américain. Ce dernier cherche à en savoir un peu plus sur Zamaï, devenu un véritable mythe dans toutes les armées du monde. Morvan, dans ce scénario très littéraire, parvient à faire ressortir l'extraordinaire boucherie que fut cette guerre des tranchées. « Des morts-vivants, voilà ce que nous étions, coincés dans un purgatoire sans savoir quand viendrait notre tour de passer à la trappe » fait-il dire à Boforlant. 

Un cauchemar qui n'a pourtant aucune emprise sur le fier soldat noir, guerrier plus que simple fantassin. Sa légende s'écrira au quotidien, notamment à la bataille du fort de Vaux. Sang, tripes, boue, chairs putrides et blessures gangrenées : Kordey, le dessinateur, n'a pas la partie facile. Heureusement il lui reste Zamaï... 

« Le cœur des batailles » (tome 2), Delcourt, 12,90 € 

dimanche 17 août 2008

BD - Les rois de la bricole


Ne vous laissez pas avoir par la première impression du dessin de Laudrain. Il semble assez sommaire, brouillon et enfantin. En fait, le dessinateur parvient à faire passer beaucoup de choses dans les regards, poses et attitudes de ses personnages caricaturaux à l'extrême. Son petit monde est exclusivement composé de bricoleurs. 

Pas très doués. Donc source de gags multiples et variés. C'est le second tome et Laudrain n'hésite pas à aborder tous les thèmes, de l'électricité au jardinage en passant par la peinture ou la maçonnerie. Des amateurs d'une bêtise absolue, mais passionnés. 

Ce n'est bien évidemment pas la série du siècle, mais il faut bien admettre qu'au détour d'un gag on reconnaît un voisin, un ami, voire soi-même, preuve que l'auteur est un bon observateur.

« B. comme bricoleur » (tome2), Vents d'Ouest, 9,40 € 

samedi 16 août 2008

BD - Les trois damnées


Il ne faut pas tenter de faire des innovations en magie quand on n'est pas sûr du résultat. Ibrahim, jeune sorcier d'une île imaginaire de la caraïbe en fait les frais. Il tente de mêler vaudou et informatique. Pour impressionner une jolie fille, il tente de faire revivre une damnée. Il essaie trois fois (en crachant de l'alcool frelaté sur de l'argile de Yambomba arrosée du sang d'une poule pondeuse) mais n'obtient que des monticules informes. 

Ce n'est que quelques heures plus tard qu'il découvre que sa recette n'était pas si mauvaise. Les trois formes se sont transformées en trois êtres vivants : la même personne, Sandra, à trois âges différents. Il y a la Sandra enfant, la Sandra adulte dans la plénitude de ses moyens et la Sandra morte, zombi décharné. Ibrahim va essayer de réparer son erreur car Sandra étant damnée, les démons de l'enfer ont bien l'intention de la capturer pour la ramener dans les flammes des bas-fonds. 

Une série fantastique ne se prenant jamais au sérieux, par un auteur espagnol, Santiago Arcas au trait ressemblant parfois à celui de Crumb. Il aime les femmes, les femmes ayant du caractère. Sandra, ancienne championne de lutte (l'album a un côté Lucha Libre) n'a pas l'intention de se laisser faire et les démons vont passer un sale quart d'heure.

« Sandra », Vent des Savanes, 12,50 € 

jeudi 14 août 2008

BD - L'heure des mutants, dernière aventure de Zowie


Troisième et dernier tome des nouvelles aventures de Zowie. Le blondinet imaginé par Bosse et Darasse a la lourde tâche de sauver le royaume de Magisterra. Il est l'Alpha protecteur alors que sa copine, Zia, une ado gothique, est l'Omega. Problème, un des seigneurs de l'ombre est bien décidé de régner en maître sur Magisterra. Il a donc mis la tête de Zowie à prix. Le jeune héros a une bande de pirates aux trousses et un assassin aveugle utilisant des boites à désintégrer très efficace. 

La première partie est une course poursuite dans notre monde, avec combats à la clé. Ensuite l'action se déplace à Magisterra. Zia, sceptique au début (tout en étant gothique elle ne croit pas à la magie...) doit admettre que les monstres, zombies et autres mutants existent et qu'ils ne sont pas spécialement amicaux. 

