mardi 30 septembre 2008

BD - Les visions de Napoléon Tran


Napoléon Tran est un petit garçon comme tous les autres. Ses parents sont en pleine séparation. Et cela barde entre eux. Sa mère est d'origine corse, son papa vietnamien. Il vit chez sa mère et ne retrouve son père que les week-ends. La querelle sera mise entre parenthèse durant quelques temps car le père du papa de Napoléon vient de mourir. Mais le jour des obsèques, le petit garçon a une vision. 

Son pépé lui apparaît et lui explique qu'il doit rester sur terre, sous forme de fantôme, tant qu'il n'aura pas réussit à réconcilier les parents de Napoléon. Imaginés par Barral (premier scénario du dessinateur de Baker Street et Dieu n'a pas réponse à tout), ces histoires complètes sont dessinées par TaDuc qui s'essaie (avec brio) pour la première fois au dessin comique. L'ensemble est d'une grande fraîcheur. Si l'on retrouve l'univers enfantin d'un gamin d'à peine dix ans, les auteurs ont osé aborder des thèmes plus sérieux comme la séparation, la crémation ou l'adultère. 

Pour ce dernier cas, c'est la mémé de Napoléon qui lui raconte comment elle a succombé, il y plus de 30 ans, à un dentiste. Ce qu'elle ne pouvait pas savoir c'est que le fantôme de pépé était présent. Sa vengeance sera très étonnante...

« Mon pépé est un fantôme » (tome 1), Dupuis, 6 € (jusqu'au 31 décembre, puis 9,20 €) 

lundi 29 septembre 2008

BD - De l'utilité du net... même pour les Bidochon


Un ordinateur, un fournisseur d'accès à internet et ça y est, les Bidochon viennent « d'entrer de plain-pied dans le modernisme », dixit Robert. Raymonde en est moins persuadée, se demandant à quoi cette nouveauté va réellement servir. Binet lui ne doute pas que cette invention du XXe siècle va surtout lui permettre de fourmiller d'idées de gags tant l'univers des Bidochon et celui du net est opposé. 

En neuf chapitres d'une progression et l'une logique implacables, il va revisiter tous les classiques des premiers pas sur la toile mondiale, avec la touche Bidochon. Traduction des termes anglais à l'emporte-pièce (quand cela ne marche pas, Robert téléphone à « Line, la chaude », alias hot line, qui rend Raymonde très suspicieuse), ensuite vont arriver les premiers emails, essentiellement des spam qui donnent l'impression à Robert de discuter avec des pharmaciens américains, des ministres africains et un haut responsable de Vuiton. 

Ce dernier d'ailleurs trahira sa confiance en faisant une descente sur son compte en banque. Sans oublier le virus qui s'invite dans le salon : très encombrant pour les Bidochon, hilarant pour les lecteurs.

« Les Bidochon » (tome 19), Fluide Glacial, 9,95 € 

dimanche 28 septembre 2008

Roman - "Saloon" ou la fuite américaine d'Aude Walker

Lisa déteste sa mère, Véra. Après des années d'absence, elle part aux USA participer à son repas d'anniversaire. En cachette.


Dans le genre « mère fille, l'amour impossible », Aude Walker signe un premier roman ne faisant pas dans la dentelle. Des rapports d'autant plus conflictuels que les deux protagonistes aiment l'excès, tous les excès. Une sorte de compétition à celle qui semblera la plus folle. Ou la plus destructrice pour son entourage.

Lisa est la fille de Véra. Cette riche héritière américaine a épousé, sur un coup de tête, un petit journaliste français. Lisa est le fruit de cette union. Le couple bat rapidement de l'aile et le mari préfèrera prendre la fuite, avec la fillette, trouvant refuge en France. Un peu avant, Lisa avait hérité d'un petit frère, Assan, d'un père Libanais. Mais Véra n'en est pas sûre. Elle le dira crument à Assan lors d'une soirée arrosée : « Mais mon pauvre amour, je n'ai jamais su de quelle nationalité il était, ton père. Qu'est-ce qu'on en a foutre qu'il soit serbe, turc ou béninois ? J'étais raide défoncée. Je ne connais même pas son prénom, à ton père ». Une citation qui donne un aperçu du personnage, outrancier à l'extrême.

« Elle ne m'a pas reconnue »

Pourtant, elle est encore très belle, Véra. Lisa est obligée de le constater alors qu'elle la revoit pour la première fois après des années d'absence. C'est à Paris. Lisa est employée dans un palace. « Ce soir, j'ai croisé ma mère et elle ne m'a pas reconnue. Je suis une simple serveuse », explique la jeune narratrice qui la décrit ainsi : « Un tailleur-pantalon écru. Une ligne parfaite. Ses chevilles bercées par des talons d'une dizaine de centimètres. Sa bouche prune, sacrée baiser originel. Elle venait de New York pour vendre ses voitures aux enchères, chez Christie's. Ou pour se faire baiser à la française. »

Cette reprise de contact entre la fille et la mère va déclencher une succession d'événements qui ne seront pas sans conséquence pour l'équilibre déjà très fragile de cette famille éclatée et hors norme. Lisa va tout plaquer, travail, mari et vie tranquille pour traverser l'Atlantique et être dans la grande maison familiale pour l'anniversaire de cette mère qui ne la reconnaît plus. Invitée surprise, pas véritablement appréciée, d'une petite fête tragique, sur fond d'ouragan.

Avant le grand jour, Lisa va reprendre contact avec le seul membre de la famille avec qui elle avait une grande complicité, Assan : « Sur la plage, tout près des vagues, je reconnais immédiatement mon frère. Ses pieds de bison plantés dans le sable mouillé, Assan, à moitié nu, s'époumone comme un damné, dans le froid, les bras ouverts. Des cris droits, sans bavure. A chaque exclamation, sa tête semble être sur le point de se détacher pour aller rouler, loin, se perdre dans l'écume et voguer à jamais dans la sphère abyssale, en paix, enfin. »

Joyeux... anniversaire

Assan, jeune homosexuel dépressif, véritable électron libre de la famille. Il protège Lisa quand arrivé la confrontation avec Véra. Ce sera au cours d'un repas d'anniversaire d'anthologie. Il représente près du tiers du roman et offre quelques scènes fortes à Lisa, entre la méchanceté de la grand-mère, la fatuité du beau-père, la lâcheté du beau-frère et l'innocence du neveu. Un roman à vif, comme un coup de scalpel qui n'en finirait pas. Un règlement de compte en famille, mais pas dans la joie.

