vendredi 18 juillet 2008

Thriller - Lourds secrets américains révélés par Alexis Aubenque

La ville de River Falls dans les Rocheuses va vivre une semaine pénible. Meurtres, tueur en série et secrets honteux vont rythmer ces sept jours.

Ce thriller américain est signé d'un écrivain français. Alexis Aubenque, libraire de formation, est un passionné de littérature de genre. Au Fleuve Noir il a lancé la saga « L'empire des étoiles », feuilleton de science-fiction rendant hommage aux grands récits populaires, du Seigneur des anneaux à, Star Wars. Avec « Sept jours à River Falls », il tâte du thriller US, avec un certain brio, on se laisserait presque prendre. En fait le bat blesse un peu dans les premières pages. Les personnages mettent du temps à s'imposer et certaines allusions, trop typiquement européennes, laissent un arrière-goût de boisson non alcoolisée voulant rivaliser avec un bon whisky. Heureusement cela s'arrange rapidement et l'auteur, comme s'il maîtrisait de plus en plus son sujet, abandonnant ses références françaises, se coulant dans la peau d'un écrivain américain, nous embarque dans une semaine pleine de sang, de violence et de rebondissements.

Violées et torturées

Durant le prologue, deux jeunes frères intrépides, voient un homme jeter dans un lac proche de River Falls, les corps de deux jeunes femmes, violées et torturées. Les gamins paniquent. Prennent la fuite. Le plus âgé des deux frères est assassiné par le tueur, l'autre laissé pour mort dans un trou dans la forêt. C'est en cherchant les enfants que le shérif Mike Logan tombe sur les corps des deux jeunes femmes. Cette découverte, le lundi, jette l'effroi dans cette petite ville des Rocheuses située à plusieurs dizaines de kilomètres de Seattle. Mike Logan va lancer tous ses hommes à la recherche de ce tueur en série qui n'a pas hésité à assassiner froidement un garçonnet pour protéger son secret. Il recevra le renfort de Jessica Hurley, profileuse de son état et ancienne petite amie de Logan.

En parallèle de l'enquête classique, l'auteur nous plonge dans l'intimité de Sarah Kent, étudiante d'une vingtaine d'années de River Falls. Elle connaissait bien les deux victimes. Elles viennent de la même ville. Elles s'étaient perdues de vue depuis leur arrivée à River Falls, il y a deux ans. Mais Sarah venait de recevoir une lettre de ses anciennes copines. Elles voulaient la revoir. Un rendez-vous était même proposé. Dans un bar. Le dernier endroit où les deux jeunes filles ont été vues vivantes.

Mystérieux Donald

Alexis Aubenque dans ce thriller multipliant les fausses pistes, pimente son intrigue de plusieurs secrets qu'on devine mais dont il réserve la découverte pour le final. Quelles étaient les relations entre Sarah et ses deux anciennes copines ? Pourquoi Logan a plaqué Seattle et sa petite amie du jour au lendemain sans explication ? Qui est le flic qui renseigne la presse locale ? Certains notables ont-ils des choses à se reprocher dans cette ville qui semble si proprette sur elle ?

Et puis il y a Donald. Quelques courtes scènes en flashback, généralement distillées en fin de journée, nous en apprend un peu sur cet être déviant. Comme sa première journée de chasse avec son père, alors qu'il n'était qu'un jeune adolescent. Il vient de blesser un cerf : « Donald fut fasciné par cet animal en train de mourir. Il lui semblait lire la peur dans les yeux du cerf. Donald était certain que cet animal avait conscience de sa mort prochaine. Donald serra ses mains sur la crosse, il n'avait pas envie que ce moment s'arrête. Une émotion toute nouvelle l'avait envahi. » Le tueur, très discret, mystérieux, ne révélera son identité que dans les ultimes scènes, les deux derniers jours, au cours d'un week-end en forêt de Sarah et ses amis étudiants, entre « Délivrance » et « Shining ». Les secrets finissent toujours par être percés...

« Sept jours à River Falls », Alexis Aubenque, Calmann-Lévy, 16,90 € 

jeudi 17 juillet 2008

BD - Les enfants de Salamanca


On n'arrête plus Christophe Bec. Le dessinateur originaire de l'Aveyron, multiplie les projets éditoriaux. Et de plus en plus en tant que scénariste. La preuve avec cette nouvelle série, « Sarah », dessinée par Stefano Raffaele. 

