« Série Z », de J. M. Erre, est un roman déjanté où un scénariste immature imagine un film de série Z joué par des acteurs retraités de seconde zone.
Amateurs de bon goût à la française, passez votre chemin. « Série Z », roman de J. M. Erre a tendance à dépasser les bornes. Rien ne semble trop osé pour cet auteur à la plume alerte. Il y a du San Antonio dans les situations scabreuses qu'il imagine. Du politiquement incorrect, à la Jean-Pierre Mocky, un cinéaste régulièrement cité dans ce roman hommage aux nanars, de France et d'ailleurs.
Félix Zac est mieux connu sur le net sous le pseudo de Docteur Z. Il anime un blog entièrement consacré aux pires films de séries Z. Félix, 33 ans, père d'une petite Zoé encore bébé mais déjà turbulente, vit un peu aux crochets de son amie, Sophie. L'animation du blog ne rapporte pas un centime et, au contraire, l'achat de dizaines de cassettes vidéo dans les vide-greniers, grève sérieusement le budget familial. Pourtant Félix sent que son heure est venue. Il va proposer à un producteur son scénario de film d'horreur : « L'hospice de l'angoisse ».
La société secrète des VV
J. M. Erre ne livre pas toutes ces informations d'un bloc. Il aime distiller lentement et entrelarder de digressions les différentes séquences. Entre notes du blog, coupures publicitaires et apartés avec un lecteur de Knokke-le-Zoute, on a droit notamment à de longs extraits du scénario qui vaut son pesant de cacahuètes. L'action se déroule dans une maison de retraite n'accueillant que des acteurs en fin de vie. Tous plus cabotins les uns que les autres, ils sont mesquins, méchants, séniles et rarement propres.
Or en moins de deux mois, quatre pensionnaires ont disparus. De quoi faire cogiter les membres de « la société secrète des VV, alias les Vétérans Vigilants ». A moins que cela ne soit les « Vaillants Valides » ou les « Vigoureux Vioques ». Pour en faire partie il suffit de réussir les trois épreuves de base : « Courir le cent mètres en moins de cinq minutes, retrouver en quelle année nous sommes en moins de dix secondes, changer sa couche tout seul. » Le lecteur sait à partir de ce moment que les personnes âgées du roman ne seront pas forcément très fréquentables. D'autant que certaines sont d'anciennes stars du cinéma porno et que malgré le poids des années, ils sont toujours partant pour quelques galipettes, les contorsions en moins, l'arthrose en plus...
Boucheries productions
Tout se complique pour le héros, Félix, quand il rencontre son futur producteur : « Isidore Boudini, le roi de la bidoche discount ». Ce boucher accueille Félix dans son abattoir rempli de cadavres environnés de rivières de sang. Et lui explique qu'il cherche un scénario pour son fils qui s'est mis en tête de devenir cinéaste. Il tique un peu en lisant le début du scénario (trop de vieux, pas assez de sexe et d'hémoglobine), mais semble emballé après que Félix lui ait assuré qu'il pourrait y rajouter, selon les désirs du producteur, « de la mamelle et du cannibale. » Sans oublier « un monstre marin et un extraterrestre ». Le gros problème pour Félix c'est l'hospice existe vraiment de même que ses personnages. Et la police enquête justement sur ces disparitions qui sont en fait de véritables meurtres. Son scénario transforme Félix en suspect numéro 1.
Totalement déjanté, un peu foutraque mais regorgeant de trouvailles, ce roman, entre la parodie et le polar, est un réel hommage à ce cinéma du pauvre, où souvent le meilleur était dans le titre du film. Des titres repris comme tête de chapitres, de « Y a un os dans la moulinette » (Raoul André, 1974) à « Arrête de ramer, t'attaques la falaise » (Michel Caputo, 1979).
« Série Z » de J. M. Erre, Buchet-Chastel, 20 €
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