« Saloon », Aude Walker, Denoël, 17 €

samedi 27 septembre 2008

BD - "Moksha", entre fiction et réalité


En découvrant cet album signé de deux auteurs italiens, Marco d'Amico, le scénariste, et Roberto Ricci, le dessinateur, attendez vous à un double choc graphique. La partie se passant dans le New York des année 20, en pleine guerre des gangs de la mafia, est particulièrement sombre, avec des cases peintes sur un fond noir. Mais ce récit, plein de bruit et de fureur, est entrecoupé par des passages illustrant le roman « Moksha » de Mary Clark. 

Dans des planches en aquarelle très délavée, d'une luminosité et clarté absolues, on découvre la lutte entre deux frères, fils immortels du dieu Bishma. L'un était la force créatrice, l'autre l'incarnation de la violence. Draupadi, la belle soupirante, n'arrive pas à choisir entre les deux. Cette légende indienne, racontée en feuilleton, passionne un peintre qui décide de contacter la romancière. Cette dernière est dans une situation délicate. Sous son vrai nom de journaliste, elle a dénoncé les pratiques de certains mafieux et pourrait le payer très cher. 

Une excellente surprise dans le catalogue Robert Laffont qui se bonifie de titre en titre.

« Moksha » (tome 1), Robert Laffont, 12,95 € 

vendredi 26 septembre 2008

BD - Hermann navigue avec des pirates à la dérive


Les histoires de pirates sont de nouveau à la mode. Mais ce n'est pas pour surfer sur le phénomène que Hermann et son fils, Yves H, se sont lancés dans la relation des aventures du « diable des sept mers ». Le scénariste avait la volonté de pousser le dessinateur de Jeremiah et de Bernard Prince sur les flots de la mer des Caraïbes depuis qu'il a vu le début du story-board du film « Pirates » de Roman Polanski. Il est vrai que les excès de la piraterie ne pouvaient qu'être magnifiés par le trait d'Hermann. Le premier tome, toujours en couleurs directes, est d'une grande beauté. 

La couverture suffira pour vous donner envie d'acheter l'album. Et à choisir, ne ratez pas l'édition spéciale (elle vaut 18 euros), avec un cahier graphique d'illustrations inédites. L'histoire débute en Caroline du Sud. Harriett, la fille d'un riche planteur, se marie en cachette avec un petit malfrat, Conrad. Un mariage qui ne durera pas. La colère du patriarche sera tonitruante. En parallèle à ces événements, le fameux pirate surnommé le diable des sept mers terrorise la région. 

Un album foisonnant, qui se permet même de mélanger les genres avec un soupçon de fantastique.

« Le diable des sept mers » (tome 1), Dupuis, 14 € 

jeudi 25 septembre 2008

BD - Les animaux de Sylvain et Sylvette ont soif


Il se passe toujours quelques chose près de la chaumière de Sylvain et Sylvette. Les deux jeunes enfants, créés par Maurice Cuvillier en 1941, repris par Jean-Louis Pesch en 1956, vivent désormais des aventures sous le pinceau de Bérik. Mais Jean-Louis Pesch, Aveyronnais d'adoption, n'a pas abandonné ses héros, leurs animaux et les fameux compères. Il se contente de signer des gags en une planche. Cela permet aux personnages d'être toujours aussi présents dans les rayons des librairies, après plus d'un demi siècle d'existence. 

« La ruée vers l'eau » est donc un album signé Bérik. Une longue histoire se déroulant en plein été, alors que la canicule sévit. La source permettant à Sylvain et Sylvette d'abreuver les animaux et d'arroser le potager est tarie. Il faut rapidement trouver une solution. Avec une pompe, Sylvain parvient à puiser de l'eau dans la nappe phréatique, mais cela ne dure pas. De leur côté, les compères découvrent, près d'une ferme abandonnée, un puits qui pourrait fournir de l'eau pour tout le monde, village compris. Mais Renard, toujours à l’affût d'idée lucrative, va tenter de vendre cet « or bleu ».

« Sylvain et Sylvette » (tome 53), Dargaud, 9,25 € 

mercredi 24 septembre 2008

BD - Les fils de la racaille ne touchent pas le sol


Pourchassé par sa future femme et ses belles-sœurs potentielles, Brice, pour trouver le salut, n'hésite pas à sauter du haut d'un viaduc routier. Il atterrit dans un arbre et peut ainsi, temporairement, échapper aux furies. Dans un quartier qu'il ne connait pas, il trouve refuge dans un pavillon abandonné, un squat déjà occupé par Rufus. Ce dernier, malgré des airs bourrus, prend Brice sous son aile et lui permet de faire des petits boulots dans les entrepôts voisins, notamment ceux de Boris, petit caïd du coin, ne faisant pas que dans le transport honnête. 

Boris qui est également le père de Henri, un adolescent handicapé mental. Persuadé que marcher sur le sol va le contaminer par des ondes maléfiques, il passe son temps sur les toits, poteaux, ponts et viaducs. Henri a vu Brice sauter et est persuadé qu'il est comme lui. 

Brice, très intrigué par Henri, va tenter de l'apprivoiser. Mais en tentant cela, il va se plonger dans des ennuis encore plus dangereux que son hypothétique mariage. Ce long récit de Marc Vliegler, aux personnages complexes et fouillés, donne une vision très réaliste d'une certaine France d'en bas.

