mercredi 19 octobre 2022

Série télé - Cinq sœurs à défendre sur AppleTV+


La plateforme AppleTV +, contrairement à Netflix ou Prime Vidéo d’Amazon, ne cherche pas à noyer ses abonnés sous une masse de nouveautés. Au contraire, la marque à la pomme privilégie la qualité. Et ses propres productions. Donc il y a beaucoup moins à voir, mais les « déchets » sont quasi inexistants. De plus, les séries sont rarement données à voir d’un bloc, les épisodes, comme sur les chaînes TV classiques, étant distillés au rythme d’un épisode par semaine. Mi-août les deux premiers épisodes de Bad Sisters ont été mis en ligne. Ce vendredi, le 10e et dernier chapitre de cette comédie policière irlandaise a été mis en ligne permettant aux pressés de profiter d’un coup d’un seul des manigances des sœurs Garvey. 

Détestable mari

Elles sont cinq, toujours très unies malgré leurs parcours et caractères très différents. Une famille unie, catholique (l’action se déroule essentiellement en Irlande) pleine d’habitudes qu’il faut faire perdurer comme le bain de Noël dans l’eau glacée. Il faut plus d’un épisode pour bien cerner la mentalité des cinq. Eva (Sharon Horgan, également scénariste et productrice de la série), est l’aînée. Célibataire, elle a terminé l’éducation de ses quatre sœurs à la mort prématurée des parents. Ursula (Eva Birthistle), mère de famille, infirmière, semble la plus normale. Bibi (Sarah Greene) est la plus rebelle et iconoclaste. Borgne, elle se promène avec un bandeau noir sur son œil crevé, telle une pirate sans foi ni loi. Becka (Eve Hewson), la petite dernière, cherche toujours le grand amour. 

En attendant elle multiplie les coups d’un soir. Reste le cas de Grace (Anne-Marie Duff). Mariée à John-Paul (Claes Bang), elle est le prototype de la femme au foyer brimée par un pervers narcissique. Ce mari détestable est le personnage pivot de la série. Pour protéger leur sœur qui s’étiole de plus en plus, les autres sœurs décident de se débarrasser de John-Paul. Plusieurs tentatives seront nécessaires pour arriver à ce résultat qui amène la séquence culte du premier épisode : les obsèques.

Adaptée librement d’une série belge, Bad Sisters est une superbe histoire de sororité. On ne peut que comprendre ces femmes dans leur volonté d’éradiquer ce malfaisant. Il y a en filigrane aussi la critique de la société irlandaise corsetée dans une tradition catholique que l’on qualifierait en France d’intégriste. Et pour le côté intrigue au long cours, on se délecte de l’enquête foireuse menée par deux assureurs cherchant par tous les moyens de ne pas payer l’assurance vie contractée par John-Paul. Comique, émouvante, farfelue : Bad Sisters est le parfait divertissement pour les femmes, toutes les femmes, et les hommes qui en font trop. Tous les hommes… 

Roman - Impressions manipulatrices

En premier lieu voyage à travers l’histoire de la photographie, ce thriller psychologique de Robert Goddard est aussi, et avant tout, le récit d’une manipulation de haut vol. Comme si le personnage principal de L’inconnue de Vienne, un photographe professionnel talentueux, se retrouvait piégé dans une de ses compositions un peu trop artistique pour être réelle.

Photographe anglais, Ian Jarrett a couvert plusieurs guerres ? Un de ses clichés, pris durant la guerre du Golfe, a fait toutes les couvertures des magazines et lui a permis de se faire un nom. Depuis, il a abandonné les zones de conflit et se contente de signer des clichés artistiques pour des livres de commandes. Voilà comment il se retrouve en cet hiver à Vienne. Une semaine pour rapporter une dizaine d’images typiques de la capitale autrichienne. Une bonne occasion pour abandonner l’ambiance délétère de la maison familiale. Ian n’aime plus sa femme, au grand désespoir de leur fille adolescente, Amy. 

C’est en photographiant la place Saint-Etienne qu’elle lui est apparue : « Une silhouette déboucha dans l’image du côté sud de la cathédrale, vêtue d’un manteau rouge boutonné jusqu’au col pour se protéger du froid. » Il prend la photo mais cela ne plaît pas à L’inconnue de Vienne. « Elle marcha droit vers moi, les sourcils froncés. Elle donnait presque l’impression d’être en colère, ses yeux sombres me fixaient avec un air de défi. » Rencontre impromptue et coup de foudre immédiat. Elle dit s’appeler Marian, fuir son mari et ne pas savoir de quoi sera fait son avenir. Durant une semaine ils vont d’aimer. Et se promettre de se retrouver en Angleterre, de repartir à zéro. 

