dimanche 31 août 2025

BD - Les jeunes tribus d'un futur apocalyptique


Littérature, cinéma, séries télés et BD : l'imaginaire américain est particulièrement pessimiste quand il doit décrire la vie quotidienne d'ici quelques dizaines d'années. Nouvelle pierre à l'édifice avec les deux premiers tomes de la série écrite par Matthew Rosenberg et dessinée par Tyler Boss : "C'est où le plus loin d'ici ?" Première mise en orbite fin août pour la rentrée littéraire, tir de confirmation du second étage le 10 septembre. La suite (et fin a priori) pour plus tard. Si on est encore en vie... Car lire ces 272 pages (tome 1) puis 152 pages (tome 2) entraîne obligatoirement un peu de spleen. Les plus sensibles pourraient décider de se faire sauter le caisson. Surtout si l'on a plus de 25 ans... 

Dans ce futur aux décors urbains en ruines, les rares rescapés vivent en bande. En tribus. Les membres sont solidaires, comme issus d'une même famille. Et entre elles, la paix peut régner, mais souvent les affrontements viennent éclaircir les rangs. La particularité de ces tribus : il n'y a que des jeunes. Quand un membre devient adulte, il est éjecté, récupéré par de mystérieux "étrangers", les éléments les plus fantastiques de cette BD pourtant très réaliste. 

Pour comprendre ce nouveau monde, les auteurs racontent le quotidien de la bande du Collège. Ils tiennent leur nom du bâtiment dans lequel ils vivent. Ils ont des chefs et une religion. Chacun se choisit un Dieu. En l'occurrence un disque vinyle pioché dans la discothèque de l'établissement scolaire. 

La jeune Sid se pose beaucoup de questions. Depuis quelques semaines son ventre s'arrondit. Elle sent que cette transformation va bousculer son quotidien. Alors elle choisit de fuir, de tenter l'aventure. Elle a une carte dessinée à la main montrant le chemin pour rejoindre la ville, sorte d'Eden où l'on peut vivre sereinement, même adulte.

La BD, assez sombre, montre un pays qui s'est effondré. On ne sait pas pourquoi, mais ce retour aux instincts primaires s'est effectué au détriment du confort. Les amis de Sid, en tentant de la retrouver pour l'aider, croisent d'autres bandes. Certaines vont coopérer, d'autres en profitent. La violence est quotidienne, la peur aussi. Chacun trouve une façon de survivre. 

Sid va intégrer une nouvelle tribu presque plus animale qu'humaine. Les autres vont échouer dans une fête foraine trash et gore. Lentement mais sûrement, le périple se transforme en succession de cauchemars. Cela pourrait être rebutant. C'est en fait passionnant et édifiant sur l'état d'esprit de cette nation, les USA, qui semble sans cesse chercher le meilleur moyen pour précipiter sa chute. 

"C'est où le plus loin d'ici ?" de Matthew Rosenberg et Tyler Boss, Casterman, volume 1, 272 pages, 23 €, volume 2, 152 pages, 18 €

samedi 30 août 2025

Roman noir - Au Sud, la résignation

Bienvenue dans le Snakefoot, région du sud des USA, zone sinistrée théâtre de « Nulle part où revenir », roman de Henry Wise.

Devenir l'adjoint du shérif d'une petite ville rurale de Virginie semblait la meilleure solution pour Will Seems. Il connaît la région pour y avoir passé toute son enfance. Il l'a quittée, comme la majorité des jeunes, pour la grande ville en plein essor de Richmond. Pourquoi alors revenir à Euphoria, près du sinistre marécage de Snakefoot, dans la maison presque en ruines abandonnée par son père devenu avocat ?  Premier roman de Henry Wise, « Nulle part où revenir » est une plongée angoissante et perturbée dans l'esprit de Will. Il n'est pas le narrateur, mais le principal protagoniste de ce roman noir entre ségrégation raciale, violence au quotidien et misère sociale. 

Alors qu'il vient de passer la nuit dans sa voiture au bord de la rivière, Will voit de la fumée au loin. Il se précipite et découvre la maison de Tom Janders en flammes. Il parvient de sortir son ami d'enfance du brasier, mais trop tard. Le shérif Mills arrive sur place pour tenter de réconforter la compagne de Tom, Day Pace : « Elle hurlait, semant son chagrin derrière elle comme une traînée de sang ou de mort. (…) Il la ceintura et elle continua à se débattre, si bien que, pendant un moment, ils semblèrent danser un pas de deux hébété. » Avec une science de la narration étonnante pour un premier roman, Henry Wise distille les indices, présente les protagonistes, intrigue le lecteur. 

