lundi 13 mai 2013

Billet - Un point, c'est tout !

Ils ont des chapeaux ronds, les Bretons. Ils ont aussi depuis vendredi un nom de domaine internet propre : « .bzh ». Le dossier déposé par la région Bretagne auprès de l'Icann (Internet Corporation for assigned names and numbers) a été accepté, de même que celui de la ville de Paris. Dans le genre revendication régionaliste, c'est une première en France. On va donc voir éclore d'ici quelques mois des sites fleurant bon la province. Franchement, si vous avez à départager chouchen.fr ou chouchen.bzh pour acheter en ligne la boisson alcoolisée locale, vous choisiriez quel site ? De même, si vous cherchez à rencontrer des Parisiens typiques (chacun ses goûts...), entre le site de rencontres bobo.fr et bobo.paris, il n'y a pas photo. Je prédis un succès planétaire au petit malin qui ouvrira une page alliant Pigalle ou Moulin Rouge à .paris. 
La Bretagne n'est cependant pas la première région française à obtenir son nom de domaine. Les Ultramarins ont pris les devants. La Réunion (.re) ou la Guadeloupe (.gp) sont déjà reconnues sur la toile. Il existe même  un .tf pour les terres australes françaises, particulièrement renommées pour leur activité débordante sur le net... Localement, le .cat est déjà largement utilisé par nos voisins catalans du Sud. Par contre le .oc doit sans aucun doute faire des envieux. Au-delà de la revendication linguistique, des labos pharmaceutiques sont sûrement intéressés, juste pour briguer « www.med.oc » Bon, je vais de ce pas déposer une demande à l'Icann, très pratique pour clore une chronique qui part en quenouille : « .final » !

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce lundi matin en dernière page de l'Indépendant.

Livre - La mémoire imagée de Gilles Jacob

Gilles Jacob, dans cet exercice de style, déroule les grands et petits moments de sa vie peuplées de stars et de chefs-d'œuvre du 7e art. 

Le festival de Cannes débute dans deux jours. Les plus grandes stars, les meilleurs réalisateurs se donnent rendez-vous sur la Croisette pour une quinzaine entre émotion, scandale et révélation. Si Cannes a toujours été le mètre étalon dans la production cinématographique mondiale, elle le doit en grande partie à Gilles Jacob, son président. Il a su détecter des talents naissants tout en maintenant un certain classicisme. Ce fou de cinéma, longtemps critique redouté, livre dans « Les Pas perdus », un patchwork de souvenirs, brefs et incisifs.

A la manière de Georges Perec, Gilles Jacob a collecté ses bribes de souvenirs en 496 entrées. Mais si l'écrivain s'est contenté de ses réminiscences d'enfance et d'adolescence, le président du festival de Cannes a balayé plus largement la quasi totalité de sa vie, soit 60 années de culture française. Cela permet de faire un pont entre les générations, de Michel Simon à Lars Von Trier en passant par Deneuve ou Belmondo. Il y a une forte coloration cinéma dans ce livre, mais Gilles Jacob y dévoile aussi son enfance et ces petits riens qui ont marqué les décennies. Dans la première catégorie, l'anecdote de la surprise partie où, en compagnie de Claude Chabrol, il a récolté une cicatrice sur le crâne. « Déguisés en cambrioleurs, nous sommes passés par l'escalier de service, la corniche et la fenêtre du salon entrebâillée, le visage dissimulé derrière un loup noir sous une caquette d'Apache. (…) Un énorme gaillard m'abattit une bouteille de bière sur la tête. » Si Perec s'est souvenu de Pipette, le joueur de rugby à XIII, Gilles Jacob lui préfère « Pierre Albaladejo qu'on appelait M. Drop parce qu'il bottait des deux pieds et qu'il marquait. »

Trou de mémoire

Sorte d'exercice pratique contre l'oubli, ce texte se picore avec délice. Parfois cela s'enchaîne selon une logique numéraire, des « trois grand fleuves russes » au « lundi en huit ». Et puis il y a les passage un peu plus longs comme l'histoire « d'un homme qui vers cinquante ans s'est aperçu que l'endroit au monde où il se sentait le mieux était son lit. Couché, le corps bien calé sous ses oreillers, au chaud sous ses couvertures. (…) Il avait fini par ne plus mettre le pied par terre, sauf pour sa toilette. »