La disparition de l’inconnue

La première partie du roman est presque trop belle pour être vraie. Mais le talent de Robert Goddard fait qu’on est totalement happé par cet amour fou. On veut y croire, même si on se doute que l’avenir sera moins rose. De retour à Londres, Ian quitte le foyer et se rend au rendez-vous convenu avec Marian. Qui n’est pas là. Commence une longue quête pour la retrouver. Percer ses mystères. Ian découvre que Marian est le nom d’une femme ayant vécu au XIXe siècle. Elle aurait, la première inventée la photographie. La femme de Vienne serait en réalité « possédée » par le fantôme de Marian. Une explication non rationnelle. Contrairement aux négatifs de la véritable Marian, retrouvés dans une vieille demeure. Ils valent de l’or. Est-ce le véritable mobile de la disparition de la belle inconnue de Vienne ? 

Au gré des 430 pages du roman, Robert Goddard multiplie les fausses pistes, alternant les récits en parallèle, du présent compliqué de Ian à son passé traumatisant en passant par les bonds dans le temps racontant la vie de la véritable Marian, génie de la chimie, femme brimée par un mari violent et rétrograde. Et quand quelques escrocs viennent mettre leur grain de sel, on se retrouve avec un petit chef-d’œuvre de manipulation entre les mains, un roman brillant qui vous surprendra jusque dans son dernier chapitre. 

« L’inconnue de Vienne » de Robert Goddard, Sonatine, 23 €


mardi 18 octobre 2022

Série télé - Peurs de malades

À quelques jours d’Halloween, les séries horrifiques débarquent en masse sur les plateformes de streaming. L’occasion de se faire peur bien protégé sous la couette, lové dans le canapé, si possible en compagnie de potes ou mieux d’un être aimé. Les sensations en seront décuplées, notamment si vous jetez votre dévolu sur The Midnight Club, à découvrir sur Netflix. Un choix qu’on ne peut qu’encourager. En premier lieu car il s’agit d’une série signée Mike Flanagan. Aussi car plusieurs passages sont tirés des romans de Christopher Pike. Bref des frissons assurés et de qualité. 

Tout débute par l’annonce d’une maladie incurable à la jeune Ilonka (Iman Benson, photo dessus). Après des recherches, elle décide de finir ses jours dans une structure réservée aux adolescents. Elle va partager son quotidien, a priori ses derniers mois d’existence, avec d’autres cancéreux condamnés. Des jeunes qui tentent de vivre comme tout le monde et ont même mis en place un club secret. The Midnight club se réunit la nuit dans la bibliothèque et à tour de rôle ils se racontent des histoires épouvantables. 

C’est le volet très Halloween de la série. Mais en filigrane, il y est aussi question de résilience, de rapport avec la mort, de famille (aimante ou qui vous abandonne) et un peu de miracles. Car Ilonka est persuadée que sa mort n’est pas inéluctable. Elle a découvert que dans les années 60 une patiente de l’établissement est sortie en pleine santé de l’institution. De là à se persuader que cela peut lui arriver, il n’y a qu’un pas. Reste à savoir quel est le prix à payer. 

Jeunesse - Deux récits royaux


Deux rois en vedette dans la très jolie collection Pastel de L’école des loisirs. 

Kristien Aertssen dans Mon papa roi raconte comment un gentil roi tente de satisfaire son fils, le prince. Un prince qui voudrait savoir qui est le roi des papas. Son père, pour tenter de trouver la réponse, va le conduire auprès de différentes personnes remarquables. Mais si l’un est le roi du vélo, un autre le roi du bricolage ou roi des gourmands, aucun ne peut prétendre au titre suprême. De retour au palais, le papa roi après avoir appris auprès des différents rois leurs secrets, reproduit joie et amusement pour le prince qui du coup, décrète qu’il n’y a qu’un seul et unique roi des papas : le sien ! 


Olivier Tallec brosse le portrait d’un roi qui s’ennuie. Il a tout, d’une planche à roulettes à un éléphant sans trompe, mais il lui manque l’essentiel : rien. 

«Mon papa roi», L’école des loisirs, 14 €, «Le roi et rien», L’école des loisirs, 15 €

lundi 17 octobre 2022

Thriller - La Réunion, côté sombre

Tristes tropiques… Pourtant ces petites îles françaises, derniers vestiges d’un empire colonial évaporé, ont tout pour être des paradis miniatures. Mais une certaine fatalité semble plus forte que les atouts intrinsèques de ces territoires. 