« Les fils de la racaille », Delcourt, 14,95 € 

mardi 23 septembre 2008

BD - L'histoire de Léo, magnifique simple d'esprit

Son nom est Léonard. Tout le monde l'appelle Léo. Il est employé dans un théâtre. Il passe le balai, range le matériel. Léo est un simple d'esprit. Pas fou, simplement ailleurs. Il a une obsession. Dès qu'il croise quelqu'un, connu ou inconnu, il lui demande : « T'as pas vu celle que j'cherche ? » 

Frank est un scénariste en panne d'idée. Il va s'inspirer de Léo pour écrire une histoire originale et fantastique. Mais en enquêtant sur cet homme discret, il va mettre à jour un traumatisme puisant son origine au plus profond des croyances du pays. Un récit de Makyo, très inspiré, mis en images par Frédéric Bihel, maniant parfaitement la couleur.

« Exauce-nous », Futuropolis, 19 euros 

lundi 22 septembre 2008

BD - Manigances pour reconnaître un génocide


L'une est blonde, l'autre brune. L'une a de grandes jambes, l'autre une poitrine de rêve. L'une est étudiante, l'autre stripteaseuse. Ces deux jeunes Américaines ambitieuses ont un plan. Shannon et Girl vont de servir de leur beauté pour aborder Aaron, un étudiant influençable. Mais ce n'est peut-être pas leur véritable cible. Ce nouveau récit de Warnauts et Raives, semble un peu moins virtuose que les précédents. Il n'en demeure pas moins exemplaire dans son intrigue et ses personnages. Avec en toile de fond l'horreur de la guerre en Irak et les luttes indiennes actuelles pour faire reconnaître ce qui fut un génocide..

« A cœurs perdus », Casterman, 14 euros 

dimanche 21 septembre 2008

BD - Renaissance d'un mythe de la SF

Formatée pour France Soir au début des années 70, cette bande dessinée de science-fiction française est rapidement devenue le must du genre. Une idée de Paul Gillon, scénarisée par Jean-Claude Forest. Devenue introuvable depuis de nombreuses années, elle est rééditée par les éditions Glénat dans un format plus grand et des couleurs nouvelles. Une série qui n'a rien perdu de sa modernité tant le dessin de Gillon était largement au-dessus de ce qui se faisait à l'époque. Les trois premiers tomes sortent d'un coup. Les 7 autres en 2009. Plongez dans la quête de Chris, homme du XXe siècle cherchant sa compagne, Valérie, 1000 ans plus tard.

« Les naufragés du temps », Glénat, 12,90 euros 

samedi 20 septembre 2008

Thriller - Ce cher cadavre

Elle vient de tuer son amant. Le cadavre dans le coffre de sa voiture, elle va tenter de traverser les USA d'Est en Ouest.

C'était au moment de l'arrivée de la fameuse tempête tropicale sur la Nouvelle Orléans. La narratrice, belle et jeune, elle l'expliquera quelques chapitres plus loin, fuit au volant de la voiture de son amant, Jack. Il n'est pas à ses côtés. Il est dans le coffre, mort depuis quelques heures. Ce n'est pas dit explicitement, mais on s'en doute : il a été tué par la belle qui n'a plus qu'une idée en tête : retrouver George à Seattle. Le brave George qu'elle avait quitté pour Jack, le brillant écrivain.

C'est ce périple, à travers tous les Etats-Unis, que raconte J. Eric Miller dans ce road movie ténébreux au nom très évocateur : « Décomposition ». Exactement ce qui arrive, lentement mais sûrement, à Jack, recroquevillé dans cet espace fermé, étroit et surchauffé. Pas tout de suite. L'auteur respecte les étapes. Et les détaille. Rigueur mortelle, puis action des bactéries qui vont s'attaquer aux entrailles, fermenter, former des gaz avant l'arrivée des mouches...

La poule affamée

Ce roman n'est pas à mettre dans toutes les mains. Il pourrait devenir culte. Il est avant tout très hard... La narratrice roule donc sur les longues et rectilignes routes américaines. Mais elle est parfois obligée de s'arrêter. Elle ne peut alors s'empêcher de faire des bêtises. Comme quand elle décide de libérer des centaines de poules captives dans un camion. Cela finira en carnage, elle ne sauvera qu'un seul pauvre animal, l'enfermera dans le coffre. La poule, certainement affamée, s'attaquera à Jack qui y perdra un œil. Un peu plus loin la jeune tueuse ira voir ses parents. Elle hait sa mère, plaint son père trop faible. Une famille normale ?

Et puis, régulièrement, elle s'arrête au bord de la route et regarde dans le coffre. Car paradoxalement, Jack lui manque. Physiquement. « Et quand je le touche, je sais que c'est une mauvaise idée. Sa peau est froide et ses cheveux, que j'essaie de lisser, sont tout cassants. Je caresse sa tête jusqu'à ce que je me sente en confiance, puis je continue à le toucher jusqu'à ce que je ne sente plus rien. Je prolonge ce contact jusqu'à ce que j'aie pleinement conscience qu'il est mort et que c'est son cadavre que je touche. Le fait d'agir ainsi m'aide à me sentir équilibrée. » Enfin équilibrée est un grand mot car la donzelle va crescendo dans l'horreur.

L'odeur de la mort

Les scènes de violence ou de sexe vont s'accumuler. Elle raconte tout, sans jamais dormir ni avoir le moindre remords. Simplement la certitude, en se rapprochant de George, qu'il n'est peut-être pas le bon cheval, finalement. La remise en cause de la narratrice est radicale. Arrivée presque à bout, elle a cette réflexion : « Tout ça est fini, cette vie, ma capacité à souffrir, mes espoirs, mes regrets, les petites joies que je recherchais sans cesse, ce cortège de déception, tout ce que je savais ou allais savoir, c'est bel et bien fini. Je suis morte. Franchement, c'est un soulagement. » Mais ce n'est qu'une impression. Elle devra encore faire pas mal de kilomètres avec le cadavre de Jack, toujours aussi attirant malgré son odeur insupportable.

« Décomposition » de J. Eric Miller (traduction de Claro), Editions du Masque, 16 €


vendredi 19 septembre 2008

BD - Rions de notre triste monde


Ness fait partie, avec Vuillemin, Charb et quelques autres, des enfants de Reiser. Si son dessin n'est pas du grand art, les scénarios de ses histoires courtes rattrapent largement cette petite faiblesse. Car dans la description de notre monde tel qu'il est, Ness ne prend pas de pincettes. Que cela soit le monde du travail, l'industrie du disque, la télévision ou les religions, il cogne là où cela fait le plus mal. 

