vendredi 14 avril 2023

BD - Mo CDM, le meilleur gagman de tous les temps

Le rire peut-il sauver le monde ? Les conseillers du président des USA en sont persuadés. Rien de tel qu’une bonne blague pour redonner le moral à une population de plus en plus déprimée. Ils ont même lancé des recherches pour trouver le meilleur raconteur d’histoire drôle du pays. Le recueil de gags signé Mo CDM intitulé Tirez sur mon doigt monsieur le président relate cette nouvelle guerre de la plaisanterie.

Premier à entrer en scène, en compétition, le professeur Von Drole. Un peu savant fou, il a mis au point Supergagman, sorte de Frankenstein de la blague. Une dizaine de ses planches sont proposées au lecteur qui commence déjà à se dérider. Mais intervient ensuite le Docteur Vannedemerd, autre scientifique de génie. Ses recherches ont permis de mettre au point un cyborg répondant au doux nom de Ultra Gag 3000. De la belle machine, efficace et désopilante.

Mais au final c’est un banal humoriste français, un certain Mo CDM qui à partir de la page 40 va parvenir à sauver la planète de son marasme. Mo CDM qui signe des gags extrêmes, si marrants que le lecteur prend de réels risques à les lire sans filtre pour protéger sa rate et ses zygomatiques. Des gags à la pelle, absurdes et édifiants à la fois. Profitez-en, l’auteur en a des centaines, des milliers, voire des milliards en réserve. Enfin, c’est ce qu’il prétend...
« Tirez sur mon doigt monsieur le président », Fluide Glacial, 13,90 €

jeudi 13 avril 2023

BD - La jeune Friday enquête aux limites du paranormal

Wednesday sur Netflix, Friday chez Glénat. L’analogie s’arrête là car les deux héroïnes ne se ressemblent pas du tout.

Friday, personnage principal de cette série écrite par Ed Brubaker et dessinée par le Barcelonais expatrié aux USA Marcos Martin, revient pour les vacances de Noël dans sa petite ville de Kings Hill.


Immédiatement elle est entraînée par Lance, son meilleur ami et amoureux qui n’ose pas le dire, pour traquer un jeune devenu dément après avoir volé une dague en pierre antique. Dans les bois, il cherche la Dame Blanche. Mélangeant fantastique, enquête policière et romance, Friday fait partie de ces comics indépendants qui valent largement les meilleurs romans graphiques européens.

« Friday » (tome 1), Glénat, 19 €


BD - Clear, un masque pour ne pas voir la réalité


Pas très gai le monde décrit dans Clear, comics écrit par Scott Snyder et dessiné par Francis Manapul. Les USA, sûrs de leur puissance, ont décidé d’aller sauver Taïwan envahi par la Chine. Mais la guerre n’a duré que trois jours. Toutes les armes US ont été piratées par les Chinois qui les ont retournées contre leur expéditeur.

Les USA, depuis, ont abandonné leur rôle de gendarme du monde et se sont repliés sur leur territoire. Et pour oublier cette humiliation planétaire, des masques de réalité virtuelle ont été massivement commercialisé. Chaque habitant peut désormais vivre dans le monde qu’il désire : western , romanche à l’eau de rose, dessin animé…

Sam Dune, vétéran de la guerre éclair, a fait un choix différent. Il a en permanence un masque Clear qui lui permet de voir la réalité de son monde. Sur cette base, les auteurs racontent l’enquête de Sam après le suicide de son ancienne femme. Une recherche dans un monde futuriste aliénant et macabre où toute réalité est subjective et a priori fausse.
Clear est sombre, paradoxe d’un récit futuriste sur l’embellissement virtuel d’une réalité pas assez clinquante et valorisante pour la majorité.
« Clear », Delcourt, 16,95 €

mercredi 12 avril 2023

BD - Guerre brouillée des futurs de Liu Cixin

Étrange album que ce Brouillage intégral signé Stojanovic et Maza d’après un roman de Liu Cixin. Il résonne bizarrement car le récit est raconté du côté de l’armée russe en guerre contre l’Otan, dans un futur proche où le parti communiste aurait repris le pouvoir par la force.

