samedi 20 novembre 2021

De choses et d’autres - Le nouveau scandale du foot français

Encore un scandale dans le milieu du foot. Décidément le monde du ballon dit rond tourne de moins en moins rond justement. À se demander ce qui traverse l’esprit des dirigeants du sport le plus populaire de France. Pourtant il serait facile de mettre fin à cette mauvaise image de marque. Rien de bien compliqué ni de coûteux quand on connaît le montant des droits télés versés par les diffuseurs.

Je précise que ce scandale n’a rien à voir avec les incidents du match entre Lyon et Marseille dimanche soir. L’arrêt d’une rencontre au bout de trois minutes deviendra de plus en plus fréquent vu les supporters qui font le déplacement en tribune. Je suggère d’ailleurs aux organismes chargés de paris sportifs de rajouter une case dans leurs grilles. En plus des deux victoires possibles et du nul, pourquoi ne pas rajouter l’option « match arrêté ».

Non, quand je parle de scandale, je fais référence à ce qui s’est passé à Rennes samedi soir avant le match de coupe de France entre le petit club de Bréquigny et le club professionnel de Brest. Quand l’équipe de Bréquigny est arrivée sur le terrain, le public a constaté qu’aucun de ses membres ne portait de shorts. Juste le maillot qui descendait jusqu’à mi-cuisse.

Car il faut savoir qu’en coupe de France féminine, la fédération ne fournit que le haut de la tenue alors que chez les amateurs, à ce stade de la compétition, c’est toute la panoplie qui est offerte aux hommes, chaussettes comprises. Alors les joueuses de Bréquigny, pour protester contre cette discrimination sexiste, ont décidé de jouer la partie en culotte. Malheureusement éliminées, les courageuses footballeuses bretonnes quittent la compétition.

Dommage, car la FFF a annoncé que désormais, la tenue complète serait offerte aux équipes féminines amateurs toujours en lice en Coupe de France.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 23 novembre 2021

vendredi 19 novembre 2021

Thriller - Le train terrifiant du "Passager sans visage"

Suite directe de son précédent roman Le dernier message (paru chez Pocket en format poche), Le passager sans visage de Nicolas Beuglet est un long cauchemar sur l’évolution des mœurs et de l’Humanité. On retrouve l’héroïne principale de ce thriller dépaysant. Grace Campbell, inspectrice de la police écossaise, est de retour chez elle. Célibataire, vivant seule avec son chat encore plus sauvage qu’elle, elle profite d’un petit moment de répit pour tenter de comprendre de nouveau ce qui a pu lui arriver quand elle était jeune. Car si Grace a tant de difficulté à s’intégrer socialement, c’est en raison d’un traumatisme quasiment impossible à effacer. Ce second roman de ses aventures débute par le souvenir de cette période. Petite fille, elle est enlevée. Durant plusieurs jours elle sera prisonnière d’un homme qui la violera régulièrement. Par chance, un autre petit garçon, lui aussi victime de ce réseau de pédocriminels, va lui permettre de s’évader. 

De retour à la maison, Grace mettra des années à s’en remettre. Une vie et une famille détruite. Le père préfère quitter le foyer, la mère élève seule sa fille qui décide de devenir policière avec l’espoir de retrouver ses tortionnaires. Ce qu’elle fait au début du roman. Elle va retrouver le policier qui était chargé de l’enquête et tenter une ultime fois de le faire parler. 

La légende de Hamelin

Avec une science du rebondissement poussée à son paroxysme, Nicolas Beuglet va conduire la jeune policière vers une piste allemande. C’est à Hamelin, la ville qui a servi de cadre à la légende du joueur de flûte qu’une première évidence va s’imposer à ses yeux. Dans le conte, le joueur, pour se venger des villageois, enlève tous les enfants de la ville prospère une fois débarrassée des rats. Et Grace de comprendre que ce conte était en réalité une déformation d’un véritable fait divers. Au Moyen Âge déjà, des hommes avaient des techniques et des réseaux pour enlever de petites victimes. 

