dimanche 25 septembre 2022

De choses et d’autres - Silence, on achète !

Connaissez-vous le principe de l’heure calme ou heure silencieuse ? Elle n’existe malheureusement pas dans les commerces que je fréquente. Et je le regrette. J’ai appris, récemment, sur les réseaux sociaux, l’existence de ces temps si particuliers, mis en pratique dans certaines enseignes de la grande distribution.


Durant une heure par jour, les lumières sont tamisées, la musique et les annonces micro coupées, les appareils de nettoyage restent au garage. On peut donc faire ses courses au calme, dans le silence, sans agression extérieure. Si l’initiative s’adresse au départ aux personnes autistes, de même qu’à ceux et celles qui ne supportent pas les lumières crues et le bruit, elle emporte l’adhésion de la grande majorité des clients.

Beaucoup, en découvrant cette atmosphère différente, plus zen et détendue, admettent à quel point effectuer ses courses dans un grand bazar bruyant peut être éprouvant. Je crois que la discrétion qui entoure ces heures calmes est voulue par tous ceux qui en profitent. Comme on ne divulgue pas un coin à champignons, ils veulent préserver ce moment unique.

Car si tout le monde se rue au magasin à ce moment, une autre sorte d’agression fera monter le stress : la foule.

Le plus étonnant, selon les témoignages des habitués, est de constater que même les clients parlent d’une voix feutrée. Comme si tout devait contribuer à préserver ce niveau sonore bas, cette ambiance douce.

Je ne sais pas si je serais plus prompt à acheter dans un magasin en pleine heure calme, mais il est sûr que je serais beaucoup moins pressé de quitter les rayons qu’en temps ordinaire.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 9 septembre 2022

samedi 24 septembre 2022

De choses et d’autres - Relaxation de saison

Philippe Delerm, en son temps, avait décrit dans un adorable petit livre ces « plaisirs minuscules » qui nous font tant aimer la vie. A sa façon, j’ai constaté que mon panthéon des moments agréables est souvent constitué de renaissance et de redécouverte liées aux saisons.

 Tout commence début janvier, quand je constate, émerveillé, que les jours commencent, enfin, à rallonger. Ensuite, c’est une succession de retrouvailles, comme si le cycle éternel des saisons permettait d’adoucir le temps qui passe. Dans l’ordre, les premiers mimosas, les asperges sauvages, qui devancent le printemps, le muguet de mai, les cerises rouges et gorgées de jus sucré, les melons (première fleur de l’Aude, les meilleurs), l’arrivée des touristes…


Mais, ce que j’attends le plus, chaque année, paradoxalement, ce sont les premières noix fraîches, en vente dans les magasins spécialisés. Elles sont arrivées la semaine dernière. J’en ai acheté une vingtaine, soigneusement choisies (il faut qu’elles soient encore un peu humides) et je me suis immédiatement mis à la tâche. Car, ce que je préfère dans les noix fraîches, ce n’est pas de les déguster, mais de les décortiquer.

Il faut délicatement casser la coquille pour en retirer les cerneaux intacts. Avec un couteau effilé, j’entreprends alors de décoller la peau très amère qui recouvre la chair blanche. Un travail minutieux, de patience. Le meilleur exercice de relaxation que je n’ai jamais pratiqué.

Avec une satisfaction encore plus importante quand je parviens à conserver la noix en entier. Je considère, alors, cet exploit aussi phénoménal que si j’avais escaladé le Canigou. Et vous, quelle est l’occupation du quotidien qui vous permet de retrouver instantanément calme et sérénité ?

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 20 septembre 2022

BD - L’or de Dali


Seconde partie de l’histoire de Salvador Dali et la guerre d’Espagne. Pas un biopic mais une œuvre de fiction dans le cadre de la collection Jour J qui utilise les ressorts de l’uchronie pour revisiter notre passé. Grâce à Dali, les Franquistes sont sur le point de perdre la guerre.

