samedi 10 septembre 2022

BD - Et Pi c’est tout !

Nouvelle adaptation d’un texte du romancier chinois Liu Cixin. Xavier Besse propose sa version dessinée de La perfection du cercle.

De la science-fiction, mais historique. En 277 avant JC, dans la dynastie Qin, un savant veut utiliser l’armée du roi Ying Zheng pour déchiffrer le langage du ciel. Il a découvert le chiffre Pi et tente de la compléter jusqu’à la 100 000ze décimale. Il va donc transformer les 3 millions de soldats et autant de petits calculateurs.

C’est presque l’ancêtre de l’ordinateur, mais la passion des hommes va compromettre sa découverte.

« La perfection du cercle », Delcourt, 17,95 €

vendredi 9 septembre 2022

De choses et d’autres - Énergie, une fois

Réaliser des économies d’énergie sera la grande affaire de cet hiver. Partout en Europe. En Belgique, la « chasse au gaspi » (vieux slogan qui fera sourire les plus anciens) bat son plein.

Un ami, par ailleurs fonctionnaire travaillant dans d’immenses bureaux à Bruxelles, explique que, désormais, en plus du chauffage limité à 19°, la direction a pris une décision assez radicale : extinction de l’éclairage des locaux à partir de 18 heures. Étant lui-même cadre, il a souvent tendance à ne pas compter ses heures et ses journées se prolongent bien au-delà de ce couperet (« Ça va être tout noir », diraient les Robins des Bois de RRRrrr !).


Avant cela, toujours pour réduire la consommation d’électricité de 15 %, toutes les lampes individuelles de bureau avaient été supprimées. Bref, si certains veulent faire des heures sup, ils doivent faire l’acquisition d’un plaid bien chaud et d’une lampe frontale. En espérant que les ordinateurs fonctionnent sur un circuit électrique de secours.

Sinon, il ne reste que la solution du télétravail, parfait pour faire supporter aux employés cette hausse de l’électricité. Il existe peut-être une solution pour limiter l’explosion de la facture (entre 7 000 et 10 000 euros par an pour une famille).

Ce week-end, un Belge est devenu champion du monde de cyclisme sur route. Les Belges aiment pédaler. Si chaque poste de travail est équipé d’un vélo d’appartement doté d’une dynamo raccordée au réseau électrique, la « douloureuse » de chaque ménage sera fortement réduite.

Et les Belges aiment tellement pédaler que, rapidement, ils deviendraient les Norvégiens de l’électricité verte. Si c’était le cas, ce serait grâce à des mollets d’outre-Quiévrain que vous pourriez recharger votre voiture électrique.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 27 septembre 2022

BD - Starlette fatale

Run et Florent Maudoux signent l’album de BD le plus original et marquant de la rentrée 2022. Ils racontent dans ce bouquin hybride (moitié BD, moitié récit document d’époques) « la véritable histoire du Dahlia Noir ».

Betty Short, jeune Américaine tentée par une carrière au cinéma dans les années 40, a été retrouvée assassinée et atrocement mutilée en janvier 1947 dans une banlieue de Los Angeles.

Cette sorte de documentaire dessiné glamour raconte la vie d’une jeune femme, surnommée le Dahlia Noir, sans doute trop naïve, prise dans la violence de l’époque.

« A short story », Label 619 - Rue de Sèvres, 19,90 €

jeudi 8 septembre 2022

De choses et d’autres - Cravate ou col roulé ?

Est-ce le dérèglement climatique ou la crise de l’énergie qui aura le plus d’influence sur la mode ? La question paraît futile face aux enjeux des deux problèmes, pourtant elle semble au centre des préoccupations de nos dirigeants.

En juillet dernier, en pleine canicule, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a expliqué que, désormais, il ne mettrait plus de cravate. La raison ? Tout simplement pour avoir moins chaud et donc de pouvoir baisser la climatisation.


Sérieusement, il encourageait tous ses ministres et l’ensemble des citoyens à suivre son exemple. Un rude coup porté à un emblème de la masculinité.

A se demander si ce n’est pas Sandrine Rousseau, en sous-main, qui lui a soufflé l’idée pour déconstruire l’image de l’homme moderne.

Ne plus mettre de cravate pour sauver le climat ? Un même conseil, mais cette fois en France et en hiver. Malgré les rires moqueurs dont Pedro Sanchez a hérité cet été, un autre homme politique a osé préconiser cette idée. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, a déclaré, très sentencieusement, en direct sur France Inter : « Vous ne me verrez plus avec une cravate » et de préciser que désormais il mettrait « des pulls à col roulé ».