A grand renfort de scènes parfois difficiles à supporter, il démontre toute l'horreur et l'aberration de notre société qui permet les pires violences dans les films de guerre et s'offusque quand un sein est dévoilé dans une publicité pour un gel douche. La télé en prend pour son grade régulièrement. Sa vision de Survivor (Koh-lanta en français) est cependant très vraie. Mais ceux qui sont le plus à l'honneur restent les religieux. De toutes les religions (il en invente même au passage). 

Il donne son interprétation du jugement dernier expliquant que les Dieux ne sont que des éleveurs. Ils font de l'élevage d'âmes, ce serait la base de leur système monétaire...

« Juste humains », Vent des savanes, 12,50 € 

jeudi 18 septembre 2008

BD - Le retour de Gully

Un sticker sur la couverture prévient l'acheteur : « BD approuvée par Spirou ». Effectivement cette nouvelle aventure de Gully, « Les vengeurs d'injures », a été prépubliée cet été dans les pages de l'hebdomadaire (qui avec sa nouvelle formule est redevenu indispensable pour tout amateur de BD de qualité). 

Mais Gully, c'est de l'histoire ancienne. Imaginée par Makyo et dessinée par Dodier, cette série d'héroïc fantasy avait débuté dans le courant des années 80. Après cinq récits et autant d'albums, Gully avait tiré sa révérence par manque de succès. Le petit bonhomme un peu pleutre et triste restait quand même présent à l'esprit de ses créateurs. Et ils ont décidé de lui donner une seconde chance. Cela donne un album alliant aventure, magie et poésie. 

Gully va devoir, en compagnie de ses amis Oléo et Mollo, pour sauver deux magiciens, trouver un antidote dans l'antre du sorcier Ulfon au cœur de la forêt de Trombovar. 

Une BD à découvrir en toute urgence, d'autant que son prix de vente, jusqu'à la fin de l'année, n'est que de 6 € au lieu 9,20 €.

« Gully », Dupuis, 6 € 

mercredi 17 septembre 2008

BD - Pourquoi aller de l'autre côté ?

Cela fait des jours que des trombes d'eau s'abattent sur la région. Les inondations menacent, les autorités parlent de plus en plus d'évacuation. Est-ce la fin du monde ? 

Dans son appartement, une jeune femme de 20 ans s'en moque. Elle est étendue, sur le dos, sur son parquet, bras en croix. Elle parle, seule. Exactement, elle est en plein dialogue avec un personnage imaginaire. Indifférente à l'extérieur, elle se laisse couler. Mais quand elle apprend que son père, victime d'un accident, est dans le coma, elle bouge enfin. Va à son chevet. Puis, en pleine nuit, malgré les averses et l'eau menaçante, retourne dans la maison familiale pour nourrir le chat. 

Un chat en pleine conversation avec une énigmatique vieille femme. Dans ces murs ayant abrités son enfance, la jeune femme va se décider, avec les encouragements du chat et de la vieille, de franchir le seuil de la pièce interdite. Ce qu'elle va y découvrir changera sa vie. 

Un récit long (112 pages en bichromie) et prenant de Pierre Wazem (scénario) et Tom Tirabosco (dessin), un duo suisse qui s'impose de titre en titre comme des créateurs d'exception.

« La fin du monde », Futuropolis, 19 € 

mardi 16 septembre 2008

BD - Le détective et le cheval


Dans le rayon « Parodies », le nom de Pierre Veys revient souvent. Il a atomisé la légende de Blake et Mortimer, moqué Harry Potter et il revient aujourd'hui avec la première série de cette veine, Baker Street. 

Le scénariste prend un malin plaisir à se moquer de Sherlock Holmes et des personnages secondaires imaginés par Conan Doyle : Watson et l'inspecteur Lestrade. Ce dernier est particulièrement soigné. Le fin limier de Scotland Yard est en fait un crétin intégral qui ne comprend rien, du début à la fin. Dans ce cinquième tome, toujours dessiné par Nicolas Barral et qui porte le titre interminable de « Le cheval qui murmurait à l'oreille de Sherlock Holmes », le détective, en pleine dépression car inactif, se lance dans une enquête secret défense. Des documents auraient été volés ou consultés dans différentes casernes anglaises. Ce sera finalement un cheval savant qui donnera la clé de l'énigme.

 Une histoire d'une trentaine de pages suivie de quelques récits complets, plus courts, mais où la complicité des deux héros fait merveille.

« Baker Street » (tome 5), Delcourt, 9,95 € 

lundi 15 septembre 2008

BD - Le regard décalé et rieur de Titeuf

Zep a retrouvé toute la verve de ses débuts. Son héros Titeuf est à la recherche du « sens de la vie ».


Même Amélie Nothomb est loin, très loin derrière. A chaque rentrée littéraire c'est la même histoire. Face aux « gros tirages » des stars de l'édition française, il y a les « énormes tirages » des best sellers de la bande dessinée. Quand ce n'est pas Astérix, c'est Titeuf qui remet les pendules à l'heure. Cette année, le copain préféré de tous les écoliers se penche sur le « Sens de la vie », titre de son 12e recueil de gags. En exercice dans lequel Zep est indéniablement un maître. 

Le sens de la vie, c'est le père de Titeuf qui l'a perdu. Victime des délocalisations il se retrouve au chômage et plonge en pleine dépression. Une drôle de maladie selon Titeuf : « Il est tout le temps fatigué. Il reste assis sans bouger pendant des heures ». Mais ce que remarque surtout Titeuf c'est « son haleine qui sent le pourri... Mais c'est à cause des effets secondaire de ses médicaments ». L'avantage d'avoir un papa dépressif, en cas de mauvaise note, c'est qu'il signe votre devoir sans même remarquer l'infamant 2/10. Une dépression cela guette tout le monde. Zep n'occulte pas ce fait de société. Il parvient simplement à le détourner grâce au regard de Titeuf. 

Un enfant qui a l'art de voir le détail qui tue. Un enfant qui grandit voyant, avec angoisse, approcher l'adolescence. La puberté, cet état horrible qui se traduit par des boutons sur le nez, avoir de la moustache, des poils et un gros zizi. Et les rapports avec les filles changent. Il faut les embrasser, faire des bisous avec la langue, mélanger sa salive... 

