lundi 18 mai 2009

BD - Spirou fait de la résistance


Spirou n'en finit plus de renaître. Le héros qui a longtemps été animé par Franquin puis par Tome et Janry, à côté de ses aventures classiques, vit des histoires ponctuelles sous des plumes différentes. Des sortes d'hommages qui revisitent le personnage. 

Le 5e titre est écrit par Yann et dessiné par Schwartz qui a adopté le graphisme de Chaland. Le jeune groom a troqué son uniforme rouge pour une tenue vert-de-gris. Le Moustic Hôtel est devenu le siège de la Gestapo à Bruxelles. Il sera dans la place pour espionner les nazis, même si sa réputation en souffrira. Fantasio aussi rejoint la résistance et héberge des aviateurs alliés. 

Une intrigue dense qui permet à Yann de truffer les planches de clins d'œil, notamment au monde de Hergé, longtemps soupçonné d'être un collaborateur notoire.

« Une aventure de Spirou par... » (tome 5), Dupuis, 13,50 € 

vendredi 15 mai 2009

BD - Jungle fever dans l'Open space de James


Rarement le monde du travail, le travail au bureau exactement, aura été décrit avec une telle acuité. James, le créateur de cette série de gags d'une demi-planche, a longtemps été dans un véritable open space avant de tout plaquer et de vivre de son dessin. Il a certainement été à la place de Hubert, le héros, stagiaire non rémunéré depuis 6 mois et qui est sur le point d'être embauché. En CDI (contrat à durée indéterminée) en plus ! 

Ce serait parfait s'il n'y avait pas cette période d'essai, renouvelable bien évidemment. C'est acide, souvent méchant, comme la majorité des collègues d'Hubert. 

Ainsi, un ancien de la maison le félicite pour son CDI, mais pour une raison très personnelle et mesquine : « A chaque nouvelle embauche, ça me fait reculer d'un rang dans l'éventualité d'un plan social ». Une phrase qui résume cet album à ne pas laisser traîner au bureau.

« Dans mon Open Space » (tome 2), Dargaud, 10,40 € 

jeudi 14 mai 2009

BD - Bob Morane aux prises avec "Les dents du tigre"


Est-ce le héros qui ne vieillit pas ou les lecteurs qui restent en enfance ? Nul ne saura jamais la recette de longévité de la série Bob Morane. Écrite par Henri Vernes, elle est dessinée depuis près de 30 ans par Coria. Rien de transcendant, tant au niveau des intrigues que du dessin, mais ce prototype du héros qui n'a peur de rien est toujours prêt à partir à l'aventure. 

Dans ce 45e titre, il pose son avion, en compagnie de Bill Ballantine, le professeur Clairembart et du millionnaire Frank Reeves, sur un glacier au coeur de l'Himalaya. Débute alors une histoire où se côtoieront, dans le désordre, une armée d'Asiates dirigée par un méchant bien décidé à déclencher une guerre nucléaire, une tribu de yétis, les ruines de la cité perdue de Mu et des chiens de traîneau. 

Avec un rebondissement ou un coup de théâtre toutes les deux pages, le lecteur en a pour son argent.

« Bob Morane » (tome 45), Le Lombard, 10,40 € 

mercredi 13 mai 2009

BD - Rions aux dépens de la police du Kentucky


Les flics américains alimenteront sans fin l'imaginaire des créateurs européens. Ils sont parfois forts, honnêtes et brillants. Et puis il y a les exceptions. Pepper est la crème de la seconde catégorie. Fraîchement sorti de l'académie de police, il doit son affectation à ses relations (son papa est gouverneur...) 

Il devra apprendre les rudiments du métier en compagnie de Garcia. Elle, c'est plutôt la poulette de choc. Sur sa moto, elle est toujours partante pour une course poursuite ou une baston. Sa vie de rêve va se transformer en cauchemar dès qu'elle aura ce boulet de Pepper dans les pattes. 

Heureusement, pour les lecteurs, c'est une mine inépuisable de gags écrits par Richez et dessinés par Saive. Du second degré sans tabou avec en prime, dans chaque case, pleins de poulets, des vrais.