Donc on se retrouve face à une situation très tendue, avec risque de coupure générale de l’électricité, factures astronomiques et la probabilité que des millions de Français, pas par choix, mais par obligation financière, se passent de chauffage en plein hiver et le patron de Bercy se contente de proposer, comme solution, de ne plus mettre de cravate.

Après une telle sortie absurde, je serais à sa place, le col roulé recommandé je le remonterais jusqu’aux sourcils, histoire de cacher ma honte.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 29 septembre 2022

BD - Larcenet surnage


Manu Larcenet, autoproclamé « Star de la bédé » (mais à juste titre), poursuit son introspection intellectuelle et graphique dans le 3e volume de sa Thérapie de groupe.


Des histoires courtes où se dessine bedonnant, avec un énorme nez, incompris de tous quand il explique que désormais, il veut « s’adonner à la contemplation ». Ces histoires courtes, aux styles graphiques foisonnants (il y a du Moëbius, des mandalas et même quelques pages façon manga) se dégustent comme des paquets de chips : c’est saturé de mauvais gras, mais qu’est-ce que c’est bon !

« Thérapie de groupe » (tome 3), Dargaud, 16 €


mercredi 7 septembre 2022

De choses et d’autres - Pas la même équipe

Nouvelle polémique autour du ballon rond. Pour une fois, les frasques des millionnaires du foot ou les dérives sociales et climaticides de la coupe du monde au Qatar n’y sont pour rien.

C’est du foot plaisir qui pose problème. Cette envie qu’on a tous, un jour ou l’autre, de jouer une partie cool, sans pression, juste pour le plaisir de courir un peu, de faire des passes et, si possible, de marquer.


Le problème est de savoir si on peut jouer avec n’importe qui, même son pire ennemi, ce contre quoi on lutte pied à pied au quotidien. Le cas de conscience s’est posé aux députés de gauche, quand ils ont appris qu’ils devraient faire équipe et donc porter le même maillot que des élus du Rassemblement national. Logiquement, ils ont refusé.

Hors de question d’offrir de belles images de fraternité, de joie et de convivialité avec ceux qui, il ne faut jamais l’oublier, ont apporté dans l’hémicycle leurs idées d’exclusion, de préférence nationale et de stigmatisation des étrangers.

Car un député Rassemblement national, même en short, reste un représentant du parti politique français directement issu d’une formation au passé sulfureux, aux dirigeants maintes fois condamnés pour racisme ou révisionnisme. Jouer au foot avec eux, comme si de rien n’était, ce n’est qu’une nouvelle façon de dédiaboliser la formation politique d’extrême droite.

Et ceux qui, aujourd’hui, crient à la faute politique d’une gauche intransigeante et trop radicale devront s’en souvenir, dans quelques années, quand ils passeront place Pierre Sergent pour se rendre au stade Jean-Marie Le Pen, juste à côté du square Pétain.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 30 septembre 2022

BD - Spirou coule


Tout héros a une fin. Pour Spirou, tête d’affiche des éditions Dupuis, le moment semble venu de tirer sa révérence. Dans ce 56e titre de la série, écrit par Abitan et Guerrive, dessiné par Schwartz, il est quand même question de « La mort de Spirou ». Une nouvelle équipe pour un seul album ?


Et si plus subtilement cette histoire de ville sous-marine avec du Zorglub en filigrane n’était qu’une vaste opération marketing ? On ne le sait pas exactement en refermant l’album.

On se dit simplement que l’ensemble est réussi, cohérent et assez fidèle à l’esprit de la série. Excepté cette mort finale…

« Spirou » (tome 56), Dupuis, 11,90 €

mardi 6 septembre 2022

Cinéma - “Les mystères de Barcelone”, du fait divers au film

Film catalan de Lluis Danès, avec Nora Navas, Roger Casamajor, Bruna Cusí. 

Dans la Barcelone du début du XIXe siècle, une série d’enlèvements d’enfants crée la psychose. Une coupable est arrêtée, Enriqueta Martí (Nora Navas). Elle écope du surnom de Vampire de Barcelone. Suspectée de sorcellerie, les autorités affirment qu’elle tuait les enfants pour en récupérer les fluides qui, transformés en élixirs, sont vendus à la haute bourgeoisie catalane. 

Le film de Lluis Danès s’écarte de la thèse officielle. Il suit l’enquête du journaliste Sebastià Comas (Roger Casamajor) persuadé que la coupable n’est qu’un leurre pour cacher les véritables monstres. Un film très esthétique, avec un quartier du Ravall reconstitué de façon très onirique. Une partie en noir et blanc (chez les pauvres), d’autres séquences en couleurs criardes, notamment dans la maison close. 

