samedi 11 juin 2011

BD - "Lomax" de Duchazeau : aux sources du blues


C'est l'histoire de deux hommes blancs, un père et son fils, qui sillonnent le Sud des États-Unis pour enregistrer le chant des Noirs. Le blues naissant, les folk songs et autres ballades. John Lomax et Allan ont véritablement existé. Frantz Duchazeau raconte leur périple, leurs découvertes et déconvenues dans ce roman graphique de 120 pages en noir et blanc.

Avec leurs enregistreurs, ils fixent à jamais ces chants tristes, mémoire d'un pays, d'une communauté, d'une ségrégation. Ils sont souvent mal accueillis. Par les chanteurs, mais aussi les anciens maîtres, membres du Ku Klux Klan, justiciers expéditifs. Ils s'en tirent toujours car leur passion et leur enthousiasme sont contagieux.

Un album à lire en écoutant du jazz. Une longue liste d'interprètes est d'ailleurs publiée, en hommage, à la fin du volume.

« Lomax », Dargaud, 19,95 € 

vendredi 10 juin 2011

BD - Quand le Mossad introduit une taupe à l'Élysée


Jungle, maison d'édition surtout connue pour ses production dérivées de la télévision (des Simpson en passant par Koh-Lanta ou les petites annonces d'Elie Seimoun) semble vouloir changer son image de marque. « Mossad opérations spéciales » est un thriller ancré dans la réalité bénéficiant de la grande expertise de Jean-Claude Bartoll. Le scénariste de Insiders ou L'Agence plonge le lecteur dans les méandres des service secrets israéliens. 

Le Mossad a une réputation d'efficacité, pourtant, dans les premières pages, rien ne se passe comme prévu. Un commando devant abattre un trafiquant d'armes est massacré sous le tir nourri d'agents palestiniens et syriens. Au même moment, le conseiller diplomatique du président français, tombe sous le charme d'une espionne arabe. Seul Sven Hallenberg, ancien agent à la retraite, peut intervenir et renverser la situation. Aventure et politique font bon ménage sous la plume de Rovero.

« Mossad opérations spéciales » (tome 1), Jungle Thriller, 12,50 € 

jeudi 9 juin 2011

BD - Les enfants de Seuls dans "La quatrième dimension et demie"


Ils sont seuls et surtout ils sont morts. C'était la grande révélation du cinquième album de la série « Seuls » écrite par Vehlmann et dessinée par Gazzotti. La suite n'était pas évidente à trouver. Mais nécessaire car les aventures de ces gamins unis dans l'adversité est un des grands succès de librairie de ces dernières années.

Les première pages de ce nouveau cycle sont calmes, trop calmes. Ils organisent une messe, une séance de spiritisme pour tenter d'entrer en contact avec les vivants et enquêtent sur les circonstances de leur mort. Un calme qui ne dure pas. Saul, le chef de l'autre clan, se lance dans une guerre de possession.

Pour assurer sa survie, le clan mené par Dodji doit entrer dans le jeu, même quand Saul sort l'artillerie lourde. Parabole sur la violence et la guerre, cet album, comme tous les précédents, s'achève par un coup de théâtre relançant l'intérêt du lecteur pour cette fantastique aventure.

« Seuls » (tome 6), Dupuis, 10,45 € 

mercredi 8 juin 2011

BD - Les enfants de Jessica, Innocents, suite attendue


Durant les années 90, « Le pouvoir des innocents » de Brunschwig et Hirn aux éditions Delcourt a passionné toute une génération. Un thriller politique et humaniste montrant l'ascension de Jessica Ruppert jusqu'à la mairie de New York. Dix ans plus tard, les deux auteurs retrouvent leur héroïne. Elle a radicalement changé la mégapole américaine et entend appliquer sa recette pour réformer l'ensemble du pays. Elle va présenter son programme au Congrès. Un discours très attendu par les humbles mais redouté par les nantis.

Une suite pas du tout évidente, qui risque de dérouter les fans du premier cycle. Et pourtant on retrouve tout le brio de Brunschwig, formidable raconteur d'histoires et la maîtrise graphique totale de Hirn.

« Les enfants de Jessica », Futuropolis, 11 € 

mardi 7 juin 2011

BD - Sept survivants au bout du tunnel

La nuit, les Alpes. Tempête de neige. Plusieurs automobilistes sont heureux de pénétrer dans un tunnel routier, à l'abri des éléments déchaînés. Ils viennent de foncer tête baissée dans un piège sans fin. Il y a le couple en instance de divorce, le dealer violent, sa copine complètement stone, le flic hargneux... 