Le traumatisme de l'enfance

Will semble perdu dans cette ville qu'il a violemment rejeté à une époque. C'est pourtant son univers, sa base, ses racines. Là qu'il a vécu heureux quelques années, quand sa mère était toujours en vie, avant que son meilleur ami, Sam, ne se fasse littéralement lyncher après avoir tenté de le défendre face à une bande de voyous. Le suicide de sa mère, la fuite de son père, la bienveillance des voisins, les parents de Sam... Will rumine sa culpabilité. Qui va augmenter d'un cran quand il surprend le père de Sam fuyant l'incendie et qu'il comprend que Tom a été tué de plusieurs coups de couteau avant l'embrasement de sa maison. 

Un meurtre, un innocent à sauver, des secrets à garder : le récit devient aussi touffu que la végétation luxuriante de ce Sud infesté de redoutables serpents (mocassins à tête cuivrée) et de marécages entre les immenses champs de tabac. Aidé d'une ancienne policière devenue détective privée, Will va pister le véritable meurtrier, comme pour tenter de trouver une nouvelle raison pour continuer son chemin dans cette région ravagée par des décennies de racisme et d'exploitation des esclaves noirs par les planteurs blancs. L'histoire de Will, Day, Sam et tous les autres, tragique et désespérée, semble le résumé parfait de cette Amérique toujours déchirée par des siècles d'injustice.

« Nulle part où revenir », Henry Wise, Sonatine, 432 pages, 23 €

vendredi 29 août 2025

Roman - Survol du Brésil en famille

A bord d'un avion bimoteur, un père et son fils traversent le Brésil, survolant cet immense pays, trésor écologique déjà malmené au cours de la seconde partie du 20e siècle, période durant laquelle se déroule ce périple raconté par Bernardo Carvalho. 

Ce sont les souvenirs de l'enfant de 11 ans qui permettent au lecteur de découvrir ce père peu banal. « Quand je rentre dans les églises, les saints sortent en courant » aime-il répéter. Profitant de la dictature militaire, cet entrepreneur fait fortune. Il récupère des forêts, les rase pour les transformer en prairies. L'enfant, son radical opposé, aime lire et rester silencieux. Ce roman, sans doute abreuvé de souvenirs personnels, aborde nombre de problématiques. La plus forte restant la relation père-fils, forcément compliquée, jamais idéale. 

Même si la complicité reste forte comme cette fois où le père, pris d'une violente crise de paludisme, confie les commandes de l'appareil à son fils de 11 ans qui n'avait jamais piloté un avion avant.   

« Le remplaçants », Bernardo Carvalho, Métailié, 208 pages, 21 €


jeudi 28 août 2025

BD - Les souvenirs d'un grognard de Métal Hurlant


Dominique Hé a plus que l'âge requis pour prendre sa retraite. Pourtant ce dessinateur, après avoir débuté dans les années 70 à Pilote, continue de publier des albums de BD. Classiques comme son polar historique "Chiens et loups" avec Noël Simsolo au scénario. Mais avec "La porte ouverte", il se risque dans un genre très différent : les souvenirs de jeunesse. Plus de 120 pages pour raconter ses débuts dans le monde de la bande dessinée, notamment quand il intègre les pages de Métal Hurlant sous les bons auspices de Moëbius et Dionnet. 

Une histoire qui devrait passionner tous les passionnés qui ont vécu la découverte de cette revue du côté des lecteurs. Une mine d'informations, la possibilité de passer derrière le décor. Et les plus jeunes découvriront un monde étrange dominé par ces génies que sont Jean Giraud, Druillet, Mézières. Des auteurs confirmés qui aiment donner des conseils aux "petits jeunes" tentant de percer dans le milieu. Dominique Hé en fait partie avec Loisel, Juillard, Le Tendre et tant d'autres devenus depuis des signatures reconnues.


Avant de croiser le chemin de Gir, Hé raconte comment, persuadé d'être un grand peintre, il tente sa chance aux Beaux-Arts. Rapidement, il découvre que ce n'est pas pour lui. Mais comme il est installé à Paris, il poursuit ses études à l'université de Vincennes. Une marmite bouillonnante aux mains des anciens soixante-huitards. Nouvelle désillusion pour le jeune Hé : ce n'est pas là qu'il apprendra les ficelles du métier et à faire progresser son trait. Jusqu'à ce qu'il découvre une porte ouverte, un soir. C'est dans cette pièce que Jean Giraud, célèbre pour dessiner les aventures de Blueberry, donne un cours hebdomadaire à Vincennes. Hé va s'infiltrer, écouter, se passionner et finalement montrer des dessins au maître. Après une critique sévère, le génial créateur de John Difool lui confie des scénarios d'histoires courtes. Les premières publications de Dominique Hé dans le Pilote de Goscinny. Et puis il suivra Giraud devenu Moëbius à Métal Hurlant et, contre l'avis de Manoeuvre mais grâce à l'appui de Dionnet, lancera sa série, Marc Mathieu. 