La suite du roman sera très mouvementée dans cette Allemagne montagneuse, enneigée, sombre et secrète. Cela passe par des grottes contenant des secrets vieux de plusieurs siècles, un chalet perdu dans la forêt, sorte de réplique des maisons de ces contes, « une chaumière dont l’une des minuscules fenêtres diffusait une lumière tremblante », qui sont au final souvent terrifiants puis un train circulant à travers l’Europe. C’est là qu’elle va affronter le grand manipulateur, le Passager, chef de guerre de ce réseau déjà entr’aperçu dans le premier thriller. 

La meilleure trouvaille du romancier est de faire revenir en scène un des personnages du Dernier message. Et comme l’auteur semble avoir envie de prolonger la quête de Grace Campbell, un court épilogue laisse comprendre au fan qu’il y aura un troisième volet, car  il y a une troisième phase au grand complot de la malfaisante organisation Olympe.

« Le passager sans visage », Nicolas Beuglet, XO éditions, 19,90 €

 


De choses et d’autres - Robert : masculin, féminin ou autre ? 

Alors qu’on entre tout droit dans une quatrième ou cinquième vague (je m’y perds un peu comme beaucoup de mes concitoyens qui ont surtout l’impression de ne pas encore être sortis de la première), que la Guadeloupe s’enflamme et que les candidats à l’investiture pour les Républicains monopolisent encore le prime time d’une chaîne de télévision nationale juste pour savoir, selon toute vraisemblance, qui aura l’honneur de perdre en avril, une étonnante polémique vient relativiser ces mauvaises nouvelles.

En découvrant que le dictionnaire Le Robert a décidé d’intégrer dans sa nouvelle édition le mot « iel », le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, s’est fendu d’un communiqué offusqué pour souligner que « l’écriture inclusive n’est pas l’avenir de la langue française. »

Pour rappel, le pronom iel (ou ielle) est utilisé par ceux et celles qui ne veulent pas choisir de genre. Ce 3e sexe qui semble tellement déboussoler les fameux « boomers », ces hommes (essentiellement) de plus de 50 ans qui n’arrivent pas à comprendre que la société est en pleine évolution sur ce sujet.

L’équipe du dictionnaire Le Robert, toujours à l’écoute des pratiques des Français, a pourtant bien précisé dans sa notice que iel, est « rare ». Mais il existe et est de plus en plus utilisé. Rien d’étonnant. Il y aura de plus de jeunes garçons qui ne se reconnaissent plus du tout dans le stéréotype du macho viril et dominant. Comme de plus en plus de jeunes filles rejetteront de n’être considérée que comme femme, notamment par des féministes vindicatives.

Les voilà les armées de iels (ou ielles, les deux peuvent s’écrire et se dire) qui vont donner tort au ministre d’ici dix ans maximum.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 22 novembre 2021 

jeudi 18 novembre 2021

Roman - La vie au ralenti à « Aulus »

Certaines communes des Pyrénées ont connu une forte activité quand les thermes fonctionnaient et attiraient quantité de curistes et autres touristes richissimes. Aulus-les-Bains (mais tout le monde dit Aulus tout court), dans l’Ariège, créé à la belle époque, n’est plus qu’un village quasi déserté perdu au fond d’une vallée. C’est là que le père de Zoé Cosson découvre un vieil hôtel à la vente. Il l’achète et se met à le rénover. Pour Zoé, encore enfant, c’est devenu son lieu de vacances, sa seconde maison, son petit monde. Zoé Cosson a décidé de raconter la vie dans ce village pyrénéen typique. 

Un premier roman qui aurait pu avoir des airs de texte nostalgique d’un terroir perdu mais qui se transforme en long poème naturaliste où pierres, montagnes, ciel et habitants interagissent avec intelligence et bonheur. Pourtant il est difficile de vivre à Aulus : « Le village est une surface cabossée, boursouflée, qui cloque et se soulève brusquement sur ses bords pour épouser l’élan des montagnes. » Dans la région, où la vie semble au ralenti, il n’y a plus d’avenir, plus de projets. Ne reste que les sentiers pour les randonneurs. Et peut-être une ancienne mine de tungstène dans le village voisin. Mais le projet de rachat par des Australiens va vite capoter. Aulus dort, il ne faut pas la réveiller.

