Un peu comme une sorte de suite de « Brazil » désenchantée, « Zero Theorem » de Terry Gilliam parle d'abstractions et d'amour.
Il s'habille en noir, n'aime pas la foule, les gens, le travail au bureau et la lumière du jour. Cloîtré dans son ancienne église transformée en loft, entre ordinateurs high-tech, vieilles statues et fientes de pigeons, Qohen Leth (Christoph Waltz) panique dès qu'il doit s'éloigner de son téléphone fixe. Il attend un appel. L'Appel. Celui qui enfin « expliquera le sens de la vie » lui dira « notre raison d'exister ».
Écrit par Pat Rushin, le scénario de « Zero Theorem » a été accommodé à la sauce Terry Gilliam. L'ancien membre des Monty Python a reconnu son univers dans ce script. On retrouve notamment beaucoup de références à l'univers étouffant de « Brazil ». Qohen est une sorte de programmateur dans une multinationale du plaisir. Il est chargé d'ordonner des abstractions mathématiques comme d'autres classent des trombones par couleur. Un travail qui s'apparente à un jeu vidéo, avec écran, manettes de commandes... et pédalier pour fournir l'énergie nécessaire. Qohen ne supporte pas de travailler à horaires fixes dans un box sous la surveillance constante d'un petit chef, Joby (David Thewlis). Il réclame à cor et à cri le droit de rester chez lui, de faire du télétravail. Il évitera ainsi de côtoyer les autres humains, engeance qu'il exècre.
Tous cinglés ?
Il obtiendra gain de cause auprès du grand chef, Management (Matt Damon, méconnaissable), mais en contrepartie devra travailler sur le théorème zéro. Cette suite mathématique, impossible à démontrer, affirme que l'univers, issu de rien, retournera un jour à cet état d'origine. De quoi perdre la raison pour Qohen. Mais était-il véritablement sain d'esprit avant de s'engager sur ce chemin ?
Cette intrigue complexe, quasi métaphysique, Terry Gilliam lui donne un aspect visuel étonnant, avec des décors aux fortes variations chromatiques, des personnages tous un peu cinglés et une sorte d'ange, dernière présence humaine véritable, douée de sentiment : la call-girl Bainsley (Mélanie Thierry). D'un côté la solitude, le rien, le vide; de l'autre la plénitude d'une relation à deux, de l'amour et de l'interdépendance. Qohen est tiraillé. A moins que tout cela ne soit qu'une machination supplémentaire de Management, expert en instrumentalisation de ses employés.
Bourré de trouvailles, notamment visuelles, « Zero Theorem » est l'antithèse du film de science-fiction positif et optimiste. Mais Terry Gilliam n'a jamais été l'un de ces créateurs tentés par un message à la « Bisounours » pour faire passer la noirceur de notre existence. Au contraire, il a toujours mis en avant les dérives de nos sociétés. Le fond est pessimiste. Ou simplement réaliste. Cela dépend uniquement du point de vue du spectateur.
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Publicités et sexe omniprésents
Le futur décrit par « Zero Theorem » semble nous pendre au bout du nez. Reclus dans son église désaffectée, loin du bruit et de la lumière, Qohen peut vivre en paix. Mais dès qu'il sort, il est assailli par les publicités numériques. Comme si le modèle économique des pubs intempestives sur les sites internet avait fait des petits dans la rue. Chaque mur, transformé en affiche interactive, s'adresse directement au passant. Pour une banque, des aliments, du rêve virtuel ou du sexe sans danger.
Le sexe est aussi omniprésent dans cet avenir. L'église de Qohen est accolée à un sex-shop où les expériences semblent extrêmes au vu de l'évacuation des clients en ambulance. Bainsley, interprétée par Mélanie Thierry, parfaite gravure glamour, va beaucoup plus loin sur son site internet. Et encore plus si on accepte d'endosser une combinaison virtuelle pour se retrouver plongé dans un monde idéal où se toucher, faire l'amour, passe par des flux de pixels à travers des fibres optiques. Cela n'empêche pas la jeune femme de pleurer sur son sort et sa propension à tomber amoureuse. Et de constater qu'elle est décidément 100 fois plus belle avec son rimmel dilué dans les larmes qu'en infirmière aguicheuse ou naïade en bikini.