L'affrontement final permettra à Magisterra de retrouver son calme. Espérons que ces trois tomes, imaginatifs, amusants et bien rythmés, ne seront pas les seuls du renouveau d'une série poétique et novatrice restée trop longtemps dans les oubliettes de la BD.

« Zowie » (tome 3), Dargaud, 9,25 € 

mercredi 13 août 2008

BD - Le hold-up du désespoir

Initiative originale des éditions Bamboo pour le troisième et dernier volet de la série « Welcome to Hope ». En plus de l'album, vous aurez le roman écrit en parallèle par le scénariste Damien Marie. Roman noir, avec quelques scène non reprises dans la version graphique. Le lecteur revient donc une nouvelle fois dans cette petite ville américaine aux mœurs particulières et peu recommandables. Quelques loosers vont tenter de remporter la mise malgré les atouts des notables bien installés. 

Une histoire allant crescendo et qui atteindra son summum lors d'un hold-up de la petite banque de la localité. Cody, bon petit gars, a en marre d'être le dindon de la farce. Et il besoin de beaucoup de dollars pour prendre la fuite avec sa petite amie, Norma. Il braque donc le banquier et tue le gardien. Il prend en otage les clients alors que le shérif assiège le bâtiment. 

Cela semble mort pour Cody quand il reçoit l'aide inespérée de Scott, un joueur de poker qui pour une fois voit la chance tourner. Une intrigue ciselée avec précision permet à ce troisième tome de clore avec brio une série dessinée par Vanders.

« Welcome to Hope » (tome 3), Bamboo, 12,90 € 

mardi 12 août 2008

BD - Beowulf : aux sources de l'heroic fantasy


Livre mythique et très connu en Grande-Bretagne, la saga de Beowulf est beaucoup plus confidentielle en France. Ce long poème en prose, écrit vers l'an Mil, raconte la lutte entre un guerrier, Beowulf et un démon, Grendel, puis une ogresse (la mère de Grendel) et finalement un dragon. La collection Ex-Libris, sous la conduite éditoriale de Morvan, a décidé d'en présenter une adaptation. Michel Dufranne s'est chargé du scénario alors que l'illustration en a été confiée à Javier Navarro Barreno. 

La première partie présente le combat entre Beowulf et Grendel. Le monstre vient chaque nuit tuer des soldats de Hrothgar, seigneur des Danois. Un carnage, une fatalité. C'est finalement un des meilleurs guerriers du royaume, Beowulf, qui accepte d'affronter Grendel. L'album est découpé en trois séquences bien distinctes. Une première montre les massacres, la seconde, un peu longue et statique, la rencontre entre le seigneur et Beowulf. La dernière, la plus virtuose, décrit sur une quinzaine de pages l'affrontement final. 

Le dessinateur a su retranscrire cette ambiance de lutte bestiale sans merci. Une véritable prouesse graphique à déguster dans le détail.

« Beowulf » (tome1), Delcourt, 12,90 € 

lundi 11 août 2008

BD - La bonne "SF de papa" à redécouvrir avec Luc Orient en intégrale


Au début des années 70, Michel Greg, en devenant rédacteur en chef du journal Tintin, a voulu offrir à ses lecteurs un maximum de diversité dans les histoires à suivre. Il a donc lancé de nombreuses séries, devenant un des scénaristes les plus prolifiques. Western (Comanche), aventure (Bernard Prince), espionnage (Bruno Brazil), il manquant une BD de science-fiction. Il a donc écrit Luc Orient pour Eddy Paape. 18 titres après, étalés sur une vingtaines d'années, la série s'est épuisée. 

Les éditions du Lombard ont décidé de la ressusciter sous forme d'intégrales. Dans ce troisième recueil, le lecteur pourra découvrir des histoires mémorables. « Le sixième continent » met aux prises le héros à une société calquée sur le fonctionnement d'une fourmilière. Cauchemar assuré. Mais vous pourrez surtout franchir « La porte de cristal », première partie de la saga finale. Luc Orient est entraîné dans une course contre la montre dans le temps pour tenter de sauver une civilisation. 

Du space opéra assez classique mais très efficace, novateur pour les jeunes lecteurs de l'époque. Eddy Paape dessine consciencieusement ces récits mouvementés, excellant dans la création des monstres intergalactiques.