Envahie par la coalition occidentale, la Russie résiste vaillamment. Mais la technologie est du côté de l’Ouest. Pour rééquilibrer les forces, les généraux moscovites demandent à des scientifiques de mettre au point un puissant programme de brouillage. Devenues aveugles et sourdes, les armes sophistiquées deviennent inutiles.

Brouillage intégral semble osciller entre glorification des militaires et dénonciation de la guerre.

« Brouillage intégral », Delcourt, 21,90 €


De choses et d’autres - Prénoms à savourer

Une récente analyse des prénoms des petits Français depuis ces dernières années laisse apparaître une tendance étonnante. De plus en plus de parents délaissent le calendrier classique pour affubler leur progéniture de noms d’aliments.

Une mode pas si récente quand on voit la prolifération des Cerise, Prune et autre Clémentine dans les écoles, collèges et lycées. La différence de la nouvelle mode serait dûe au fait que les parents choisissent d’appeler leur enfant comme leur aliment préféré.

Voilà pourquoi on a désormais des Miel ou des Fraise qui font leur apparition sur les registres de l’état-civil. Les Anglo-Saxons seraient en pointe dans ce mouvement, qui semble très marqué par le véganisme. Car ce sont essentiellement des noms de fruits qui sont choisis.


Les amateurs de bidoche et de salé ne semblent pas attirés par cette tendance. Pourtant je verrai bien un faire-part de naissance de ce style. « Marcelle et Gérard Alamodkan ont la joie d’annoncer la naissance de leur petite fille, Tripe ». En espérant que les goûts culinaires ne soient pas radicalement différents dans un couple.

Le papa veut que sa fille s’appelle Côtelette alors que la maman revendique Macaron si c’est un garçon. Une mode qu’on pourrait régionaliser.

Ainsi, à Cambrai, les Bêtises seraient majoritaires ; les Nougat s’imposent à Montélimar et à Castelnaudary, toute une génération sera traumatisée après avoir reçu le prénom de Cassoulet. Pour ma part, c’est tout, vu : si j’avais un fils, actuellement, il prendrait pour premier prénom Rougail.

Et en seconde position, Saucisse, Cabri ou Tomate.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 29 mars 2023

mardi 11 avril 2023

BD - Elliot, un adolescent particulièrement angoissé

Elliot a un petit air de ressemblance avec Esther, la jeune héroïne de Riad Sattouf. Mais là où la jeune fille est assez sérieuse, Elliot prête souvent à sourire. La faute à son ami imaginaire, représentant son angoisse quand il rentre au collège en 6e.

Elliot, timide, peu sûr de lui, gringalet bourré de complexes est la victime idéale pour les « grands ». Dans ce premier tome d’une série signée Théo Grosjean qui compte raconter toute sa scolarité, il se fait un ami, beaucoup d’ennemis et rencontre l’amour en la personne d’Amandine.

Finement observée, la vie dans un collège de nos jours semble être un véritable champ de bataille. Il y aura de nombreux blessés et même quelques morts. Comme la dignité d’Eliott…

« Elliot au collège » (tome 1), Dupuis, 9,90 €

De choses et d’autres - Privé de roi, privé de tarte

Lundi 27 mars au matin, selon mon hebdomadaire télé préféré, TF1 et France 2 proposaient le même programme en direct. Du pur people pour fan de royauté : la visite de Charles III à Paris. Patatras, le magazine a été imprimé avant l’annonce de l’annulation de la visite officielle du roi d’Angleterre.

J’imagine la déception dans certains foyers. Le sourire en coin chez d’autres qui saluent le premier résultat tangible de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites.

Et puis aussi l’indifférence dans la majorité des familles françaises qui, un lundi matin, va d’abord travailler pour gagner sa croûte de pain et tenter de mettre un peu d’essence dans le réservoir qui flirte avec la réserve.