Dans une petite ville du fin fond des USA, Salamanca, un couple s'installe dans une maison isolée, en bordure de la forêt. David et Sarah quittent New York. La jeune femme suit son mari qui a accepté une mission dans cette région déserte. L'occasion pour Sarah d'oublier les traumatismes de sa jeunesse. Elle a été capturée étant enfant par un psychopathe et tenue prisonnière dans une cave durant plusieurs mois. Aujourd'hui elle essaie d'oublier. Mais ce n'est pas facile. Souvent elle fait appel aux médicaments, à l'excès, pour tenter d'avoir une vie normale. 

C'est dans ce contexte qu'elle découvre dans le sous-sol de sa nouvelle maison un tunnel. Il aboutit dans la cave du voisin. Sarah est persuadée que c'est un enfant, prisonnier depuis des années, qui a creusé cette galerie. Un enfant devenu un véritable monstre sauvage. En 60 pages, Christophe Bec plante le décor, avec tourments intérieurs des personnages, lieux inquiétants et autochtones cachant un lourd passé. La peur s'installe progressivement et durablement. Les amateurs du genre plébisciteront la série.

« Sarah » (tome 1), Dupuis, 13 € 

mercredi 16 juillet 2008

BD - L'école, c'est mortel !

On ne choisit pas sa famille. M. J., Mortis Junior, le héros de cette série américaine écrite par Gary Whitta et dessinée par Ted Naifeh est bien placé pour le savoir. Il n'est autre que le fils de la Mort. Son père, il ne le voit pas trop. Il est vrai qu'il a beaucoup de travail. Sa faux a rarement le temps de refroidir. M. J. , dans les premières pages, découvre sa nouvelle école. Il intègre une section spéciale où il sera en compagnie de quelques originaux de son genre (M. J., comme son père, n'a que les os sous son costume...). 

Il se fait de nouveaux copains : Spot, avorton vivant dans un bocal à roues, Stigmartha dont les mains saignent dès qu'elle est émue, Smith et Wesson, frères siamois reliés par le haut du crâne et enfin Pandore, petite fille curieuse qui ne peut s'empêcher d'ouvrir toutes les boites et autres portes fermées sur l'inconnu. C'est Pandore qui provoquera la catastrophe. En visitant un musée, elle libérera Moloch, démon enfermé par le père de M. J., bien décidé une fois la liberté retrouvée, de livrer le monde aux forces du mal. M. J. devra lutter contre ce « méchant » horrible et sans pitié. 

Ce premier album, de plus de 150 pages, permet de découvrir l'univers de Mortis Junior et apprécier le trait élégant et précis de Ted Naifeh.

« Mortis Junior » (tome 1), Les Humanoïdes Associés, 16,90 € 

mardi 15 juillet 2008

BD - Trop de bobos ? Réponse de Dupuy et Berberian


Difficile travail d'autocritique que se sont livrés Dupuy et Berberian dans cet album « sérieux » de Fluide Glacial. « Bienvenue à Boboland » dissèque les pratiques parfois odieuses de cette nouvelle secte, les Bobos, Bourgeois bohèmes, constituant pourtant l'essentiel du lectorat du duo. Sous forme d'histoires courtes, pas forcément comiques, Dupuy et Berberian racontent ce qu'ils voient dans les cafés et autres restaurants bio et « hype » de leur quartier. 

On les trouve également dans les vernissages de ces expos comme celle d'un des héros récurrents, un « artistique », inventeur du style « vertical eye » (mettre les écrans 16/9 dans le sens de la hauteur...) et qui explique, cyniquement à un de ses amis « J'ai fait ces photos avec un vieux machin trouvé aux puces de Barcelone. Une merde, mais cela donne des choses insensées. » 

Une des meilleures scènes est celle du brunch. La petite troupe se retrouve au resto pour prendre un brunch le dimanche matin. Un père se plaint de son fils, réveillé à 8 heures. A une autre table, une vieille psychanalyste n'arrive pas à faire le deuil de son mari. La serveuse, jean taille basse, string apparent, les sert dans une indifférence qui frise l'insolence.