L'auteur se permet même des incursions dans le futur, racontant une cérémonie du festival dans quelques dizaines d'années, sur les hauteurs, la Méditerranée ayant englouti le Palais des Festival. Interrogation aussi sur la mémoire, sa mémoire. Il se souvient de cette fin de soirée ou il n'a plus retrouvé sa voiture. Une absence, un trou. Inquiétant ? Non, car le fait même de s'en souvenir est paradoxalement un bon signe.

Et pour terminer sur une note optimiste, à la 176e entrée, Gilles Jacob se souvient « du fin mot de l'histoire. »

« Les pas perdus » de Gilles Jacob, Flammarion, 15 €

dimanche 12 mai 2013

Billet - Thèse participative

L'argent coule à flot sur internet. Les porteurs de projet l'ont compris et le crowdfunding, système de financement par dons sur internet, est mis à toutes les sauces. Il permet de lancer des artistes de variété, de publier des livres et même de payer ses études. Il suffit d'être persuasif et convaincant comme l'a été Olga Turcan. Cette Moldave, doctorante à Strasbourg, n'en peut plus de concilier petits boulots et préparation de sa thèse. Elle estime donc à 4 000 euros la somme nécessaire pour les huit mois qui la séparent du point d'orgue de ses études. Un appel aux dons est lancé le 31 mars. Trente jours plus tard, elle se retrouve avec un pactole de 5200 euros pour financer ses recherches sur « le français et la francophonie en Moldavie ».
Cette belle histoire va certainement donner des idées à quelques farfelus ou profiteurs : « Si des anonymes sont prêts à donner entre 5 et 100 euros à une Moldave inconnue, pourquoi pas moi ? » Mais attention, entre le tout et le n'importe quoi il faut frapper très fort. Par exemple, le concept de clown-pin-up pour adulte a déjà récolté 1035 euros net. Quant au bonsaï solaire pour recharger votre iPhone, il est carrément en production.  Côté art contemporain vous pouvez aussi aider au projet carcassonnais du collectif Wouaf-Wouaf. « Pitié pour la Pythie » est un « FD en 5D » (fait divers en cinq dimensions) présenté cet été durant le festival à l'espace Zand'art. Il leur manque un petit millier d'euros. A vot' bon cœur M'sieurs dames !

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue samedi en dernière page de l'Indépendant.

samedi 11 mai 2013

BD - Libère le tigre qui est en toi avec "Klaw"


Un gringalet régulièrement tabassé par les fortes têtes de son collège : la vie d'Ange Tomassini n'est pas de tout repos. Dans ce futur proche, les relations entre adolescents n'ont que peu évolué par rapport à nos jours. Mais Ange n'est pas aussi faible qu'il en a l'air. Il se persuade, avant de tomber dans les pommes sous les coups, qu'il se transforme en tigre et fait fuir tous ses adversaires. Et si c'était vrai ? Ozanam signe un scénario intelligent et subtil sur l'adolescence, les rapports avec les adultes, le tout saupoudré d'un peu de fantastique. Moins crédible le fait qu'Ange soit le fils d'un ponte de la mafia. Mais c'est nécessaire pour expliquer la fugue du gamin, en compagnie de son garde du corps. Une série dessinée par Joël Jurion, au trait dynamique, aux influences japonaise et américaines dans le découpage. Cela se lit vite, avec plaisir. Et cerise sur le gâteau, le second tome sort à la fin du mois de mai et l'ultime chapitre de ce triptyque sera en vente en librairie en juin. Vite fait, bien fait !
« Klaw » (tome 1), Le Lombard, 12 €

vendredi 10 mai 2013

Billet - Ariel Castro à visage découvert, ange ou démon ?