Des représentants de l'espèce humaine, avec ce quelle a de plus pervers enfoui au fond de leurs personnalités. Ce tunnel se révèle sans fin. Ils roulent des kilomètres sans en sortir. Et finissent par tomber sur une bande « d'asséchés », sortes de zombies affamés... Pas mal d'horreur, beaucoup de psychologie et au final une lutte sans merci entre le tunnel et le dernier survivant. 

Un scénario ingénieux de Luca Blengino mis en images par Denys qui s'en tire très bien malgré le peu de diversité des décors, un tunnel restant un tunnel...

« Sept survivants », Delcourt, 13,95 € 

lundi 6 juin 2011

BD - Arleston et Cassegrain imaginent des gargouilles gourmandes


Arleston a suffisamment développé le monde de Troy pour se permettre de choisir ses dessinateurs en fonction des époques ou des personnages à mettre en scène. Dans « L'heure de la Gargouille », histoire complète intégrant la série des « Légendes », il est question de monstres, de barbares et de très jolies femmes. 

Cette dernière catégorie ne pouvait que revenir à Didier Cassegrain, grand expert en pin-ups plantureuses et court vêtues. La cité de Triban est maudite. Chaque nuit, les gargouilles ornant les façades des demeures des grandes familles s'animent et en dévorent les murs. Pour faire cesser cette destruction, il est fait appel à un sage d'Eckmül. 

Mais la solution pourrait aussi venir des dons et de la force de Nükhu, un barbare des îles. Ses muscles saillants ne laissent pas indifférentes les jeunes bourgeoises de Triban, littéralement sous le charme. Une ravissante fantaisie polissonne.

« L'heure de la Gargouille », Soleil, 13,50 € 

dimanche 5 juin 2011

BD - Alexia face à une armée des furets


Alexia, obligée de prendre la direction du CRPS (Centre de recherche des phénomènes surnaturels, voir les six précédents tomes) travaille beaucoup. Un peu trop même. Elle accepte d'aller à un congrès en Grèce avec sa secrétaire et amie Bérénice. Les travaux débutant le lundi et l'avion se posant le vendredi soir, Bérénice concocte un week-end farniente, soleil et plage pour elle et sa patronne. Mais c'est sans compter avec le zèle d'Alexia qui va profiter de ces deux jours pour inspecter une île déserte sur laquelle des milliers de furets prolifèrent, exclusivement nourris de chair humaine...

Cette aventure d'Alexia est une pause dans la saga fantastique imaginée par Ers et Dugomier. Le merveilleux est moins présent, l'action prépondérante et les auteurs profitent du soleil hellène pour vêtir légèrement leurs héroïnes. C'est palpitant et frais. Une vraie BD tout public comme il s'en fait de moins en moins malheureusement.

« Les démons d'Alexia » (tome 7), 10,45 € 

samedi 4 juin 2011

BD - Simon Nian : entre quatre planches


Avocat, Simon Nian est également un collectionneur passionné. Il dépense des fortunes pour acquérir dédicaces et originaux de célèbres dessinateurs de BD. Sa troisième aventure se déroule dans ce petit milieu où les entourloupes sont monnaie courante. Quand il envoie son assistante Diana (ravissante, court vêtue, courbes aguichantes...) dans un festival de BD pour obtenir une dédicace, il ne se doute pas qu'il va la plonger dans une aventure jonchée de cadavres. Première victime : le dessinateur Yéméné. 

Pas très bon, mais réputé pour ses reprises. Il savait parfaitement imiter certains grands. En peinture, il aurait fait carrière comme faussaire. Simon va donc se lancer à la trace d'un album perdu, d'un fantôme hantant les catacombes et de tueurs jumeaux, aussi bêtes que leur patron, Leglaire, l'épicier ayant fait fortune dans les grandes surfaces.

Dessiné par Rodier, parfait dans le style de Tillieux, l'album est écrit par Corteggiani, un vieux routard du 9e art. Il profite de ces 46 pages pour faire quelques clins d'œil au milieu et brosser une caricature au vitriol de cet épicier amateur de belles planches...

« Une aventure de Simon Nian » (tome 3), Glénat, 9,95 € 

vendredi 3 juin 2011

BD - La voyance à la chaîne

Pour financer ses études, un petit boulot à mi-temps est la solution idéale. Stéphanie est en première année de médecine. Pour payer sa colocation, elle postule à un emploi de standardiste. La boite est en plein développement. Les appels nombreux et très rémunérateurs. Stéphanie entre, sans préparation, dans le monde terrifiant de la voyance par téléphone. 