« Aulus » de Zoé Cosson, Gallimard, 12,90 €

Confrontation : dans les coulisses de la fabrique d’un festival de cinéma à Perpignan

 Confrontation est un festival qui surfe entre les vagues. Reporté d’une année en pleine première vague de coronavirus, la 56e édition du festival de cinéma perpignanais, Confrontation, a dû décider d’un nouveau report en mars dernier alors que la 3e vague sévissait. Mais il en faut plus pour décourager les organisateurs. Normalement le festival va se dérouler la semaine prochaine, du 23 au 28 novembre au cinéma Castillet à Perpignan. Une petite semaine, plus de 80 films, des invités et tout cela malgré une 5e vague qui ne dit pas encore clairement son nom. Le thème de cette année, « Filmer le temps présent », semble particulièrement d’actualité. Et le présent d’un festivalier en 2021, c’est de toujours tenir prêts son pass sanitaire et son masque…


Maudit le festival Confrontation ? Non, mais depuis l’an dernier, le grand rendez-vous des cinéphiles des Pyrénées-Orientales doit jongler pour tenter d’assouvir leur passion. La 56e édition était normalement prévue pour avril 2020. Confinement oblige, elle a été annulée. Exactement reportée à l’année suivante. 12 mois plus tard et de nouveau confinement…

Mais il en faut plus pour décourager l’équipe de l’Institut Jean Vigo. Réajustant en permanence le programme (notamment en fonction des disponibilités de certains invités), il est décidé de proposer la 56e édition en novembre, du 13 au 28. On y est. Mais de nouveau pointe le spectre de la pandémie en pleine recrudescence.

Pourtant, à quelques jours de l’ouverture, ce qui inquiète les plus Jacques Verdier, un des programmateurs, c’est la météo : « On annonce de la pluie, du vent, presque une tempête… » Le public osera-t-il affronter les éléments pour profiter de ces films soigneusement sélectionnés pour illustrer le thème de cette année : « Filmer le temps présent » ? « Nous avons un public de fidèles », explique le responsable du festival, Alain Loussouarn. Fidèles et cinéphiles. Une des difficultés quand il faut élaborer le programme, c’est de trouver l’équilibre entre films connus qui vont attirer le public et pépites rares dénichées dans des cinémathèques amies. Mais avant, il faut déterminer le thème général du festival. « Nous faisons un tour de table longtemps à l’avance, explique Jacques Verdier. Pour le prochain, six idées ont été présentées et défendues. Ensuite on décide collégialement en s’appuyant sur une première sélection de films emblématiques. »


Mais le travail ne fait que débuter. Il faut étoffer le programme, trouver des invités et surtout des films disponibles. Même ceux qui sont dans le circuit commercial sont parfois compliqués à obtenir. Voire impossible quand ils sont en cours de rachat. Ainsi deux des films du programme (Pandémie et Lord of war) ne pourront pas être diffusés finalement. 

Belles rencontres


Cette chasse au long-métrage permet aussi parfois de belles découvertes. En préparant la sélection destinée à illustrer la problématique « De la chute du mur au nouveau cinéma allemand », Jacques Verdier cherchait un film d’un autre pays du bloc de l’Est. Finalement, un des intervenants de l’Institut d’Histoire du temps présent, au cours d’une conversation informelle, lui a trouvé un film hongrois datant de 1992 (Junk Movie, le samedi 27 novembre à 14 h). 

Toujours dans cette thématique allemande, en début d’année, le programmateur est sur la trace des ayants droit d’un film allemand de 1979 sur l’apparition d’une maladie très contagieuse en Allemagne. La maladie de Hambourg de Peter Fleischmann (jeudi 25 novembre, 18 h 15) était quasiment prophétique, les foules se protégeant avec des masques chirurgicaux. Jacques Verdier obtient finalement un contact téléphonique et tombe sur la compagne du réalisateur. Ce dernier parlant français donne rapidement son accord pour venir à Perpignan en avril, malgré ses 80 ans passés. Le second report du festival a empêché de finaliser le projet : Peter Fleischmann est mort durant l’été. 