Mais le peintre est enlevé dans sa maison de Cadaqués et torturé. Il ne dira rien et parviendra même à s’évader pour aller mettre en lieu sûr l’or des Républicains. Une histoire surréaliste avec des homards, des espions russes, quelques anarchistes et de méchants nazis s’affrontant de Lisbonne à Perpignan.

Le scénario est signé Duval et Pécau avec une mise en images par un dessinateur Brésilien réaliste très talentueux : Arlem Renato.

« Jour J » (tome 47), Delcourt, 14,95 €

vendredi 23 septembre 2022

BD - Maya, petite fille seule face à l’infini de l’univers


Maya est une petite fille de 8 ans absolument adorable. Juste un peu trop éveillée pour son âge. Elle pose beaucoup de questions sur l’univers, Dieu, la vie en général.

Pour y répondre, c’est Léonardo, son meilleur ami, encore plus intelligent qu’elle ou son oncle Eugène.

Des questions qui sont comme autant d’interrogations sur ses parents, disparus depuis des années dans un accident d’avion. Mais comme les corps n’ont jamais été retrouvés, Maya doit vivre avec l’incertitude. Imaginées par Adam (dessinateur du très ludique Game Over), ces histoires courtes en une ou deux planches sont d’une étonnante profondeur.

Et le final vous donnera des frissons. Aussi sûr que l’univers est sans limite !

« Maya », Glénat, 14,50 €

jeudi 22 septembre 2022

De choses et d’autres - Études frigorifiques

On se demande parfois à quoi ça sert de faire de longues études. Dernier exemple en date, la décision prise par la direction de l’université de Strasbourg. Face à l’envolée du prix de l’énergie, et pour faire des économies sur la facture, il a été décidé de fermer tout le campus durant deux semaines supplémentaires, cet hiver.

Dans le genre « on est très intelligent, on a bac plus 8, mais on gère au jour le jour », il n’y a pas pire. Même un élève de CP aurait pu prendre une décision aussi simpliste. Résumé simplement : « Le chauffage coûte trop cher ? On coupe le chauffage ! »


Oui, mais du coup, on supprime aussi tous les cours en présentiel. Avouons, cependant, que pour beaucoup de jeunes, c’est une aubaine. En plus des deux semaines de fin décembre, ils se retrouvent avec sept jours de bonus (du lundi 3 janvier au dimanche 8) pour récupérer des excès des réveillons. Et ils auront encore une semaine en février où les portes de l’université resteront fermées.

Cela ne suffira pas, il a donc été décidé que le chauffage sera rallumé le plus tard possible et réglé sur un petit 19°.

L’an dernier, un scandale avait secoué le campus de Bordeaux, car les radiateurs des cités universitaires étaient à peine tièdes. Cette année, si rien n’a été fait pour remédier au problème, le même organisme girondin recevra des lauriers du gouvernement pour ces quelques degrés d’économisés.

Problème, c’est au détriment des étudiants qui ne pourront que moins bien étudier dans la froidure hivernale. Reste la solution extrême qui va, forcément, être un jour mise sur la table : placer les grandes vacances de novembre à février compris et travailler tout l’été. À condition d’installer des climatiseurs dans les facs, canicule oblige.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 21 septembre 2022

Roman - Les « Commencements » de Catherine Millet


Comme elle le fait remarquer dans ce nouveau « roman », Catherine Millet n’a qu’un seul thème inspirant : elle-même. Ces Commencements racontent ses débuts dans la vie, quand encore à peine adolescente elle a découvert la puissance de l’amour, est entrée dans le milieu journalistique et de l’art contemporain, a quitté ses parents pour vivre en autonomie.

Un texte parfois un peu décousu, avec une multitude d’hommes, d’amis, d’amants, qui lui permettent de pleinement découvrir la vie libre, libertine. Il y a cependant moins de détails explicites que dans ses précédentes autobiographies.

On découvre dans ces pages l’intellectuelle, celle qui se rêvait poète et qui redoutait aussi de devenir adulte. « L’adolescence, c’est la période où l’on hésite à sortir de l’enfance, je n’avais pas envie de perdre le privilège d’être celle qui se contente de regarder et qu’on tient à l’écart sous prétexte qu’elle ne peut pas comprendre. » La petite Catherine va donc grandir et on va découvrir dans son sillage l’effervescence de ce Paris des années 60 et 70.