« Luc Orient » (intégrale 3), Le Lombard, 17 € 

dimanche 10 août 2008

SF - Arlequin protecteur


Entre fantastique et thriller, cette série des Mondes parallèles de John Twelve Hawks est aussi la dénonciation de notre société informatisée.

Même dans les coins les plus reculés de la France profonde, il existe des caméras de surveillance ou des webcams qui pourraient, en direct, filmer, espionner, ce qui se passe. Dans les grandes villes, de nos jours, il est quasiment impossible de ne pas être filmé à plusieurs reprises durant une journée. John Twelve Hawks, dans ce monde qu'il décrit dans ses romans et qui ressemble tellement au nôtre, part du principe que ces caméras espions sont toutes reliées entre elles au service d'une société secrète, la Tabula, qui a la prétention de régenter le monde dans l'ombre. La Tabula est composée de Frères. Elle n'a qu'un ennemi : la confrérie des Voyageurs. Des humains aux pouvoirs surnaturels, pouvant passer d'un monde à un autre. Voyageurs protégés par les Arlequins, guerriers entièrement dévoués à la cause des premiers.
Dans le premier tome (qui est offert avec le second volume, une édition limitée au premier tirage), il ne restait plus que deux Voyageurs, des frères, Gabriel et Michael Corrigan. Ils sont sous la protection de Maya, une jeune Arlequin. Si Gabriel restera fidèle à sa cause, Michael choisira le camp adverse et rejoindra la puissante Tabula.
« L'Arlequin » débute par une expédition des Frères dans une communauté isolée au coeur de l'Arizona. Tous, ayant choisi de vivre avec un minimum de technologie, seront exterminés. Un massacre transformé en suicide collectif. Gabriel n'est pas dupe. D'autant qu'il y a eu une rescapée, une petite fille. Réfugié à New York, le dernier Voyageur ne restera pas longtemps dans sa cachette. Les armes de la Tabula sont multiples et très efficaces. Il devra fuir et encore fuir, avec Maya qui le protège et lutte pour ne pas tomber amoureuse de ce bau jeune homme sensible. Une course haletante qui emmène le lecteur de Londres à Berlin en passant par Rome et l'Afrique.
Les thématiques abordées par John Twelve Hawks font parfois penser aux romans de Stephen King. Et qui sait ? En effet, personne ne sait qui se cache derrière ce pseudonyme. Pas de photos ni de biographie, l'éditeur ne sait même pas s'il s'agit d'un homme ou d'une femme. Un culte du secret qui confine à la paranoïa. Mais en découvrant la société décrite par l'auteur, on se doute que la discrétion est une des dernières armes de l'homme pour rester libre.
« L'arlequin » (Les mondes parallèles, tome 2), John Twelve Hawks, Lattès, 22 €

BD - Yoko Tsuno, la Japonaise sous le ciel de Chine


Rien de tel, pour redécouvrir une série, que les intégrales qui semblent être de plus en plus à la mode. Une occasion également pour les maisons d'édition historique de mettre en valeur leur fond . Chez Dupuis, une collection a même été créée. Il est vrai que les série mythiques ne manquent pas entre les Spirou, Natacha, Gil Jourdan et autres Tif et Tondu. Pour Yoko Tsuno, la démarche est un peu différente. 

Les albums ne sont pas publiés par ordre chronologique mais par thème et surtout la série n'est pas achevée. Le 5e recueil, intitulé "Sous le ciel de Chine", reprend trois aventures de l'aventurière japonaise se déroulant en Chine. "Le dragon de Hong Kong" est né de la demande d'une maison d'édition chinoise. Leloup a fait plusieurs voyages et son histoire de lézards géants terrorisant la baie, a d'abord été publiée dans une revue asiatique. Ce n'est qu'après qu'elle a intégré la collection classique. 

Une première sans lendemain mais qui a quand même donné l'envie au dessinateur de replonger son héroïne dans l'ambiance de la Chine médiévale. "La jonque céleste" et "La pagode des brumes" sont les deux autres albums repris dans ce gros recueil agrémenté d'un dossier inédit et d'un port-folio présentant des études graphiques de Leloup, publiées à leur format original.