Une expérience visuelle très impressionnante et aboutie.


Récit - Régis Franc à la ferme


Longtemps, Régis Franc n’a juré que par les rues animées de Paris et les rivages de la Méditerranée, plus spécialement de l’Aude qui l’a vue naître à Lézignan-Corbières. Mais le créateur du Café de la Plage, feuilleton dessiné du Matin de Paris a rencontré une femme qui l’a entraîné dans une toute nouvelle aventure : la campagne.

Il a retrouvé ses pinceaux et crayons de couleur pour raconter l’histoire de la ferme de Montaquoy, cette exploitation agricole où sa compagne, Valentine, tente de retrouver le goût et le travail d’antan. 


Cet objet graphique unique propose quelques séquences de BD en noir et blanc, de grandes planches colorées, à la limite de l’abstrait, des portraits, du texte et même des documents d’époque. L’ensemble compose un livre rare de 200 riches et passionnantes pages.

De l’acquisition du domaine par Ernest, le Girondin qui a fait fortune en vendant des voitures puissantes au Paris de la Belle Époque à la renaissance de la ferme à l’aube des années 2000 quand Valentine en prend les rênes, c’est plus d’un siècle de l’histoire de la paysannerie française qui est retracé avec chaleur et bonté par un Régis Franc qui n’a rien perdu de son talent de conteur.

« La ferme de Montaquoy » de Régis Franc, La Cité Graphique (Presses de la Cité), 25 €
 

lundi 5 septembre 2022

Cinéma - “Sans filtre” massacre le capitalisme et le luxe

Palme d’or à Cannes, Sans filtre est une féroce satire des dérives de la société capitaliste et consumériste

Le dîner du commandant (Woody Harrelson) va virer à la farce macabre. Plattform-Produktion


Rarement un film aura aussi bien démasqué les dérives de notre société capitaliste occidentale. Sans filtre, de Ruben Östlund, est d’une méchanceté qui n’a d’égale que sa justesse. Un pamphlet féroce qui est reparti de Cannes avec la Palme d’or. Méritée, même si le long-métrage (2 h 30) est parfois inégal. 

La première partie, sur la relation déséquilibrée entre deux mannequins (une femme et un homme), tout en abordant le problème des inégalités salariales, inversées dans ce cas précis, est un peu répétitive. Le final, sur une île déserte, avec quelques rescapés d’un naufrage, aurait mérité un film à lui tout seul. Certains regretteront, d’ailleurs, une fin un peu trop ouverte.  Reste la prouesse de ce Sans filtre, toute la partie se déroulant sur un yacht de luxe réservé à des croisières destinées aux ultra-riches. On retrouve, à bord, les deux mannequins, par ailleurs influenceurs, Carl (Harris Dickinson) et Yaya (Charlbi Dean Kriek). 

Ils vont côtoyer un oligarque russe, fier de clamer partout qu’il a fait fortune en « vendant de la merde » (il commercialise des engrais), le patron très coincé d’une start-up ou un couple de vieillards anglais, charmants, polis et prévenants, si ce n’est qu’ils ont gagné des milliards en vendant des mines antipersonnel à toutes les dictatures de la planète. Sur ce bateau, loin du bruit du monde et surtout des pauvres, les clients ont tous les droits. Quand la femme du Russe décide que les employés doivent aller se baigner, la décision est immédiatement validée par la responsable du personnel. 

Un monde feutré, où Carl et Yaya font un peu figure de tâches car, eux, ne sont pas encore riches à millions. La croisière leur est offerte, en échange de photos et de vidéos dithyrambiques. Un seul problème sur ce bateau : le capitaine (Woody Harrelson). Lors du classique et très attendu repas du commandant, il reçoit à sa table les plus riches. Mais ce soir-là, la mer est démontée. 

Rapidement, caviar, champagne, poulpe et autres mets raffinés se transforment en jets de vomis à l’effet burlesque absolument réjouissant. Ruben Östlund semble prendre beaucoup de plaisir à filmer ces très distingués capitalistes transformés en simples outres nauséeuses, glissant et roulant tels des ballots à l’abandon dans le roulis de la coursive répugnante de dégueulis et de merde. 

Le capitalisme dans toute son horreur. Sans filtre.

Film de Ruben Östlund avec Harris Dickinson, Charlbi Dean Kriek, Dolly de Leon, Woody Harrelson, Jean-Christophe Folly