jeudi 10 novembre 2011

BD - "Sous l'entonnoir", asile intérieur raconté par Sibylline et dessiné par Natacha Sicaud


Il y a quelques années, Sibylline, adolescente, a fait une tentative de suicide. Sa famille a demandé à ce qu'elle soit soignée dans une clinique psychiatrique. Durant un mois elle va découvrir l'enfermement, les malades et les médicaments qui assomment. Un mois qu'elle raconte dans cette BD dessinée par Natacha Sicaud. Pour bien comprendre l'origine du mal, elle explique comment, à 7 ans, elle a appris que sa mère ne viendrait jamais plus la chercher à la sortie de son cours de danse. Suicidée d'un coup de carabine dans le ventre. Forcément, cela laisse des traces sur la fillette élevée par ses grands-parents. Serait-elle un terrain sensible à la dépression ? Cette crainte est renforcée après une première tentative de suicide. Une TS comme disent ceux qui en font régulièrement...

Dans la clinique, elle raconte les matinées interminables, les crises des uns, les silences des autres. Ce petit monde clos, image même de la folie, elle l'analyse et nous le fait ressentir. Les dessins réalistes de Natacha Sicaud, surtout les visages, donnent un relief encore plus terrifiant à cette chronique d'un enfermement. Aujourd'hui, Sibylline va mieux, elle n'est plus « sous l'entonnoir »...

« Sous l'entonnoir », Delcourt, 17,50 € 

mercredi 9 novembre 2011

Billet - Indignation en direct

La grande force d'internet, c'est l'immédiateté. Et l'absolue liberté.

Saviez-vous que depuis vendredi soir, à l'image des Américains campant devant Wall Street, des centaines d'Indignés français occupent le parvis de la Défense ? L'information n'a pas fait les gros titres des médias traditionnels, mais est de plus en plus présente sur le net via les réseaux sociaux. La vie sur ce campement de fortune, fait de tentes, de duvets et de cartons, démonté sans ménagement (détruit plus exactement...) par des cohortes de gendarmes mobiles, est diffusée en direct sur le site de partage Bambuser.com. Les smartphones des Indignés sont autant de caméras quand ils sont connectés sur la page. Ils retransmettent les assemblées générales, l'arrivée des nouveaux manifestants et... les charges des forces de l'ordre.

« C'est de la vraie téléréalité ! » s'enthousiasme un commentateur de ce live. Pas sûr à 100 % car il faut reconnaître un talent théâtral certain aux manifestants quand, traînés par les pieds, ils crient : « on est pas méchant, on fait rien de mal ! ».

Des images encore plus étonnantes en journée. Au loin, les gendarmes surveillent, au milieu, les manifestants se réveillent (ils dorment sur place à même le sol), tout autour, la cohorte de cadres pressés marche vers les bureaux du plus grand quartier d'affaires parisien. Plusieurs mondes s'opposent sur cette immense scène de la vie moderne. Et internet nous permet d'en être le témoin direct. 

Biographie - Frédéric Dard, dernière ! Entretiens inédits avec le père de San-Antonio

Plus de 10 ans après la mort de Frédéric Dard, Francis Gillery et François Rivière publient des entretiens inédits avec le père de San-Antonio.

Serial-écrivain ayant des centaines de titres à son actif, Frédéric Dard a longtemps vécu dans l'ombre de son personnage vedette, San-Antonio. Ils sont pourtant nombreux a avoir tenté de casser la carapace et de comprendre l'homme, le romancier, le raconteur d'histoires. En 1995, Francis Gillery et François Rivière se sont longuement entretenus avec Frédéric Dard dans le cadre de la préparation d'un documentaire télévisé. Ce sont ces passages, non retenus dans le montage final, qui sont repris dans ces 200 pages 100 % Dard.

