jeudi 3 novembre 2011

BD - Feuilles volantes pour un hors-série des Fonctionnaires

En cette période de crise économique et de coupes sombres dans les budgets de l'Etat, ce nouveau recueil de gags des Fonctionnaires pourrait avoir de graves conséquences sur la fonction publique. Il suffit qu'un ministre découvre comment travaillent certains de ses administrés pour qu'il décide de réduire les fournitures en élastiques, post-it et autres trombones. 

Car pour Juste, Mélissa ou Riboulet, quelques uns des personnages récurrents de la série de Bloz (dessin) et Béka (scénario), ces ustensiles servent essentiellement aux pauses (qui sont très nombreuses, il faut le reconnaître). La caricature de cette corporation depuis toujours tête de Turc des Français (ceux qui sont persuadés de travailler plus, ce qui est rarement le cas...) remporte un beau succès. Certainement car elle n'est pas trop au vitriol. 

Au final, ils sont tous très sympathiques ces fonctionnaires, un peu tire-au-flanc, mais pas méchants et souvent investis dans leur mission, comme quand Juste est fier d'avoir bouclé un dossier en moins d'une heure. Un record qui dans d'autres conditions lui permettrait de remporter une distinction bien méritée. En cadeau, un cahier reprenant quelques perles de l'administration, véridiques cette fois, comme ce laconique « Notre réponse affirmative est donc non ! »

« Les Fonctionnaires » (hors série), Bamboo, 10,50 € 

mercredi 2 novembre 2011

Roman - Betty l'ensorceleuse, polar à la Simenon d'Arnaldur Indridason

Dans la froideur de l'Islande, le machiavélisme d'une femme trop belle fait plusieurs victimes. Un polar « à la Simenon » par Arnaldur Indridason.

Depuis « La cité des jarres », son premier polar publié en France, Arnaldur Indridason s'est imposé comme un maître du polar nordique. Il ne vient pas de Suède mais d'Islande, un pays encore plus dur et froid. L'hiver arctique sans fin a des conséquences très néfastes sur le moral des habitants de cette vaste île volcanique perdue dans l'Atlantique Nord. Son héros récurrent, par exemple, le commissaire Erlendur Sveinsson, est l'exact opposé d'un joyeux boute-en-train. Dans « Betty », polar écrit en 2003 soit avant l'apparition d'Erlendur, Arnaldur Indridason semble vouloir rendre un hommage à Simenon, maître du roman policier sombre, aux ambiances lourdes de sous-entendus, de non-dits et de machiavélisme.

Betty, une apparition

Le narrateur est en garde à vue. La police l'accuse de meurtre. Il reste muré dans son silence. Refuse de collaborer. Et se souvient. Le texte alterne courtes scènes d'interrogatoire et longs retours en arrière pour planter le cadre de ce drame. Tout débute quand Betty fait son apparition dans une salle de conférence. Il y était question de quotas de pêches européens, la spécialité du narrateur après ses études juridiques. Betty est la femme d'un riche armateur islandais. Betty est ensorcelante. « Elle avait une robe moulante avec de minces bretelles qui laissaient voir ses gracieuses omoplates, son abondante chevelure brune lui retombait sur les épaules et ses yeux étaient enfoncés, bruns avec une pointe de blanc qui étincelait. Et quand elle souriait... » Le coup de foudre est immédiat, la suite de plus en plus torride, « J'essayais de feindre l'indifférence, plus exactement j'essayais de ne pas la fixer. Ses seins étaient petits et on devinait les mamelons qui pointaient sous la robe. » Betty est là pour proposer un travail, se mettre au service de son mari, pêcheur ambitieux, malheureusement limité quand il s'agit de négocier des quotas avec les instances de la communauté européenne.

Femme fatale

La femme au service du mari se révèle être aussi une femme battue. Et au bout de quelques semaines elle va tomber dans les bras de ce narrateur qui aujourd'hui semble vouloir la défendre tout en la haïssant. Que s'est-il passé exactement entre ce trio classique ? Le lecteur le découvre par petites touches, avec une prouesse de l'auteur qui parvient à placer un coup de théâtre au milieu de son texte. Une petite révélation qui renverse toutes les suppositions que l'on commençait à envisager. Betty se révèle alors véritablement machiavélique.

Ce roman policier de jeunesse est beaucoup plus classique que les suivants signés par Arnaldur Indridason. On n'y retrouve pas la rudesse du pays qui fait tout le « charme » de la série des Erlendur. Mais cela reste une intrigue efficace, parfaitement menée, totalement dépendante du personnage de Betty. Une femme fatale qui risque d'être longtemps présente dans vos rêves, avant que ces derniers ne se transforment en cauchemars.