Titeuf n'est pas encore prêt, pour preuve il trouve cela dégoûtant. A noter dans cette thématique, un joli hommage de Titeuf (page 10) à Bidouille et Violette de Bernard Hislaire, les deux premiers héros du journal de Spirou qui se sont embrassés (sur la bouche) dans les pages de cet hebdo très prude. C'était dans les années 80. La société a beaucoup évolué depuis. Titeuf a surfé sur la vague, accélérant certainement le mouvement.

« Titeuf, le sens de la vie » (tome 12) de Zep. Editions Glénat. 9,40 euros.

dimanche 14 septembre 2008

Roman - Deux femmes unies

Ce roman passant au crible les relations entre mère et fille se déroule dans le milieu de la mode qui ne laisse pourtant que peu de place aux sentiments.


Quels liens unissent une mère à sa fille ? Des liens si forts qu'ils résistent aux années, aux mariages et grossesses. Eliette Abécassis, en 170 pages écrites avec les tripes, tente de trouver des réponses dans ce miracle de la maternité. Mais ce sont avant tout des sentiments qu'elle met en lumière, souvent contradictoires, ambivalents, jamais simples. Nathalie est la fille de Sonia. Sonia qui est à la tête d'un empire. Elle a révolutionné la mode à ses débuts. A fait prospéré son entreprise. Nathalie est naturellement en train de prendre la relève.

La romancière, pour faire passer les doutes et déchirement des deux femmes, les plonge dans un milieu artistique et culturel aisé. Même si ce n'est pas évident, Eliette Abécassis étant parfois très dure pour cette activité plus économique que créative. « La mode, écrit-elle. Le milieu le plus superficiel qui soit, le plus frivole, le plus aléatoire, le plus léger. La mode, le lieu sans signification. Passer des heures à discuter d'une longueur, d'un bouton, d'un pli ; quelle importance ? Chercher, traquer la beauté, mais pourquoi ? Pour quelle obscure raison poursuivre le règne de l'apparence ? »

Tristes mannequins « squelettiques »

La description de ce milieu parasite parfois le fond du roman. Sonia, rousse, fantasque, entreprenante, fière d'être Juive et Française, parfois imbue de son succès, mène la vie dure à sa file. Nathalie est longtemps restée la technocrate. Certes, comme sa mère, elle a participé à des défilés, les mettant même en scène, mais sa véritable efficacité a toujours été dans les alcôves financières.

Des défilés que Nathalie apprécient peu, encore moins les mannequins désincarnés qui marchent au pas sur les podiums : « A les regarder de près, aucune n'est vraiment belle, de celles qui représentent la beauté idéale. Traits anguleux, jambes maigres, silhouettes squelettiques, extrême maigreur, effrayante, angoissante, car elle signifie le contrôle, le jeûne, la privation. La beauté, l'insaisissable beauté, où est-elle ? Dans la femme maigre, androgyne, longiligne ou dans la femme opulente ? Qui le décide, et pourquoi ? »

Grossesse inversée

Aujourd'hui Nathalie voudrait reprendre l'affaire à son compte. C'est presque la guerre avec sa mère qui ne veut pas céder les rênes créatrices de la maison de couture. Le roman va reculer dans le temps, chaque chapitre verra les deux protagonistes rajeunir. On comprendra pourquoi Sonia est à la tête de son empire, comment Nathalie a gravi les échelons sans jamais pouvoir se débarrasser de l'influence de la femme qui l'a mise au monde.

Un long cheminement qui a donc commencé quand Sonia était enceinte. Et tout le dilemme de ce roman se retrouve dans ce passage, quand Nathalie s'interroge : « Ma mère, mon miroir. Mon souci de chaque instant. Je suis pleine de toi comme tu étais pleine de moi. » Une grossesse inversée, fil conducteur de ce roman qui, tout en se passant dans un milieu superficiel, n'en aborde pas moins une thématique de fond qui ne peut que concerner toutes les mères, filles, pères et fils de la planète, depuis que le monde est monde.

« Mère et fille, un roman », Eliette Abécassis, Albin Michel, 15,90 € 

samedi 13 septembre 2008

BD - Casse-tête pour Havank


Pour les amateurs de ligne claire et de BD franco-belge, la parution de cet album est une véritable révélation. L'éditeur explique qu'il a découvert aux Pays-Bas le chaînon manquant entre Tillieux (Gil Jourdan) et Franquin (Spirou et Gaston). Ce dessinateur hors-pair c'est Danier, Dan Jippes de son vrai nom. 

Cet album, paru pour la première fois en 1966 dans sa version originale, raconte les aventures de Havank, inspecteur de sécurité intérieure et justicier « défenseur de la veuve et de l'orphelin, mieux connu sous le nom de 'Ombre ». Sur une Côte d'Azur de pacotille, le policier a l'humour ravageur, la nonchalance contagieuse et la déduction infaillible. Il est sur la piste d'un document qui pourrait changer l'équilibre politique de l'Europe. Dans cette station balnéaire, il va croiser la route de quantité de personnages ayant l'air de gens normaux (auto-stoppeur, journaliste, pétanqueur...) mais qui se révèlent être des espions recherchant la même chose que lui. 

On reste en admiration devant la perfection des dessins, des courses poursuites en voiture, du dénouement final et du côté iconoclaste du héros qui fume le cigare, un béret sur la tête...

« Une aventure de Havank » (tome 1), Glénat, 9,40 € 

vendredi 12 septembre 2008

BD - Ducobu, enfin premier de la classe ?


Depuis une douzaine d'année, l'élève Ducobu est au rendez-vous de la rentrée scolaire. Pour la 14e fois, il redouble et se retrouve dans la même classe, voisin de la redoutable Noémie Gratin et Monsieur Latouche son instituteur en blouse grise. Il est toujours le cancre préféré de tous les écoliers et collégiens de France et de Belgique. Une série qui ne cesse de progresser côté ventes. 

