mardi 26 mai 2009

Thriller - Triple erreur dans "trois fois plus loin" de Camut et Hug

L'enfer vert mérite bien son surnom dans ce roman fantastico-scientifique signé d'un duo très efficace : Jérôme Camut et Nathalie Hug.

Il est des milieux naturels où l'homme n'est jamais le bienvenu. Il en va de sa survie. La forêt amazonienne fait encore partie de ces terres inexplorées car foncièrement inhospitalières. Pourtant ils sont quelques-uns à espérer en percer les derniers mystères. Des botanistes, des primatologues. Nina Scott, le personnage principal de « Trois fois plus loin », roman de Jérôme Camut et Nathalie Hug, a trouvé dans cette immensité verte un palliatif à son mal de vivre. Perchée au sommet d'un hévéa, elle cueille des plantes aux vertus médicinales. Une collecte pour un grand groupe pharmaceutique américain. Tout se passe bien, malgré les conditions climatiques extrêmes et le risque de croiser des braconniers, jusqu'au jour où un de ses collègues découvre des ruines au sommet d'un tepui isolé (immenses montagnes à sommet plat, aux contours très abrupts, se dressant au-dessus de la jungle). La jeune femme est persuadée d'avoir découvert les vestiges d'une civilisation perdue et beaucoup plus évoluée que les quelques tribus d'indiens de la région. Mais après une brève exploration elle découvre qu'il s'agit d'un cimetière, d'un charnier exactement. Et les restes humains ne sont pas si anciens que cela. La panique la guette, d'autant qu'elle note la présence inquiétante un groupe de singes, des saïmiris, habituellement bruyants, l'observant en silence. Il n'en faut pas plus pour faire fuir le groupe.

Capturée et mise en cage

Une fois revenue à la civilisation, elle n'aura de cesse de retrouver ces ruines. Cela lui permettrait de faire la nique à son père, richissime romancier qui la surprotège. Mais de retour sur place, c'est un cauchemar qui débute. En pleine nuit, dans le noir complet, ses compagnons sont massacrés et elle est capturée par des inconnus puis enfermée dans une cage suspendue aux branches des arbres immenses. Quand elle est descendue, elle croit sa dernière heure arrivée : « Nina sent d'abord un souffle d'air sur sa nuque, puis elle éprouve avec dégoût le contact d'un visage glacé par une sueur âcre. Quelqu'un la renifle et la jauge comme un morceau de viande exposé que l'étal du boucher. Une main moite soulève ses vêtement pour caresser la peau de son dos. Des doigts inquisiteurs aux ongles cassés effleurent le tissu trempé de sa culotte. » Cette mise en bouche montre toute la virtuosité des auteurs à faire frémir le lecteur au côté de l'héroïne. Heureusement, cette dernière en réchappera et retrouvera la civilisation.

Eden ou enfer ?

Mais quand elle racontera ses déboires à son père accouru la secourir, ce dernier sera sceptique. Randolph Scott a beaucoup d'imagination pour ses romans, mais reste cartésien dans sa vie quotidienne. Au fil des 400 pages écrites par le duo, le lecteur découvrira l'origine du charnier. Il faut remonter dans les années 50. Des chercheurs français, venus étudier les saïmiris muets, ont découvert dans cet enfer vert, ce qui pourrait bien être l'Eden. Mais même au paradis, des idées démoniaques peuvent germer dans les esprits malades. Passionnant, argumenté scientifiquement, dépaysant, ce roman peut effectivement ouvrir votre conscience au monde pour voir « Trois fois plus loin ».

« Trois fois plus loin », Jérôme Camut et Nathalie Hug, Calmann-Lévy, 17 € (Des mêmes auteurs vient de paraître au Livre de Poche « Instinct », dernière partie de la trilogie « Les voies de l'ombre », 8 €)

lundi 25 mai 2009

BD - Temps compressé


Voilà une série qui ne s'embarrasse pas de considérations intellectuelles foireuses. C'est du premier degré, avec personnages brut de décoffrage et intrigue ne fonctionnant que grâce aux coups de théâtre, les plus invraisemblables si possible. 

Chanoinat, le scénariste, fait dans le classique, hommage aux films de genre et autres feuilletons d'un temps malheureusement révolu. Castaza, au dessin, est rapide et efficace. Ce n'est pas du grand art, mais cela suffit largement pour faire voyager le lecteur complice. Dans ce second opus, on retrouve notre trio de malfaisants solitaires, remis dans le droit chemin par un adolescent paralysé, concepteur d'une machine à voyager dans le temps. 

Il les charge de retrouver Jade Monroe, la « méchante » de la série, blonde sanguinaire, profitant de l'invention du petit génie pour dégommer les plus grands serial-killers de l'Histoire, de Néron à Attila. Certes, cela reste de la série B, mais quand c'est clairement revendiqué, pourquoi bouder son plaisir ?