Une fois la programmation calée, les films reçus, la grosse machine doit se mettre en place. « Au début, on commence avec une petite équipe, mais plus l’échéance approche et plus elle augmente, il faut l’appoint de nombreux bénévoles, ces petites mains sans qui rien ne serait possible » souligne Jacques Verdier. Alors il ne reste plus qu’aux festivaliers du temps présent de profiter de ces dizaines de projections

Programme et réservations sur www.inst-jeanvigo.eu  

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Mödernes… depuis 40 ans

Certaines têtes d’affiche se cachent parfois dans des programmes. Quand les organisateurs invitent Jean-François Sanz en tant que réalisateur du documentaire Des jeunes gens mödernes, c’est juste en tant que cinéaste. Mais quand l’information arrive aux oreilles du Pyrénéon, le club partenaire de Confrontation, il est immédiatement envisagé de proposer un set avec un des meilleurs connaisseurs de cette période de la musique rock française.

Un set qui sera organisé le samedi 27 novembre, après la projection du film au Castillet à 18 h. Et comme Jean-François Sanz est effectivement une pointure que tout musicien möderne connaît, il a entraîné dans son sillage quelques autres célébrités locales dont Pascal Comelade, les Liminanas, Manuel Perez ou Jean Casagran. Du beau monde qui cultive sa mödernité depuis quatre décennies. 

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Nuit du cinéma : quatre films, des pizzas et une ambiance unique 

Ce n’est pas le même public que le reste du festival, mais la nuit du cinéma est devenue un incontournable de Confrontation. Sur le thème de la dystopie, elle propose quatre films, des pizzas et des quiz pour aller jusqu’au petit matin et les croissants arrosés de café. Cela débute à 21 h (le vendredi 26 novembre) avec Les animaux anonymes de Baptiste Rouveure. Un film assez angoissant où le rapport de force est inversé entre hommes et animaux. Vous ne verrez jamais plus un abattoir de la même façon. Le film sera présenté par un des comédiens, Thierry Marcos.

A 23 h, un classique de la science-fiction avec Soleil vert de Richard Fleischer. Un dessin animé japonais pour les premières heures du samedi avec Les mondes parallèles. Enfin final en apothéose dans les bidonvilles d’Afrique du sud. Mais dans le District 9 de Neill Blomkamp ce ne sont pas les Noirs qui y sont parqués mais des extraterrestres. 

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Des films mais aussi des tables rondes et une exposition  

« Un festival, de nos jours, ce ne peut pas être que des films. Il faut toujours essayer de créer des événements ». Cette constatation de Jacques Verdier explique les nombreuses animations, tables rondes et conférences qui s’intercalent entre les 80 films proposés durant ces cinq jours denses.

Le film d’ouverture, inédit, est emblématique du thème retenu. Ouistreham est tiré du livre de reportages de Florence Aubenas. La journaliste avait passé de nombreuses semaines sous couverture. Elle a travaillé avec ces femmes de ménage qui nettoient les bateaux qui font la liaison entre France et Angleterre. Le film, réalisé par Emmanuel Carrère, sort le 12 janvier, a comme actrice principale Juliette Binoche.

Autre temps fort avec Nos plus belles années, film italien présenté en clôture du festival retraçant les amours, joies et désenchantement de quatre amis durant les 40 dernières années.

A noter la présence parmi les invités de deux producteurs emblématiques : Jacques Bidou et Marianne Dumoulin. Ils ont carte blanche pour présenter trois de leurs films. Il sera aussi beaucoup question lors de cette édition de Confrontation du cinéma allemand après la chute du mur de Berlin, d’écologie, et de tout un volet sur le capitalisme vainqueur dans un monde déréglé qui met l’homme à la marge.

