La solitude comme art de vivre. Un libraire parisien, fatigué d'une certaine agitation, va vivre en ermite dans une petite maison de la Creuse.
L'homme peut-il vivre seul, en reniant toute émotion, tout contact ? Matthieu, le personnage principal de ce roman de Jean-Marie Chevrier, ne se pose pas la question. Pour lui c'est une évidence, une étape essentielle de sa vie. Il a longtemps été libraire à Paris. Marié, sa femme l'a quitté après des années de vie commune, les dernières passées plus côte à côte qu'ensemble. Ce citadin vend son magasin, prend sa retraite et achète, pour une bouchée de pain, une vieille maison sur un petit terrain dans la Creuse.
Déesse vache
Après quelques travaux afin d'y apporter un minimum de confort, il s'y installe et entame un processus de désocialisation et de retour sur soi. Matthieu va vivre des expériences simples et nouvelles lui permettant de redonner un sens à son existence. Il trouvera notamment de nombreuses réponses en observant les animaux des alentours. Sauvages (salamandre, sanglier...) ou domestiques comme ces génisses ruminant paisiblement dans un champ. Parmi elles, il tombe littéralement sous le charme de Io (le nom de déesse qu'il lui donnera plus tard): « Elle avait un pelage crémeux, avec, dans les plis où s'attachaient les pattes et dans le fanon qui pendait à son cou, des ombres brunes et violettes. Ni plus grande , ni plus forte que les autres, elle régnait sur le troupeau par sa différence. » Matthieu va tout faire pour acheter cette vache, la transformer en animal domestique. Ce sera long, mais elle donnera au fil des mois un peu de cette chaleur qui commence à lui manquer.
Matthieu n'est cependant pas complètement coupé du monde. Jean-Marie Chevrier, entre les longues descriptions de ses balades dans les bois et veillées devant la cheminée, lui fait rencontrer une violoniste et un voisin promenant son fils handicapé (sourd, muet et aveugle) au bout d'une laisse. Mais le cœur du roman c'est cette volonté qu'a Matthieu de faire un bilan sur la vie, sa vie. Il analyse ses attitudes d'avant, quand il était dans la masse. « Incapable d'engagement, terrifié par le groupe, redoutant le sport, craignant d'être assujetti à toute vie associative, il était resté prisonnier de sa liberté. »
Ce paradoxe explique toute sa démarche. Pourtant, car quand surgissent, en plein été, deux randonneurs, tous les sens de Matthieu vont se réveiller. Forcément. Avec une randonneuse dont il soigne les pieds le premier soir pour cause d'ampoules et son mari archéologue pompeux, quitter ces trois années d'hibernation ne sera que finalement, redonner un sens à sa vie. Avec à la clé plaisir futile et amour fou.
« Une lointaine Arcadie », Jean-Marie Chevrier, Albin Michel, 16 €
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