Famille, origines, amours : on en apprend beaucoup en lisant de livre. De ses racines paysannes et lyonnaises, Frédéric Dard conserve surtout cet amour pour sa grand-mère. C'est elle qui lui a donné l'envie de raconter des histoires. Comme quand il a imaginé qu'un avion s'était posé dans un champ près de la ferme. Au début c'est un petit mensonge, puis cela devient une véritable histoire, l'aviateur a même un nom.

 L'écriture, un véritable vice

 De son enfance à Lyon, Frédéric Dard se souvient de la pauvreté de ses parents. Pourtant il est heureux. Et en ces temps difficiles (c'est la seconde guerre mondiale), il trouve du travail dans un journal local. Apprenti journaliste il y rencontrera les premiers personnages qui lui inspireront les Bérurier, Pinaud et autres Félicie. Le jeune homme ne se reconnaît qu'un seul vice ; l'écriture. Il a besoin, chaque jour, de passer plusieurs heures derrière sa table de travail à imaginer des histoires. Plusieurs romans paraîtront grâce à un éditeur lyonnais. Sans grand succès.

 Après la Libération, marié, père de famille, il décide de « monter à Paris » pour réussir. Il se donne six mois. Ce sera effectivement le temps qu'il lui faudra pour convaincre un éditeur, Armand de Caro, le créateur des éditions Fleuve Noir.

 Réussite enivrante

La mode est aux héros américains. Il donnera le nom d'une ville texane à son personnage principal. San-Antonio est né. Une première histoire était parue à Lyon, Armand de Caro veut que Frédéric Dard continue dans la même veine. Mais l'éditeur impose ses conditions : « Il faut une programmation, explique-t-il à Frédéric Dard. Alors vous allez entrer en San-Antonio comme d'autres rentrent en religion et vous allez me pondre des San-Antonio et moi je me charge du reste. » Rapidement les tirages explosent, le commissaire devient une légende, chaque nouvelle aventure est attendue par des milliers de fans. Et Dard de se souvenir de cette époque : « c'était quelque chose de grisant, vraiment de grisant parce que toute réussite est enivrante. » Le succès, la fortune mais le doute aussi, « sincèrement, ça me culpabilisait presque. » Conséquence, une période noire, qu'il évoque entre les lignes, notamment ce jour où il a tenté de se suicider.

 Ensuite il y a eu la Suisse, son nouvel amour (avec la fille de son éditeur), et une sorte d'équilibre avec des romans plus ambitieux venant casser la routine des San-Antonio. Ces entretiens, réalisés 5 ans avant sa disparition, montrent un homme apaisé, conscient de son œuvre, heureux de vivre, enchanté surtout de se souvenir de sa jeunesse simple et gaie dans l'ombre protectrice d'une grand-mère aimante.

« Je me suis raconté des histoires très tôt », propos inédits de Frédéric Dard recueillis par Francis Gillery et François Rivière, Fleuve Noir,13 € 

mardi 8 novembre 2011

Billet - Que la Force les pardonne

Rickie Latouche a basculé du côté obscur de la Force. Ce Britannique, fan de Star Wars depuis sa petite enfance, vient d'être condamné à la prison à vie pour le meurtre de sa femme. C'est en découvrant qu'elle venait de détruire intentionnellement ses figurines de Dark Vador et Luke Skywalker qu'il a craqué. A défaut de sabre laser sous la main, il l'a étouffée avec un coussin...

Avec internet, pour les passionnés, les univers imaginaires surfent à la limite de la réalité. Star Wars est un must du genre. Vous pouvez même participer à l'élaboration de la saga en contribuant à Wiki Star Wars, une encyclopédie interactive entièrement consacrée au monde créé par Georges Lucas. Les personnages sont entrés dans l'imaginaire populaire.

Dernier exemple en date avec ce spot publicitaire où un gamin déguisé en mini Dark Vador tente d'utiliser la Force pour influencer son entourage. Sans effet sauf sur la voiture qu'il parvient à démarrer à distance... avec l'aide de son père qui a la télécommande en main.