"Yoko Tsuno, intégrale" (tome 5), Dupuis, 17 € 

samedi 9 août 2008

BD - Trio bondissant


Man est le dessinateur espagnol qui monte. Ses récits, ancrés dans la réalité de cette Espagne moderne et innovatrice des années 2000, font mouche. Après Mia, album sur l'anorexie, il continue son exploration du mal-être adolescent avec les aventures d'un trio de "parkoureurs". 

Edu, Raul et Luna, sautent, courent, franchissent les obstacles de leur décor urbain, au ras du sol ou du haut des toits des blocs et maisons de cette grande ville moderne. Edu, métis, passionné de dessin, très intelligent, est le plus calme et serein. Raul, cadet protégé par un frère physique et exigeant, est un boulimique de l'action. Il tombe amoureux tous les soirs, aime la bagarre et les défis. Luna, jolie blonde aux tatouages extrêmes, change de petit ami comme de tenue. Généralement elle a le coup de foudre pour des crétins finis qui font toujours bien rire ses deux camarades. 

Cette première partie, en plus de planter le décor et de présenter les personnages, lance l'intrigue qui semble osciller entre le polar et l'histoire à l'eau de rose. 64 pages de pure adrénaline, aux cadrages audacieux, avec une influence très nette du découpage des mangas, tout en gardant la précision du trait et des décors fouillés de la BD franco-belge. Une saga prévue en cinq tomes qui devrait plaire aux grands ados.

"En sautant dans le vide" (tome 1), Dargaud, 12,50 € 

vendredi 8 août 2008

BD - La solution Lucrèce


Seb Christie, photographe de presse, en croyant enquêter sur une multinationale aux moeurs écologiques douteuses, a mis au jour une vaste machination aux implications beaucoup plus graves. Un groupe d'hommes et de femmes, évolution ultime de l'Homo-sapiens, a élaboré un complot pour éliminer l'Homme de la planète Terre. Seb, en se lançant aux trousses d'une de ces créatures, est lui même contaminé et sans le vouloir, se retrouve assimilé aux comploteurs. 

Ce bref résumé permet au lecteur de mieux comprendre cette série assez scientifique et technique écrite par Desberg et dessinée par Vallès, Lozérien d'origine. En Suisse, à Venise, Paris, dans l'Atlantique Sud ou dans un cimetière allemand, l'action ne s'arrête jamais. Il est vrai que ce quatrième tome marque un tournant. Les comploteurs accélèrent leur projet et la menace d'une catastrophe écologique est imminente. 

Il faudra l'alliance de tous les services secrets des grandes puissances pour contrer la nouvelle race aux prétentions hégémoniques. Seb, dans ce carnage final, cherche sa place. Mais il semble être définitivement aux côtés d'India Allen, cette tueuse solitaire au charme fou.

"Rafales" (tome 4), Le Lombard, 10,40 € 

jeudi 7 août 2008

SF - Glissement dans le temps


Deux humains deviennent les acteurs involontaires d'une guerre du futur, se gagnant grâce à des bonds dans le passé.


Foisonnant, très imagé, plein de bruit et de fureur, ce roman de Neal Asher entraîne le lecteur dans une folle poursuite à travers le passé. Un glissement dans les premiers temps de la Terre, pour mieux repartir et empêcher l'avènement d'un groupe d'humains supérieurement développé mais totalement dépourvu de pitié et de compassion.

Cela débute comme un récit de SF à la Blade Runner. Dans un futur assez proche, Polly, droguée et prostituée pour se payer ses doses, rentre dans son appartement après une dure journée de labeur. Elle tombe nez-à-nez avec Nandru, un ancien militaire du gouvernement centralisé. Il lui reproche d'avoir tué sa sœur, colocataire de Polly, morte d'une overdose. Il explique que sa vengeance sera terrible. Et effectivement, la vie de Polly va basculer. Il implante dans sa nuque une puce d'intelligence artificielle qu'il a dérobé à l'armée. Il la rendra, intacte au gouvernement, si on lui verse une rançon. Mais rien ne se passe comme prévu. Le jour de l'échange, un monstre sortant de nulle part apparaît, une écaille tombe sur le bras de Polly et s'y greffe immédiatement. De plus un soldat du gouvernement, Tack, tue Nandru et prend en chasse Polly.