Avec beaucoup d'humour, parfois un peu de méchanceté, Dominique Hé retrace son parcours dans un milieu fermé et souvent bourré de chausse-trapes. On apprécie l'émergence de toute une génération d'auteurs passés par le cours de Giraud, l'atelier de Moëbius ou les pages de Métal Hurlant. Une certaine idée de la BD, qui pourrait paraitre datée pour certains jeunes, mais qui osait tout en des temps où il était encore interdit d'interdire. 

"La porte ouverte", Dominique Hé, Glénat, 120 pages, 23 €

mercredi 27 août 2025

BD - "Le jour où...", une série pour s'accepter et se bonifier


Pas de grande aventure ni de rebondissements spectaculaires dans les albums de la série "Le jour où...". Béka et Marko (scénario et dessin), tentent plus simplement de nous faire comprendre la vie. Celle de tous les jours, le quotidien qui parfois nous étouffe. Une BD feel good, sans prétention mais qui fait du bien à ceux qui savent s'ouvrir au monde. 

Déjà le 9e tome pour un concept qui semblait assez étrange lors de son apparition (en septembre 2016) dans les bacs des libraires entre les gags pour gamin attardé, l'héroïc fantasy pulpeuse et les polars, noirs, forcément noirs. Au centre de ce nouveau titre, Chantal, déjà vue dans de précédents épisodes. Une romancière. Elle aligne les succès. Sa série cartonne. A chaque rentrée littéraire, son éditeur et ses lecteurs sont impatients. Or, depuis quelques mois, Chantal a perdu le goût d'écrire. Elle est sèche. La page reste blanche. Pire, l'envie de rien. Et rapidement la dévalorisation, l'auto dénigrement. Elle a la nouvelle intrigue en tête, mais n'arrive pas à se lancer dans l'écriture. Elle n'ose pas le dire à son éditeur. 


La seule avec qui elle accepte de se confier c'est Clémentine, la libraire, jeune femme à l'originaire de la série BD depuis qu'elle a "laissé partir le bus sans elle". Clémentine toujours à l'écoute et de bon conseil, suggère à Chantal de faire un break. L'autrice va donc squatter la belle demeure d'amis vivant à la campagne. Et tout en acceptant enfin de laisser tomber la pression, elle va participer à des stages d'éveil à la création et se balader en forêt. C'est entre deux chênes centenaires qu'elle rencontre une femme mystérieuse. Inconnue dont les conseils donnent tout le sel à cet album, un peu théorique par moment. Marko, le dessinateur, a dû développer des trésors d'ingéniosité pour transformer ce discours très intellectuel en scénettes faciles à comprendre, belles et épanouissantes. 

Une BD forcément réservée à un certain public, celui qui croit aux forces de l'esprit. Les matérialistes et autres ambitieux risquent carrément l'apoplexie en découvrant la leçon de l'inconnue des bois.   

"Le jour où elle s'est laissé le temps", Bamboo, 60 pages, 16,90 € 

samedi 23 août 2025

Roman - L'amour, valeur dépassée ?

Jolie variation littéraire sur les vicissitudes de « L'amour moderne » par Louis-Henri de La Rochefoucauld. 

Sous une brillante couverture signée Floc'h, Louis-Henri de La Rochefoucauld, critique littéraire à l'Express, explore ce qu'il reste de l'amour au XXIe siècle. L'amour, à l'heure des nouvelles technologies, est-il moderne ? Pas tant que cela finalement. D'autant que l'auteur se consacre surtout aux amours d'hommes et de femmes du siècle dernier. Ou du moins qui ont débuté leur parcours d'adultes amoureux, à la fin du XXe. Et sans surprise, on se retrouve avec le classique (et pas moderne pour un sou), ménage à trois : le mari, l'épouse et l'amant. 