« Les poulets du Kentucky » (tome 1), Dupuis, 9,45 € 

mardi 12 mai 2009

BD - "Dans quel monde on vit !', 18e album des gags de Nathalie


La jeune Nathalie poursuit son exploration du monde. Cela fait 20 ans que Sergio Salma a imaginé cette enfant moderne et lui fait vivre des aventures cocasses dans des gags basés essentiellement sur l'observation des petits travers de nos contemporains. 

Nathalie est de plus en plus concernée par la bataille écologique pour tenter de sauver notre planète. L'auteur parvient ainsi de faire passer quelques messages politiques... qu'il bat en brèche immédiatement car ce n'est pas toujours évident de se passer d'un certain confort au quotidien. 

Au centre de ce recueil de gags une histoire complète de 8 pages raconte les « vacances aux antipodes » (exactement à Glandouille-les-Flots) de Nathalie en compagnie de son père et de son oncle. 

C'est hilarant tout en étant parfaitement réaliste.

« Nathalie » (tome 18), Casterman 9 € 

lundi 11 mai 2009

BD - Croisade mortelle


Raymond Khoury, en signant son thriller « Le dernier templier », a immédiatement accédé au statut d'auteur de best-seller. Plus de 3 millions d'exemplaires traduits dans une dizaine de pays : le succès a été fulgurant. Cet écrivain a décidé de proposer cette histoire à un public encore plus vaste en l'adaptant en série télé (diffusion dans l'année sur M6) et en bande dessinée. 

Le premier tome, « L'encodeur », vient de paraître sous le pinceau de Miguel Lalor. Le choix du dessinateur est souvent déterminant dans ces adaptations. Lalor, Espagnol découvert par Léo, a un dessin classique et élégant, c'est un virtuose de la belle perspective et du décor léché. On plonge donc facilement dans cette histoire mêlant références historiques (l'album débute au temps des croisades par une bataille d'anthologie) et enquête policière actuelle. 

Les deux personnages principaux, Tess, une archéologue et Sean, un agent du FBI sont très crédibles. Une excellente redécouverte.

« Le dernier templier » (tome 1), Dargaud, 13 € 

dimanche 10 mai 2009

Mes BD Souvenirs (10)

Cela fait plus de 30 ans que je lis des BD. Trois décennies au cours desquelles j'ai pu voir l'évolution de certains dessinateurs. Ils sont reconnus et ont du succès aujourd'hui, mais cela n'a pas toujours été vrai. Les débuts ont parfois été durs pour certains. La maîtrise n'était pas complète.


Exemple le plus frappant : Christian Rossi. Je découvrais sa signature dans Circus durant les années 80. Il dessinait les aventures de Frédéric Joubert sur un scénario de Filippini. Il tentait de faire du réaliste. Mais j'avais toujours l'impression que quelque chose clochait dans ses dessins. Problème de perspective ou d'anatomie, tout paraissait faux et bancal. A côté d'un Giraud ou d'un Blanc-Dumont, je le trouvais nul. Mais il ne s'est pas découragé. Et à force de travail, il a trouvé les clés pour rendre son dessin plus aérien et juste. Une bascule évidente dans la série « Le chariot de Thespis ». Ensuite il s'est imposé comme un des plus grands de Jim Cutlass à WEST. Il n'est pas le seul à avoir un trait maladroit à ses débuts. Prenez les premiers Bernard Prince. Hermann avait un trait noir et foncé, trop encré, avec des héros aux muscles hypertrophiés. Il faudra des planches et des planches pour qu'il acquière cette dextérité incomparable.

Certains dessinateurs ont également eu des problèmes à leurs débuts pour des erreurs de castings. En clair, leur première série n'était pas du tout ce qu'ils pouvaient dessiner de mieux. Une sorte d'apprentissage, presque de bizutage. Ainsi comment imaginer que Griffo, dessinateur de SOS Bonheur, Giacomo C. , Sade ou Ellis Group a débuté en reprenant... Modeste et Pompon. Cette série de gags, imaginée par Franquin et animée durant de nombreuses années par Mittéi était orpheline. Griffo, postulant à la rédaction de Tintin, en a signé une petite trentaine. Un petit galop d'essai avant de s'imposer comme dessinateur réaliste dans les pages de Spirou.