Le nouveau roman de Jacques Saussey, L’aigle noir, se déroule à la Réunion. Ce département français dans l’océan Indien, dans l’hémisphère sud, a des paysages d’une richesse incroyable. Quelques plages, un climat favorable, une population métissée vivant en harmonie. Mais ce thriller dresse un portrait assez sombre de cette île. 

Le héros, Paul Kessler, ancien flic dépressif qui a démissionné après un drame familial, est embauché par un riche propriétaire terrien dont la famille a fait fortune dans la culture de la vanille, pour découvrir si la mort de son fils dans un crash d’hélicoptère dans le cirque de Mafate est bien un accident comme le prétendent les gendarmes ou un sabotage. 

Kessler, totalement déboussolé au début, va tenter de trouver des pistes malgré une chape de plomb tombées sur cette affaire qui embarrasse beaucoup trop de personnes. Car le jeune pilote, riche fils à papa, séducteur et fêtard, était moins lisse qu’il n’y paraît. Mauvaises relations, vices cachés, dettes : il avait effectivement maintes raisons pour être éliminé. 

Alors Kessler va décider d’aller sur le lieu du crash, dans cette nature sauvage, accompagné d’une jeune Réunionnaise. Une épreuve pour le vieux flic : « Bientôt le chemin s’éleva. De temps à autre, une trouée dans les arbres leur permettait de voir le ciel se charger de plus en plus. Au bout d’un raidillon très escarpé, tout en haut d’une crête qui dominait une vallée noyée dans la brume, le retraité stoppa une seconde, les mains appuyées sur les genoux. » C’est dans cet enfer vert, coupé de toute civilisation, que Paul va affronter le pire ennemi de sa carrière, un sorcier vaudou qui a trouvé dans les déviances sexuelles d’une partie de la population un terreau idéal pour mettre en place sa nouvelle église. 

Un roman dépaysant, sans concession, parfois glaçant par les sujets abordés (inceste, pédophilie), mais qui reste addictif et édifiant. 

« L’aigle noir » de Jacques Saussey, Fleuve Noir, 22,90 €

Roman - Fata Morgana

« Tu veux partir à l’étranger ? » Dele, riche « commerçant » de Lagos au Nigeria recrute les plus belles filles. Celles surtout, qui se retrouvent à la dérive ou simplement rêvent d’une vie meilleure. Elles sont quatre. Dans le petit appartement de la nommée comme un présage Zwartezusterstraat (rue de la sœur noire). Sisi, Joyce, Efe et Ama. Au parcours si différent mais au désir commun : gagner le maximum de fric pour rembourser Dele, leur « Madame » et enfin commencer leur vie.

Dès le lendemain de leur arrivée, la Madame les met au turbin. À savoir, dans une vitrine du quartier rouge d’Anvers, string, pulp up et paillettes. L’enfer. Enfin elles le croyaient, jusqu’à ce matin maudit où Madame leur annonce le meurtre de Sisi. Elles se rapprochent alors, et les vannes s’ouvrent. Leur véritable histoire jaillit de leur bouche, de leur cœur, de leurs tripes. En même temps que leurs langues se délient, elles-mêmes se sentent liées à tout jamais.

L’écriture puissante de Chika Unigwe, elle-même née au Nigeria, parvient à s’insinuer aux tréfonds de notre âme. Qui en restera à jamais marquée.

F. H.

« Fata Morgana », Chika Unigwe, Globe. 23 €


dimanche 16 octobre 2022

BD - Furieuse et déterminée

Ysabelle est fille de roi. Et pas n’importe lequel : Arthur. Mais dans Furieuse, BD écrite par Geoffroy Monde et dessinée par Mathieu Burniat, Arthur a mal vieilli. Alcoolique, il n’utilise son épée magique que pour couper du beurre. 

Aussi, quand il décide de marier sa fille à un baron, cette dernière dérobe l’épée et part à l’aventure. Un très long périple de 244 pages où elle va retrouver sa sœur Maxine, apprendre ce qu’est devenu Merlin et se lier d’amitié avec Claude, géant débonnaire un peu simple d’esprit. 

De l’aventure pure, avec monstres  sortis des enfers, remise en cause de la domination des mâles et en filigrane prise du pouvoir par les femmes. 