Ivan, écrivain par accident, marié par hasard, divorcé par raison, vivote dans Paris, alignant les pièces de théâtre légères et les succès. Un confort matériel qui lui permet de faire une pause dans sa production. En réalité, cela fait un an qu'il n'arrive plus à écrire, de plus en plus obsédé par un fait divers qui a bouleversé son enfance. Ivan, contacté par Michel, riche et très influent producteur. Il voudrait qu'il écrive un petit chef-d’œuvre pour son épouse, la célèbre actrice Albane, retirée des plateaux depuis de trop longues années après avoir tout remporté, de la palme d'interprétation à Cannes en passant par un oscar et quantité de césar. Michel considère Albane comme sa « chose ». 

Cette dernière, exemple même de la femme désirant s'émanciper, a repris des études et cherche plus de spiritualité dans la vie. Ivan, peu habitué aux commandes, est récalcitrant. Mais quand il apprend qu'Albane, un peu plus âgée que lui, est directement liée au drame qui le hante toujours, il accepte l'offre. Juste pour en apprendre un peu plus. La malice du romancier transforme cette relation de travail en cour subtile et délicate. Comme quoi, même moderne, l'amour ne s'épanouit pas sans un minimum d'effort. 

Un texte érudit, brillant, léger ; parfait pour comprendre les subtilités de cette étonnante alchimie qui provoque une attirance irrépressible entre deux êtres humains. L'occasion aussi de découvrir les pratiques de ce milieu culturel parisien, souvent boursouflé d'orgueil et de vanité, mais qui parfois est à l'origine d’œuvres mémorables.    

« L'amour moderne » de Louis-Henri de La Rochefoucauld, Robert Laffont, 256 pages, 20 €


vendredi 22 août 2025

Roman – Road-trip féministe au Chili

Originaire du Chili mais vivant en France depuis des années, Nicole Mersey Ortega est blonde. Comme le personnage principal de son premier roman aux accents destroy. La jeune narratrice vit dans une favela de Santiago, mais elle ressemble à une touriste occidentale. La faute à un père français. Qui l'a abandonnée. A l'ombre d'une montagne d'ordures, elle rêve d'évasion, de fête dans le Nord. Avec deux amies, elle économise et fugue. 

Un périple de plus de 1000 kilomètres, vers une fête légendaire à Iquique. Roadtrip agité et surtout très risqué. Dans ce Chili des années 90, la police est corrompue et féroce. Les femmes ne semblent être que de la chair fraîche pour des hommes violents. De plus, un serial killer sévit sur la nationale 5, cette route qui traverse un désert interminable. Le trio a souvent se faire peur. Le lecteur redoute une fin brutale. Mais une vierge noire, ou une dame blanche, semble veiller sur les filles. 

Elles vont vivre des moments épiques (la scène du match de foot à Calama marque les esprits), de grandes frayeurs et quelques désillusions. Le tout raconté dans une langue moderne et vivante, celle des femmes libres, uniquement armées de leurs mots pour repousser les violeurs, tueurs et autres nuisibles.

« Même le froid tremble », Nicole M. Ortega, Editions Anne-Carrière, 176 pages, 19 €

jeudi 21 août 2025

Roman – Amour d'été passager

Premier roman de Robin Watine, « Je rouille » ose l'histoire sentimentale. L'histoire d'amour estivale, sans avenir. A moins que... Léna est Parisienne. Néo vit à l'année dans cette station balnéaire de la Côte d'Azur où elle passe un mois en compagnie de ses parents. Léna et Néo, deux jeunes originaires de milieu sociaux radicalement différents. Pourtant, le temps de ces quelques semaines, entre plage, baignade et sorties nocturnes, leurs mondes vont se croiser, se rencontrer et trouver un petit terrain d'entente. Sexuel au début. Et plus si affinités. Ce roman court et nerveux, se concentre sur les derniers jours, quand les vacanciers commencent à faire leurs valises pour replonger dans le quotidien gris de la grande ville. Noé, narrateur, double du romancier, redoute ce départ. La fin d'une parenthèse enchantée. Il constate, triste et émerveillé en même temps, qu'il tient à Léna. Qu'il est bêtement tombé amoureux de cette fille, a priori inaccessible pour un gamin inculte. Un texte entre mélancolie, regrets et espoirs. Car des vacances il y en a tous les étés. Et la jeunesse des deux protagonistes leur laisse la possibilité de se retrouver dans quelques mois.