Beaucoup croient à l'existence de la Force, mais elle ne leur sera d'aucun secours contre le ridicule. Tel cet adolescent américain, un peu enrobé, qui, prenant le manche d'un balai et le faisant tournoyer dans tous les sens comme une majorette épileptique, se transformera en un seigneur Jedi expert en maniement de sabre laser. Tout au plus sera-t-il la risée des 23 millions d'internautes qui ont visionné la vidéo... 

BD - Jonathan au Japon sur les traces d'Atsuko, avec Cosey


Jonathan, voyageur infatigable imaginé par Cosey, nous revient pour un périple au Japon. C'est au cœur de montagnes enneigées qu'il va retrouver Atsuko, une jeune femme rencontrée quelques semaines plus tôt en Birmanie. Il désire lui remettre un carnet intime tenu par sa tante et contenant une mystérieuse touffe de cheveux. 

En 54 pages d'une beauté lumineuse, l'auteur suisse conte une histoire de famille déchirante, avec des haïkus en toile de fond. La parution de ce 15e tome des aventures de Jonathan correspond à la sortie du beau livre « Une autobiographie imaginaire en BD », entre monographie, art book et carnet de voyage.

« Jonathan » (tome 15), Le Lombard, 11,95 € (édition grand format avec 16 pages d'aquarelles à 15,95 €) 

lundi 7 novembre 2011

Billet - La cage aux Chevènement

Donc, Jean-Pierre Chevènement est candidat à l'élection présidentielle. « Pour faire bouger les lignes » à gauche a-t-il déclaré sur France 2. A 72 ans, l'ancien CERES (un courant du PS à ne pas confondre avec CRS, même s'il a brillé au ministère de l'Intérieur), veut faire entendre sa voix.

Une annonce qui n'a pas révolutionné le net. Au contraire, le réveil de cet ancien éléphant est devenu une attraction dans la nuit de samedi à dimanche sur twitter. Les utilisateurs du réseau social ont lancé un de ces jeux destiné à dégommer une personnalité. Frédéric « Zadig et Voltaire » Lefebvre en avait fait les frais en son temps.

Samedi, il était proposé de « remplacer un mot dans un titre de film par Chevènement ». Si certaines propositions tombaient à plat, d'autres se révélaient réellement hilarantes : « Comment réussir quand on est con et Chevènement », « Un Chevènement dans un jeu de quilles », « Autant en emporte le Chevènement », « On achève bien les Chevènement »... La palme revient à « La Vérité si Chevènement ? » suivi de près par « La vie est un long Chevènement tranquille » et « Le cercle des Chevènement disparus ».

Au final, je ne sais pas si le président d'honneur du Mouvement républicain et citoyen fera « bouger les lignes » et s'il gagnera beaucoup de voix en faisant campagne sur le net, mais il est sûr que côté moqueries, il est habillé pour l'hiver.

BD - Spirou et Fantasio sur la Lune, prisonniers de Zorglub !


Zorglub est une nouvelle fois au centre de la 52e aventure de Spirou et Fantasio. Kidnappés par le méchant emblématique de la série, les deux héros, animés désormais par Vehlmann et Yoann, se réveillent sur la Lune. Ils découvrent, sur sa face cachée, les laboratoires de Zorglub et un parc d'attraction réservé aux Terriens les plus riches. 

Spirou, malgré son habit de groom, charmera une vedette internationale et surtout perdra de sa gentillesse légendaire après une exposition prolongée aux rayonnements d'une explosion solaire. Très inventive dans la première partie, cette BD est plus classique dans le final avec un affrontement digne des duels de légende. 

Tout en restant dans la charte de la série, les auteurs amènent ce soupçon de modernité qui fait de Spirou un héros d'aujourd'hui... depuis plus de 70 ans.