« Betty » de Arnaldur Indridason, Métailié Noir, 18 € 

mardi 1 novembre 2011

BD - Une bavure bien baveuse pour la 20e enquête de Canardo


Revoilà notre ami l'inspecteur Canardo. Le canard détective privé va se frotter, dans sa 20e aventure toujours écrite et dessinée par Sokal, au milieu des joueurs de poker. Tout débute par un banal hold-up. Quelques millions dérobés dans une banque. Les malfrats sont acculés quand arrive le commissaire Garenni, totalement ivre. 

Des coups de feu sont échangés, les voleurs parviennent à s'échapper, le jeune inspecteur Molart est grièvement blessé à la tête. Après analyse, la balle vient de l'arme de Garenni. Canardo est embauché par la femme de Garenni pour découvrir qui a élaboré ce coup monté ayant l'avantage de mettre hors d'état de nuire deux flics en même temps. La série qui a débuté à la fin des années 70 dans (A Suivre) n'a pas pris une ride. Canardo promène sa dégaine de privé alcoolo de bouge en morgue avec une décontraction inébranlable. 

Au passage il charme une inspectrice de la Police des polices et met de façon tout à fait imprudente ses pieds palmés sur la table de poker de gangsters russes. C'est noir à souhait et totalement immoral.

« Canardo » (tome 20), Casterman, 10,95 € 

lundi 31 octobre 2011

BD - Une starlette énervée dans "Du plomb pour les garces" de Mangin et Malnati

Qui aime bien châtie bien. C'est un peu l'impression que l'on a quand on referme cet album de BD. Valérie Mangin, la scénariste, semble bien connaître les mœurs parfois dissolus des stars d'Hollywood, celles qui ont des appâts ronds et volumineux. Mais ce ne sont pas elles qui s'en tirent le mieux. 

Toute la presse à scandales de Los Angeles est sur les dents. La jeune chanteuse Brittany Spice vient de se suicider en pleine rue. Quelques mois plus tard, les deux enfants de Virginia, la méga star internationale sont enlevés. Angela Falcone, chargée de l'enquête sur l'enlèvement, fait le rapprochement entre les deux affaires et très vite Virginia va changer d'attitude. Dans cette seconde partie, toujours dessinée par Malnati, elle troque son image de mère éplorée en chasseuse décidée d'en découdre. 

La scène finale se déroulera dans le désert, sous les objectifs des caméras des télévisions qui n'en demandaient pas tant pour leur audience. De la violence, du sexe, des scandales : un cocktail détonnant pour dénoncer une certaine marchandisation des sentiments.

« Du plomb pour les garces » (tome 2), Soleil Quadrants, 14,30 € 

dimanche 30 octobre 2011

BD - Cobayes involontaires dans "Le protocole Pélican" de Marazano et Ponzio

Aux quatre coins du monde, simultanément, douze personnes sont enlevées par de mystérieux hommes en noir. Quelques temps plus tard, elles se retrouvent toutes, prisonnières dans un vaste complexe isolé. Ce ne sont pas exactement des détenus mais des « unités ». De même les gardiens sont les « compagnons » et les scientifiques interrogateurs des « confidents ». 

De la vieille dame inquiète pour ses chats au jeune révolutionnaire urbain en passant par un fleuriste argentin, ils n'ont rien en commun si ce n'est leur incompréhension de la situation. Que veulent exactement prouver les confidents, les compagnons font-ils aussi partie de l'expérience ? Les questions ne manquent pas en découvrant cet album écrit par Marazano et dessiné par Ponzio. Un duo déjà à l'origine du « Complexe du chimpanzé », toujours chez Dargaud.

On retrouve d'ailleurs quelques constances : l'enfermement, la paranoïa et la force de l'individualisme. Si l'histoire est assez angoissante, l'intrigue et l'identification aux personnages rend cette BD passionnante.

« Le protocole Pélican » (tome 1), Dargaud, 13,95 €  

samedi 29 octobre 2011

BD - Drax cauchemardesques dans le tome 2 de Medina


Elles sont rares les séries qui méritent d'être appréciées en priorité pour le talent du dessinateur. « Medina » en fait partie et c'est d'autant plus étonnant que le scénario est de Jean Dufaux. En fait l'histoire est elle aussi tout à fait remarquable, mais les dessins de Yacine Elghorri sont tellement époustouflants qu'on en oublie presque l'intrigue. Sur la terre, dans le futur, les Humains ne sont plus qu'une poignée.

 Réfugiés dans la ville de Medina, ils résistent de plus en plus difficilement aux assaut des Drax, des monstres arachnéens surgis de nulle part. Ces Drax aux pattes acérées sont l'attraction graphique de la série. Entre Alien et insectes de Starship Troopers, ils ont pourtant un côté humain qui les rendent presque sympathiques. Pour preuve, Boso 1, leur chef, est prêt à faire des concessions pour récupérer une humaine qui porte en elle sa progéniture. Hommes et Drax pourront-ils vivre en paix un jour ? C'est oublier que dans le duo il y a les... hommes !