C'est le moment que choisit Neal Asher pour faire basculer son roman de la SF classique au paradoxe temporel. L'écaille est en fait un parasite qui n'a qu'un but, reculer dans le temps. Avec son porteur. Et tout ce qui se trouve à proximité. Ainsi, alors que Tack est sur le point de tuer Polly, la jeune femme « glisse » dans le passé, entraînant l'exécuteur. Des petits bonds de quelques dizaines d'années. Elle parvient ainsi à échapper à Tack. Mais en accélérant les bonds en arrière, elle comprend rapidement que le phénomène est inéluctable et irréversible. Les deux humains se séparent. Polly se retrouve au large de l'Angleterre en pleine seconde guerre mondiale, laissant Tack désemparé quelques années plus tard. Le soldat, humanoïde cloné, programmé pour tuer et ne pas se poser de questions, est totalement désemparé. Il décide de faire la seule chose qu'il maîtrise : tuer pour survivre.


Voyageur et sauveur

Mais au moment où il va exécuter une famille tranquille, un Voyageur apparaît : « Une silhouette grande et maigre, vêtue d'un long manteau , d'un pantalon ample et de chaussures pointues, sortit de l'ombre sur sa droite. Sa peau était blanche comme l'os, et ses cheveux pâles rassemblés en queue-de-cheval. Son visage n'exprimait que colère et mépris. » Le Voyageur, qui donne son nom au roman, entre enfin en scène. Il mène une guerre contre une congrégation d'êtres supérieurs tentant d'avilir l'humanité. Il va repartir dans le passé, avec Tack (qu'il va au passage « déprogrammer », permettant à l'humain de retrouver une conscience et un libre arbitre).

Ils vont devoir affronter dinosaures et autres grosses bêtes affamées avant de rejoindre une base permettant de remonter le temps. En parallèle, Polly tente de survivre. Accusée d'être une espionne allemande, elle parvient à sauver sa peau en glissant dans le passé. Elle se retrouve jongleuse devant le roi Henri VIII. Une expérience positive. Moins que sa rencontre avec Claudius, empereur roman en pleine conquête de l'île de la Bretagne...

Cette grande variété des scènes et des décors donne un attrait supplémentaire à ce roman qui est avant tout une réflexion sur l'éveil de la conscience d'êtres humains normaux placés dans une situation extraordinaire. Polly, perdant ses réflexes de droguée en manque, explique à Muse, son intelligence artificielle greffée : « Je ne veux pas simplement survivre. Je veux vivre. Je veux comprendre, ressentir. Je devrais considérer... ce voyage comme une chance. J'ai tant de chose à apprendre. » Même son de cloche du côté de Tack. Tueur antipathique au début, il se métamorphose en homme curieux et sensible, comme s'il rattrapait tout cet apprentissage de la vie, la vraie, dont il avait été privé. Une démarche humaine comme une immense bouffée d'espoir et d'air pur.

« Voyageurs », Neal Asher, Fleuve Noir, 22 €

BD - Musclons nos zygomatiques


Attention, jeux olympiques à l'horizon. Une veine qui devrait faire vendre quelques albums ayant judicieusement pris ce thème pour thématique centrale. "Les Zathlètes" n'est pas à proprement parlé un album olympique, mais l'athlétisme est un des sports roi des JO et la série écrite par Giga et dessinée par Bloz s'est offerte un consultant de choix en la personne de Stéphane Diagana. 

Il intervient directement dans des planches didactiques sur des thèmes bien précis comme l'alimentation, l'équipement ou les starting-blocks. Un peu comme un petit prof revenu des années 80 (un personnage dessiné par Bédu dans l'hebdo Tintin), il amène des informations sérieuses contrebalancées par des images comiques. Mais les Zathlètes c'est aussi une BD classique avec ses personnages récurrents aux talents comiques prononcés comme Bi Louis, le lanceur, Jumper, le franchisseur de haies, Alex, spécialiste du sprint et de la drague, Fanny, la ravissante sauteuse en longueur et Touchatout, le polyvalent, une véritable catastrophe malgré une bonne volonté évidente. 

Bref, de quoi fournir une belle quantité de gags à un Bloz (Les Fonctionnaires) de plus en plus à l'aise dans cet exercice.