« Je rouille », Robin Watine, Calmann-Lévy, 160 pages, 18,50 €

mercredi 20 août 2025

Roman – La drôle d'enfance de la mère d'Amélie Nothomb

Un écrivain puise toujours dans ses racines pour imaginer d'autres vies, d'autres mondes. Amélie Nothomb, pour son traditionnel roman de rentrée, ose parler, presque pour la première fois, de sa mère. Un roman pour raconter cette femme, morte en février 2024. Les trois-quarts du texte racontent l'enfance d'Adrienne, la maman de fiction. Indépendante très jeune, tiraillée entre son père et sa mère, couple dysfonctionnel qui l'a obligée à se dissocier pour tenter de maintenir les liens de la famille. Adrienne, à trois ans, passe un été horrible chez sa « bonne-maman de Gand », la mère de sa mère. Une vieille folle acariâtre, qui lui sert du hareng au vinaigre pour son premier petit déjeuner. Adrienne, révulsée, rend tout dans son assiette. Sa grand-mère l'oblige à manger son vomi. 

Voilà à quoi a ressemblé l'enfance de la mère d'Amélie Nothomb. Mais cela ne l'empêche pas de profiter de la vie, de conseiller sa grande sœur ou de protéger ses parents. Adrienne va aider sa mère quand elle découvre que la nuit elle capture et tue les chats du voisinage. Elle lui trouvera un nouvel amant après la Libération (le précédent, collaborateur notoire, a disparu à l'arrivée des Américains). A neuf ans, Adrienne se transformera en « petite maman » pour Charlotte, la  dernière de la fratrie. Mais comment a-t-elle surmonté ces épreuves ? Tout simplement en adoptant la formule magique du « tant mieux », leçon donnée par sa mère. 

La dernière partie du livre est beaucoup plus personnelle. Une sorte d'ultime confession de l'autrice. Un dernier « je t'aime » à destination de cette femme qui l'a toujours soutenue, même si elle « avait le génie de décontenancer les gens. Elle n'a jamais cessé de me désarçonner aussi. »

« Tant mieux », Amélie Nothomb, Albin Michel, 216 pages, 19,90 €

vendredi 15 août 2025

Roman – Rwanda, un génocide trop français

Enseignant et chercheur en géographie, Michel Bussi, avant de vendre des millions de polars partout dans le monde, a suivi et documenté, dès le début, le génocide des Tutsis par les Hutus en 1994 au Rwanda. En expert sur cette période noire de l'Humanité, il a tissé, autour de la mort d'un million d'innocents en quatre mois, un polar aux airs d'acte d'accusation contre les autorités françaises de l'époque. 

De 1990, arrivée de Jorik Artera, militaire français au Rwanda pour garantir la paix dans ce petit pays africain, à nos jours, ce roman raconte le chemin douloureux d'une famille. Jorik tombe amoureux d'Espérance, une Tutsi. Ils se marient, ont une petite fille, Aline. Cette dernière a trois ans en 1994 quand sa mère traverse le pays avec des hordes de Hutus à ses trousses. Jorik voudrait l'aider, mais son devoir de militaire français l'oblige à laisser s'accomplir l'inimaginable. 

En décembre 2024, Jorik retourne au Rwanda avec Aline, mère de Maé, adolescente. Et l'enfer recommence. Long, passionnant, détaillé, accusateur mais aussi bourré de rebondissements, ce roman de Michel Bussi mériterait dix fois plus le Goncourt que le futur lauréat, désigné début novembre. 

« Les ombres du monde », Michel Bussi, Presses de la Cité, 576 pages, 23,90 €

jeudi 14 août 2025

Polar - Oslo, capitale du « Faux-semblant »

La capitale de la Norvège se prépare à faire la fête. En ce 31 décembre 2018, la population est massée devant l'hôtel de ville d'Oslo pour profiter du traditionnel feu d'artifice. A minuit pile une grosse explosion retentit : une bombe placée dans une poubelle fait quatre morts et de nombreux blessés. Blix, le policier et Emma, la journaliste, le duo d'enquêteurs imaginé par Horst et Enger, romanciers norvégiens, sont dans la foule. 

Après une première aventure (« Que le meilleur gagne » disponible en Folio policier) ils se plongent à corps perdu dans cette histoire qui a tout de l'attentat terroriste. Mais les apparences sont trompeuses. Et comme une des blessées est la mère d'une fillette enlevée dix ans auparavant et jamais retrouvée, Blix en déduit que la bombe n'a pas été placée au hasard. 

On apprécie la complémentarité des héros : Blix, âgé, taciturne obstiné, sert aussi de père de substitution à Emma, dépressive, impulsive et tout aussi obstinée. On suit la progression du duo, allant de découvertes en surprises, réussissant à rester sur le bon chemin malgré les nombreuses fausses pistes placées sur leur route. 

« Faux-semblant », Jorn Lier Horst et Thomas Henger, Série Noire Gallimard, 416 pages, 21 €