Enfin ne manquez pas lors de votre venue au Castillet de faire un arrêt pour admirer les œuvres de Hermione Volt sur la scène musicale post-punk française du début des années 80. 

mercredi 17 novembre 2021

Cinéma - “Oranges sanguines” : caricature de notre société trop pressée


Saluons ce Oranges sanguines, de Jean-Christophe Meurisse, dans ce qu’il permet de constater que dans notre société de plus en plus aseptisée, il existe encore des artistes qui aiment mordre. A sang. Et méchamment. Personne n’est épargné. En premier lieu, les politiques et leurs conseils. Un ministre (Christophe Paou) est pris la main dans le sac. Exactement en train de transférer de grosses sommes sur un compte dans un paradis fiscal. Il va demander à son ami et avocat (Denis Podalydès), de trouver la solution pour qu’il conserve son poste. Et son argent. 

Une des nombreuses intrigues du film qui raconte aussi comment des retraités endettés tentent de faire patienter les banquiers avides, en dansant le rock ; comment une adolescente qui veut faire l’amour avec ce garçon si beaux va finir au tribunal après avoir fait manger ses testicules à un détraqué sexuel. Au final, tout s’imbrique, avec coups de théâtre et, surtout, description d’une société française complètement déboussolée, folle. 

La critique est acerbe, violente, sanglante, comme ces oranges qui ont le goût des Gilets jaunes. Le réalisateur ose tout, même de faire jouer son propre rôle à un Patrice Laffont oublié du grand public et obligé de présider un jury de concours rock. Une comédie salutaire pour nous ouvrir les yeux sur nos propres turpitudes. 

Film français de Jean-Christophe Meurisse, avec Alexandre Steiger, Christophe Paou, Lilith Grasmug

De choses et d’autres - Le sport des zygomatiques

De tous les muscles qui composent notre corps, ceux qui devraient être les plus développés ne sont pas les plus tape-à-l’œil. Et n’ont aucune utilité dans les différents sports de compétition.

Pour ma part, entre de gros biceps et des zygomatiques resplendissants, je choisis sans hésiter les seconds.

Certes je ne vais pas faire pâlir d’envie les body-builders s’admirant dans les immenses miroirs des salles de musculation, mais mon sourire en dit plus que leurs faces crispées par l’effort.

Du sport pour s’amuser que maîtrisent parfaitement B-Gnet et Besseron, les auteurs de 110 % sport, recueil de gags paru dans la collection Pataquès de chez Delcourt. En quatre cases ils se moquent par l’absurde des enjeux sportifs. Tels ces pilotes de Formule 1 bloqués sur la ligne de départ tant qu’ils n’ont pas tiré une carte « feu vert » aux 1 000 bornes.

Ou ce nageur qui au moment du départ du 100 mètres nage libre prend sa discipline au pied de la lettre et fait le tour du bassin à pieds en hurlant « Libre ! ». 

« 110 % sport », Delcourt, 9,95 € 

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 20 novembre 2021

mardi 16 novembre 2021

Cinéma - Musiques “Magnétiques”


Souvenez-vous de mai 1981. L’élection de François Mitterrand a déclenché une vague de joie et de liberté dans une France sclérosée par 7 années de Giscardisme. Ce premier film de Vincent Maël Cardona se déroule à cette époque. Le réalisateur était encore en couches-culottes, mais cette époque a irradié encore de longues années. Avec plusieurs scénaristes, il a écrit ce film, sorte de témoignage sur un moment unique de la France. Il y a un peu tout dans Les Magnétiques : l’épopée de radios libres, quand n’importe qui depuis son grenier pouvait émettre et partager ses passions musicales, le drame du service national, vaste jeu pour la majorité des jeunes Français cherchant par tous les moyens à obtenir le statut de P4, synonyme de retour à la maison sans passer par la case « sous les drapeaux », la guerre froide et l’encroûtement de la province. 

Un peu trop de sujets qui s’entrechoquent avec une histoire d’amour compliquée. Le film est dense, un peu trop superficiel sur certains sujets, mais l’ambiance est méticuleusement retranscrite. Philippe (Thimotée Robart), est le technicien de la radio libre animée par son frère Jérôme (Joseph Olivennes). Le premier ne parle pas mais manie les sons et la musique à la perfection, le second est un bavard qui sait raconter des histoires, joyeuses ou tristes. Entre eux, une femme, Marianne (Marie Colomb). 