"Les Zathlètes" (tome 1), Bamboo, 9,45 € 

mercredi 6 août 2008

BD - Dieu aztèque


Entre histoire et fantastique, avec un soupçon de western, cette nouvelle série écrite par Moënard et dessinée par Otéro entraîne le lecteur au Mexique en 1917. Alors que la guerre fait rage dans les tranchées européennes, les Allemands tentent de propager la guerre au-delà de l'Atlantique. Ils envoient une délégation secrète à la rencontre du président mexicain afin qu'il entre en guerre contre les Etats-Unis. Un émissaire qui n'arrivera jamais à Mexico. Débarqué d'un sous-marin, il est capturé par des révolutionnaires. Ce derniers tentent de le vendre aux Américains contre des armes et des dollars. Mais intervient la prêtresse Marina. Cette fière descendante du peuple aztèque reconnaît dans Hugo, un des officiers allemands, "Quetzalcoätl, notre Dieu, le sixième soleil !". 

Après une bataille rangée faisant de nombreuses victimes, le capitaine Hugo von Kreuz parvient à s'échapper et après avoir failli mourir dans le désert, est recueilli et sauvé par l'armée mexicaine. 

Un album assez violent, plein de bruit et de fureur, avec des personnages féminins imposants. Le dessin d'Otéro fait parfois penser au style dépouillé du regretté René Sterne.

"Le sixième soleil" (tome 1), Glénat, 9,40 € 

mardi 5 août 2008

BD - Les fantômes de l'immeuble


Will Eisner est considéré, à juste titre, comme le plus grand auteur de BD américain de tous les temps. Son Spirit a marqué des générations (le héros masqué devrait de plus être adapté au cinéma par Frank Miller en personne), mais ce sont ses histoires du réels qui restent, des décennies après leur première publication, de véritables bijoux. Les éditions Delcourt ont entrepris la réédition de ces récits complets dans une collection cohérente. 

Le second tome de "New York trilogie raconte la ville, cette ville que Will Eisner connaissait si bien. "L'immeuble", la première histoire, retrace quatre existences qui à un moment de leur vie, sont passées par l'entrée de cet immeuble, le dernier à avoir cédé aux promoteurs dans ce quartier. Il y a un vieux célibataire qui va tenter de consacrer sa vie au bonheur des enfants, en vain ; une beauté qui ne saura pas choisir entre un poète et son patron, dentiste ; un violoniste amateur et un promoteur immobilier, obnubilé par cet immeuble, jusqu'à la ruine et la mort. 

On trouve également dans ces 150 pages en noir et blanc des histoires courtes, joyeuses ou tristes, comme cette vie quotidienne que Will Eisner savait si bien croquer.

"New York trilogie" (tome 2), Delcourt, 14,95 € 

lundi 4 août 2008

BD - Prédateurs financiers


Cette série, entre polar et analyse politique, est ancrée dans la réalité. Même si en préambule, l'auteur, Philippe Richelle, précise que "cette histoire est une oeuvre de fiction", on ne peut s'empêcher de retrouver dans ces planches des réminiscences d'une actualité récente. "Les coulisses du pouvoir" se passent en Angleterre, mais souvent la commission européenne joue un rôle important. Caine et Burkinshaw, duo d'enquêteurs, tentent de comprendre comment un administrateur de sociétés immobilières, John Atkins a pu se suicider de deux balles dans la tête. 

Un de ses associés, McCaine, vient de disparaître. L'enquête progresse et les policiers anglais trouvent dans les casseroles des deux hommes une histoire d'escroquerie aux subventions européennes. Le commissaire européen de l'agriculture de l'époque semble avoir touché sa part. Un commissaire qui est aujourd'hui ministre de l'Economie... Ce sont donc les très gros bonnets qui se retrouvent impliqués dans ce meurtre maquillé en suicide. Et l'enquête progressant, d'autres crimes seront commis. 

Richelle, qui a repris toute la série à son compte, décortique des rouages inéluctablement truqués du pouvoir.

"Les coulisses du pouvoir" (tome 8), Casterman, 9,80 € 

dimanche 3 août 2008

BD - Un démon bleu


Cette série de Baker et Jurion est presque trop riche de personnages secondaires tous plus loufoques les uns que les autres. Baker, le scénariste, semble bouillonner d'idées. Il accumule les gags, jeux de mots, clins d’œil dans chaque case, parfois au détriment de l'intrigue, abandonnée au bord du chemin. 

