En quittant le collège, j'abandonnais également la campagne. Terminé le collège de Langon, gros bourg du bordelais à 10 km de Sauternes, le village que nous habitions à l'époque, pour Talence, banlieue sud de Bordeaux. Surtout, je devenais interne, ne revenant chez mes parents que le week-end, après les cours du samedi matin. Ce fut un choc. A tous les points de vue. Inscrit dans une filière technique, le niveau ne volait pas très haut. Mais je ne boudais pas mon plaisir d'une certaine indépendance. Je découvrais une grande ville en ce mois de septembre 1976. Bus de ville, train, bibliothèque... et librairies. A la bibliothèque, le mercredi après-midi, j'empruntais des classiques à tour de bras que je dévorais le soir au cours des interminables heures d'études. Et en chemin, je m'arrêtais dans les diverses maisons de la presse. Et je découvrais qu'il n'y avait pas que Tintin, loin de là.
Spirou était systématiquement présenté à côté de mon hebdomadaire favori. Je n'ai pas résisté à le feuilleter. En deux ou trois librairies, je lisais l'exemplaire en entier. C'était devenu mon rituel du mercredi après-midi. Et dès que j'ai pu, je l'ai acheté. Mon maigre argent de poche allait prioritairement dans l'hebdo de Marcinelle qui venait de franchir le cap du numéro 2000. Et le sommaire était particulièrement riche et prestigieux. Un Spirou, bien évidemment (l'Ankou de Fournier) et d'autres séries comme Isabelle, Tif et Tondu, Natacha, Archie Cash ou les Tuniques Bleues qui m'ont également marqué. Mais le gros choc, le déclencheur, ce fut le Docteur Poche de Wasterlain. C'était sa première histoire. Le dessin de Wasterlain était à l'opposé des autres BD, très rondes et soignées. On avait parfois l'impression que sa plume avait accroché le papier, le trouant presque. Et l'histoire, fantastique, mystérieuse, poétique, me fascinait, notamment les mannequins prenant vie. J'ai pris l'histoire en cours (débutée en août) mais j'ai adoré.
Côté gags, j'avais l'occasion de redécouvrir les vieux Gaston (Le coin des classiques), les premiers Agent 212 et Boule et Bill. Les récits complets étaient déjà trustés par Cauvin qui signait les Mousquetaires (Sandron) et Boulouloum et Guiliguili (Mazel). Mais tout n'était pas exceptionnel. Je n'arrivais pas à accrocher au dessin laborieux de Devos et de son Génial Olivier. Je passais sans les lire les Paul Foran et autres séries espagnoles...
Je devenais cependant fidèle et au fil des mois j'ai eu d'autres coups de cœur. En priorité pour Bidouille et Violette. Cette petite histoire d'amour contrariée, un peu en décalage avec les autres séries, me parlait car j'avais pile poil l'âge et le physique du héros. Je n'ai pas pleuré (on ne peut pas pleurer quand on vit en internat), mais l'émotion était bien réelle. J'ai une admiration sans borne pour Bernard Hislaire. Par la suite, j'ai acheté les albums, mais il m'en manque un (le tome 2, Les jours sombres) et je n'ai jamais trouvé l'intégrale parue chez Glénat (quand elle est sortie, j'étais en Polynésie, loin de tout...)
J'ai découvert Spirou dans les librairies, mais il y avait quantité d'autres revues BD à l'époque. Dites adultes, ce que je n'étais pas. Mais les couvertures de Solé (pour Pilote, Métal, Fluide Glacial ou l'Echo des Savanes) attirèrent mon œil. J'allais me déniaiser avec des récits de Franc, Wallace Wood, Pétillon ou Lauzier.
(A suivre dimanche prochain)
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