« Bienvenue à Boboland », Fluide Glacial, 11,95 €


lundi 14 juillet 2008

BD - Basile et Melba ou l'amitié des extrêmes

Mathilde Domecq, jeune illustratrice originaire de Marseille, après les pages de Pif Gadget a investi celles de Tchô !. Elle y anime les aventures de Basile et Melba reprisent pour la première fois en album. Ces deux gamins sont comme chien et chat. Ils n'ont rien de commun et pourtant tout les attire. Basile, garçon riche, premier de la classe, est travailleur et raisonnable. Melba, fille d'un milieu modeste, est un véritable cancre et n'est jamais en manque d'idées de bêtises. Ils se sont connus à l'école. Ils sont dans la même classe. Basile, trop gentil, accepte de faire les devoirs de la chipie qui en échange lui accorde la protection de ses deux grands frères. 

Basile qui est en fait un petit garçon très malheureux. Elevé par une nounou chinoise inflexible, il ne voit jamais ses parents, occupés aux quatre coins de la planète à mener leurs affaires financières très lucratives. Il trouve donc chez Melba une famille de substitution. Mais quelle famille. 

Père chômeur, mère rêveuse, frères turbulents : il est loin du calme de sa grande villa. Mais ne s'en plaint pas car, finalement, trouvant dans ce tourbillon de folie un peu d'humanité. Basile et Melba nous font rire grâce à cette perpétuelle opposition.

« Basile et Melba » (tome 1), Glénat, 9,40 € 

dimanche 13 juillet 2008

BD - Souvenirs d'un déconneur sensible


Fred Neidhardt, avant d'être auteur de BD reconnu, a beaucoup usé ses neurones dans l'imposture. Avec son copain Fabrice Tarrin, ils ont signé quelques faits d'armes pour l'Echo des Savanes. Ils ont même un temps été recruté par Thierry Ardisson pour son émission sur Canal Plus. 

Dernier exploit en date, il s'est fait passer, en direct dans une émission de Jean-Luc Delarue pour un masturbateur compulsif. L'affaire a fait beaucoup de bruit. Neidhardt a retrouvé le goût de faire de la BD en reprenant le Fleurblog de Tarrin et Laurel. Il a racheté les droits et y a déversé ses souvenirs d'enfance. Une année de prépublication pour finalement regrouper le tout dans un album de la collection Shampoing (qui se spécialise de plus en plus dans la publication de blogs, le prochain étant celui de Boulet en septembre). 

Les analystes trouveront certainement des réponses dans ces histoires courtes en culottes courtes à la méchanceté actuelle de Neidhardt. Premiers émois devant des photos de filles nues, premier baiser, jeux dangereux (voire dramatiques), découverte de la masturbation, rapport avec son frère ou ses parents, l'auteur semble jouer le jeu de la vérité, ne laissant rien dans l'ombre. Reste à savoir si tout ceci n'est pas une autre de ses impostures. L'animal est insaisissable et capable de tout pour faire parler de lui ou gagner quelques centimes. A moins que l'image d'avare qu'il s'est forgé au fil des notes n'est pas là aussi une simple posture. 

Le mieux pour pleinement profiter de cet album sentant bon la nostalgie des années 70 reste d'oublier totalement le personnage et de le lire au premier degré. On s'y retrouvera forcément et certaines scènes sont chargées d'une forte émotion. 

"Pattes d'Eph' et col roulé", Delcourt, 12,90 €

vendredi 11 juillet 2008

BD - Les petits canards sont-ils plus utiles que les hommes ?


Rose-Mary, petite secrétaire boulotte londonienne, élevant seule sa fille Sandy, se sent de plus en plus seule. Elle a bien quelques aventures, mais sans lendemain. Sa meilleure amie, pour son anniversaire, lui offre un petit canard jaune. Il va dans l'eau et a des fonctions cachées : « il vibre et a six vitesses... » C'est bien beau mais Rose-Mary estime qu'un canard ne remplace pas un homme. Et son amie de répliquer « Mais un homme ne remplacera jamais un canard ! ». 

La blonde héroïne, en plus des soucis causés par sa fille, fugueuse et allergique à l'école, va tomber amoureuse de deux beaux mecs en même temps. Un collègue de bureau et un neurochirurgien rencontré dans une soirée costumée. Elle va aller de l'un à l'autre, souvent déçue, se consolant parfois avec le petit canard. 

Ce troisième tome de la série de Krassinsky, «Les cœurs boudinés », n'est constitué que d'une seule longue histoire. Une rupture dans la série qui était jusqu'à présent formée de petits récits complets multipliant les personnages. Rose-Mary tire toute la couverture à elle. Le lecteur ne le regrettera pas, d'autant que pour une fois, cette histoire d'amour finit bien...