« Medina » (tome 2), Le Lombard, 13,95 € 

vendredi 28 octobre 2011

BD - Une fillette inquiétante au centre du 3e tome du "Grand Mort"


Imaginée par Loisel (et Djian) et dessinée par Mallié, la série « Le Grand Mort » est un des succès de ces trois dernières années. Ce récit entre réalisme social et fantastique moyenâgeux a séduit des milliers de lecteurs. Après deux tomes se déroulant essentiellement dans le monde parallèle du Petit Peuple, cette troisième partie retrouve la civilisation et cette France en pleine crise économique. 

Alors que les épidémies font des milliers de morts et que le chômage progresse de façon exponentielle, Erwan est toujours à la recherche de Pauline. En compagnie de Gaëlle, une gentille rousse qui n'est pas insensible au charme de ce beau métis, ils recherchent la jeune fille qui elle aussi connaît l'existence du Petit Peuple. Pauline qui va retourner en Bretagne, dans la petite maison d'Erwann. Elle n'est plus seule. Blanche, sa fille, la suit comme son ombre. 

Une fillette mystérieuse, qui cache ses yeux derrière des lunettes de piscine. Blanche, l'élément fantastique qui malgré sa petite taille et sa poupée vous flanque une frousse de tous les diables. Un rebondissement qui rend la série encore plus prenante !

« Le Grand Mort » (tome 3), Vents d'Ouest, 13,50 € 

jeudi 27 octobre 2011

BD - "Alter Ego" de Renders et Lapière : la boucle est bouclée


Parfois, il est des prix véritablement mérités. Le Prix Saint Michel du meilleur scénario a été décerné le 7 octobre dernier à Pierre-Paul Renders et Denis Lapière pour leur série Alter Ego. Une récompense qui tombe très bien alors que viennent de sortir les deux dernières parties de cette série kaléidoscope. 

L'intrigue générale est vue à travers six personnages. Six hommes et femmes qui, volontairement ou à leurs dépens, se trouvent impliqués dans cette opération mondiale. Avec Jonas et Noah, le lecteur entre au cœur du système U Tech. Le premier est un médium. C'est lui qui localise les « alter ego » des personnalités. Des études viennent de démontrer que chaque humain est relié à un ou deux autres congénères. Si l'un d'eux meurt, les autres ne tarderont pas à faire de même. 

Noah est le fils du président des USA. Il découvre le programme car il en est le bénéficiaire. Il va donc tout faire pour rendre encore plus belle sa vie de privilégié. Ces albums lèvent les derniers voiles sur cette machine infernale qui ne semble pas servir qu'à faire le bien autour d'elle... Avant la découverte d'un 7e et ultime tome en 2012.

« Alter Ego » (tomes 5 et 6), Dupuis, 11,95 € 

mercredi 26 octobre 2011

BD - Pacco et Margaux Motin quittent les enfers dans "Very Bad Twinz"

Dans la nouvelle vague de dessinateurs et (surtout) dessinatrices issues des blog BD, Margaux Motin et Pacco ont décidé d'unir leurs talents pour signer une série désopilante, fantastique tout en étant dans l'air du temps. 

Aux enfers, deux démons, Gomar et Pacc, sont convoqués par Satan en personne. Ils vont devoir faire un séjour sur terre. Problème, au moment du transfert, Gomar, démon femelle, se retrouve dans le corps d'un homme et Pacc, démon mâle, s'incarne dans la plastique idéale d'une pin-up. Une situation qui plait à Gomar (qui en profite immédiatement pour uriner debout, faisant exprès de rater la lunette...) mais un peu moins à Pacc. 

Un premier tome jouissif, quel que soit son sexe, déjà série vedette du magazine Fluide G, émanation féministe du célèbre Fluide Glacial.

« Very Bad Twinz » (tome 1), Fluide G, 12 € 

mardi 25 octobre 2011

BD - Blue Estate : les super truands selon Kalvachev chez Ankama

Les comics américain ce ne sont pas que des super héros. Il existe aussi toute une école qui prend racine dans le roman noir. « Blue Estate » est une idée originale de Victor Kalvachev. Une histoire de mafioso, de détective privé, de strip-teaseuse et de star du cinéma d'action. La star c'est Bruce Maddox, l'acteur vedette de la franchise « Traque mortelle ». Un dur, alignant les succès et les ennuis. 

Notamment quand sa femme, la belle Rachel, tente de savoir d'où viennent les milliers de dollars qu'il blanchit allègrement dans la production de ses navets. La mafia fait alors son entrée dans le casting, avec son cortège de cadavres et de kilos de poudre blanche. 

La violence généralisée est atténuée par l'humour permanent du récit. Ne pas se prendre au sérieux reste la meilleure façon de faire passer des idées...

« Blue Estate » (tome 1), Ankama, 13,90 €