« Furieuse », Dargaud, 25,50 €

De choses et d’autres - Bosser juste ce qu’il faut

Pas un jour sans qu’une nouvelle mode ou pratique novatrice ne soit mise en valeur dans le monde du travail. Depuis le premier confinement, le métier de DRH (directeur des ressources humaines) a pris tout son sens. Car le personnel, pour l’instant, est composé à 100 % d’Humains qui vont plus ou moins bien. Depuis quelque temps, le fameux burn-out fait des ravages dans les effectifs.

Un terme un peu passe-partout qui englobe d’une façon plus générale tout ce qui est lié au ras-le-bol général. Un épuisement au travail, un effondrement face au stress ou aux exigences de la hiérarchie.


À l’opposé, j’ai découvert le phénomène du « quiet quitting ». En français, faire le minimum au travail sans se faire virer. Cette fois, c’est le salarié qui a toutes les cartes en main. Notamment son contrat de travail. Inimaginable pour lui de faire plus que ce qui lui est demandé. Tartempion est absent (burn-out, justement, ou tout simplement congés payés…), OK, mais ce n’est pas à son collègue, adepte du quiet quitting, de faire son boulot en plus du sien.

Et s’il est payé sur une base de 35 heures hebdomadaire, il en fait 35 et pas une de plus. Pas même une minute. Le retour de la pointeuse, mais pour le bien-être du salarié. De la même façon, une fois la journée de travail achevée, pas question de répondre, ni même de consulter les emails professionnels. Ça attendra le lendemain, à l’embauche. Le droit à la déconnexion est sacré.

En fait, le quiet quitting, c’est le stakhanovisme inversé. S’il se généralise, je prévois quantité de cas de dépression pour les cadres qui perdraient l’essentiel de leur prérogative : mettre la pression aux subalternes.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 27 octobre 2022

samedi 15 octobre 2022

BD - Manga du temps


Il y a eu la série télé, puis un film sur grand écran mais il ne faut pas oublier que Le visiteur du futur s’est également décliné sous forme de manga. Exactement ce sont les aventures de la Brigade temporelle qui ont paru en plusieurs fascicules. Pour la sortie du film sur grand écran, Ankama reprend l’intégralité des aventures de Louise dans un volume format poche de plus de 530 pages. 


La première partie raconte comment Louise arrive à la brigade et est formée pour aller remettre un peu d’ordre dans le passé afin d’éliminer les anomalies. La seconde est plus axée sur la lutte entre les flics du temps et un grand méchant, le Métronome. 

Reste enfin la partie sur la vie actuelle de Jessica, autre recrue, victime des manigances du Métronome.

« La brigade temporelle » (intégrale), Ankama, 12,90 €

De choses et d’autres - Al dente en cuisson passive

Savez-vous cuire les pâtes ? Normalement, c’est la chose la plus simple qui existe en cuisine. Une grande casserole, de l’eau qu’on porte à ébullition, puis on y plonge les pâtes et on laisse cuire le temps précisé sur le paquet. Seule variante, en fonction de vos goûts, en matière de texture, vous pouvez adapter ce temps, si vous les préférez al dente.

La simplicité de la cuisson des pâtes, c’était avant. Avant la crise de l’énergie. Désormais, faire bouillir de l’eau semble être devenu un crime entrant dans la catégorie des écocides. Car, pour faire chauffer l’eau, il faut du gaz ou de l’électricité. Bref, de l’énergie fossile ou devenue rare.


Voilà pourquoi, maintenant, faire des pâtes s’apparente à une équation à trois inconnues qu’on vous propose de résoudre pour le bien de la planète. Barilla, célèbre marque italienne, a popularisé la méthode dite de la cuisson passive. Un guide est même disponible pour que les cordons-bleus maîtrisent cette technique. L’idée est simple. On fait bouillir l’eau et les pâtes, deux minutes, puis on coupe la source de chaleur. Les économies d’énergie sont évidentes.

Mais les pâtes pas encore cuites. Il vous suffit, alors, de couvrir la casserole et de laisser la cuisson se prolonger quelques minutes. Forcément, il ne faut pas être pressé.

Tout le monde en parle, en ce moment, mais franchement, je n’ai pas attendu que l’Europe se retrouve au bord du black-out électrique pour utiliser cette technique. Quand il est recommandé 7 minutes de cuisson, j’éteins la plaque à 4 et laisse les pâtes mijoter, 4 minutes de plus.

De toute manière, que cela soit al dente ou bien cuites, aux pâtes, je préfère de loin le basmati cuit au rice-cooker. Et là, impossible de faire des économies d’électricité, tout est automatique.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 26 octobre 2022