mercredi 29 avril 2009

Littérature américaine - Refaire sa vie à 60 ans dans les pas de Jim Harrison

Jim Harrison revient à ses premières amours : un road-movie plein de vigueur avec pour héros un sexagénaire meurtri mais plein d'ardeur.

Si vous avez un petit coup de blues, notamment en constatant que vous vous faites vieux, précipitez vous sur ce roman de Jim Harrison. Vous retrouverez l'allant de vos vingt ans. Quel que soit votre parcours auparavant, vous ressortirez de ces 300 pages, lues forcément trop vite tant elles sont passionnantes, avec une pêche d'enfer et un maximum de projet.

Cliff, le héros de ce roman, avant de se lancer dans sa folle odyssée, est passé par une période noire. A 60 ans passé, il découvre que sa femme le trompe, qu'elle a décidé de vendre la ferme familiale (en ne lui laissant que 10 % du prix de vente) et pour couronner le tout il découvre sa chienne Lola, morte derrière son pick-up. Il croit l'avoir écrasée en revenant d'une de ses beuveries. Un ami lui prouve le contraire, Lola est simplement morte de vieillesse.

D'agriculteur à voyageur

Il va alors changer d'attitude. Après 25 années passées à vivre au rythme des saisons, à surveiller ses bovins et ses cerisiers, il va tenter de réapprendre à être libre comme l'air. Il monte dans sa voiture et décide de traverser les 49 états des USA en une année. Il part du Michigan et met le cap à l'ouest. Le lecteur embarque donc avec ce vieil Américain ayant décidé de remonter la pente de la plus simple des manières : toujours aller de l'avant. Cliff ne part pas complètement à l'aventure. Il a un peu d'argent de côté sur son compte en banque, l'adresse d'une fille facile et aussi celle d'une ancienne élève car avant de retourner cultiver ses terres, il a été prof de littérature.

Le premier choc pour Cliff c'est de se retrouver sans tâche à réaliser sur une ferme qui n'existe plus. Habitué à se lever aux aurores, il s'ennuie un peu le matin. Des heures immobiles durant lesquelles il réfléchit beaucoup sur son sort actuel et sa vie passée. Il découvre ainsi que la météo devient « le cadet de mes soucis ». « Une partie de l'esclavage mental qu'est l'agriculture tient au fait qu'on se dit toujours qu'il fait trop chaud ou trop froid, trop humide ou trop sec, ou qu'une tempête risque d'abîmer les fruits. »

Insatiable Marybelle

L'autre nouveauté pour Cliff, c'est de redécouvrir qu'il peut réaliser des prouesses au lit. Son ancienne élève, Marybelle, la quarantaine, typique desperate housewife, semble insatiable côté sexe. Il n'a pas une minute de repos. Sauf quand elle se met à téléphoner à ses amies. Pourtant Cliff ne supporte pas les téléphones portables. C'était déjà une pomme de discorde avec son ancienne femme, commerciale dans l'immobilier. Même quand ils faisaient l'amour, elle refusait de l'éteindre lui expliquant : « à quoi bon rater une commission de dix mille dollars afin de me faire baiser pour la cinq millième fois ? » Résultat, Cliff, après avoir jeté dans la cuvette des WC le portable offert par son fils, lâche cette sentence définitive : « L'usage du téléphone était bien pire que de marcher sur une crotte de chien ou, la nuit, dans une bouse de vache fraîche. »

Le périple de Cliff sur les routes américaines va se prolonger quelques semaines, le temps de rencontrer, entre autres, un éleveur de serpent à sonnettes, une serveuse gagnant plus en se transformant en modèle pour peintre du dimanche ou un docteur passionné de pêche (et encore plus de femmes infidèles).

Le héros va redécouvrir cette Amérique immortelle, humaine, presque légendaire. Il va se retaper le moral au gré des rencontres et cette embellie va être contagieuse pour le lecteur qui refermera ce livre avec petit pincement au cœur à l'idée de quitter cet homme et cet univers.

« Une odyssée américaine », Jim Harrison, Flammarion, 21 € 

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