Franz aussi a longtemps hésité entre dessin réaliste et humoristique. Alors même qu'il se lançait sur les traces de Jugurtha, il amusait les lecteurs de Tintin avec Korrigan, des histoires complètes écrites par Vicq. Frais, sans prétention, cette série a rencontré un joli succès. Mais il a fallu que Franz choisisse. Son amour des chevaux et des belles femmes a certainement fait pencher la balance vers Jugurtha et Lester Cockney.

Autre débutant des années 70 devenu un dessinateur reconnu aujourd'hui : Renaud. Sa première série a surtout marqué les esprit par la complexité du scénario. Aymone, héroïne sortie de l'imagination de Jean-Marie Brouyère, évoluait dans des décors enneigés au milieu de nombreux militaires. Une belle jeune femme, toute en formes. Renaud a continué dans cette voie, dénudant de plus en plus ses personnages féminins, notamment la sublime Jessica Blandy sur un scénario de Jean Dufaux.

Ces débuts hésitants de dessinateurs ont parfois été réédités en album bien des années après leurs publications dans les revues. Certains sont totalement introuvables comme les gags de Modeste et Pompon. Heureusement, le site officiel de Griffo a exhumé ces planches que l'on peut visionner dans un « musée des antiquités ». Pour ma part, toutes ces BD sont encore bien présentes dans ma mémoire tant elles m'avaient marqué, par leurs défauts ou leurs différences.

A l'inverse, la vieillesse a parfois joué des tours à certains auteurs qui ont lentement perdu leur coup de crayon. Exemple avec Raymond Macherot. Son trait, très classique, au sommet de sa carrière, est devenu tremblant et hésitant dans les dernières années. Il n'a pas su s'arrêter à temps. Mais parfois, les dessinateurs n'ont pas le choix, même si leur santé est chancelante, ils doivent continuer à produire pour assurer les fins de mois. Ils sont rares ceux qui peuvent arrêter une série et profiter d'une retraite méritée. Berck (Sammy) et Deliège (Bobo) en font partie. Et pour ces deux derniers, on regretterait presque ce retrait du monde de la BD tant ils sont partis au sommet de leur art. 

samedi 9 mai 2009

BD - Passion victorienne


La collection Ex-libris propose des adaptations en BD de grands classiques de la littérature. Toute la difficulté est de trouver le bon illustrateur pour la bonne histoire. Certains duos ne sont pas spécialement concluants, d'autres sont remarquables. 

Le choix d'Edith pour dessiner le sombre et passionné « Hauts de Hurlevent » d'Emily Brontë fait indéniablement partie de cette seconde catégorie. Elle a toujours apprécié les ambiances victoriennes (Basil et Victoria) et elle le prouve en proposant des vues sublimes de ces landes sauvages et froides. Remarquable également la représentation de Heathcliff, le jeune bohémien recueilli par le maitre de maison. De petit sauvageon il devient le souffre-douleur du frère aîné et l'amour secret de sa sœur. 

Pour finalement être chassé de la maison. Passion, déchirement, haine et décadence sont le ciment de cette histoire qui a bouleversé le paysage littéraire anglais à sa parution. L'adaptation de Yann est entièrement au service du roman et de la dessinatrice.

« Les Hauts de Hurlevent » (tome 1), Delcourt, 9,95 € 

vendredi 8 mai 2009

BD - Mayotte, enfer tropical


Charles Masson, médecin à la Réunion, a passé plusieurs mois à Mayotte. C'était en 2004. Il voulait en faire un livre sur le miracle d'une île ouverte, accueillant sur son sol des migrants, essentiels pour le développement de ce petit territoire. Mais il est arrivé au moment où le gouvernement, avec un certain Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur, a durci les règles. 