« Les aventuriers du temps » (tome 2), Le Lombard, 10,40 € 

dimanche 24 mai 2009

Bd - Animaux rieurs


Le marché des animaux de compagnie est en plein développement. Les classiques chiens et chats ont laissé un peu de leur suprématie pour les NAC, les nouveaux animaux de compagnie. Une large palette d'espèces, pas toujours agréables au premier abord, qui permet aux auteurs de cette nouvelle série comique de multiplier les situations cocasses. Les vendeurs se donnent un malin plaisir à proposer des bêtes adaptées aux futurs acheteurs. La formation de ces duos est souvent source de gags. 

Et pour donner un peu plus de liant à cette série, l'apparition d'une jeune acheteuse particulière donne une dimension humoristique supplémentaire. La fillette, en compagnie de parents qui lui passent tout et qui sont persuadés que chaque caprice a un prix, jette son dévolu sur une étrange bestiole en train de récurer une cage. 

Voilà comment de vendeur dans une animalerie, on se retrouve animal de compagnie... Une situation qui n'a pas que des inconvénients (nourri, logé, plus besoin de travailler) jusqu'au jour où vos maîtres décident de vous castrer. Une fillette autoritaire et irrésistible qui reviendra dans l'animalerie pour un stage de découverte. Cela se résume par un "Tous au abris" tonitruant, tant du côté des vendeurs que des animaux. 

Ces gags écrits par Brrémaud et Reynès, sont dessinés par Emanuele Soffritti, un Italien qui a la caricature facile, tendance cartoon. Ses animaux sont très expressifs, ses humains tout aussi réussis.

"Toutou et compagnie", Bamboo, 9,45 € 

samedi 23 mai 2009

BD - Stryges exotiques


Corbeyran lance une nouvelle série dérivée du « Chant des Stryges ». Il retrouve Michel Suro, le dessinateur du « Clan des chimères ». Cette fois, les Stryges semblent être très présents dans les croyances de tribus d'Indiens d'Amazonie. Le premier tome se déroule donc en grande partie dans « l'enfer vert », mais la présentation des personnages principaux se déroule en Europe. Nous sommes en 1751. L'encyclopédie de d'Alembert a de plus en plus d'adeptes. 

Face à l'obscurantisme des religieux, les « Lumières » veulent mettre l'Homme au centre du savoir. Parmi ces libres penseurs, on retrouve Weltman se cachant sous l'identité d'un philanthrope, le baron d'Holbach. Mais comme au moyen âge, Weltman doit affronter Abeau et Cylinia qui sont passés au service du pape. Les fans de cet univers retrouvent des personnages bien connus. 

Les Stryges n'apparaîtront qu'en toute fin d'album, sous une forme inhabituelle mais qui sera un véritable cauchemar pour Cylinia. Le dessin de Suro a évolué, se rapprochant de plus en plus du trait de Guérineau, le créateur graphique de la série mère.

« Le siècle des ombres » (tome 1), Delcourt, 12,90 € 

vendredi 22 mai 2009

BD - Les femmes sont-elles des manipulatrices ?


Thomas Mosdi au scénario et Laurent Paturaud au dessin aiment les femmes. Cette série en est la preuve éclatante. L'idée de « Succubes » est née de la constatation de cette volonté constante qu'ont eu les hommes au pouvoir, à travers l'Histoire, de tenir les femmes dans une position subalterne. Les deux auteurs ont eu l'envie de raconter des histoires qui mettraient en valeur cette immémoriale injustice. Chaque récit plonge le lecteur en un lieu et à une époque clé de l'histoire de l'humanité. 

Ce premier tome se déroule à Paris en 1794. La révolution est en train de basculer dans la terreur. Olympe de Gouges vient d'être guillotinée. Dans l'ombre, les filles de Lilith mettent en place leur vengeance. Elles vont notamment demander des comptes à Robespierre qui est l'amant de Camilla, une de ces femmes d'action. Une interprétation très personnelle de l'Histoire de France rehaussée par les dessins de Paturaud.

 Ses héroïnes, sensuelles, aux courbes voluptueuses, sont d'une beauté lumineuse. Mais gare à ne pas tomber dans leurs griffes...

« Succubes » (tome 1), Soleil, 12,90 € 

jeudi 21 mai 2009

BD - Féerie urbaine avec la série Wisher de Latour et De Vita


La magie des fées n'est pas complètement morte. Malgré le progrès et les grands centres urbains, le peuple féerique existe toujours. Mais il est obligé de se cacher dans les entrailles de la terre, en compagnie de Merlin. Pourtant un espoir existe encore pour qu'il retrouve la lumière du jour, afin de vivre en bonne intelligence avec les humains. 