« Commencements » de Catherine Millet, Flammarion, 20 €

BD - Outlaws, histoire des rebuts de l'espace


Orbital est une série de SF qui remporte depuis des années un beau succès en librairie. Au point que le scénariste, Sylvain Runberg, propose une variation dans ce même univers. C’est Kristina, la jeune sœur de Caleb, qui est au centre de l’intrigue. Fugitive, elle arrive clandestinement sur une ferme qui exploite des animaux. Elle va devoir subir de nombreuses brimades pour survivre.

Car les Humains, dernière espèce à avoir rejoint la Confédération, sont considérés comme le rebut de l’espace.


Dessinée par Éric Chabbert, cette histoire sur le racisme ordinaire est très prometteuse. On apprécie particulièrement le début d’amitié entre Kristina et Zachary, un amalgame, issu de l’union d’une mère humaine et d’un père maloïde.

« Outlaws » (tome 1), Dupuis, 14,95 €


mercredi 21 septembre 2022

Cinéma - Une mère en manque et “Les enfants des autres”

Les semaines se suivent et se ressemblent, en ce moment, pour le cinéma français. Après Revoir Paris, bouleversant film sur la reconstruction des victimes d’attentats terroristes, c’est Les enfants des autres qui va remuer les spectateurs. Avec un point commun : la présence en tête d’affiche de Virginie Efira. La comédienne belge avait placé la barre très haut avec le premier film (sorti le 7 septembre), avec cette réalisation de Rebecca Zlotowski, elle parvient à maintenir le niveau de son jeu et apporte, en plus, un rayonnement intérieur, tout au long de l’histoire, la transformant en boule d’émotion qui emporte tout sur son passage.

A la prochaine cérémonie des Césars, il faudra remplacer la catégorie meilleure comédienne par César du meilleur film avec Virginie Efira en vedette.

Rachel (Virginie Efira) est une femme active. Professeur de français dans un lycée, elle vient de rencontrer Ali (Roshchdy Zem) à son cours de guitare. Deux quadras, une nouvelle histoire d’amour. Ali, récemment divorcé, a la garde de sa petite fille (5 ans), une semaine sur deux. Rachel va tenter de jouer les mères de substitution auprès de Leila. Un rôle ingrat. La fillette est méfiante, réclame souvent sa maman. Pire, elle voudrait que ses parents se réconcilient et vivent avec elle tout le temps. Alors Rachel va espérer avoir un enfant avec Ali. Mais son gynécologue lui explique clairement que le temps lui est compté. Elle a un peu trop attendu.

Toutes les maternités 

Le film de Rebecca Zlotowski explore, grâce au personnage de Rachel, toutes les facettes de la maternité. L’intrigue nous apprend que Rachel a perdu sa mère dans un accident de voiture. Autre thématique, celle de la petite sœur de Rachel, qui se retrouve enceinte alors qu’elle n’a pas terminé ses études. Que faire ?

Autre problématique, celle de la maladie. Rachel croise, au cours de judo de Leila, une autre maman. Malade. Quelques mois plus tard ,c’est le papa qui récupère la copine de Leila. Dans ce tourbillon de relations mère - enfant, Rachel tente de trouver sa place, elle qui n’a jamais connu cette joie de la maternité. Virginie Efira, dans une performance d’actrice de très haut niveau, parvient à faire toucher du doigt aux spectateurs toutes les émotions, envies et déceptions qui traversent le corps et l’esprit d’une maman en manque.

Film de Rebecca Zlotowski avec Virginie Efira, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni

 

Double littéraire dans le roman "Quelque chose à te dire" de Carole Fives chez Gallimard


Peut-on admirer l’œuvre d’un écrivain sans s’en inspirer quand on a soi-même des velléités d’écriture ? Cette question est au centre du roman subtil et parfois machiavélique de Carole Fives. Quelque chose à te dire est une réflexion assez poussée sur le processus de création littéraire. Un texte court, percutant, repéré par les jurés du Goncourt puisqu’il fait partie de la première sélection du plus prestigieux prix littéraire français.