Charles III a attendu presque toute une vie pour accéder au trône, alors décaler une visite officielle de quelques mois, ce n’est pas la mer à boire.

Par contre, on ne dira jamais assez combien ces visites protocolaires luxueuses sont attendues par les meilleurs artisans de l’excellence française. Prenez le repas de lundi soir à Versailles, ce sont de grands chefs qui devaient se mettre aux fourneaux. Asperges en entrée, volaille de Bresse en plat principal et « tarte tatin revisitée au caramel et aux fruits secs » par Pierre Hermé. Une création qui devra rester encore inédite.

Dans cette annulation, le plus à plaindre reste bien le président Macron. Il doit se passer d’une séquence prestige dans un cadre d’exception. Même si accueillir un roi à Versailles n’est pas la meilleure image à offrir de la République française alors que le peuple, dans les rues, rejoue la Révolution.

Privé de roi et privé de tarte. La double peine.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 28 mars 2023

lundi 10 avril 2023

DVD et blu-ray - Inflation historique : « Trois mousquetaires » de plus

Même les Anglais ont décidé de revisiter le roman d’Alexandre Dumas. Bill Thomas signe une adaptation des Trois mousquetaires (Wild Side) arrivant quelques semaines après la sortie sur grand écran de la version très spectaculaire de Martin Bourboulon.

Un film qui sort directement en vidéo en VOD et sous forme de DVD et de blu-ray. Contrairement au film français, fidèle au roman et découpé en deux parties (la seconde sort en décembre), ce film de cape et d’épées version british ne garde que peu du roman original. Essentiellement les personnages. Mais dans une distribution assez étonnante.

Ainsi le jeune D’Artagnan est interprété par Malachi Pullar-Latchman, comédien anglais d’origine africaine. Un peu bizarre quand il se revendique pur Béarnais, fidèle au roi de France. De même Milady, charmeuse et manipulatrice, endosse les traits exotiques de Preeya Kalidas, Anglaise elle aussi déjà vue dans quantité de séries ou films comme Joue-la comme Beckham, mais d’origine indienne.

Une volonté de diversité louable, mais qui pose problème quand D’Artagnan doit affronter les gardes du Cardinal. Visiblement, son interprète n’a aucune notion d’escrime. Alors très vite il se fait désarmer mais l’emporte aux poings… Autres absences de marque dans cette adaptation tronquée, les Protestants ainsi que la reine. Mais le film ne dure que 90 minutes. Il fallait donc condenser.

L’action se concentre dans les bois. Les trois mousquetaires et D’Artagnan vont tenter de déjouer un complot qui prévoit tout simplement de tuer le roi. Une histoire assez sommaire, mais qui permet de multiplier les combats et effets pyrotechniques, Porthos utilisant une bombarde portative aux airs de lance-roquettes. Rien de transcendant, mais un film d’action honnête, loin de l’œuvre originale mais qui se laisse regarder.

Billet - Record en bleu délavé

Mais ils étaient où les 231 Schtroumpfs manquants ? 231 bonshommes en bleu égarés dans la nature et qui ont douché les espoirs des organisateurs du carnaval de Landernau en Bretagne de battre le record du monde. Samedi soir, l’association du carnaval étoilé de Landernau a eu beau multiplier les vérifications, le compte n’y était pas. Le record du plus grand rassemblement de personnes déguisées en Schtroumpfs n’a pas été battu.

La palme est restée à la ville de Lauchringen en Allemagne (Schlümpfe dans la langue de Goethe) avec 2 763 Schtroumpfs réunis, en 2019. A Landernau, ce week-end, ils n’étaient que 2 532. 2 532 qui voient la vie en bleu malgré les difficultés du quotidien.


Pour se consoler, les carnavaliers ont fanfaronné : vice-champion du monde. Voire carrément les premiers si on prend en considération une variable qui a tendance à compliquer les choses : la pluie. « Nous devenons champions du monde du rassemblement sous la pluie ! » plastronne le président dans les colonnes du Télégramme.