Pourtant Zidrou, le scénariste, reste sur son gimmick du début. Ducobu, incapable de se souvenir des tables de multiplication (ou une récitation), est toujours à la recherche d'une astuce pour tricher. Soi en se préparant des antisèches, soit en copiant sur Noémie qui ne le supporte pas. Sous forme de gags et parfois d'histoires complètes, Godi met en image ce petit monde qu'il maîtrise parfaitement au bout de son crayon. Godi, on ne le dira jamais assez, qui a longtemps galéré dans les pages des hebdos pour jeunes. 

Il était sur le point de tout arrêter quand il a été sollicité pour dessiner Ducobu. Résultat, il est maintenant édité à plusieurs millions d'exemplaires et son héros est un des piliers du Journal de Mickey. Et Ducobu plait également aux gens sérieux puisque Fleurus vient de publier un très sérieux « Guide de Ducobu de l'école », très instructif et distrayant.

« L'élève Ducobu » (tome 14), Le Lombard, 9,25 €

« Le guide Ducobu de l'école », Fleurus, 17 € 

jeudi 11 septembre 2008

BD - L'homme qui est mort deux fois


Pas évident de jouer un double jeu. Ethan Ringler a des prédispositions puisqu'il est fils d'un riche Anglais et d'une indienne d'Amérique. Quand il revient à New York, il devient agent fédéral. Sa mission : infiltrer un gang de malfaiteurs. Le jeune métis va rapidement se retrouver avec de nombreux cas de conscience. Tout en obéissant à son chef direct au FBI, il doit rendre des comptes aux truands qui ne croient pas aux bonnes paroles. Seuls les actes comptent. Actes violents. 

Dans ce quatrième tome, Ethan est à un tournant de sa vie. Sa couverture est sur le point d'être découverte. Le patron du gang, sous les verrous, est menacé par un témoin ayant accepté de le charger. Il ne reste que peu de temps à ses hommes pour éliminer le bavard. Dans l'assaut de la maison occupée par les membres du FBI, chargés de surveiller le témoin, Ethan est en première ligne. Va-t-il devoir tuer ses collègues, voire son chef ?

Filippi, le scénariste, a poussé au maximum le héros dans ses retranchements. Il est tiraillé entre la loi et le désordre mais aussi entre deux femmes et ses origines. Le volet indien est d'ailleurs le plus intéressant dans cette histoire de quête d'identité. Mezzomo, au dessin, est exemplaire dans la reconstitution de l'Amérique de la fin du XIXe siècle.

« Ethan Ringler » (tome 4), Dupuis, 10,40 € 

mercredi 10 septembre 2008

BD - Le fantôme de Mimsy


Troisième et dernier tome du premier cycle des aventures de Double Gauche. Dustin, né avec deux mains gauches, découvre que cette seconde main a des pouvoirs extraordinaire. Si au début il changeait tout ce qu'elle touchait en bois, il est parvenu, à force de concentration, a transformer le bois en or. Résultat, Dustin est devenu Goldfinger, riche magnat à la fortune colossale et semblant sans fin. Il conquiert la ville de Sinistropolis. 

Mais en rencontrant Mimsy, la seule femme qui l'ait aidé quand il était un orphelin battu, il comprend que son pouvoir est vain. Il se jure de ne jamais plus utiliser les pouvoirs de sa main gauche et part à la recherche de Mimsy. Il l'avait déjà fait, quelques années auparavant. Une quête qui l'avait conduit à Paris, dans l'atelier de Rodin. La belle Américaine lui sert de modèle. Dustin achète un buste inachevé, tente de la séduire mais sans résultat. Déçu, c'est après cette expérience qu'il s'est abimé dans le luxe et la débauche.

Dans ce troisième volet, toujours dessiné par Formosa qui signe avec cette série son retour à la BD après quelques années d'absences, Corbeyran dévoile d'où vient le pouvoir de Dustin. Une révélation qui n'empêche pas le héros de douter de sa réelle « chance ».

« Double gauche » (tome 3), Dargaud, 13 € 

mardi 9 septembre 2008

BD - Énorme erreur


Racontée à la première personne, cette BD parue dans la collection Grand Angle de chez Bamboo est particulièrement noire. Le héros explique comment il a passé sa carrière professionnelle à côtoyer des monstres. 

Dessinateur judiciaire, il a « crobardé » les pires tueurs de ces 20 dernières années. Un job comme un autre jusqu'au jour où sa fille, Caroline, est violée dans un train de banlieue. Quelques semaines plus tard, elle se suicide par pendaison. Le dessinateur troque son crayon pour un pistolet et abat un premier criminel qui vient juste d'être libéré. Le premier d'une liste qui s'annonce sans fin. 

Premier album de Trolley au dessin aidé par deux scénaristes très expérimentés : Erroc et Dimberton.

« Le dessinateur » (tome 1), Bamboo, 12,901 € 

lundi 8 septembre 2008

BD - Petite vengeance


Mauvais temps pour Ben Koch. Dans le New York de 1939, un homme habillé en rouge est à ses trousses. Il vient d'Espagne. Il aurait connu Ben durant la guerre, quand il faisait partie des brigades internationales parties au secours des Républicains acculés par les Franquistes. L'homme en rouge descend dans une pension dont le propriétaire, Red, était un ami de Ben. 

Par son intermédiaire, les deux auteurs, Cava (scénario) et Segui (dessin), retracent le premier séjour de Ben, son engagement dans le parti communiste clandestin et comment il s'est embarqué vers l'Europe. De grands chapitres pour un récit infernal avec au final un fantastique coup de théâtre.

« Les serpents aveugles », Dargaud, 15 €

dimanche 7 septembre 2008

BD - Minuscules vies racontées par Gibrat et Durieux


Philippe a 53 ans. Ce père de famille reçoit un vélo tout terrain pour son anniversaire. Et un coup de fil de sa boite. Il est viré. Victime de la mondialisation et des pratiques peu orthodoxes de son patron. Rapidement il se retrouve à la rue sans indemnité ni chômage. Il va sombrer dans la dépression et l'alcoolisme. 

Mais avec l'aide d'un ami toubib, il va trouver l'occasion de rebondir. Pour une fois il ne sera pas du côté des gens honnêtes... 