Centre de rétention, expulsions massives, descente dans les hôpitaux et les écoles. Un véritable cauchemar pour cet humanitaire. Il raconte ce basculement dans un imposant roman graphique de 400 pages. On suit le parcours de quatre « expatriés », de l'instit révolté au commercial nostalgique des colonies en passant par la sage-femme de plus en plus au bord de la crise de nerfs. Un réquisitoire contre une dérive de la République. 

Depuis, Mayotte est devenue département d'Outre-mer. Et des Comoriens tentés par le rêve occidental meurent toujours noyés dans le lagon en tentant de rejoindre ce bout de sol français.

« Droit du sol », Casterman, 24 € 

jeudi 7 mai 2009

Fantastique - Chasseur d'enfant

Lutte à mort entre un tueur d'enfant, Killjoy, et le père d'une de ses petites victimes dans ce roman très sombre de Tom Piccirilli.

Le bonheur est éphémère. Le bonheur ne tient souvent qu'à un fil. Le malheur, par contre, est trop souvent éternel. La vie d'Eddie Whitt bascule quand il découvre sa fillette, Sarah, morte dans son lit. Elle vient d'être assassinée par un tueur en série. Etouffée avec son oreiller. Le monstre signe son forfait en dessinant un visage d'enfant stylisé sur l'arme du crime. En quelques mois, une dizaine d'enfants seront tués de la sorte. Cela fait cinq ans que Sarah est morte. Cinq ans que Whitt tente de démasquer Killjoy. C'est lui qui a trouvé ce nom. Le marchand de sable, le tueur à l'oreiller.

Eddie, réalisateur de films publicitaires, ne travaille plus. Il n'a plus qu'une obsession : se venger. Sa femme a sombré dans la folie. Elle est internée dans une clinique psychiatrique. Seul, il est lui aussi de plus en plus au bord de la démence ; il traque le serial killer.

Mais depuis quelques temps, la donne a changé. Killjoy a changé du tout au tout. Après avoir plongé des familles dans le deuil, il se décide de leur redonner un espoir. Il ne tue plus mais enlève des enfants. Des gamins maltraités. Et les offre aux parents de ses premières victimes. Eddie ne supporte pas ce revirement qui transforme le tueur en bienfaiteur. Quand il découvre, un matin, un bébé dans un couffin devant la porte de son appartement, il ne le garde pas. Il avertit la police qui rend l'enfant aux parents légitimes. Et Eddie d'être encore plus tourmenté se demandant s'il a été un bon père ?

Enlevés au malheur

Ce roman de Tom Piccirilli, sans être à proprement parlé fantastique, explore si profondément l'âme humaine qu'il en devient presque irréel. D'autant que la première scène se déroule dans une maison glauque abritant une secte. La mère de famille, gourou tyrannique, reconnaît qu'un enfant lui a été enlevé. Eddie y voit la signature de Killjoy. Mais il découvre également que la secte a assassiné les parents, de même que d'autres disciples pas assez coopératifs. Bref, pour la police et la presse, l'enlèvement de l'enfant l'a sauvé des griffes d'affreux tortionnaires.

Eddie, que l'on suit du début à la fin du roman, n'admet pas cette nouvelle perception de Killjoy. Cela reste avant tout un tueur d'enfant. Le tueur de son enfant. Un roman d'une noirceur absolue, détaillant avec un luxe de détails la névrose du héros.

Quand il n'en peut plus, qu'il sent qu'il va lâcher prise, il se maintient en mordant du métal comme cette scène se déroulant en pleine rue : « Il se pencha en avant, colla les lèvres au fond du coffre, le mordit en gémissant d'angoisse contre la ferraille, tandis que la brise lui promenait les cheveux devant les yeux. Les plombages de ses molaires et de ses prémolaires se déformèrent puis s'effritèrent contre ses gencives. » Douloureux, mais efficace. « Un éclair scintillant de douleur en fusion l'emplit tout entier avant de refluer lentement, jusqu'à ce qu'il reprenne la maîtrise de soi et parvienne à desserrer les mâchoires. » Cet extrait donne un assez bon aperçu du ton de ce roman, aussi noir que les cauchemars des petits enfants.

« La rédemption du marchand de sable », Tom Piccirilli (traduction de Michelle Charrier), Denoël, 22 €