Elsa Feuillet est une jeune romancière lyonnaise. Divorcée, elle s’occupe de son fils une semaine sur deux. Elle a déjà publié quelques romans. Sans grand succès. Alors qu’elle se trouve en plein marasme, l’inspiration lui échappant, elle apprend la mort de Béatrice Blandy, son autrice préférée. Habitués des prix littéraires, les romans de Béatrice sont des best-sellers. Une grande des lettres françaises. Elsa lui avait d’ailleurs dédié son dernier roman, mettant une phrase d’un de ses romans en exergue.

Nouvelle histoire d'amour

Aussi c’est avec étonnement mais aussi une certaine fierté qu’elle est contactée par Thomas, le mari de Béatrice. Il veut rencontrer Elsa pour la remercier. Thomas pas insensible au charme provincial d’Elsa. Et cette dernière, subjuguée de découvrir le lieu où son idole a écrit tous ses livres, se surprend à trouver bien du charme à ce riche producteur de cinéma de 20 ans son aîné. Une histoire d’amour se noue.

Mais Thomas n’est pas totalement dupe quand il s’exclame « Dans le fond, ce qui vous plaît chez moi, c’est ma femme ! Je n’existe pas, je ne suis rien pour vous ! C’est Béa que vous cherchez à travers moi ! » Reste qu’Elsa change de vie, retrouve le plaisir de vivre à côté d’un homme prévenant.

Avec un bémol, elle ne se sent pas à la hauteur face à l’absente : « Elle se sent moche, son regard triste, marron yeux de cochon, sa mine de chien battu. Elle est banale, toute en demi-teintes, morose. Le contraire de Béatrice avec son regard azur, ses cheveux noirs, une fille qui avait du peps. » La bascule du roman intervient quand Elsa découvre un manuscrit inachevé de Béatrice. Que faire avec cette pépite ?

L’histoire imaginée par Carole Fives se transforme en thriller psychologique avec la création littéraire en toile de fond. Un texte édifiant sur les difficultés des artistes face à certaines sources d’inspiration.

« Quelque chose à te dire » de Carole Fives, Gallimard, 18 €

mardi 20 septembre 2022

De choses et d’autres - Le plan 10 %


Sorti mercredi, un film japonais interroge sur la fin de vie. Plan 75 raconte comment la société, dans un proche avenir, donne la possibilité aux hommes et femmes de plus de 75 ans d’en finir. Comme actuellement on reçoit des appels de démarcheurs pour utiliser nos droits à la formation, dans le film des commerciaux tentent de persuader des vieillards d’en finir, même s’ils sont en bonne santé. Un enjeu financier, une économie de la mort.


La France fait partie des derniers pays européens où l’euthanasie est quasiment impossible. Mais le gouvernement a décidé d’avancer sur le sujet. Un esprit tordu (moi en l’occurrence), pourrait voir une sorte de synergie horrible entre le film (de fiction, il faut le préciser) et la volonté du président Macron de réduire la consommation d’énergie des Français de 10 %.

Quand il dit que « la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas », j’imagine un message subliminal. Car, devinez qui représente 10 % de la population française, actuellement ? Tout simplement tous ceux qui ont plus de 75 ans. Pour être sûr de réduire cette consommation d’énergie de 10 %, au lieu de baisser le chauffage, ne pas envoyer de vidéos de chatons à ses amis ou arrêter de regarder les plateformes de streaming, le plus simple serait d’éradiquer tous ces « inutiles » de plus de 75 ans.

Les économies seront immédiates, et sans doute au-delà du 10 % escompté, car c’est bien connu, on devient plus frileux avec l’âge.

Une logique comptable macabre qui, par chance, n’effleurera pas l’esprit de nos dirigeants. De toute manière, le film japonais, s’il est très sombre au début, montre ensuite la richesse de nos anciens et leur utilité dans la société. Mais qui peut en douter ?

Billet parue en dernière page de l’Indépendant le 8 septembre 2022