Gibrat a signé un scénario sensible et ancré dans la triste réalité de notre pays. Il l'a confié à Durieux qui, avec simplicité et élégance, fait vivre ces personnages attachants dans lesquels on peut si facilement se reconnaître.

« Les gens honnêtes » (tome 1), Dupuis, 14 € (Il existe une édition limitée avec un cahier graphique supplémentaire en fin de volume à 18 €) 

samedi 6 septembre 2008

BD - La fille d'Alain Bignon sur la route du bonheur

Traverser l'Amérique du Sud en vélo, profitant du périple pour rencontrer des auteurs de BD locaux. Ce pari fou, c'est Pauline Bignon qui l'a relevé. Cette jeune étudiante est la fille d'Alain Bignon, dessinateur trop tôt disparu. En plus de raconter son périple, elle a sollicité des dessinateurs européens, ayant connu son père, et les auteurs américains sur ce thème simple mais pas évident à illustrer : « Dessine-moi le bonheur ». 

L'ensemble de cette démarche se retrouve dans cet album souple de 48 pages avec un générique francophone prestigieux, de Juillard à Lepage en passant par Léo et Cabanes. 

Sans vouloir classer ces histoires courtes de quatre pages, celle de Lepage, notamment le passage sur la naissance de son premier enfant, respire effectivement le bonheur. Emmanuel Lepage qui signe également la couverture. 

La version de Léo et Rodolphe (qui ressuscitent au passage le personnage de Trent) plus classique n'en reste pas très humaine. Côté américain, c'est une véritable découverte qui est proposée aux lecteurs. Celle de Pablo de Santis (scénario) et Juan Saenz Valiente (dessin) émerge nettement du lot. L'histoire d'un romancier en panne d'inspiration, qui finalement rencontre le succès en achetant « la plume des histoires tristes ». Il sombre dans la dépression et la solitude, mais avoue au final qu'il « n'y a pas de plus grand bonheur que d'écrire des histoires tristes ».

« Dessine-moi le bonheur », Dargaud, 10,40 € 

vendredi 5 septembre 2008

BD - Il n'est jamais trop tard pour reprendre ses études ?

A presque 50 ans, Antoine, psychiatre, décide de s'inscrire en fac d'histoire à la Sorbonne. Et entraîne Félix, son ami, dans la galère.


Le quotidien nous bouffe. Quel qu'il soit, brillant ou misérable. Antoine Saint-Bernard, psychiatre à Paris, marié, deux enfants, à 48 ans, décide de changer de vie. L'enseignement le tente. Il décide donc de s'inscrire à la Sorbonne, en histoire. Cette remise en cause radicale d'une situation bien établie va avoir de redoutables conséquences sur son couple et sa vie de tous les jours. Seul son ami d'enfance, Félix, accepte de le suivre, décidant lui aussi d'assister aux cours. La trame du roman, l'auteur, Antoine Sénanque semble l'avoir testée puisque dans la courte présentation de l'éditeur il est précisé que ce « médecin spécialisé en neurologie » a obtenu sa « licence d'histoire à la Sorbonne en 2007/2008. » Mais que les lecteurs craignant l'autofiction, ce genre à la mode et souvent profondément dépressogène, ne fuient pas ce roman. La raison, c'est Antoine Sénanque qui la donne : « J'avais pris une décision. J'allais écrire mon premier livre gai ». Et effectivement, l'autodérision est omniprésente dans ces pages brillantes, très enlevées, pleines de formules choc et bien senties pour brocarder les petits travers des hommes et femmes, jeunes ou vieux.

Vie et mœurs des étudiants

Sur la famille, le narrateur admet que sa relation avec ses enfants laisse à désirer. Notamment quand il faut les aider à faire leurs devoirs. « Le travail des enfants est pour le père ou la mère une de ces corvées sournoises qui se cachent, comme un impôt indirect. Une taxe qui double les prix mais qui ne s'affiche pas. Elle est si bien incorporée qu'on ne pense pas à se plaindre, d'ailleurs, nous n'en avons pas l'autorisation. » Une corvée d'autant plus fastidieuse qu'elle est demandée par l' instituteur de vos enfants qui se trouve être, par ailleurs, l'amant de votre femme...

Moments de franche rigolade également quand nos deux quadra décident de s'inscrire à la Sorbonne et qu'ils redécouvrent un monde incompréhensible qu'ils ont quitté depuis longtemps. « Les étudiants communiquent entre eux comme des sourds-muets. Par signes ou par ondes » Et les deux anciens de se sentir totalement ignorés, comme absents. « La raison est que vous n'êtes pas là. Vous êtes différent. Vous êtes vieux. Les étudiants vous sourient aimablement, mais vous n'êtes pas là. Vous croyez entrer dans leur monde, vous restez dehors, pas loin, mais dehors. Ils ont cet esprit grégaire qui ne vous agrège pas. »

Mauvaise note et explications

Malgré les difficultés (adultère, frère ruiné s'installant chez vous en même temps que la belle-mère), il faut passer les premiers partiels. Et là, c'est la grosse déception. Un 4, la plus mauvaise note de toute la faculté. Antoine demande à rencontrer le correcteur. Une correctrice, Charlotte. « Elle n'est pas précisément belle, imprécisément plutôt. Il y a quelque chose d'harmonieux qui ne se livre pas d'emblée, qui demande de l'attention. La quarantaine, le visage osseux, les cheveux tirés en arrière, pas maquillée, un regard doux que je ne soutiens pas. » Le roman oblique alors sur cette relation entre l'élève et son examinatrice. Antoine, sous le charme, la persuade de dîner avec lui. En pleine bérézina conjugale, il a des doutes sur sa capacité de charmer. « Ce soir, je n'ai pas le cœur à paraître. J'ai décidé de risquer le naturel avec Charlotte. Ce qui n'est pas mon meilleur atout en règle générale. Mais il faut de la gaieté pour feindre. J'en manque. »

Très bonne surprise de cette rentrée littéraire, « L'ami de jeunesse » parvient à allier un ton léger avec une histoire puissante, agrémentée de quelques personnages secondaires d'anthologie comme ce fameux ami de trente ans, Félix, ou la fille de Charlotte, Clara, adolescente gothique de 14 ans trois quart, petit rôle parfait pour dédramatiser les péripéties des dernières pages.

