A vivre tout le temps par procuration, on peut parfois perdre toute notion de réalité. C’est un peu ce qui arrive à Angélique dans « Le destin de Madame Picmol » de Claudie Pernusch. Angélique Picmol, gardienne d’immeuble dans le civil, la cinquantaine assez bien conservée, vénérant son petit chien, Pupuce, et lisant un peu trop souvent les articles flatteurs sur les princesses, « sa préférée, son idole, c’est celle aux lévriers : la princesse Estelle, « Estie » pour les intimes, c’est-à-dire pour tout le monde ». Or, voilà qu’après des années d’économies et un héritage imprévu, une cousine se rompant le cou à la pêche aux moules, Madame Picmol se paie une folie totale : un mois en pension complète au Chamois d’or, un palace planté au pied des pistes d’une station huppée et surtout du château d’Estie. Elle croit même l’apercevoir une fois dans sa voiture et se con sole en allant acheter du bourguignon haché pour Pupuce chez le même boucher que les lévriers d’Estie. Mais Angélique comprend rapidement qu’elle est une pièce rapportée dans cet univers de riches habitués à être servis en permanence. Elle, a plutôt l’habitude de servir les autres. C’est encore plus flagrant au restaurant, quand un larbin se charge même de lui rapprocher sa chaise juste avant de s’asseoir.
Le bel Edouard
C’est un peu trop pour Madame Picmol, mais à son grand étonnement elle s’habituera vite à cet état de fait. Et quand un homme s’intéresse à elle, c’est un choc incroyable, comme une renaissance, l’espoir d’une nouvelle vie. Dès son entrée dans la salle à manger, Angélique a remarqué la belle prestance d’Edouard : « Il est de taille moyenne, un peu ventru, avec des cheveux blancs fournis, une moustache grise, des yeux téméraires, démesurément grands derrière ses lunettes. » Elle, dans la glace de sa chambre, avait détaillé ses atouts : « Stature moyenne, bien en chair sans excès, la taille encore mince malgré des hanches larges. Elle a des yeux vert amande, un nez court arrondi, des pommettes rebondies, un bouche bien dessinée, l’épiderme fin légèrement couperosé, une poitrine généreuse, des jambes un peu maigrelettes ». Edouard lui raconte son veuvage, les petits enfants, dans un manoir. Il montre même des photos du dernier Noël. Angélique prend l’habitude de dîner avec lui le soir.
Confidences à Pupuce
Son séjour devient merveilleux. Elle a enfin quelqu’un à qui parler, se confier. Une tâche jusqu’alors tenue par son chien. La journée, elle attend son rendez-vous avec Edmond et se confie : « Tu sais Pupuce, il y a des lunes que ta Mamine n’a pas attendu ! Parce que y a attendre et attendre, hein. Attendre quelqu’un qui vous attend pas et attendre quelqu’un qui vous attend. Dans le premier cas on se fait écho, dans l’autre on fait un duo. Attendre et s’attendre, c’est pas pareil, Pupuce. Là, tu vois, Edmond et moi on s’attend. »
Alors, ce roman ne serait qu’une romance entre quinquagénaire ? Ce n’est pas véritablement le style de Claudie Pernusch, conceptrice-rédactrice de publicité. Son premier roman est tranchant et incisif. Madame Picmol semble aveuglée par le luxe, Edmond pas si clair que cela et certains employés du palace très gênés par la situation. Reste Pupuce. Il n’aime pas Edmond, par contre adore le boucher qui lui donne toujours quelques restes. Cette comédie douce amère décortique le changement de vie de Madame Picmol, ses espoirs de revanche. Quant à savoir si la fin est morale, bien malin celui qui pourra avoir un avis tranché…
« Le destin de Madame Picmol, Claudie Pernusch, Albin Michel, 14,50 €
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