Comment savoir ? Comment se douter ?
Ariel Castro, principal suspect dans l'affaire des séquestrées de Cleveland, avait une vie en apparence tout à fait normale. Si ses voisins tombent des nues, que dire de ses amis Facebook. Car Ariel Castro s'y est inscrit en février dernier.
Hier sa page était toujours publique. Sa photo est beaucoup moins effrayante que celle diffusée par la police. Petite barbe bien taillée, casquette et sourire, il a 38 amis. Il partage certains statuts comme cette photo, un enfant gratte une immense guitare. Il présente la basse sur laquelle il joue dans des groupes latino-américains. Son dernier message date du 2 mai. « Miracles really do happen, God is good :) » Quatre jours plus tard, le véritable miracle tenait à la libération des trois jeunes femmes captives depuis dix ans dans sa maison.
On ne voit pas l'intérieur de cette maison de l'horreur. Mais il en parle le 1er mai. Il explique avoir entendu un « grondement agréable » dans la rue et être sorti admirer une Harley. Sortir dans la rue, Amanda, Gina et Michelle devaient en rêver nuit et jour durant leur long cauchemar. La trace laissée par Ariel Castro sur Facebook est encore plus troublante quand on découvre qu'il est « ami » avec un musicien portant le même nom qu'une des séquestrées. Sur le mur de celui-ci, des centaines de commentaires. Certains croient qu'il est de la famille de Gina (faux) et d'autres l'interrogent : comment a-t-il pu être ami avec ce « sick freaks », ce monstre malade.
Comment savoir ? Comment se douter ? 

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - La belle et le sauvage d'Ignacio Noé


Ignacio Noé
, dessinateur argentin, s'est fait un nom dans la BD en signant des histoires érotiques très remarquées. Il est vrai qu'il dessine le corps des femmes comme personne. Expert en courbes suggestives et petit minois affriolant, il n'abandonne pas complètement la partie dans cette nouvelle série intitulée « Douce, tiède et parfumée ». Ally est cette jeune bourgeoise anglaise du XIXe siècle sur le point d'être mariée à un benêt... mais riche et noble. Quelques jours avant ses noces son père est assassiné. Ally découvre alors qu'elle n'est que le fruit d'une expérience sur l'éducation des jeunes filles. Elle va partir à la recherche de sa jumelle et de sa mère, un médium.
Ses nuits, agitées de cauchemars sanglants peuplés de sauvages, vont la conduire dans les bras de Juan, un métis vivant dans le zoo de Londres. La suite devrait être encore plus exotique et sensuelle, les deux tourtereaux prenant la direction de la Terre de Feu.

« Douce, tiède et parfumée » (tome 1), Glénat, 13,90 €

jeudi 9 mai 2013

Billet - 1D en 3D le 28/08

Hier à midi, des milliers d'adolescents souhaitaient être déjà fin août. Non,  le pays ne connaît pas un regain pour l'école. Plus prosaïquement, la date du 28 août, si lointaine et si proche, correspond au jour de sortie en salles du film « This is us, 1D3D movie ». Un documentaire en relief sur la vie en tournée du boys band anglo-irlandais One Direction, 1D pour les initiés. Hier, les dates de sorties partout dans le monde ont été officialisées. Une véritable déferlante sur les réseaux sociaux de l'Hexagone car, on ne sait si c'est par favoritisme ou par représailles, la France (et la Belgique, restons modestes) aura la primeur de ce film. Un jour avant les Anglais et les Américains, cocorico !
Sur Twitter, les fans (ils et elles sont des milliers) ne cachent pas leur enthousiasme. « On est toutes trop fières d'avoir This Is Us avant les Anglaises At américaines » jubile Jade, « On va toutes chialer devant This Is Us ! » redoute Cycie et Lou donne un conseil : « Prendre 458456 paquets de mouchoirs ».
Les « Directioners » (c'est le nom que les fans se donnent entre eux) piaffent d'impatience. Que les autres, imperméables à la musique industrielle et à la plastique juvénile, ne  dédaignent à l'avance le long métrage. Tout simplement car il est réalisé par Morgan Spurlock. Ce documentaliste américain s'est fait connaître avec « Supersize me », le film choc sur MacDo. Ne mangeant plus que dans les fast food, il a filmé sa descente aux enfers. Son regard objectif sur l'engouement pour les 1D, phénomène de société, ne plaira pas forcément aux fans, mais ne manquera pas d'intérêt pour les générations futures.   