« L'ami de jeunesse », Antoine Sénanque, Grasset, 17,90 € (disponible aussi au Livre de Poche) 

jeudi 4 septembre 2008

BD - Printemps nauséabond


Se déroulant à Paris fin 1941 et début 1942, les événements décrits dans « Opération vent printanier » sont véridiques. Philippe Richelle, le scénariste, a souhaité leur donner une âme en les racontant à travers les regards de personnes banales, des Français moyens, aux attitudes parfois extrêmes mais tout à fait plausibles. 

Dans ce Paris occupé, le petit peuple est essentiellement tracassé par le rationnement. Le marché noir se met en place, mais un autre phénomène est en train de modifier le paysage économique du pays. Alors que le gouvernement fixe les prix au plus bas, des officines allemandes font des offres d'achat aux industriels français deux à trois fois supérieures au marché. Reste le plus difficile : accepter de commercer avec l'occupant. Et alors que certains s'enrichissent très vite, d'autres ne sont pas insensibles au sort réservé aux juifs, de plus en plus montrés du doigt. 

Pierre Wachs, le dessinateur, va animer ces hommes et femmes à un tournant de leur existence. 60 pages pour mieux connaître l'industriel ruiné, l'apprentie secrétaire, le jeune commercial et le policier obligé d'obéir aux ordres de René Bousquet, le préfet de Paris qui va mettre en place l'opération « Vent printanier », rafle de 13 000 juifs dont 4 000 enfants, tous livrés aux Allemands.

« Opération vent printanier » (tome 1), Casterman, 15 € 

mercredi 3 septembre 2008

BD - Carmen Cru, dernières sorties


Carmen Cru, la vieille acariâtre ayant erré plusieurs années dans les pages de Fluide Glacial, est de retour. Il ne s'agit pas d'une reprise des personnages imaginés par Lelong mais de l'exhumation de quelques planches inédites, retrouvées dans le bureau du dessinateur mort en 2004. Car Jean-Marc Lelong a eu la mauvaise idée de mourir alors qu'il n'en était encore qu'au début de sa carrière. 

Dessinateur pointilleux, à la précision caricaturale, il avait imaginé ce personnage improbable. En fin de volume, il est reproduit la « bible » des protagonistes de la série. Il définissait Carmen ainsi : « Elle est très âgée, a amplement dépassé l'âge de la retraite mais méprise la carte Vermeil et les faiblesses des « petits vieux ». Elle est vêtue comme elle est meublée, comme ça vient. Elle se déplace à vélo, plus une remorque parfois chargée de sacs, cabas, cageots, mais pour quoi faire ? C'est son problème. Mystère. Elle n'a confiance en personne, se méfie de tout le monde. » 

Dans ce huitième tome (les sept autres titres ont été réédités pour l'occasion), elle est aux prises avec un corbeau qui l'accuse d'avoir fricoté avec les boches. Sa réponse sera cinglante... « Thriller », un récit complet d'une vingtaine de pages qui donne son nom à l'album.

« Carmen Cru » (tome 8), Fluide Glacial, 9,95 € 

mardi 2 septembre 2008

BD - La bourse ou l'habit pour la reprise de Robin Dubois


Passation de pouvoir au dessin de Robin (anciennement Robin Dubois). Si Bob de Groot reste au scénario (il reconnaît d'ailleurs un nouvel enthousiasme à faire évoluer ces personnages plus anciens que Léonard), Turk a laissé ses pinceaux à Diaz et Borecki. Ces deux dessinateurs ont fait leurs armes au Studio Peyo. Ils ont appris à se couler dans le trait de l'inventeur des Schtroumpfs et de Johan et Pirlouit. 

Un savoir-faire qu'ils ont transposé avec le dessin de Turk. Et il faut avouer que seule la signature permet au lecteur de faire la différence. Ce n'est pas à proprement parlé un travail de création, mais ils ont su s'approprier ces personnages tout en y restant très fidèles. Des reprises de ce niveau, on en rêve parfois pour des personnages moins difficiles à dessiner... 

Côté gags, de Groot parvient à varier les situations tout en gardant un minimum de personnages. Il y a Robin, le brigand débonnaire qui dévalise à tour de bras. Mais le ressort comique de la série doit beaucoup aux frasques du shérif. Avare, prétentieux, il se retrouve pourtant souvent en posture difficile, incapable de résister au rouleau à pâtisserie de son épouse, la ronde Cunégonde qui ne supporte pas qu'il aille en cachette boire des bières avec ses copains.

« Robin Dubois » (tome 21), Le Lombard, 9,25 € 

lundi 1 septembre 2008

BD - Écrits irrévocables


Parmi les nouveaux scénaristes de BD, Alcante s'st immédiatement distingué avec une série au long cours, Pandora Box, illustrée par divers dessinateurs. Une histoire réaliste et futuriste aux intrigues fortes et fouillées. Après cette première expérience originale, il signe sa première série classique. Tout en gardant sa pâte si personnelle. 

Il y a donc un héros, Jason Brice. Ce premier tome en annonce d'autres, sans que cela soit une histoire à suivre. Mais quand on a refermé l'album, on se demande si Jason est véritablement taillé pour être héros. A Londres, dans les années 20, ce jeune détective fait la chasse aux charlatans alors que la mode est aux tables tournantes et autres pratiques occultes. Plein de certitudes, il démystifie facilement les escrocs. 

Jusqu'au jour où la jeune et belle Theresa Prendergast lui demande d'enquêter sur la provenance d'un manuscrit qui décrit comment elle va mourir dans les prochaines semaines. Suspectant une machination de l'entourage de la riche héritière, Jason devra quand même admettre la réalité de faits très troublants. Jusqu'à un final où il tiendra le premier rôle, comme c'était écrit dans la dernière page que Theresa avait caché. 

Très bons débuts d'une série dessinée par Jovanovic, très à l'aise dans ces décors fouillés et foisonnants.

« Jason Brice » (tome1), Dupuis, 13 €