« Spirou et Fantasio » (La face cachée du Z, tome 52), Dupuis, 10,45 € (édition collector grand format à 19 €)

dimanche 6 novembre 2011

BD - Hergé à nu dans une biographie dessinée par Stanislas


Son héros connait enfin la consécration sur grand écran : Hergé serait certainement très content de l'adaptation de Steven Spielberg. La réédition de la biographie illustrée de Georges Rémi, écrite par Bocquet et Fromental et dessinée par Stanislas, revient sur l'accord signé entre le créateur de Tintin et le réalisateur d'ET. 

En 72 pages on en apprend beaucoup sur la vie d'Hergé, de ses débuts chez les scouts (un carnet de croquis à la main), à ses derniers jours, beaucoup plus intéressé par l'art abstrait que la BD. Entre, il y a une œuvre ponctuée de rencontres, d'amour, de fâcheries et de dépression. La vie d'Hergé n'est pas aventureuse, elle n'en demeure pas moins passionnante.

« Les aventures d'Hergé », Dargaud, 15,95 € 

samedi 5 novembre 2011

BD - Pariez sur le flic de Monplaisir avec Brunschwig et Ricci

Dans un futur proche, un parc de loisirs pour adultes remporte un succès phénoménal. Sur plus de 300 000 hectares, Monplaisir permet à ses visiteurs d'assouvir tous leurs vices autour des jeux. Avant d'y entrer, on choisit un déguisement (de Dark Vador à Mickey en passant par Godzilla) et place au rêve. C'est cher, mais on ne regrette pas. Car en dehors de Monplaisir, même si ce n'est pas montré dans la BD de Brunschwig et Ricci, la vie n'est pas rose. C'est d'ailleurs ce marasme qui pousse Zacchary Buzz à quitter sa campagne. 

Mais il n'arrive pas dans le parc de loisirs avec un déguisement de client mais un uniforme d'apprenti d'Urban Interceptor, les flics privés de cette principauté du bonheur. Car à Monplaisir aussi il y a des faits divers. Des vols (réglés par des robots) et des délits plus graves réservés aux UI. Quand c'est un meurtre, le coupable, grâce aux multiples caméras de surveillance, est rapidement identifié. Il a cependant une chance de s'en tirer s'il remporte son duel avec le meilleur UI du moment. Une chasse en direct se transformant en jeu car il est possible de parier sur le vainqueur. 

Brunschwig, plus que la justice spectacle, invente la justice distraction. Le tout est dessiné par Roberto Ricci, jeune dessinateur excellant dans les couleurs directes et les ambiances à la Blade Runner.

« Urban » (tome 1), Futuropolis, 13 € 

vendredi 4 novembre 2011

BD - « L'astrolabe de glace » ou à la recherche d'un livre rare


Trois personnes, aux parcours totalement différents, se retrouvent à Rome, en 1527, à la recherche d'un livre rare, « Les éphémérides perdues », seule clé permettant de faire fonctionner l'astrolabe de glace. Il y a le musulman Bashir el Hassad, astrologue à moitié fou; Rolf le Borgne, lansquenet au service du général Von Frundsberg et Fiamma, la prostituée chiromancienne, actuelle détentrice du livre tout à fait par hasard. Trois univers, trois quêtes différentes dans un pays en plein bouleversement. 

Le Vatican, replié à Rome qui a perdu de sa superbe, doit faire face à la montée de l'Islam (déjà...) et aux mercenaires des Luthériens. Pourtant Rome est toujours la plus riche de toutes les cités d'Europe et le pape, lui aussi à la recherche du livre, est confiant dans sa puissance. Le contexte historique est parfaitement détaillé dans le scénario de Luca Blengino, mais la première partie de cette nouvelle série italienne vaut surtout pour les dessins d'Antonio Palma. Ce jeune peintre romain est un visagiste virtuose. 

Tous ses personnages ont des « tronches » qui donnent encore plus de violence à cette BD. Chaque case est un petit tableau, l'album formant au total une superbe exposition rehaussée d'un cahier graphique avec de très belles recherches au fusain.

« L'astrolabe de glace » (tome 1), Delcourt, 13,95 €