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Dépression en couleur dans "Notre seul ami commun" de Boris Mirroir


Boris Mirroir
aime tromper son monde. De loin, ces deux albums de BD en couleur et pleins de jolis dessins de personnages à gros nez, tendance anthropomorphisme, semblent être une succession de gentilles scènes. Perdu ! Il s'agit d'une histoire autobiographique. Une période noire de la vie de l'auteur. Il se coupe du monde, boit de plus en plus alors que sa mère est en train de mourir du cancer. Dans la première scène il se rend à l'hôpital. Mais plutôt que de monter dans la chambre de l'agonisante, il reste sur un banc à proximité à écluser bière sur bière. Là il rencontre Mouss, un compagnon d'infortune. Insouciant, à l'écoute, il va tenter de sortir Boris de sa déprime. Notamment en lui présentant Mary. Mais a-t-on le droit d'être amoureux quand sa mère est sur le point de mourir ? Ce triptyque (les deux premiers tomes sont sortis, le troisième annoncé pour juin) est d'une rare noirceur. Dépressifs, détournez votre chemin. A moins que le malheur des autres ne vous fasse oublier le vôtre. Le résultat est d'une virtuosité graphique étonnante, avec des airs de Moëbius mâtinés de Mandryka.
« Notre seul ami commun » (tomes 1 à 3) , Ankama & CFSL Ink, 15 euros

mercredi 8 mai 2013

Billet - Polémique après le clip d'Indochine, "Cachez cette violence..."

Depuis le jour de sa sortie, le 2 mai, le clip « College Boy » d'Indochine ne cesse de faire réagir. La chanson des quinquagénaires parle de la difficulté de faire accepter sa différence dans notre monde de plus en plus formaté. Pour appuyer ce message, Indochine fait appel au cinéaste québécois Xavier Dolan. Il réalise un court métrage choc. On y voit des élèves, bien sous tous rapports, harceler un de leurs camarades. Le motif ? Son homosexualité. Insultes, brimades, coups, pour au final, le crucifier.
Les images sont violentes, mais nécessaires pour faire passer le message. Car ce que dénonce Xavier Dolan c'est l'aveuglement des adultes. Ils apparaissent avec un bandeau sur les yeux. La polémique fait rage sur les réseaux sociaux - les chaînes de télévision ne veulent pas diffuser ce brûlot. « Censure ! » hurlent les ados.
Le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) entre dans la danse.  « Assez de cette mode de la violence » s'indigne Françoise Laborde. Dans une longue lettre publiée sur le site du Huffington Post, Xavier Dolan lui répond : « vous intervenez dans le débat sur la légitimation de la violence à l'écran avec environ trente-cinq ans de retard. » On ne peut que lui donner raison en voyant le contenu des séries américaines. De toute manière, Collège Boy a déjà été visionné 1 million de fois sur internet. La censure du CSA semble un combat perdu d'avance. Et la lutte contre la violence à l'école peut-elle se passer de la prise de position courageuse d'Indochine ?

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant.  

BD - Télépathie à l'italienne dans "L'entrevue" de Manuele Fior

Un psychologue en pleine crise de la cinquantaine, une patiente de 21 ans souffrant d'hallucinations. Ce qui pourrait devenir une banale histoire sentimentale teintée de psychanalyse devient un passionnant roman graphique de science-fiction sous la plume de Manuele Fior. Raniero, en plein divorce, une nuit, au volant de sa voiture, croit voir des vaisseaux extraterrestres dans le ciel de cette Italie d'un avenir proche. Le lendemain, sa première patiente, Dora, prétend être télépathe. Et elle lui raconte que elle aussi a vu les signaux dans le ciel. Raniero se met à douter sérieusement. Et si Dora disait vrai ? L'invasion sera-t-elle pacifique ou guerrière ?
Dans un noir et blanc plein de nuances, Manuele Fior déroule son récit sur plus de 170 pages. Il dresse au passage le portrait d'une Italie en pleine décomposition, tant morale qu'économique. La télépathie sera peut-être la solution, l'étape nouvelle d'une évolution programmée.

« L'entrevue », Futuropolis, 24 €