Si ça se trouve, le record aurait pu être battu, mais quelques déguisés ont imprudemment utilisé de la peinture à l’eau pour se grimer. Et une fois arrivés sur place, douchés par les averses, ils ont constaté que leur peau avait retrouvé sa couleur d’origine les excluant de fait du comptage final.

Une mésaventure qui m’a soufflé l’idée de la question métaphysique du week-end : le rassemblement de Schtroumpfs a-t-il pour conséquence de faire apparaître la pluie ? Si c’est effectivement le cas, voilà une piste à explorer pour les désespérés de la sécheresse.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 27 mars 2023

dimanche 9 avril 2023

Thriller - « Les oubliés de Marralee », mystères dans les vignes australiennes

Le policier australien imaginé par Jane Harper, Aaron Falk, enquête officieusement un an après la disparition d’une jeune mère en pleine fête du vin de la petite ville de Marralee.

Remarquablement construit en incessants allers-retours entre le jour du drame et son premier anniversaire, ce polar de Jane Harper est totalement addictif. Dès le prologue, de quelques pages, le décor est planté et le suspense intense.

Le premier jour de la fête du vin de Marralee, des centaines de visiteurs viennent déguster les produits locaux. Le soir, alors que les portes se ferment, on découvre dans un landau un nouveau-né. La mère, Kim, a disparu. Selon toute vraisemblance, dépressive, elle serait allée se suicider dans le lac artificiel à proximité, une grande retenue d’eau destinée à l’irrigation des vignobles. Mais jamais son corps n’a été retrouvé.

Un an plus tard, Aaron Falk, policier fédéral à Melbourne, arrive à Marralee. Invité au baptême du fils de Greg Raco, un ancien collègue, en tant que parrain. Falk était déjà là l’année précédente. Mais le baptême avait été annulé car Kim, la disparue, était l’ancienne femme de Charlie, frère de Greg. C’est donc dans une histoire familiale complexe que Falk va se trouver mêlé. Ses réflexes professionnels vont prendre le dessus et sans le vouloir, il va tenter de trouver des réponses à ce mystère.

Un autre mort, des années auparavant 

En arpentant les allées de la fête, il se remémore tout ce qu’il a vu un an auparavant. Tentant de se souvenir de ce détail qui pourrait enfin de lever le mystère. Car Zara, la première fille de Kim, devenue adolescente, veut relancer l’enquête. Elle culpabilise car le jour de la disparition elle s’est disputée avec sa mère. La dernière fois qu’elle lui a parlé c’est au téléphone. Une conversation tendue et abrégée. « Falk aurait mis sa main à couper qu’elle revivait souvent cette conversation. La fin au moins. Quand elle s’était penchée en avant, main tendue vers l’écran. L’unique tape du bout de l’index, le frôlement de la chair contre le verre pour couper les derniers mots qu’elle entendrait jamais de la bouche de sa mère. Zara donnait l’impression de ressentir ce geste jusque dans son sommeil. » Falk va reprendre la chronologie de la soirée, tenter de trouver de nouveaux témoins, interroger tous ceux qui étaient présents ce soir-là.

Contre l’avis du shérif local, il discute avec le mari, Rohan, une amie de Kim, médecin, et Gemma, la responsable de la fête. Gemma qu’il a déjà rencontré à Melbourne quelques mois auparavant. Elle aussi a perdu un proche près de la retenue d’eau : son mari a été renversé cinq années auparavant par un chauffard qui n’a jamais été identifié. À la différence que son corps a été retrouvé contrairement à celui de Kim.

Deux morts presque au même endroit, par ailleurs lieu de fête des jeunes du village, notamment durant la fête du vin : autant de mystères qui vont donner du fil à retordre à l’enquêteur imaginé par Jane Harper. Cette dernière, en apportant au fil des chapitres des précisions et témoignages transforme le roman en toile impressionniste qui prend tournure au gré des coups de pinceau et au fil des pages.

« Les oubliés de Marralee » de Jane Harper, Calmann Lévy, 22,90 €