Quand Philippe part faire son service militaire à Berlin, il découvre et travaille pour le monde de la véritable radio, celle qui sert à inonder les pays du bloc de l’Est des musiques du monde libre. Il pourrait s’éclater mais ne pense qu’à une seule et unique chose : Marianne, la petite amie de son grand frère. La tragédie est palpable dès les premières images. Car sous couvert de modernité, c’est un drame antique qui se joue entre Berlin, la province et le salon de coiffure de Marianne

Film français de Vincent Maël Cardona avec Thimotée Robart, Marie Colomb, Joseph Olivennes

De choses et d’autres - Les images du capitalisme

Même les plus beaux symboles de nos jeunes années sont susceptibles de cacher des pièges impitoyables. J’ai découvert avec stupéfaction en écoutant France Culture que « l’album Panini est le premier contact de l’enfant avec le capitalisme. » Le bête album pour collecter les images de nos idoles, parfois offert gratuitement, serait en réalité une machine diabolique pour rendre l’enfant totalement dépendant à l’argent.

Je ne suis pas certain de la justesse de l’analyse, mais en y réfléchissant, on s’aperçoit que ce n’est pas totalement faux. Car, pour compléter son album, il faut acheter beaucoup de sachets d’images. L’album est gratuit, mais pour avoir une chance de collecter tous les visages, c’est un pont d’or qu’il faudra donner au marchand. Et quand il ne manquera plus qu’une seule image, la possibilité de la trouver est à peu près égale à celle de gagner le gros lot à l’Euromillions ou de décrocher un CDI avant d’avoir 35 ans. Et le chroniqueur de France Culture de souligner le « caractère profondément déceptif » du capitalisme.

Pourtant, il existe un moyen de penser du bien du capitalisme et de sa loi de l’offre et de la demande. Au lieu d’images Panini, il fallait collectionner des cartes Pokémon. Les chanceux qui ont une « Espeon ? 16/17 POP Series 5 » pourraient la revendre plus de 2 300 $ sur les sites spécialisés. En voilà du capitalisme utile et efficace.


Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 19 novembre 2021

De choses et d’autres - De la privatisation des étoiles

Si toutes les belles promesses de la COP26 ne sont finalement pas tenues (comme les précédentes, l’optimisme béat a des limites), il ne nous restera plus qu’à quitter la pauvre Terre carbonisée par le réchauffement climatique et se réfugier dans des stations spatiales. Pour l’instant, il n’y en a qu’une et les places sont assez chères. Et pas sûr que l’ISS survive au nuage de débris provoqué par le tir de missile russe sur un vieux satellite

La solution viendra peut-être du privé. Deux entreprises du secteur sont en train de monter un projet de station en dehors de tout giron étatique. Blue Origin et Sierra Space ont annoncé vouloir construire une station spatiale privée pouvant accueillir jusqu’à 10 personnes. Son nom ? « Orbital Reef » soit « récif orbital ».

Mais, construire une station dans l’espace n’est pas aussi facile que de finaliser une centrale nucléaire de type EPR (même si ça reste à prouver). Le projet n’est pas annoncé avant 2050. Au mieux.

Le récif de l’espace ne sera pas une base de recherches pour savants en apesanteur, mais plus prosaïquement un « parc commercial ». Car, il y a beaucoup d’argent à se faire dans l’espace. Les milliardaires sont de plus en plus nombreux sur terre et ne savent plus quoi faire de leur pactole exponentiel. Les promoteurs de la station privée leur proposeront donc d’ici peu des vacances totalement inédites. Au moins, ils ne risqueront pas de croiser de simples millionnaires.

Reste le problème du petit personnel. Qui va préparer le petit-déjeuner de Jeff Bezos quand il sera en orbite ? Pas Elon Musk quand même. À moins qu’ils ne tirent, chacun, à pile ou face chaque matin.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 17 novembre 2021