« Les cœurs boudinés » (tome 3), Dargaud, 13 € 

jeudi 10 juillet 2008

BD - Chasse à la tueuse temporelle

Passionné par le cinéma de série B et les bons mots, Philippe Chanoinat exploite à fond ses deux passions dans une nouvelle série en collaboration avec Phil Castaza, dessinateur mais également coscénariste. 

« Les aventuriers du temps » ce sont des hommes et des femmes qui vont pourchasser une tueuse en série sévissant dans les arcanes du passé. Le premier tome montre, classiquement, la formation de la petite équipe. Le commanditaire est Charles Perkins, un adolescent, cloué sur une chaise roulante, inventeur de génie. Il recrute, contre leur gré, Laurent Verneuil, Parisien de 33 ans, expert en cambriolage et grand amateur de belles femmes ; Dante Don Sentenza, Sicilien de 50 ans, ancien parrain de la mafia, rangé, placide et très calculateur ; et enfin Meylin Starck, beauté glacée de 28 ans originaire de Hong-Kong, la meilleure « effaceuse » sur le marché asiatique. 

Charles leur explique leur mission : capturer Jade Monroe, son ancienne gouvernante, partie dans le passé pour éliminer les plus redoutables tueurs de l'Histoire. Dans les premières pages elle tue Jack l'Eventreur avant de faire un sort à Caligula puis Attila. Un dessin nerveux amplifie l'efficacité de cette BD sans temps mort et bourrée de rebondissements.

« Les aventuriers du temps » (tome 1), Le Lombard, 10,40 € 

mercredi 9 juillet 2008

BD - Souvenirs normands


Les éditions Vents d'Ouest lancent une nouvelle collection intitulée « Terres d'origines ». L'éditeur d'expliquer, « Après la littérature, c'est au tour des dessinateurs de rendre hommage aux terroirs qu'ils aiment en les mettant en scène, à travers des récits intimistes, nostalgiques ou contemporains, sensibles ou parfois graves... » 

Les deux premiers titres viennent de sortir. Le premier sur la région lyonnaise, le second, « Les yeux d'Edith », se déroulant à Cambremer, dans le Calvados en Normandie. Jean-Blaise Djian signe une histoire d'adolescents durant les années 50. Nicolas Ryser la met en images, les couleurs (très belles) étant signées Catherine Moreau. 

Gérard et Fernand sont jumeaux. Leurs parents exploitent une ferme. Gérard est timide et bègue. Fernand roublard et déluré. Quand une nouvelle famille vient s'installer au village, les deux frères ne peuvent que remarquer Edith. Elle a leur âge et est dans leur classe. Edith mystérieuse et secrète. Edith aux yeux limpides. 

Un récit en deux tomes explorant les mœurs provinciales de l'époque, de la politique à l'éducation des enfants.

« Les yeux d'Edith » (tome 1), Vents d'Ouest, 13 € 

mardi 8 juillet 2008

BD - Baru et Pierre Pelot face à la noirceur provinciale


Pierre Pelot, auteur de polars enracinés dans la France profonde et Baru, dessinateur de cette même France provinciale et industrieuse, auraient pu se rencontrer dans ce gros bourg de l'Est servant de théâtre à « Pauvres zhéros ». 

Le roman, paru chez Rivages au début des années 80, est adapté par Baru dans cette nouvelle collection frisant l'excellence. Toute l'histoire tourne autour de l'hospice Saint-Maurice. Une institution servant d'orphelinat, d'hospice pour enfants handicapés mentaux et de mouroir pour vieillards. Au cours d'une sortie à la campagne, la jeune fille chargée de surveiller des enfants attardés mentalement, constate que l'un d'entre eux manque à l'appel. Branle-bas de combat pour tenter de le retrouver. Ce petit faits divers est l'occasion pour les auteurs de passer en revue une bonne partie de la population du village. Du maire, notable intouchable utilisant sa fonction pour cacher ses multiples exactions, au journaliste local, obligé de taire ces scandales pourtant évidents. 

Et puis les vrais personnages comme Anastase, toujours à l'affût pour mettre en place une petite combine ou Manucci, un ancien pensionnaire de Saint-Maurice bien décidé de se venger des vexations subies dans son enfance.

« Pauvres zhéros », Casterman/Rivages, 15,95 €