Il suffirait que Nigel maîtrise le djinn qui vit en lui et exauce ce simple vœu. Sur cette idée de base, Latour le scénariste, a bâti une série passionnante et donnant de nombreuses possibilités à De Vita, le dessinateur, d'exposer son trait virtuose. Dans ce troisième tome, Nigel doit rencontrer le roi Beholder pour trouver l'équilibre entre ses deux composantes, l'humain et le djinn. Mais le MI10, le service anglais chargé de neutraliser le peuple féerique veille. Cela donne une course poursuite dans une gare puis dans un train où la magie se mesure à l'arsenal militaire humain. 

De l'action, donc, mais le volet psychologique n'est pas oublié, le gobelin Glee jouant un rôle crucial en fin de volume.

« Wisher » (tome 3), Le Lombard, 13,50 € 

mercredi 20 mai 2009

BD - Nomades indésirables


Les tziganes, romanichels ou gitans (quel que soit le nom qu'on leur donne) ont toujours été accueillis avec crainte par les populations sédentarisées. Au début du XXe siècle, dans le Nord de la France, les roulottes, encore tractées par des chevaux, ne passent pas inaperçues. Une arrivée qui va bousculer l'ordre établi. Les gens du voyage vont devenir, involontairement, les briseurs de grève de mineurs n'en pouvant plus de travailler pour un salaire de misère. 

Un affrontement avec au centre l'embryon d'une histoire d'amour entre Antoine, qui rêve de devenir marin, et Kheshalya, adolescente qui ne doit pas lire l'avenir dans les mains des passants. Le scénario, entre lutte des classes et fantastique, de Galandon, est illustré par le trait précis et sombre de Bonin.

« Quand souffle le vent », Dargaud, 14,50 € 

mardi 19 mai 2009

BD - Passé recomposé


Bruno Marchand se déroulant à la fin des années 50, en Europe et en Inde. L'histoire d'une jeune femme tentant de découvrir la vérité sur le passé de son père, aviateur anglais qui a été accusé de trahison à la fin de la seconde guerre mondiale. Elle a des rêves prémonitoires et prend conscience que sa vie bascule tous les 5 ans et 7 mois exactement. 

La prochaine échéance approche et elle tente de découvrir les raisons de ce destin lié au temps. Pour cela, elle doit retrouver un carnet ayant appartenu à son père. Une quête qui la conduit à Calcutta puis Bénarès. Le lecteur se laisse entraîner dans ce voyage immobile, admirant ces décors merveilleux parfaitement reconstitués par Bruno Marchand.

« Quelques pas vers la lumière » (tome 2), Soleil Quadrants, 14,30 € 

lundi 18 mai 2009

BD - Spirou fait de la résistance


Spirou n'en finit plus de renaître. Le héros qui a longtemps été animé par Franquin puis par Tome et Janry, à côté de ses aventures classiques, vit des histoires ponctuelles sous des plumes différentes. Des sortes d'hommages qui revisitent le personnage. 

Le 5e titre est écrit par Yann et dessiné par Schwartz qui a adopté le graphisme de Chaland. Le jeune groom a troqué son uniforme rouge pour une tenue vert-de-gris. Le Moustic Hôtel est devenu le siège de la Gestapo à Bruxelles. Il sera dans la place pour espionner les nazis, même si sa réputation en souffrira. Fantasio aussi rejoint la résistance et héberge des aviateurs alliés. 

Une intrigue dense qui permet à Yann de truffer les planches de clins d'œil, notamment au monde de Hergé, longtemps soupçonné d'être un collaborateur notoire.

« Une aventure de Spirou par... » (tome 5), Dupuis, 13,50 € 

vendredi 15 mai 2009

BD - Jungle fever dans l'Open space de James


Rarement le monde du travail, le travail au bureau exactement, aura été décrit avec une telle acuité. James, le créateur de cette série de gags d'une demi-planche, a longtemps été dans un véritable open space avant de tout plaquer et de vivre de son dessin. Il a certainement été à la place de Hubert, le héros, stagiaire non rémunéré depuis 6 mois et qui est sur le point d'être embauché. En CDI (contrat à durée indéterminée) en plus ! 

Ce serait parfait s'il n'y avait pas cette période d'essai, renouvelable bien évidemment. C'est acide, souvent méchant, comme la majorité des collègues d'Hubert. 

Ainsi, un ancien de la maison le félicite pour son CDI, mais pour une raison très personnelle et mesquine : « A chaque nouvelle embauche, ça me fait reculer d'un rang dans l'éventualité d'un plan social ». Une phrase qui résume cet album à ne pas laisser traîner au bureau.

« Dans mon Open Space » (tome 2), Dargaud, 10,40 €