Avant de passer l'appel au voyant idoine, elle doit se renseigner sur les problèmes du client et surtout, demander le numéro de carte bleue. Au début, ces détresses téléphoniques la laissent de marbre. Mais plus le temps passe, plus elle comprend qu'elle est au service d'une pompe à fric qui s'alimente de la détresse des gens. La froideur de ses chefs, les coups bas de ses collègues, la mauvaise humeur des voyants finissent par la faire douter. Pourtant elle a besoin de cet argent... 

Tirée d'une expérience vécue, cette histoire est signée par Isabelle Bauthian, scénariste aux univers très diversifiés sonnant toujours justes. Un album dessiné par Rebecca Morse, débutante au trait déjà sûr, fin et élégant.

« Yessika, voyance, amour, travail... argent », Drugstore, 17 € 

jeudi 2 juin 2011

Thriller - "Sans laisser de traces" de Val McDermid : de la mine au soleil

Au plus fort de la grève des mineurs en 1984, disparitions et enlèvements sèment le trouble en Écosse. 20 ans plus tard, Karen Pirie rouvre les dossiers.


Les affaires non résolues semblent être un filon inépuisable pour les romanciers. Val McDermid, auteur d'une vingtaine de polars vendu au total à plus de 10 millions d'exemplaires dans le monde, a profité de cette mode pour parler d'une période qui lui tient particulièrement à cœur : la grande grève des mineurs en Angleterre durant les années 80. Mais loin de signer un documentaire larmoyant sur le combat perdu de ces hommes et femmes de conviction, elle dresse les portraits d'une région à la dérive et de structures obsolètes, victimes du thatchérisme et surtout du poids des ans.

Grévistes et Écosse

Tout commence quand Karen Pirie, l'inspectrice en chef du service des affaires classées de cette région d'Écosse, reçoit la plainte d'une jeune mère désespérée. Elle vient signaler la disparition de son père. Depuis 24 ans... En fait, elle cherche à retrouver son géniteur car il est le dernier espoir pour sauver son jeune fils atteint d'une maladie génétique. Il lui faut une greffe de moelle venant de quelqu'un de compatible. Son grand-père par exemple. Mais Mick Prentice n'a plus donné signe de vie depuis sa supposée fuite dans le sud du pays, avec des « jaunes », pour casser le mouvement social des mineurs.

Tout le roman va tourner autour de cette disparition, inexpliquée, inexplicable. Karen, contre l'avis de son chef, va se lancer à corps perdu dans cette enquête. L'envie de sauver l'enfant. De comprendre aussi ce qui s'est passé à l'époque dans la région, sa région. Karen, héroïne récurrente de Val McDermid, n'est pas spécialement sympathique ni très glamour. Elle en a conscience, voilà comment elle s'imagine aux yeux de ses interlocuteurs : « une femme grassouillette engoncée dans un tailleur Marks and Spencer, avec des cheveux châtains en attente d'une visite chez le coiffeur, qui pourrait être jolie si on devinait le dessin de ses os sous la chair. (…) De jolis yeux, quand même. Bleus avec des traces noisette. Peu communs. »

Enlèvement et Italie

Karen opiniâtre, obstinée, mais devant en priorité faire avec les errements de sa hiérarchie. Car elle est sollicitée pour suivre une autre affaire, déclarée prioritaire elle. Sir Broderick, le plus gros industriel de la région, sollicite la police pour tenter de retrouver son petit-fils enlevé 20 ans plus tôt. Un fait nouveau pourrait relancer l'enquête. Bel Richmond, une journaliste anglaise, en vacances en Toscane découvre dans une maison a l'abandon une affiche diffusée à l'époque par les kidnappeurs. Mais que s'est-il passé très récemment dans cette maison ? «  A ses pieds, le dallage en pierre calcaire était couvert d'une tache irrégulière d'environ un mètre sur cinquante centimètres. De couleur rouille, ses bords étaient arrondis et réguliers, comme si quelque chose avait coulé pour former une mare et non été renversé. (…) Bel avait écrit suffisamment d'articles sur la violence conjugale et les crimes sexuels pour reconnaître une grosse tache de sang quand elle en voyait une ».

Le lecteur suit les deux enquêtes en parallèle, Karen sur les traces de Mick Prentice, Bel sur celle d'Adam, le petit-fils de sir Broderick. A force de persuasion et d'intuition, les deux femmes vont rapidement progresser. Même 20 ans après, des cadavres vont refaire surface, des secrets tomber, des mensonges s'éventer.

Ce thriller psychologique dur et et âpre devient plus doux quand on entre dans l'intimité de Karen. L'inspectrice consacre l'essentiel de son temps à son travail tout en se posant beaucoup de questions sur sa vie, sa solitude. Bouffée d'air pur dans cette histoire tragique, sa ténacité et clairvoyance payeront. A tous les niveaux.

« Sans laisser de traces », Val McDermid, Flammarion, 21 €