L'héroïne de la série, c'est Rose, une fillette qui a eu le malheur d'être habitée par une force démoniaque. Elle se transforme alors en démon aux pouvoirs dévastateurs. Seul Arno Von Malt, prêtre exorciste, parvient à la calmer. Avec son petit protégé, Woody, enfant cachant son visage derrière un masque de bois, il va tenter de ramener Rose au roi, une fois le démon la possédant mis hors de nuire. Avec pour seule arme un élixir aux effets secondaires ravageurs, il va devoir affronter un autre démon, Bleuet, et un couple de tueurs, Tristan et Yseult. Sans oublier la troupe d'un bandit de grand chemin, Romain Dix-doigts... 

Une série à déguster lentement, nécessitant plusieurs lectures pour en saisir toutes les subtilités et la virtuosité du dessin, très rond et efficace, de Jurion, illustrateur d'Anachron sur un scénario de Cailleteau.

"Les démons de Dunwich" (tome 2), 9,40 € 

vendredi 1 août 2008

Polar - Coup de froid pour San-Antonio

Mission au Québec pour le héros « dardien » chargé de mettre hors d'état de nuire un serial killer, le « Postier », s'attaquant aux blondes.


Le petit monde de San-Antonio, malgré la disparition en 2000 de Frédéric Dard, continue d'évoluer, le fils, Patrice, ayant repris cette petite entreprise littéraire, certainement la plus originale de la création française. Les puristes regretteront l'absence d'une certaine folie, typique de l'écrivain aux centaines de romans. Le fils, s'il a parfaitement saisi les psychologies des principaux protagonistes, ne semble pas encore oser se lancer dans des romans complètement délirants, comme seul Frédéric Dard osait, fort de son succès commercial qui ne s'est jamais démenti. Patrice fait donc encore du San-Antonio classique, presque trop. Mais cela reste quand même une bouffée d'air pur dans une production livresque française parfois triste pour ne pas dire sinistre.

Postier killer

De l'air pur et en l'occurrence très frais puisque cette nouvelle aventure du commissaire, chéri de ses dames, se passe en grande partie au Québec. Les premières pages montrent une équipe en pleine déroute. Pinaud envisage de prendre sa retraite, Jérémie Blanc est retourné en Afrique, de même que Mathias, Toinet, le fils de San-Antonio, s'est mis aux abonnés absents, trop occupé à suivre la grossesse de sa compagne, Amélie. Ne reste que Bérurier, complètement déprimé puisque sa Berthe a décidé de le quitter pour un jeune et vigoureux gigolo. Bref, rien ne va plus dans la maison poulaga.

C'est le moment qu'a choisi le président de la République en personne pour confier à San-Antonio une mission très spéciale. Dans un dialogue d'anthologie où le premier personnage de l'Etat fait les questions et les réponses, il demande à notre valeureux héros, de démasquer et de mettre hors d'état de nuire, le « Postier », serial killer s'attaquant aux jeunes et jolies blondes québécoises. Après leur avoir rasé le pubis et envoyé, par courrier, cette fine toison à des anonymes, il continue son découpage avec d'autres parties du corps qui elles, malheureusement, ne repoussent pas...

Piégés par Matignon

Antoine, avec pour seul renfort Béru, le dernier de la bande, se rend au Québec. Mais rapidement la mission part en eau de boudin. Papiers et bagages volés, ils tombent dans un guet-apens à leur hôtel : accusés de meurtre ils sont obligés de prendre la fuite et d'entrer en clandestinité. Mais ce ne sont pas ces quelques contrariétés qui vont décourager notre duo de choc.

Ils vont se lancer sur les pistes enneigées de la Belle Province, pistant le Postier et tentant de déjouer les pièges d'un service qui serait téléguidé, depuis Paris, par le Premier ministre en personne qui n'aurait trouvé que ce moyen pour tenter de se démarquer de son patron. Quelques scène osées et autres trouvailles du langage fleuri d'Alexandre-Benoît Bérurier donnent au lecteur son minimum syndical de rire. Avec parfois quelques perles de Béru comme cet abyssal « Si j'me sens m'nacé par la mort, j'mettrai fin à mes jours pour me simplifier la vie ! »

« Arrête ton char, Béru ! », Patrice Dard, Fayard, 15 €